7 juin, 2008

Ô MORTS POUR LA PATRIE

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 14:11

Ô MORTS POUR LA PATRIE ou les victimes de la conscription au XIXe siècle

Souvent ignorés ou négligés par les amateurs d’histoire locale, les vieux registres des délibérations municipales ,en dépôt dans nos mairies ,fournissent souvent des aperçus intéressants sur la vie quotidienne de nos anciens.
Ainsi, en juin 1855,une lettre arrive à la mairie de Diedendorf (Bas-Rhin), double feuille pliée cachetée à la cire, car à l’époque les enveloppes n’existaient pas. L’en-tête de cette lettre renseigne sur la personne de l’expéditeur :M .Thuvien, imprimeur-lithographe de sa Majesté l’Impératrice et du Sénat, est domicilié 4 place de l’Odéon à Paris, où lors de l’exposition universelle de 1849, ses qualités professionnelles lui ont valu la médaille de bronze.
Thuvien s’adresse au maire pour solliciter une copie de l’acte de naissance d’un certain Joseph Hertel, âgé d’environ 31 ans, et natif de Diedendorf, canton de Drulingen. « Ce garçon » précise l’imprimeur, « remplace mon fils, et cette pièce lui est indispensable pour être reçu. Je vous prie donc de me faire passer cet acte le plus tôt possible. J’ai aussi l’heur de vous faire porter deux francs pour vos frais. Vous obligerez infiniment votre dévoué serviteur ».
En marge, l’instituteur-greffier Pierre Faesz ajoute que l’extrait a été envoyé le 13 juin…Joseph Hertel est né le 11 janvier 1824. Son père, Antoine Hertel, natif de Phalsbourg, s’est établi au village pour y avoir trouvé un emploi dans l’une des trois tuileries. En 1822, il épousera Marguerite Scherer. Leurs descendants quitteront le village ( notons qu’à l’époque, les registres ne mentionnent guère les émigrations ,dont seuls les actes notariés répercutent parfois l’écho).Dans le cas des Scherer-Hertel ,c’est la lettre de Thuvien qui permet de retrouver leurs traces. Ils se sont manifestement établis dans la région parisienne, où leur fils s’apprête à se vendre comme « soldat remplaçant ».
La possibilité de se constituer un pécule en allant se battre, et souvent mourir à la place d’un autre, remonte à l’époque de la Révolution. Sous l’Ancien Régime en effet, le service militaire obligatoire n’existait pas. L’état se constituait une armée en embauchant
des mercenaires étrangers, auxquels pouvaient se joindre des volontaires autochtones qui, rétribués eux aussi par une solde, devenaient alors soldats de métier.
C’est en 1796 que le Gouvernement Révolutionnaire votera la loi de la Conscription qui régira désormais le recrutement. Dès lors, tous les Français âgés de vingt ans (non mariés) seront « inscrits ensemble », c’est à dire « conscrits »sur des listes, d’abord municipales, plus tard cantonales, où le contingent imposé était prélevé. Venait ensuite le jour fatidique du tirage au sort où, parés de rubans, « striessle » (petits bouquets de fleurs artificielles), les conscrits du canton s’entassaient sur des charrettes à ridelles, et en route pour Drulingen !…Là-bas, à la mairie, les attendait l’urne, d’où chacun allait tirer un billet numéroté, qui déciderait de son sort. Car pour un contingent exigé de cent hommes, par exemple, ceux qui tireraient les chiffres de 1 à 100 seraient, à l’exclusion des autres, déclarés « bons pour le service », un service qui pouvait durer des années…
C’est pourquoi, notamment en temps de guerre ,les anti-héros recouraient-ils à des expédients, choisissant entre deux maux, le moindre : certains se mariaient en catastrophe, fût-ce avec des sexagénaires, tandis que d’autres optaient pour une forme différente de courage en se mutilant…Se trancher d’un bon coup de hache le pouce ou l’index de la main droite entraînait effectivement l’incapacité d’appuyer sur la gâchette du fusil, donc l’exemption. Quant aux plus fortunés, ils se payaient un remplaçant, à raison d’une « indemnisation », qui équivalait à au moins quatre années de solde. C’est dans un tel contexte que Joseph Hertel accepta la proposition de M.Thuvien qui cherchait à préserver son fils des dangers d’une expédition lointaine. Car depuis 1854, Napoléon III est engagé aux côtés de l ‘Angleterre et de la Turquie dans un conflit avec la Russie. C’est la guerre de Crimée, qui se terminera en 1856 par la défaite du tsar.
On ignore si le fils Hertel est revenu de Crimée. En revanche, nos registres d’état civil mentionnent trois citoyens de Diedendorf ayant laissé leur vie dans cette presqu ’ile de la Mer Noire, non pas sur les champs de bataille, mais à l’hôpital de l’Armée d’Orient, par suite de choléra, de pneumonie et de fièvre typhoïde.
Outre ces soldats de la campagne de Crimée, les registres de la commune énumèrent d’autres morts en terre lointaine, en Espagne, où les « grognards » de Napoléon furent mis à rude épreuve dans ce que l’on appela le « guêpier espagnol », en Algérie à l’époque de la colonisation ou encore en Guadeloupe et à Tahiti. S’ajoutent en outre à ces militaires en campagne tous ceux qui décédèrent de dysenterie chronique, de fièvre ataxique ou de phtisie pulmonaire dans les hôpitaux de la métropole. Entre 1809 et 1872, on relève pour Diedendorf vingt et un décès de soldats, et l’on peut déduire que sur la même période les villages environnants ont dû payer un tribut équivalent.
Malheureusement, faute de support, les noms de ces victimes n’ont pu se fixer dans la mémoire collective, la coutume des monuments aux morts ne s’étant répandue qu’après la guerre de 14-18. Dès lors, ce sont ces stèles qui firent office d’aide-mémoire, et je nous revois, enfants, sous les tilleuls du cimetière lors des cérémonies du 11 novembre…Nos yeux fixés sur les noms familiers gravés sur la plaque de marbre, nos voix grêles un peu nouées par l’ambiance solennelle, nous chantions « Martyrs sacrés ou fiers vainqueurs, ô morts pour la patrie…. »
Par souci d’équité, associons enfin au devoir de mémoire ces disparus du XIXe siècle qui font eux aussi partie de notre histoire.

HEIDEKARL’S LEBEN UND STERBEN par C. Brohm

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 14:21

Er war Korbmacher, hiess Karl Winterstein, und kam am 20 Januar 1830 in Heideneck bei Wingen zur Welt.
Wer von der Station im schönen Modertal aus, die Hauptstrasse nach Bitche einschlägt, vielleicht um das keltisch-christliche Denkmal des Zwölfapostelsteins zu besuchen, kommt dicht hinter Wingen durch das Filial Heideneck.
Es ist eine alte Winterwohnstätte herumziehender Korbmacher, Kesselflicker und Siebmacher, eines Bastardgeschlechts von heimischen und zugezogenen Nomaden aus den Balkanländern.
Dort, in einer ärmlichen Behausung, verlebte der Heidekarl ein gut Teil seines Lebens, zunächst als Heidebübel.
War das eine feine Zeit damals! Goldene Freiheit überall, und Nahrung in
Hülle und Flle !selbst im Winter.
Gab’s nicht Reh oder Hase, so doch Fuchs, Igel, Hund und Katze!
Man musste es nur zu bereiten wissen. Und dann die Wanderung in die weite Welt! Wenn in den dunklen Tannen, hinter dem Hüttendorf das Lied des Frühlings anhub, wenn unten am Bächlein die dicken Knospen der Butterblume ihr leuchtendes Gelb zu Tag schickten, dann ging’s mit Vaters Karren hinaus ins freie Wanderleben.
So war’s viele Jahre, und aus dem Karele wurde der Heidekarl. Wo einst seine braunen Kinderfüsse den Staub und Kot fremder Strassen gemessen, da schritt er nun als Mann. Wie er mit seinen vielen Kindern durch’s Leben kam? Ja nun, anspruchslose Menschen können viel ertragen und entbehren. Aber ehrlich und fleissig war er, das bezeugen ihm noch heute alle die ihn bereits vor 50 Jahre kannten.
Das er auch die Gefängnissmauern von innen gesehen hat, kommt nicht auf das Konto einer unehrlichen Handlung auf Kosten der sesshaften Bevölkerung ,sondern auf die traditionnelle Heldenhäftigkeit derer von Winterstein, die sich von Zeit zu Zeit gegenseitig die Köpfe blutig schlugen. Dieses Volk hat andere Gesetze wie wir, es schaft sich Genugtuung ohne Richter. Als der Mann seiner Tochter sie in einem Ausbruch von Leidenschaft tot schlug, verfolgte ihn der Heidekarl wie ein echter Miridith, um die Blutrache zu üben, jahrelang. Dass er keinen Erfolg dabei hatte, quälte ihn bis in seine letzten Tage hinein.
Der Tod seiner Frau machte ihn bald alt. Und er zog zu den Kindern, die sesshaft geworden waren. Doch hielt er’s nicht aus bei ihnen. Er musste wandern.
So liess er sich in Erinnerung an seinen einstigen schönen Wagen einen Handkarren anfertigen, spannte über die hochgewölbten Haselgerten eine weisse Leinwand und legte sich selbst in die Sielen. Er besuchte jetzt nur noch vier Dörfer, Rimsdorf, Hinsingen, Altweiler und Diedendorf.
Hier lernte ich ihn vor einigen Jahren kennen. Noch immer ein stattlicher Mann ,von grossem breitem Wuchs und aufrechtem, stolzem Gang.
Sonnenverbrannt das Antlitz, mit der kühnen Nase und den wahrhaft treuen Augen. Lang und weiss der Bart, wie bei einem arabischem Scheik im Märchen. Darum zog’s die Kinder zu ihm. Der Tag seiner Ankunft im Dorf war stets ein Fest für sie.
So war’s auch dies Jahr, als er vor etwa drei Wochen bei uns eintraf. Allabendlich bot sich immer das gleiche Bild : unter einem Apfelbaum der Patriarch am Boden kauernd, vor ihm auf einem Dreifuss die berusste Pfanne, im Kreise 6-10 Kinder, die im Feuer stocherten und seinen Erzählungen lauschten, im Hintergrund der Karren, in dem der grosse Mann, mit hochgezogenen Beinen, die Nachte durchschlief, zwischen Blitz, Donner und Hagelschauern, inmitten von Nachtigallenschlag und Heimchensang.
Und auch die Alten mochten ihn gern, den Heidekarl. Nie hat er gebettelt, und sein Fleiss beim Körbeflechten nötigte Achtung ab.
Da kam plötzlich der Tod. Hinten in den Gärten, unter fruchtbeladenen Zweigen, griff er ihm ins Herz und hiess es stillstehen, wie das Werk einer Uhr. Sein Haupt ruhte auf einem Bündel biegsamer Ruten, die er sich eben erst für weitere Arbeit geschnitten hatte. Die weiche Hand des Friedensengels hatte die braunen Züge geglättet, damit auch seine Lieblinge, die Kinder, ihn noch im Tode schauen konnten .Und sie taten es mit Tränen.
Nach den üblichen gerichtlichen Formalitäten wurde ein katholischer Priester benachrichtigt, der auch die Einsegnung der Leiche zusagte. Er kam anderen Tages. Ein selten gesehener Zug bewegte sich nun vom Leichenhaus aus nach dem evangelischem Friedhof. Feierliches Glockenläute . Die evangelischen Kinder setzten sich mit ihrem Lehrer in Bewegung. Es folgt der katholische Priester im Ornat, leise betend. Dann der Sarg. Dahinter zwei Söhne des Verstorbenen, aus Lothringen herbeigeeilt. Zuletzt die evangelische Bevölkerung….
Der Sarg wird in die Grube gesenkt, besprengt mit dem heiligen Wasser aus des Priesters Hand. Drei Schollen, stille Andacht, das Grab schliesst sich und Kinderhände legen Efeukränze drauf.

