© Dieu Nalio Chery/The Associated Press Le président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné chez lui dans la nuit de mardi à mercredi. Les forces de l'ordre combattent toujours certains des assaillants, a déclaré le directeur général de la police nationale d'Haïti, Léon Charles, à la télévision. Ils seront tués ou capturés», a-t-il dit.
Quatre mercenaires ont été tués, deux ont été interceptés sous notre contrôle. Trois policiers qui avaient été pris en otage ont été récupérés», a-t-il affirmé sur les ondes de la télévision.
Environ une heure trente auparavant, le secrétaire d'État à la Communication d'Haïti, Frantz Exantus, avait affirmé que la police avait arrêté des membres présumés du commando qui ont tué le président à son domicile en pleine nuit.
Des présumés assassins du président Jovenel Moïse interceptés par la Police nationale à Pèlerin peu avant 6 h ce soir», a-t-il tweeté, en annonçant des détails à venir à la télévision dans les prochaines minutes».
Pèlerin 5 est le quartier de Pétion-Ville où habitait le président Moïse, en banlieue de Port-au-Prince.
Le juge de paix suppléant de Pétion-Ville, Carl Henry Destin, a affirmé au cours d'une entrevue accordée au quotidien haïtien Le Nouvelliste que le corps de Jovenel Moïse était criblé de balles, sises de la tête à l'abdomen. Le magistrat a dit avoir observé 12 orifices fait à l’arme de gros calibre et avec des projectiles 9 mm».
La mort du chef d'État haïtien, en début de journée, a plongé le pays dans une grande incertitude.
La nouvelle de son assassinat par des assaillants armés avait d'abord été confirmée sur les réseaux sociaux par le premier ministre par intérim Claude Joseph, qui s'est ensuite adressé aux Haïtiens plus tard dans la matinée.
Évoquant un acte odieux, inhumain et barbare», M. Joseph a imputé l'exécution du président de 53 ans à un groupe d'étrangers qui parlaient l'anglais et l'espagnol».
Il n'avait alors évoqué aucune arrestation, mais avait assuré que cette mort ne resterait pas impunie». Il a promis que les assassins de Jovenel Moïse paieraient pour ce qu'ils ont fait devant la justice».
Ce sont la démocratie et la République qui doivent gagner. Les forces obscures vont perdre», a-t-il martelé dans son discours en créole.
Claude Joseph a néanmoins affirmé que la situation sécuritaire [était] sous contrôle», et que la police et l'armée assuraient le maintien de l'ordre.
La première dame à Miami pour y être soignée Le premier ministre avait en outre indiqué que la femme du président, Martine Moïse, avait été blessée» dans l'attaque et était hospitalisée, selon M. Joseph. Les enfants du président sont en sécurité», a-t-il dit.
La première dame haïtienne a été évacuée à Miami pour y recevoir des soins.
Selon des médias locaux de cette ville floridienne, la première dame haïtienne a été emmenée au centre de traumatologie Ryder. L'avion transportant la femme de 47 ans s'est posé à Miami en fin d'après-midi, d'après ce qu'a rapporté le Miami Herald.
Citant les autorités, une station de télévision locale affiliée à ABC News a affirmé que ses signes vitaux étaient stables, mais critiques.
C'est aussi ce qu'avait déclaré plus tôt l'ambassadeur d'Haïti aux États-Unis, Bocchit Edmond, au cours d'une vidéoconférence.
Le diplomate a par ailleurs affirmé que cet acte d'une extrême violence était minutieusement planifié.
Selon lui, des images de vidéosurveillance ont montré que les assaillants se sont fait passer pour des agents de l'Administration américaine de lutte antidrogue (DEA) pour commettre leur meurtre.
© AP/Joseph Odelyn/La Presse canadienne Des soldats haïtiens en patrouille dans Pétion-Ville, le quartier où vivait le président assassiné. État de siège» pour 15 jours M. Joseph a en outre annoncé dans son discours à la nation qu'il instaurait un état de siège». Cela sera en vigueur pour 15 jours, a annoncé le gouvernement par le biais du Journal officiel de l'État en après-midi.
L'arrêté ministériel, signé par une quinzaine de ministres, précise que la force publique» haïtienne peut désormais :
- « faire des perquisitions dans le domicile de toutes personnes aux fins de recueillir toutes informations permettant d’appréhender les assassins »;
- « interdire toutes réunions qu'elle juge de nature à exciter ou à entretenir le désordre sur le territoire de la République »;
- « contrôler l’accès aux voies de circulation »;
- « renforcer les dispositifs de sécurité »;
- « instaurer des mesures de sûreté spéciales »;
- « prendre toutes mesures généralement quelconques permettant d’arrêter les assassins du chef de l’État ».
L'arrêté décrète par ailleurs deux semaines de deuil national, soit jusqu'au 22 juillet.
Vidéo: Président haïtien assasiné (Radio-Canada
Le Journal officiel précise en outre que le Conseil des ministres, sous la présidence du premier ministre» exercera le pouvoir jusqu’à l’élection d’un autre président.