So ruht der Heidekarl zwischen seinen evangelischen Brüdern, in der vornehmsten Reihe die der Friedhof zu vergeben hat, da wo die Lindenzweige am Kirchweg seltsame Zwiesprache halten mit den Grabkreuzen.
Und im nächsten Sommer wird der Besucher blaue Vergissmeinnicht und rote Rosen finden auf dem Heidengrab, aus Kinderherzen dorthin gepflanzt in Erinerung an Heidekarls Freundschaft und Liebe, und in Erfüllung des Wortes aus dem Munde des königlichen Meisters von Nazareth : “ daran wird jedermann erkennen, dass ihr meine Jünger seid, so ihr Liebe untereinander habt! »
Gestorben den 21 Juni 1910.

ZINCKE MICHEL

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 14:03

In unserer Kindheit erzählten die Alten uns oft von Zincke Michel, dem Schulmeister der reformierten Gemeinde, der schätzungsweise ab 1820 etwa, das Amt des Erziehers mit seinem lutherischen Kollegen Peter Faesz teilte.

Damals herrschte nämlich zwischen Lutheranern und Reformierten eine Absonderung, die uns heute unglaublich und absurd erscheinen mag. Es fällt uns schwer, uns vorzustellen, dass die Gemüter unserer Vorfahren sich über ein Paar dogmatische Spitzfindigkeiten erhitzen konnten. Dennoch sollen sie sich darüber sogar in den Wirtshäusern manchmal in die Wolle geraten sein : es ging darum ob unser Vater im Himmel sie vom Übel oder vom Bösen erlösen sollte, oder ob es nun der irdische oder der himmlische Leib Jesu war, den sie beim Abendmahl verzehrten…

Dieser Zwist hat etliche Jahrhunderte überdauert, und ist, im Krummen Elsass, eigentlich erst mit dem zweiten Weltkrieg, in Vergessenheit geraten.

Es ist anzunehmen, dass die tieferen Ursachen dieses Streits wohl nicht nur religiöser, sondern auch sozialer Art waren.

In der Tat, stellen wir fest, was Diedendorf anbetrifft, das die grösseren Grundbesitzer, die sogenannten Pferdsbauern, in der Mehrzahl Lutheraner waren. Sie bildeten im 19.Jahrhundert den Dorfadel, und betrachteten sich als das alteingesessene Element der Bevölkerung, während die Reformierten immer noch als „Zugezogene“ eingestuft wurden, mit einem Anflug von Geringschätzung, wie das eben bei Gastarbeitern so üblich ist.

Jedenfalls galt ihr Schulmeister, Zincke Michel, als ein miserabler Pädagoge, so dass man zu seiner zeit von einem Analphabeten spöttisch zu sagen pflegte : “das ist sicher ein guter Reformierter!“

Bei Lehrer Faesz hingegen herrschte Zucht und Ordnung. Durch mündliche Ueberlieferung von Baerwels Vetter erfahren wir, dass die Schulkinder den Unterricht stehend anzuhören hatten; nur der kleine Gassert mit dem Klotzfuss durfte sitzen bleiben. Das Mitbringen von Broten für die Pause war strengstens verboten, um, wie der Lehrer sagte, die Kinder der Armen nicht „verlänglich zu machen“.

Ein eigentliches Schulhaus gab es damals noch nicht, wie wir es im Kadaster von 1837 feststellen können. Die Schule wurde in einem Privathaus des Dorfes absolviert, meistens im Haus des Lehrers, falls dieser eines besass.

Wahrscheinlich versammelten sich die lutherischen Kinder in „Faesze Hüs“, welches die Gemeinde später den Urenkeln des Peter Faesz abgekauft hat, um darin die Mairie und eine Lehrerwohnung einzurichten. Bis vor einigen Jahren hat auch Lehrer Rieger noch da gewohnt.

Zincke Michel hielt Schule im Hause seiner Frau, Maria Elisabeth Zinck (1797-1854), heute das Haus N° 87 (Brion-Karcher). Es war wohl ein liebliches Durcheinander in der engen Stube, die „Schreibkinder“ um den Tisch herum gedrängt, die „Lesekinder“ am Boden hockend, mit Michels Haselstock im b-a-ba unterwiesen, das sie im Chor herunterleierten, sodass die ganze Herrengass gratis am Unterricht teilnehmen konnte.

Zincke Michel hiess eigentlich Noe, und stammte aus der Pfalz, sagte mein Grossvater.
Wir haben in den Urkunden nachgeprüft : “den 28.10.1879 wurde in Diedendorf beerdigt Johann Michael Noé, Sohn von Heinrich Jacob und Elisabeth Schlimer, geboren zu Dellfeld (Rhein-Bayern), den 25.6.1798, gestorben im alter von 81 Jahren, 4 Monaten und 1 Tag. Der verewigte bekleidete vor Jahren das Schullehreramt an hiesiger reformierter Gemeinde“.

Dazumal war der Schulmeister nicht unbedingt eine angesehene Persönlichkeit. Er stand bescheiden auf der untersten Sprosse der Beamtenhierarchie, und war, in sozialer Hinsicht, den Hirten des Dorfes gleichgestellt.

In den Augen der Einwohner jedenfalls scheint Zincke Michel eher eine etwas lächerliche als eine respekgebietende Rolle im Dorfleben gespielt zu haben, und bis heute noch zitiert man einige seiner Ausdrücke oder Redensarten, obwohl man meistens nicht mehr weiss woher sie stammen:
-„iwerhupps! Dr Deiwel weiss wie’s heisst!“
So sagte er zu den Schülern wenn sie, beim französischen Leseunterricht über ein schwieriges Wort stolperten.
Denn der Ärmste war auch dazu berufen, seinen Zöglingen die elementaren Kenntnisse der Nationalsprache einzupauken. Für sie wie für ihn war dies eine Fremdsprache, und sie werden sich wohl miteinander ohne grosse Überzeugung ein paar Viertelstündchen pro Woche damit abgequält haben.
-Denne accent aigu unn denne accent grave, die kann ich behalle, sagte er noch, awer denne mit dem Hietche uff, (damit war der accent circonflexe gemeint), der will mer nit in de Kopp!

Nun, äusserst wichtig war das ja nicht .Die Umgangsprache blieb Deutsch, und von der Regierung wurde in dieser Hinsicht keinerlei Druck auf die Bevölkerung ausgeübt. Sie unterschrieben nach wie vor Hans Nickel statt Jean Nicolas, Peter statt Pierre, in gothischer Schrifft, und auch die Akten wurden auf deutsch verfasst:“…Im Jahr 10 der Franken Republik..“.