Le Conseil de sécurité de l'ONU réclame justice Les 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont réclamé mercredi soir dans une déclaration adoptée à l'unanimité que les auteurs de l'assassinat du président haïtien Jovenel Moïse soient rapidement traduits en justice» pour ce crime odieux».
Le Conseil de sécurité appelle toutes les parties à rester calmes, à faire preuve de retenue et à éviter tout acte qui pourrait contribuer à accroître l'instabilité».
Il réclame aussi vivement à tous les acteurs politiques en Haïti de s'abstenir de tout acte de violence et de toute incitation à la violence», indique la déclaration.
À l'initiative des États-Unis et du Mexique, le Conseil de sécurité doit tenir jeudi en milieu de journée une réunion d'urgence à huis clos sur la situation en Haïti.
Stupeur dans le pays Selon les premiers échos de la capitale, Port-au-Prince, la situation demeure calme dans les rues. D'après le rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste, Frantz Duval, le choc et la stupeur sont les sentiments prévalents.
Ça ne semble pas créer de tensions» dans les rues, indique aussi Étienne Côté-Paluck, collaborateur de Radio-Canada en Haïti, dans une entrevue accordée depuis Cayes-Jacmel.
C’est surtout la consternation qu’on entend, même du côté [des membres] de l’opposition, qui étaient de farouches opposants au président Jovenel Moïse. On indique qu’on n’appelait pas à son meurtre.»
Selon lui, un soulèvement populaire apparaît improbable parce que Jovenel Moïse n’avait pas une grande base populaire».
Donc, il n’y a pas de gens qui vont se soulever pour défendre son honneur. À l’inverse, […] l’opposition se retrouve finalement gagnante [soit] sans opposant», souligne-t-il.
L'assassinat de Jovenel Moïse plonge le pays plus loin encore dans l'instabilité. Jovenel Moïse avait nommé lundi Ariel Henry à titre de nouveau premier ministre, mais celui-ci n'était pas encore entré en fonction.
© AFP/VALERIE BAERISWYL/Getty Images Des policiers haïtiens sont à la recherche de preuves dans les alentours de la résidence de la famille Moïse. Avant même la publication de l'arrêté ministériel instaurant l'état de siège, Frantz Duval estimait que Claude Joseph était en bonne position pour se maintenir en poste, puisqu'il est le seul qui a une autorité ou quelque chose qui s'apparente à une autorité», et que M. Henry [...] n'avait pas encore été installé».
Le chef de la Cour de Cassation, qui aurait pu prendre la tête de l'État, selon la Constitution, est mort le mois dernier des suites de la COVID-19 et n'a pas été encore remplacé.
Crise politique et sociale majeure © AP/Joseph Odelyn/La Presse canadienne Trois femmes marchent dans une rue de Pétion-Ville, où la présence de l'armée est bien visible. Haïti vit une crise politique et sociale majeure depuis plus d'un an.
C'est le pays le plus pauvre du continent américain et l'insécurité sociale y est amplifiée par la présence des gangs qui multiplient les enlèvements et les assassinats. Jovenel Moïse était accusé de fermer les yeux devant ces violences et de laisser la situation se gangrener.
Un journaliste et une militante d'opposition ont d'ailleurs été tués il y a un peu plus d'une semaine, suscitant un tollé à l'international.
Les violences, centralisées dans l'ouest de la capitale, ont forcé de nombreux habitants hors de la ville.
Depuis son assermentation, M. Moïse a fait face à de nombreuses contestations populaires et un nombre toujours grandissant de voix appelaient à sa démission.
Les manifestations à ce sujet s'enchaînaient depuis 2019, avec des dizaines de morts et de blessés lors d'affrontements avec la police. Le président était toutefois déterminé à terminer son mandat en février 2022.
Jovenel Moïse affirmait d'ailleurs avoir échappé à une tentative d'assassinat et de coup d'État en février dernier.
Des accusations de corruption Élu en novembre 2016 sous la bannière du Parti haïtien Tet Kale (PHTK) de l'ancien président Michel Martelly avec tout près de 56 % des voix, Jovenel Moïse aura connu une vie politique mouvementée.
Celui qui a pris les rênes du pays en 2017 a essuyé nombreuses accusations de corruption ces dernières années.
Il avait été déclaré vainqueur du premier tour de l'élection présidentielle d'octobre 2015, mais le second tour avait été annulé en raison d'accusations de fraude entourant le scrutin. Haïti avait alors hérité d'un gouvernement intérimaire, élu par le Parlement.
La victoire de Jovenel Moïse en 2016 avait aussi été entachée de plusieurs irrégularités, selon le tribunal électoral haïtien, ce qui avait déclenché de grandes manifestations au pays. Il avait tout de même été élu pour un mandat de cinq ans.
Issu d'un milieu modeste du nord du pays, M. Moïse n'était pas un politicien de carrière. Avant d'être porté à la tête du pays, il était PDG d'Agritrans, une entreprise de production et d'exportation de bananes.
Des accusations de blanchiment d'argent, datant de son passage dans le monde des affaires, pesaient encore sur lui au moment de son élection.