Und der Staat hatte ja sowieso keinen Einfluss auf die Laufbahn eines Schulmeisters : seine Ernennug und seinen bescheidenen Lohn schuldete er allein der Kirche; darum war auch eines der Hauptfächer im Schulwesen der Religionsunterricht.

Ausserdem, sobald im Früjahr die Feldarbeiten begannen, nahm die Zahl der Schüler zusehends ab, bis dann eines Tages die Schulstube ganz leer blieb.
Die „grossen Ferien“ dauerten bis den Spätherbst hinein. Zincke Michel jedoch fuhr nicht nach dem Süden. Er bestellte sein Stückchen Land, führte seine Kuh auf die Weide, den Feldwegen entlang, und verdingte sich als Taglöhner um überleben zu können.

Das Lehreramt war also damals eine Art Nebenberuf, der oft vom Vater, bei dem dieser das Handwerck erlernt hatte, auf den Sohn überging.

Zincke Michel scheint einer dieser Schulmeisterfamilien zu entstammen. So lesen wir, in den Beilagen von Matthis „Leiden der Evangelischen. “Seite 263:
Noé“ : erster Bekannter Vertreter Paul Noé, etwa 1680 zu Diedendorf. Er starb 1708 zu Goerlingen, wo sein Sohn Schulmeister war.“
Ein Paul Noé, vielleicht besagter Schulmeister zu Goerlingen, erscheint auch im alten Kirchenbuch von Diedendorf : den 5.2.1709 heiratet er Anna Maria Giard.
Ausserdem haben wir in den Urkunden entdeckt, dass der Vorgänger des Zincke Michel ebenfalls Michel Noé hiess. In welcher Weise sie miteinander verwandt waren lässt sich jedoch nicht mit Gewissheit feststellen. Hier, zum Vergleich, die Daten:
-Michael Noé geb.1766 zu Keshoven, gest.1818 zu Diedendorf, Sohn von Heinrich Jakob und Charlotte Wenger, verheiratet mit Charlotte Schneider.
-Johann Michel Noé geb.1798 zu Dellfeld, gest.1879 zu Diedendorf, Sohn von Heinrich Jakob und Elisabeth Schlimer, verheiratet mit M.Elisabeth Zinck.

Onkel und Neffe vielleicht? Nach Diedendorf zurückgekehrt weil ihre Vorfahren von hier stammten? Wir müssen uns mit Vermutungen begnügen.

Und nun kommt noch ein dritter Noé hinzu. Es handelt sich um Ludwig Wendel, 1814 in Altwiller geboren, wo sein Vater Johann Heinrich Ludwig ebenfalls Schulmeister der dortigen reformierten Gemeinde war.

In den Urkunden wird er einmal als „Anverwandter“ des ersten Noé Michel ,oder vielmehr dessen Sohnes bezeichnet, mehr wissen wir nicht.

Dieser Ludwig Wendel wohnte also in dem Haus, das heute Willy Meyer gehört, und das in früren Zeiten zu den Besitztümern des Schlosses zählte.
Er war verheiratet mit einer Schuhmacherstochter aus Sarre-Union, Eva Elisabeth Peter, “genannt Caroline“, deren Mutter eine Gachot war. Und Seine beiden Söhne, Ludwig (1845) und Georg (1852) wurden in hiesiger Kirche getauft und konfirmiert, wonach sie nicht mehr in den Urkunden vorkommen. Sie sind also ausgewandert, um sich anderswo niederzulassen.
Die Tochter von Ludwig Wendel, Eva Caroline (1847-1929) heiratete im Jahre 1871 Claude -Victor Chenel, Pächter in Tarquimpol bei Dieuze. “Noé Victorine“, die bis zum zweiten Weltkrieg noch ab und zu nach Diedendorf kam, war ihre Tochter.

Noés Haus also wurde früher „Chenels Hüss“ genannt, und 1871 figuriert ein Joseph Chenel als Taufpate eines Kindes der Familie Striffler, Eigentümer des Diedendorfer Schlosses. Die Striffler besassen ausserdem grosse Pachthöfe in Lothringen, davon einen vielleicht in Tarquimpol?
-„Tarquimpol? sagte meine Kusine. Da fällt mir etwas ein : meine Grossmutter Magnus erzählte mir oft aus ihrer Jugend, unter anderem auch von einer langen Reise per Kutsche, Sonntags haben die Noés sie manchmal mitgenommen zu einem Familienbesuch auf dem „Daggebol“. Sie sprach von viel Wasser ringsumher, von einer schnurgeraden Strasse, und just am Ende dieser Strasse stand das Haus.

Wir haben de „Daggebol“ besichtigt. In dem kleinen Dorf, das auf einer Halbinsel im Lindenweyer liegt, ist noch etwas vom Zauber der alten Welt zurückgeblieben, und die Reisebeschreibung der Grossmutter Magnus stimmt haargenau : am Ende Strasse steht das einstige Haus Chenel, das hat uns eine Einwohnerin bestätigt, die jedoch über die Vergangenheit des Dorfes nicht besonders informiert zu sein schien.

So haben wir dann das Moos von den Grabsteine gekratzt auf dem kleinen Friedhof, um die Inschriften zu entziffern : “Claude Chenel-Noé, Maire de Tarquimpol, zwei Ehrenmedaillen als Belohnung für “guten Taten „ ruht dort neben seiner Gattin Caroline.

Das Grabmal des Ludwig Wendel Noé steht noch auf dem alten Diedendorfer Friedhof, hinten beim Turm, zwischen den Zypressen. Es steht dort geschrieben das er 1883 durch einen Unfall ums Leben kam, und im Kirchenbuch erfahren wir etwas mehr darüber : “Er fiel von einer Leiter und starb kurz nachher“.

Und nun zum Michael Noé dem Ersten.
Er wohnte in dem Haus wo heute noch seine Ur-Ur Urenkelin wohnt (Lauche). Sie ist die letzte Trägerin des Namens in Diedendorf.
Auch dieses Haus hatte eine Beziehung zum Schloss : dort nämlich mussten die Einwohner die Zehntensteuer abliefern, d.h.den zehnten Teil ihrer Ernte, der dem Landesherrn und der Kirche zukam.

Was nun den Hausnamen anbetrifft, der, den Jahrhunderten zum Trotz, immer noch allen Diedendorfer geläufig ist; er stammt von Michaels Schwiegermutter, Henriette Justine Lauch (1742-1826), Tochter des Johannes Friederich Lauch, Handelsmann aus Kirn im Hunsrück, und der Susanna Haldy.

In dem 1983 erschienen und äusserst interessanten Buch von Albert Girardin, “Kirrberg im Krummen Elsass“, erfahren wir Näheres über die Familie dieser Susanna : ihr Vater Kirchenschaffner der Grafschaft in St Arnual bei Saarbrücken, war, als Verwalter des Kirchenguts, ein ziemlich hohes Tier, und ihre Mutter erscheint in den Chroniken von anno dazumal als eine ungewöhnliche Persönlichkeit:
„…Die damals 72 jährige Witwe des Schaffners von St Arnual war eine rüstige und energische alte Dame. Für damalige Verhältnisse war sie reich, denn sie besass Häuser, Freihöfe, Pachthöfe, Wiesen und Geld im Krummen Elsass und in der Schweitz, hatte aber auch zwölf Kinder zu versorgen. Als sie am 17.Mai 1757 ihr Testament errichten wollte, traf der Notar die 97 jährige im Hause ihrer Tochter Susanna Lauch in Diedendorf, “an einem Stock im Hause herumgehend ,bei volkommener guter Leibes-und Gemüths-Constitution „an. Sie unterhielt sich mit dem Notar „mit wundernswürdiger présence d’esprit und ohnturbierter Gemütsverfassung…“.
Katharina Haldy starb am 21. oktober 1757. Sie hinterliess 102 Enkel, 172 Urenkel, und 2 Ururenkel; Zahlreiche Bewohner des Krummen Elsass haben sie in ihrer Annentafel, auch der Pfalzburger Schriftsteller Emil Erckmann zählt zu ihren Nachkommen“.

Die Haldy scheinen zur über zahlreiche Dörfer zerstreuten Gemeinde des Pfarrers Samuel de Perroudet gehört zu haben, der von 1696 bis 1748 seinen Wohnsitz in Diedendorf hatte und für die reformierte Diaspora der Umgebung zuständig war, denn im alten Kirchenbuch kommt der Name Haldy häufig vor.

Im Jahre 1727 verheiratet sich also Suzanna Haldy in der Diedendorfer Kirche mit Johann Friederich Lauch, und aus dem alten Taufregister entnehmen wir dass ihnen sechs Töchter geboren wurden .Zwei davon verheirateten sich mit hiesigen Bürgern, und ihre Nachkommen leben heute noch in unserer Gemeinde .Es sind dies Maria Suzanna Lauch, Ehefrau von Peter Lamy, und Henrietta Justine Lauch, verheiratet in erster Ehe mit dem Leinenweber Heinrich Schneider, und in zweiter Ehe mit Michel Lamy, Charlotta Schneider, die Tochter dieser Henrietha, heiratet im Jahre 1793, den Schulmeister Noé Michel.
Über deren Nachkommen ist weiteres in folgendem

PÄXER ET PEAUX-ROUGES

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 14:00

PÄXER ET PEAUX-ROUGES, ou l’aventure de la généalogie

Mon propos aujourd’hui est de mettre en évidence les surprises, que peuvent réserver à ses adeptes la recherche généalogique. Souvent considérée comme une manie fastidieuse de rentier collectionnant des ancêtres -comme d’autres des boites de camembert-, elle est en fait un fascinant «thriller», grâce aux histoires extraordinaires, que cache souvent son apparente aridité.

Vers 1730 s’est amorcé dans le Comté de Sarrewerden un exode massif, dû en partie à la misère, en partie à l’appel du grand large et aux légendes dorées, qui circulent sur le «Nouveau Monde».
Parfois, dans les registres, une note laconique indique, que tel paroissien est «in Americam gezogen»; mais dans la plupart des cas, seul le silence accompagne ces disparitions.
Exemple : en 1744, Heinrich Frantz de Diedendorf, fils de Michel et de Margaretha Bury, épouse Susanna Girardin de Rauwiller. En juillet 1745, il prend à son nom l’une des deux maisons paternelles dans l’«Unterdorf», et en septembre, naît son fils Peter. Par la suite, le couple ne sera plus jamais mentionné, et en mars 1748, la maison est vendue à la veuve Hary. Pour le «Fachidiot», ces indices dégagent un message : émigration.
Dans certains cas, les minutes notariées fournissent quelques précisions : « …mit herrschaftlicher Erlaubnis in die Insel Pensylviania gezogen….. » ou bien « ….als Handwerker nach Amerika, ohne sich loszukaufen; hat durch Brief von 1771 auf Erbschaft verzichtet… „ ou encore « …laut Brief vom 21.10 1742 :sie sind nach Manactany an der Schuhkilt gegangen, und dort mit Hinterlassung von vier Kindern gestorben…“
On est alors saisi de regret de ne pouvoir en apprendre davantage, car dans l’écheveau inextricable des destinées, qui se croisent et se recroisent sans cesse de par le monde, il faudrait un miracle pour voir se renouer ces fils rompus.
Pourtant le miracle existe :nous retrouvons la trace de certains de ces portés disparus, grâce aux recherches de nos cousins d’Amérique, où le 20è siècle a déclenché une chasse aux ancêtres de plus en plus intensive, un véritable safari, entraînant d’innombrables publications.
Relevons en passant chez ces démocrates d’Outre-Atlantique, une persistante nostalgie de sang bleu. Le rêve américain est aujourd’hui de se découvrir des racines dans l’aristocratie, et certains réalisent de véritables exploits, en faisant remonter leur lignage jusqu’à tel croisé, compagnon de Godefroy de Bouillon, ou jusqu’au commandant en chef des troupes de Clovis.
Plus modestement, les histoires qui vont suivre ne concernent que le petit peuple d’Alsace Bossue.

Parmi les immigrants suisses, qui affluent dans le Comté de Sarrewerden dès la fin du 17è siècle, le tisserand Joseph Schneider de Melchenau /Canton de Berne s’établit à Bust, puis à Siewiller. Ses enfants s’éparpilleront à Ottwiller, Hangwiller, Kirrberg, Weyer et Diedendorf, où son fils Ulrich épouse en 1701 sa compatriote Catharina Rohr. Elle lui donnera 14 enfants, dont sept atteindront l’âge adulte.
Lorsque se répandront les récits merveilleux des premiers pionniers d’Amérique, la tribu Schneider dans son ensemble sera saisie de «Fernweh».
Le frère et la sœur d’Ulrich, Johannes Schneider d’Ottwiller, et Vrena Schneider, avec son mari David Mertz de Hangwiller et leurs deux fils, partiront les premiers, probablement en compagnie du meunier Abraham Vautrin de Hirschland, beau- frère de David, dont on sait qu’il embarqua avec sa famille à Rotterdam, sur la brigantine «Richard and Elisabeth», pour arriver à Philadelphie le 28 septembre 1733.
Pour organiser ces départs en masse, des agences se sont constituées en Allemagne, et l’on imagine le convoi des chariots bâchés, en route pour le Palatinat. De là, transport en commun sur les barques du Rhin, puis à Rotterdam, longue attente des voiliers.
Johannes et Vrena Schneider ouvrent la voie à au moins sept de leurs neveux et nièces, qui suivront leur exemple, tout comme Samuel Vautrin, frère d’Abraham, qui quittera son moulin de Bischtroff, pour aller en construire un autre sur «Coplay Creek».
C’est au début de l’été 1738 que trois des fils d’Ulrich Schneider larguent les amarres : Johannes et Johann Friederich, respectivement âgés de 20 et 23 ans, ont décidé en effet d’accompagner leur frère Johann Nikolaus ( Hans Nickel pour les intimes), 35 ans et maître d’école à Kirrberg, qui, lassé de la pédagogie, a cédé aux appels de l’oncle d’Amérique. Avec sa femme Eva Martzloff de Siewiller, et leurs six enfants, il commencera là-bas une nouvelle vie.
Ils feront la traversée sur le «Robert and Alice» du capitaine Walter Goodman, qui transporte 320 passagers, parmi lesquels figurent des Schaeffer, Hertzog, Trautmann, Buhler, Reutenauer, Durrenberger etc…, ainsi que Paul Balliet de Schalbach, dont il sera encore question.
Le 11 septembre 1738, ils débarquent à Philadelphie, dans le tohu-bohu d’une sorte de marché aux esclaves, où les capitaines de vaisseau vendent aux enchères, pour un an ou deux, le travail des passagers insolvables, qui de cette manière vont payer leur voyage.

Quelques années plus tard, Ulrich Schneider décède à Diedendorf, suivi de près par sa veuve, qui, in extremis, en présence de trois témoins, dicte ses dernières volontés, qu’elle signe d’une croix : «In des dreyeinigen Namen Gottes…hab ich, Catharina Rohrin, bey meinem guden Wissen und gewissen wie auch bey meinem guden verstand, soviel meine Pflichten erforderet, mein Haus bestellen und eine Richtigkeit meiner Kinder zu machen, auf dass nicht etwann nach meinem Dodt eines oder das andere solte verkurzet werden….“. Suit le décompte des biens, déjà perçus par les fils mariés. On constate que l’aîné, Hans Nickel, a été largement favorisé, ce que tente de documenter son frère Joseph, maître d’école à Diedendorf, en rédigeant le testament, daté du 13 mars 1744.
Deux mois plus tard, la nouvelle du décès atteint les fils en Pennsylvanie. Sur quoi les trois expatriés renoncent à toute prétention à l’héritage, au profit de leurs frères et sœur de Diedendorf, Joseph, Otto, Esther et Daniel.
Rédigée «am Fluss Lechau» le 2 décembre 1744, la lettre officielle de renonciation, qui porte sur ses cachets de cire la «Pettschaft» ou sigle des trois frères, est conservée aux archives départementales du Bas-Rhin. Etonnament élégante, l’écriture est celle de Hans Nickel, le plus instruit de la famille, dont tous les membres d’ailleurs savent manier la plume, même la petite Esther, qui par la suite, avec son frère Daniel, ira rejoindre ses aînés sur les rives de la «Lechau».
Là, sur le barrage que m’opposait cette dernière inconnue, se serait arrêté mon histoire, n’était qu’entre «spécialistes», on se communique parfois ses trouvailles.
Un grand merci donc à mon collègue Pierre Balliet, pour ses «lumières» et sa précieuse documentation.

La «Lechau», en fait «lehigh river» a donné son nom au «Lehigh county», au nord-ouest de Philadelphie. C’est là que se sont établis Pierre Baillet et les frères Schneider, après avoir prêté serment d’allégeance au roi d’Angleterre, car le territoire est colonie britannique. A Whitehall, au nord d’Allentown, dans leurs cabanes de rondins isolés en pleine «wilderness», ils ont retrouvé parents et amis. Les paysages qu’ils ont quittés, et les «Blue Mountains», qui ondulent à l’horizon, évoquent la ligne bleue des Vosges.
Bientôt rejoint par d’autres membres de sa tribu, Paul Balliet (1716-1777) épousera Magdalena, l’une des filles d’Abraham Vautrin. Née à Schalbach comme lui, elle conserve dans la bible familiale le «Gettelbrief» de sa marraine Marie Lamy de Burbach. Leurs neuf enfants, dont trois fils, leur assureront une nombreuse descendance.
A coté de son magasin, où viennent s’approvisionner colons et Indiens, Paul Balliet obtient, dès 1750, l’autorisation d’ouvrir une auberge. L’enseigne du «Whitehall Inn» représente, au sommet d’un poteau, un énorme bol fumant. En anglais, ce «bowl» évoque le prénom de l’aubergiste, qui devient ainsi pour les Peaux-Rouges, «Bowl Balliet». En 1774, cet homme d’affaires avisé possède 713 acres de terres, qu’il a payé 526 livres.
A quelques lieues de là se sont fixés les Schneider, dont l’un, Johannes (ou John), est devenu le beau-frère de «Bowl» par son mariage avec Margaret Vautrin. La pratique constante de ces intermariages finira par souder les Alsaciens Bossus de la rivière Lehigh en un seul et même clan.
Face à ces défricheurs, qui ne cessent d’appeler en renfort leurs cousins d’Europe, l’espace vital des tribus indiennes se transforme en peau de chagrin. Leurs terrains de chasse et de cueillette sont menacés par une horde de visages pâles, qui abattent sans remords, les arbres séculaires. Après de vaines tentatives pour se faire entendre, les Peaux-Rouges constatent que l’homme blanc est aussi sourd à la voix de la raison qu’à celle de la forêt. Alors explose la violence, assortie de massacres, tels que les dépeignent les romans de Fenimore Cooper.
Ce dernier, dit-on, s’est inspiré des récits du Révérend John Heckenwelder, un missionnaire morave, qui, après un long séjour parmi les Indiens Delaware, a relaté les enlèvements et massacres dont furent victimes les Schneider, Frantz, Mickli et autres familles bien de chez nous : les héros littéraires, dont les aventures fascinèrent notre enfance, c’étaient donc en partie des Päxer.

Début octobre 1763, des trappeurs indiens se rendent à Bethlehem, pour troquer leurs fourrures contre des provisions dans les comptoirs des Blancs. La nuit, ils sont dévalisés; mais lorsqu’ils portent plainte, on les éconduit ! Ils décident alors de se venger, quittes à faire payer des innocents.
Le 8 octobre, sur le chemin du retour, non loin de l’auberge de «Bowl», ils surprennent dans les bois les enfants de Jacob Mickley, dont deux sont massacrés, le troisième, réussissant à s’enfuir. Puis ils incendient les fermes de Nicolas Marx (de Burbach), qui leur échappe de justesse, et de Johannes Schneider assassiné avec sa femme et ses trois enfants; en plus, deux de ses filles grièvement blessées, sont laissées pour mortes sur le carreau. La rescapée Eva épousera Nicolas Marx junior, le fils du voisin.

L’année suivante, un certain Henry Frantz s’ajoute à la liste des victimes. Débarqué le 20 septembre 1747, il a rejoint les Päxer de Lehigh county, où, en 1757, sa fille Margaret est capturée par les Indiens, alors qu’elle lave le chanvre à la rivière .On ne retrouvera la trace de l’adolescente qu’en 1764, et c’est au cours de l’expédition, qui va la libérer que son père sera tué.
Ce Henry Frantz, «a native of Lorraine», est à mon avis identique avec son homonyme Heinrich de Diedendorf. Bien qu’infirmée par la soi-disant date de naissance de Margaret (trop rapprochée de celle du fils de Heinrich, né à Diedendorf), cette hypothèse est étayée en revanche par des indices trop nombreux pour être le simple fait d’une coîncidence.
A son retour, Margaret Frantz deviendra une guérisseuse de renom, pour avoir, au cours de ses années de captivité, assimilé la science médicinale de ses ravisseurs. En 1769, elle épouse Nicolas Vautrin, né en 1745 au moulin de Bischtroff, et décédé à Whitehall en 1818, comme l’atteste sa pierre tombale au cimetière d’Unionville.

En juillet 1778, à Wyoming township, William Vautrin, fils d’Abraham, trouve la mort au cours d’une attaque-surprise des Indiens, qui, après le massacre, assiègent le fort, où se sont réfugiés les survivants. Sa veuve et ses enfants font partie du petit groupe, qui réussit à s’enfuir sur un radeau abandonné au courant de la Susquehanna. A Wapwallopen, les fugitifs empruntent la piste indienne à travers l’épaisse forêt, ne retrouvant la sécurité qu’au bout de trois jours de marche.

Nouvel affrontement entre peaux-Rouges et visages pâles en 1782, à Sugar Loaf Valley, dans le county de Butler. Le détachement de miliciens, qui s’y rend pour enterrer les victimes, s’arrête au retour à Whitehall Inn, que dirige à présent Johannes Balliet, l’un des fils de «Bowl».
Comme tous les habitants du lieu, qui entre temps a pris le nom de «Ballietsville», la femme de l’aubergiste, Marie Barbara, fille de Daniel Schneider de Diedendorf, assiste au compte-rendu de l’expédition. Sous l’effet de l’alcool, les fossoyeurs se font lyriques pour dépeindre les charmes du Sugar Loaf, clairière perdue au fin fond des bois, où les daims viennent brouter par hardes entières, vallée fertile, verdoyante et solitaire, qui attend de se donner au premier venu.
Ces images ne cesseront de hanter les Balliet, au point que, deux ans plus tard, avec leurs enfants, ils quittent la sécurité pour les risques et les joies de l’aventure. Ils seront les premiers colons de Butler county, et les seuls pendant seize ans; leur fils Abraham sera le premier enfant blanc né sur cette terre vierge, où leur charrue ouvrira les premiers sillons, où ils construiront la première scierie près de leur maison à colombages, et, où, en l’an 1800, ils auront acquis un domaine de 2300 acres, grosso modo 460 hectares.

Lorsqu’en 1968 j’ai rendu visite à mon oncle d’Amérique dans sa petite ville de Butler, j’ignorais tout de l’histoire du lieu, si bien que je n’ai pas su percevoir les fantômes de Päxer que j’y ai sûrement croiser. Et je regrette infiniment de ne pas m’être attardée dans le petit cimetière en rase campagne, sans clôture au milieu des blés, dont les vieilles pierres aujourd’hui, sauraient me faire entendre leur message.

Les documents que j’ai pu exploiter pour cette «dissertation», sont des fragments d’ouvrages, que l’association envisage d’acquérir. Parmi eux figure une carte de la région d’Allentown, dont beaucoup de localités portent le nom de leurs premiers colons : outre Ballietsville, nous relevons Hellertown, Hecktown, Trexlertown, Merztown, Snyders (Schneider), Klinesville (Klein), etc…
La carte permet également de localiser ce «Manactany an der Schuhkielt», où décédèrent Isaac Guth et sa femme Catherine Heck de Burbach : il s’agit de Maxatawny/ Schuykill county.
Signalons aussi, dans l’un des ouvrages, une «carte des massacres indiens». Ce croquis représente un tronçon de la «Lechauweki or Lehigh River» avec les affluents, au long desquels sont indiqués entre autres les secteurs des Balliet, Schneider, Marx et Mickley. A proximité se dresse un «indian Wigwam», ainsi que la tente de Kolopechka, le Peau-Rouge, dont le nom se retrouve dans la «Kolopechka or Coplay River», où tournera le moulin du meunier de Bischtroff.
Cet exposé ayant dépassé mon quota de pages du bulletin, sa conclusion sera brève : sans l’Alsace Bossue, l’Amérique ne serait pas ce qu ‘elle est !

Bibliographie
- «Colonel Stephen Balliet», de James B.Laux.
- «History of Lehigh County” de Roberts, Stoudt, Krick, Dietrich.
- “The Balliet, Balliett, Balyeat…”de Stephen Clay Balliet.
- The Wotring-Woodring family…”de Bell et Granquist.
- “Memorials of the Huguenots in America”de A. Stapleton.
- “Immigrants in Pennsylvania from 1727-1776” de D.Rupp.

Archives
- Registres paroissiaux de Diedendorf, Rauwiller,Pisdorf.
- Livre terrier de Diedendorf, cote 8 E 90,A.D.du Bas-Rhin.
- Actes notariés de Diedendorf, cote 6E 35, A.D. du Bas-Rhin.

SURVOL HISTORIQUE DE DIEDENDORF

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 13:56

Le « Kohllacherbrunnen »

Vers 1750, le comte Guillaume Henri de Nassau-Saarbrück fonde le hameau du Neuwyerhof : construction de quelques fermes seigneuriales, d’un «château» qui lui sert de rendez-vous de chasse, et d’un petit établissement thermal, afin de permettre à ses hôtes de bénéficier des sources d’eau minérale, dont le domaine abonde.
L’une de ces sources est le «Kohllacherbrunnen», situé sur la rive droite du Weyerbach, à hauteur de l’auberge de l’écluse 16. Le Comte fait capter ses eaux dans un bassin de maçonnerie circulaire de près de deux mètres de diamètre et trois mètres de profondeur.
Se dissimulant aujourd’hui dans un taillis marécageux, la source déverse son trop plein dans un fossé qui rejoint le Weyerbach. En raison de sa forte concentration en sels minéraux, son eau ferrugineuse est estimée impropre à la consommation par les critères actuels de potabilité.

La tombe du Russe

En lisière de la foret de Bonnefontaine, dans le canton dit «Russeküpp», se dresse une stèle de grès, qui, sous une croix orthodoxe gravée dans la pierre, porte l’inscription suivante : «Ein Russe, 181»
Lorsqu’en 1814 des troupes russes, qui talonnaient ce qu il restait de la «Grande Armée de Napoléon», traversèrent notre région, quelques déserteurs quittèrent les rangs pour aller se réfugier dans le massif forestier de Bonnefontaine.
En 1815, soupçonné à tort d’avoir volé du linge, l’un d’eux fut abattu près du Weyerbach par le garde forestier Jäckel, et ce drame fit entrer le Russe dans la légende.

Les bornes de la «Grenztranchée» ou tranchée frontalière

Taillée en lignes quasi droites à travers le vaste massif forestier, qui s’étend entre Harskirchen et Sarrebourg, cette tranchée, longue d’environ trois kilomètres, matérialise aujourd’hui la limite banale Diedendorf-Niederstinzel, et départementale Bas-Rhin-Moselle.
Les bornes, qui la jalonnent, témoignent de l’ancienneté de cette ligne de démarcation qui, entre 1766 et 1792, fut même frontière d’état entre la France et l’Allemagne.

Les pierres bornes de 1533

Grâce à l’isolement du lieu et à la protection végétale, trois de ces pierres se sont conservées sur la tranchée frontalière. Elle furent érigées quelques années après le rattachement du comté de Sarrewerden à la maison comtale des Nassau-Sarrebrück. Ce rattachement est contesté par l’évêché de Metz, qui fait planer sur le comté de Sarrewerden une menace d’annexion à la Lorraine, et les bornes seront implantées afin de renforcer le caractère sacré d’une frontière devenue fragile.

Les pierres bornes de 1767

En 1766, la Lorraine est rattachée à la France, à la suite de quoi des pourparlers ont lieu entre Louis XV et le comte de Nassau Sarrewerden pour l’aménagement et la rectification de la frontière, qui sera systématiquement abornée.
Au nombre de 23 le long de la «Grenztranchée», ces pierres portent d’un côté la «Wolfsangel» ou «piège à loups», du comté de Sarrewerden, et de l’autre côté la fleur de lys du royaume de France, qui subira le sort de tous les symboles de l’Ancien Régime : à la Révolution, les fleurs de lys seront fracassées à coups de marteau, pour effacer toute trace de la royauté. Cependant les contours de l’emblème se devinent encore sur certaines pierres de la tranchée.

La vieille cloche de Diedendorf

«Génératrices d’harmonie, les vibrations des cloches modèlent et transfigurent l’âme de nos villages» dit le poète.
Si tel est le cas, le village de Diedendorf dispose d’une source d’harmonie aussi remarquable que méconnue. En effet, la plus ancienne de nos deux cloches, dont la valeur exceptionnelle fut signalée au public en 1959, pour ensuite retomber dans l’oubli, est coulée dans un métal si pur qu’elle a résisté aux aléas d’un demi-millénaire.

Nous nous proposons ici de rappeler à la mémoire la publication faite à son sujet en 1959, puis d’aborder une énigme non-résolue : dans quelles circonstances et par quel itinéraire, cette cloche est-elle arrivée à Diedendorf.

Première enquête : lors des deux dernières guerres mondiales, des experts sont chargés de l’inventaire des cloches en vue de leur réquisition. Bon nombre d’entr’ elles finiront dans les usines d’armement, mais la vieille cloche de Diedendorf est épargnée .En raison de sa valeur archéologique, elle est jugée trop précieuse pour être transformée en mitraille. Toutefois, faute de plus amples investigations, elle garde son secret.
Dans les années 1950, Jean Schlumberger, le maire du village féru d’histoire, prend enfin l’initiative de lever ce mystère avec le concours de l’historien Alphonse Wollbrett de Saverne. Les résultats de leur enquête sont publiés dans un article des dernières nouvelles en date du 8 février 1959 : «la hauteur et le diamètre de la cloche sont d’un mètre environ. Sa couronne est entourée d’une inscription latine, en minuscules de style gothique tardif : ave maria gracia plena dominus te cum benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui .Abatisa margreta.»
Cette prière à la Sainte Vierge fournit l’une des indications qui permettent aux enquêteurs d’évaluer l’âge de la cloche. En effet, comme la dernière partie de la prière (Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs …etc) n’y figure pas, on peut en déduire que la cloche est antérieure au 16ème siècle au cours duquel cet appendice fut ajouté à l’Ave Maria.
Quant à l’Abatisa margreta, elle est la marraine ou donatrice de la cloche, abbesse ou Mère Supérieure d’un monastère non indiqué, voué sans doute au culte de la Sainte Vierge. Il faut ajouter qu’au 15ème siècle, ce culte prend une ampleur particulière dans notre région, notamment grâce à l’introduction de l’Ave-Lauten.
Mais revenons au descriptif de la cloche. Ses flancs s’évasent en une courbe très fluide vers un bord que les siècles ont ébréché par endroits. En dessous de la couronne est représentée une scène de la crucifixion (16cm/8,5cm) en partie abîmée, car la tête et le torse du Christ ont été martelés.
A ce propos, Wollbrett émet l’hypothèse de vandalisme révolutionnaire, mais cette déprédation pourrait être imputée aussi au purisme calviniste du pasteur Samuel de Perroudet, nommé à Diedendorf en 1698 : «tu ne dois pas te faire une image de ton Dieu».
Enfin, au-dessus du tableau de la crucifixion, dans un médaillon de quelques centimètres de diamètre, Saint Sébastien se fait larder de flèches par deux archers. C’est lui que l’on invoquait contre les maladies contagieuses qui décimaient les populations du Moyen-Age, si bien que la cloche était censée répercuter la prière à Saint Sébastien à une époque où la peste continuait de sévir.
En résumé, au vu des indices recueillis, Wollbrett formule la conclusion suivante : la vieille cloche de Diededndorf est contemporaine de la «Gloria Glocke» de Saverne, c’est-à-dire qu’elle date de la deuxième moitié du X ème siècle.
Il reste à déterminer son origine à l’aide d’un indice unique, l’Abatisa Margreta qu ‘il s’agit d’identifier. Pragmatiques, les enquêteurs commencent par étudier les documents relatifs à l’unique abbaye située dans le comté de Sarrewerden. Eureka ! Voilà Margreta von der Ecken, abbesse de l’ancien abbaye de Herbitzheim et issue d’une famille patricienne de Sarrebrück, qui compte parmi les vassaux des Nassau. Elle est mentionnée en 1463 dans un acte de donation à son couvent, où elle finira ses jours en 1490. En outre, l’abbaye de Herbitzheim, dont les sujets sont nommés «Marienleute», et les métairies «Marienhöfe», est effectivement vouée à la Sainte Vierge.
La marraine de la cloche de Diedendorf s’appelle donc Margreta von der Ecken , aucun doute là-dessus pour Wollbrett qui conclue :
«Il existe par conséquent un rapport étroit entre la cloche et l’abbaye de Herbitzheim, à laquelle elle était destinée à l’origine, mais nous ne détenons aucune information supplémentaire à ce sujet. Diedendorf possède donc une des plus anciennes cloches du Val de Sarre, un authentique monument historique»
Précisons à ce propos que la précieuse cloche dédiée à la Sainte Vierge a probablement passé les deux premiers siècles de son existence dans le clocher depuis longtemps disparu de l’église conventuelle de Herbitzheim. C’est donc elle sans doute qui sonna le tocsin en 1525 lors de la Guerre des Rustauds lorsque ceux-ci tentèrent d’investir le couvent.
Les investigations de 1959 n’ont donc élucidé qu’une partie de l’énigme puisque le pourquoi, le quand et le comment de son arrivée dans la petite église de Diedendorf n’ont jamais été révélés. Quant aux archives paroissiales, elles sont restées d’une étrange discrétion : «cloche : une» se contente de noter l’inventaire des bâtiments et mobiliers de l’église en juillet 1748.
Pourtant les ouvrages de nos historiens régionaux du XIX ème siècle fournissent une foule de données quasi romanesques sur les aventures d’une cloche en provenance justement de l’abbaye de Herbitzheim.

Traces et pistes dans l’histoire régionale.

I. Quand les cloches s’envolent à Strasbourg

Pour une meilleure compréhension de cette histoire compliquée, il faut se reporter au XVII ème siècle, l’un des plus calamiteux de l’Histoire, au cours duquel le comté de Sarrewerden subira non seulement les effets de la Guerre de Trente Ans et des guerres de Louis XIV, mais aussi l’occupation par la Lorraine (1629-1670) et la répression religieuse qui s’en suit pour les protestants.
Après 1648, les villages désertés se repeuplent peu à peu, mais dès les années 1650, les passages de troupes de Louis XIV provoquent des levées de contributions qui replongent le pays dans la ruine.
C’est dans ce contexte que les cloches de nos villages vont s’envoler, non pas pour revenir guillerettes, le dimanche de Pâques, mais pour être vendues à Strasbourg. Car pour les communes exsangues, la vente des cloches est le seul moyen de faire face aux impositions.
Voici quelques exemples extraits du «Tabellionage de Bouquenom» (en dépôt aux A.D. de Metz).

Acte du 03 11 1652

Les maires de Sarrewerden ,Wolfskirchen, Ottwiller, Lorentzen, Berg, Thal, au nom des villages du Comté, donnent procuration au sieur Charles de Boussey, gouverneur de Bouquenom, pour vendre deux cloches à Strasbourg ou ailleurs.

(
Acte du 24 11 1652

Longue liste de maires et échevins du Comté, qui donnent procuration à Charles de Boussey et à Jeanne Eve Streiff von Lauenstein, châtelaine à Diedendorf ,pour deux cloches de Berg-Thal, villages actuellement ruinés, à transporter à Strasbourg pour payer une contribution exceptionnelle. Les cloches sont estimées à 140 Sonnencronen.

Acte du 18 03 1653

Les notables (dix noms) ,au nom des bourgeois de Bouquenom, donnent procuration à l’échevin Jean-Pierre Schneider pour se rendre à Strasbourg ou ailleurs afin d’y vendre une cloche appartenant aux bourgeois.

Acte du 03 05 1653

Le gouverneur M. de Boussey donne autorisation aux habitants de Diedendorf d’engager une cloche de 400 livres environ, afin de pourvoir à leur cote-part pour le paiement de la subsistance de la compagnie franche irlandaise logée à Bouquenom, et de celle de M. Saintoin.
Jean-Georges Muller, Jacob Ziegler et Jean Kutscher rachètent la cloche et avancent la somme.

Acte du 09 07 1653

M. de Malaincourt, intendant de la justice, police et finance à Bitche, autorise les RRPP Jésuites de Bouquenom de vendre une cloche du monastère de Herbitzheim de 1500 livres, «pour estre les deniers en provenants employés au plus grandes nécessités de leur maison et collège dudit Bouquenom.
Signé R.P.Pierre Nicolas dudit collège.»

Acte du 21 10 1655

Jean-Georges Muller Jacques Ziegler et Jean Kutscher (il s’agit du cocher de la châtelaine, qui en fait s’appelle Daub ) de Diedendorf, demandent l’autorisation d’engager la cloche de leur village. Autorisés, ils vendent la cloche à des juifs de Bouxwiller pour 57 risdallers.

Acte 05 11 1657

Les maires, échevins et notables de Bouquenom, au nom de la bourgeoisie, font les comptes avec la veuve Spielmann de Strasbourg : sur les 150 risdallers empruntés, il reste à payer 1 risdaller et 66 kreuzers après cession de la cloche.
A ces actes notariés, il faut ajouter un acte de justice découvert récemment aux archives départementales du Bas-Rhin : le 21 04 1687, la communauté de Diedendorf exige des descendants de Jean Georges Muller, la restitution de la cloche.
L’issue de cette affaire n’est pas indiquée…

II. Polémique au XIX ème siècle : la cloche des jésuites

C’est grâce à cette polémique entre le pasteur Gustav Matthis et le curé Levy que la cloche de Herbitzheim revint sur scène, après une des longues éclipses qui la caractérisent.
La version du pasteur : dans son traité virulent sur les souffrances des protestants dans le comté de Sarrewerden (1888), G. Matthis, pasteur à Eywiller, se réfère, entre autres documents, au «Mémorial» que le bailli nassovien Scheid adresse au comte de Nassau-Saarbrück en 1670.
Il faut savoir que par décret de la chambre impériale du 14 07 1670, le comté de Sarrewerden fut restitué aux Nassau. En conséquence, les Pères Jésuites sont expulsés des églises de la prévôté de Herbitzheim, qu’ils se hâtent de vider, afin de ne pas tout perdre .

NECKNAMEN AUS DEN DÖRFERN DES KRUMMEN ELSASS

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 13:52

Diedendorf:¨Pannkuche-Pfannkuchen

Lorentzen: idem

Wolfskirchen: Quetschekuche-Zweschgenkuchen

Burbach: Käskuche-Käsekuchen

Bischtroff: Dickkuche

Zollingen : Schniggere

Harskirchen: Kaffeelabbe- Kaffeelappen

Altwiller: Ochsestübbere-Ochsenstupfer

Keskastel: Rieweschwäntzle-Rübenschwänzchen

Oermingen: Gugummerplotzre-Gurkenplotzer

Rimsdorf: Linsespaltere-Linsenspalter

Sarre-Union:Klarbe- Grossmaul

Eywiller: Durrbierestiel-Dörrbirnenstiele

Hirschland: Heuspringere-Heuschrecken

Weyer: Mohre- Mutterschweine

Kirrberg : Spolieräpple-Spolieräpfel

Rauwiller: Störch-Störche

Goerlingen: Kuckuk

Postroff: Issbären-Eisbären

Baerendorf: Katzekepp-Katzenköpfe

Niederstinzel: Sandhäs- Sandhasen

Oberstinzel:Schisskiwle-Scheisskübel

Schalbach :Steinbeck-Steinböcke

Metting :Breibich- Breibäuche

Weckerswiller:Tirolre-Tiroler

Sarraltroff :Geissemilichsüffre-Geissenmilchsäufer

Niederwiller :Tellerschleckre-Tellerschlecker

Romelfing :Ijle- Igel

Mittersheim :Stangeritschre – Stangenrutscher

Wieberswiller :D ohleschlüffre- Dohlenschlüpfer

Walscheid :Esle

LA SAGA DE DOMINIK STEUBEL

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 13:45

C’est sous le nom de Dominik Striebel qu’est entré dans l’Histoire l’instigateur de l’insurrection de 1722, qui mit en effervescence tout le comté de Sarrewerden. Les lecteurs de G. Matthis («Bilder aus der Dorfer-und Kirchengeschichte der Grafschaft Saarwerden», p.146 ) ont rencontré ce personnage étonnant, domicilié à Weyer, dont le charisme entraîna le peuple dans une révolte, qui dura une année entière.
Après répression de cette révolte par la force en décembre 1722, Striebel reprit ses menées d’agitateur, à la suite de quoi, en mai de l’année suivante, ses comparses furent jetés en prison, tandis que lui-même disparaissait de la scène.
.
De toute évidence, Striebel est une altération du patronyme Steubel, probablement due à une erreur de lecture des scribes du 18è siècle. Que Matthis n’ait pas relevé cette erreur est d’ailleurs assez surprenant, vu sa note p.152 : «Die Familie existiert noch zu Weyer,schreibt sich aber jetzt Steibel».

Ce rectificatif offre donc aux descendants la possibilité d’intégrer dans leur légende famailiale un ancêtre hors du commun, précurseur de La Révolution.

Né vers 1684 à Hilbesheim/Moselle (à 4km de Goerlingen ), Dominik Steubel s’établit vers 1714 à Weyer, au domicile de sa jeune épouse Anna Maria Fahndrich, qui y mettra au monde leurs neuf enfants.

Etablie en 1742, la «Tabelle des Dorfes Weyer », qui repertorie Dominik sous le prénom germanisé de Sonntag, donne un aperçu de sa fortune : tailleur de profession, il emploie deux domestiques, possède deux maisons, six chevaux, deux bœufs, sept vaches, ce qui le classe dans la catégorie des nantis. En effet, sur les 107 foyers du village, seuls quatorze, obtiennent le label « Vermogen gut».

Or voilà qu’en 1721 ce villageois, qui en principe n’a pu bénéficier que d’une instruction sommaire, se lance subitement dans la politique, avec l’objectif de transformer le mécontentement général des contribuables en rébellion organisée. Pour l’époque, qui sacralise l’autorité du prince, le projet est inoui, un délire à priori voué à l’échec.

Pourtant Steubel réussira à faire adhérer au complot toutes les communes du comté, à l’exception de Neusaarwerden, qui refuse de mettre en jeu ses privilèges de jeune capitale.

A Eywiller, dans l’auberge de Frantz Wallherr, se tiennent des assemblées clandestines, qui permettent au tribun d’endoctriner son auditoire. Les princes, dit-il, ne sont nullement propriétaires de leurs terres, qu’ils tiennent en fief de l’empereur, lui-même vassal de Dieu. Les princes par conséquent, n’ont pas le droit de ruiner le peuple, mais le devoir de le protéger de la misère, et c’est ce qu’il faut leur faire comprendre .
-„scheen un gutt, répliquent les paysans, awer wie willsch dann das fertich bringe ? “
Alors pour illustrer l’union qui fait la force, Steubel leur parle des mouvements insurrectionnels de Paris, consécutifs à la banqueroute du financier Law:
- Ils criaient «tous pour un, un pour tous» et on n’a pas réussi à les mater !

Ces séances d’endoctrinement aboutissent à une résolution : refus unanime de payer les impôts exigibles à Noel. Et cette année là, par miracle, pas un seul pfennig ne sera déposé dans le sabots des cinq princes de Nassau, qui pressurent en commun le comté indivis de Sarrewerden.

Succès époustouflant, car décrocher pour une entreprise aussi téméraire le consensus d’une population frileuse, divisée par des querelles de confession et de clocher, cela tient effectivement du miracle !

C’est pourquoi même le pasteur Matthis, pourtant peu tendre à l’égard des fauteurs de trouble – à plus forte raison s’ils sont catholiques- trace-t-il du rebelle un portrait où perce le respect et l’admiration :
« ..Il agissait non pas sous influence, mais de son propre chef. Bien entendu la Lorraine suivait avec intérêt ses agissements, lui accordant peut-être même un soutien financier…Car il avait des principes politiques et des qualités, qui un demi-siècle plus tard lui aurait valu un rôle historique de premier plan.

Extraordinairement dynamique et doué, il avait acquis, probablement grâce à des voyages à l’étranger, des connaissances qui impressionnaient le peuple, et dans les documents il apparaît comme l’âme et le moteur de l’insurrection».

L’insubordination fait tomber des nues les despotes ahuris. L’un d’eux, le comte de Nassau-Ottweiler, expédie aussitôt dans les communes un gendarme à cheval avec mission d’y lever sa quote-part des impôts. Mais partout la foule fait front, et sous les huées et les insultes, le gendarme repart bredouille.
Indigné par tant d’insolence, le Comte se rend à Lorentzen, où il prend quartier au château dans la soirée du 31 janvier 1722. Les soldats qui l’accompagnent sont chargés de décapiter la rébellion en s’emparant des meneurs dès le lendemain.

C’est à compter sans le réseau d’espions et de messagers, dont les insurgés disposent. Le lendemain matin une foule compacte barre l’entrée du château, si bien que les soldats se retirent en hâte à l’abri des murailles, où Friederich Ludwig grelotte dans ses appartements glacés.

Le 3 février, vers 9h du matin, une troupe de 500 à 600 rustauds envahit la cour du château, dans l’intention de remettre une supplique au Comte, en prélude à des négociations. Mais celui-ci leur fait signifier son refus de traiter avec des séditieux, et la troupe ulcérée se disperse.

Sur ce , Steubel et consorts décident de déposer plainte au tribunal impérial de Wetzlar. Signé par l‘ensemble des chefs de famille, le document accuse les princes de prélèvements abusifs d’împots, et entraînera, espèrent-ils, un procès en règle avec mise en examen des accusés et verdict de l’Empereur .

Suivent deux mois d’accalmie, que les princes passent en conciliabules pour arrêter leur ligne de conduite. Enfin, le 8 avril, un contingent de miliciens entre à Neusaarwerden, où ont été convoqués les représentants communaux ,rassemblés devant la chancellerie. La place est noire de monde, et la présence de la troupe doit donner plus de poids aux exhortations du bailli von Luder, et empêcher les provocateurs de déraper encore dans l’impertinence.

Peine perdue, car les rebelles ont le diable au corps. Ils ripostent sans gêne, ils refusent en bloc l’«exécution» que leur annonce le bailli, ils récupèrent avec insolence la parole confisquée, sidérant les fonctionnaires et les badauds. Puis, aux cris de «tous pour un !», ils quittent la place à la suite de Steubel, qui s’arrêtera sans doute à Bouquenom pour payer à boire à ses fiers mousquetaires.

Le bailli se voit dans l’obligation de passer aux actes : faire rentrer les impôts par la force ! A la tête d’une troupe de dix cavaliers, le brave Wachtmeister Anton Korngiebel est envoyé dès le lendemain en tournée de percepteur, avec ordre de commencer par Eywiller l’épicentre de la résistance. En route, il rumine le problème insoluble qu’il est chargé de résoudre .En effet, il doit se montrer intransigeant, mais sans recourir aux armes. Car en haut lieu, on ne veut pas de complications, désireux d’étouffer au plus vite cette embarrassante affaire qui déjà fait jaser partout !

A Eywiller, Korngiebel et ses sbires vont être réduits à merci par une guerre d’usure digne de clochemerle et supervisée par l’omniprésent Steubel. On refuse de les nourrir, on les abreuve de quolibets, on les empêche de dormir, si bien que le lendemain matin, rompus et démoralisés ,ils retournent à Neusaarewerden, sans même s’arrêter dans les autres villages où les attend, leur a-t-on assuré le même traitement.

Après avoir à son tour porté plainte à Wetzlar, le gouvernement retombe dans l’inertie. Penchés sur le rapport de Korngiebel, un petit joyau lamento, les fonctionnaires se creusent la tête sur les mesures à prendre, pour mettre fin au ridicule de la situation.

Enfin, l’Empereur fait parvenir ses paternelles remontrances aux rebelles : il ne pourra étudier leurs griefs que lorsqu’ils seront rentrés dans le rang. Steubel leur ayant expliqué le sens de ce jargon, ils se résignent à payer les arriérés, afin que le procès s’engage.
Ils ne se laisseront plus ébranler désormais, ni par les prières, ni par les menaces, ni par la seconde tentative de Korngiebel, envoyé cette fois-ci à Burbach, où, avec sa poignée d’hommes, il séjournera du 3-7juillet, mis à mal par l’esprit frondeur de ce village de tradition huguenote. Lorsqu’enfin, à bout d’endurance, il y fait confisquer trois paires de bœufs, les paysans sonnent le tocsin, s’armant de gourdins et de fourches et reprennent leurs bêtes aussitôt.

Entre temps, le bailli a entrepris de convoquer les communes, non plus toutes à la fois, mais une à une. Sur quoi, au juste, se fondent leurs accusations? Le gouvernement, veut en avoir le cœur net, car l’existence de documents anciens, susceptibles de légitimer les revendications, n’est pas à exclure.
Or, priés d’étayer leurs plaintes, les maires s’en montrent incapables, se contentant de parler vaguement d’un vague registre, prétendûment déposé à Wetzlar, qui prouverait qu’un siècle plutôt, leurs ancêtres payaient moins d’impôts.
A la Chancellerie, c’est le soulagement : ces pauvres imbéciles n’ont rien en mains, les princes peuvent dormir tranquilles !

C’est donc sur une table bancale que les rebelles ont construit leur château de cartes, qui tôt ou tard s’écroulera, évidence à laquelle cependant, ils refusent de se rendre. Pour eux, la Vérité et la Justice, dont l’Empereur se doit d’être le champion, finiront par triompher, il ne saurait en être autrement.
Dans quelle mesure Steubel partage-t-il cette foi de charbonnier? La suite des évènements, mettra en lumière le côté ambigu du personnage : idéaliste fougueux au service d’une juste cause, ou bien agent provocateur à la solde de la Lorraine? En tous les cas, ses qualités de chef sont incontestables, ainsi que l’allégeance du peuple à sa personne, puisque de tous les foyers du comté, seul quatorze ont refusé de le suivre.

Le 12 septembre 1722, un coup de tonnerre abasourdi les dissidents. Ainsi qu’il ressort de l’ultimatum qui leur parvient, l’Empereur les tiens pour coupables! En effet, on les sommes de payer dans un délai de 12 jours, les contributions en retard, ainsi que tous les frais occasionnés par leurs turpitudes, faute de quoi, les troupes impériales, viendront rétablir l’ordre dans le comté de Sarrewerden.
Les voilà face à une alternative clairement posée : se soumettre ou se mettre hors la loi. Or Steubel, une fois de plus aura raison de leurs craintes et de leurs doutes, accomplissant l’exploit de les entraîner dans une action aussi folle que spectaculaire. Il décrète en effet, la levée en masse de tous les hommes âgés de plus de quinze ans. La troupe disposera de fusils en nombre suffisant, car grâce à la tradition des milices villageoise, les paysans ont conservés leurs armes et leurs sociétés de tir au sein de chaque commune.
En outre, pour calmer l’appréhension, Dominik sort de sa manche son maître-atout, à savoir le soutien qu’il dit pouvoir escompter de la Lorraine. A cet effet, il entreprend de soudoyer les garnisons de Bouquenom et de Fénétrange, et de faire jouer ses relations à Nancy, afin que, le cas échéant, le duc de Lorraine, veuille bien fermer un œil sur les événements du Westrich.
Selon Matthis, les documents sont fragmentaires, si bien que le rôle équivoque des Lorrains dans cette affaire, n’a jamais été élucidé. Ce qui est sûr en revanche, c’est que le comte de Sarrewerden, ancien fief de l’évêché de Metz, fut de tout temps, une pomme de discorde entre les Nassau et les Lorrains, au détriment desquels, le traité de Ryswick trancha le litige en 1697.On ne peut donc pas exclure qu’à la cour de Nancy, une faction de nostalgiques aient conservé durant un quart de siècle , le désir d’une revanche.

L’ultimatum étant resté sans effet, un détachement de quatre cent fantassins, et de vingt cavaliers, sous le commandement du colonel von Landsdorf et accompagnés d’un mandateur impérial, pénètre dans le Comté dès les premiers jours de décembre 1722.
Aussitôt l’armée des rebelles prend position sur la hauteur d’Eywiller (Wolsthof), d’où l’on guette avec angoisse, l’arrivée des garnisons de Bouquenom et de Fénétrange qui cependant ne se montrent pas. Il fait gris et froid, et dans le grand vent qui balaie la crête, la flamme de la révolte vacille et s’éteint. Le silence est tombé sur le camp; seuls les corbeaux croassent au-dessus des chaumes, oiseaux de mauvais augure.
Soudain, un des jeunes éclaireurs surgit au détour de la chaussée. Il court, il vole, et son message se répand comme une traînée de poudre :
- «les Impériaux gravissent le Butterberg. Dans une demi-heure, ils seront là !»
On se rend compte alors que Steubel a disparu !
- «Il est allé chercher des renforts! hurlent ses lieutenants, il va revenir, restez grouper !
Mais plus personne n’écoute, c’est le sauve qui peut.
Comme un volée d’étourneaux la troupe s’égaille, disparaissant en un tournemain en direction des bois et des villages.

La troupe impériale, se répartit dans les communes, où l’on redoute des dragonades . Mais Landsdorf maintient la discipline, si bien que la population sera quitte de devoir nourrir l’occupant.
Dès le 22 décembre, tous les récalcitrants ont fait acte de soumission, s’engageant à payer tout ce qu’ils doivent, y compris le total des frais d’un montant de 30000fr lorrains, «le prix de leur folie», persiflera le pasteur Herreschmidt.
Quant à l’amende que le gouvernement projette de leur infligé en sus, elle leur sera remise à la suite d’une pétition, car ils se retrouvent ruinés.

L’insurrection se solde donc par une débâcle. Le régime fiscal restera inchangé, les fonctionnaires poursuivront impunément leurs exactions, et le procès de Wetzlar n’aura jamais lieu. Seul le percepteur Nicolas de Domfessel sera sacrifié. Cordialement détesté de la population, qui l’accuse de malversations, il sera destitué de ses fonctions, ce qui ne l’empêchera pas de rester un tyran riche et redouté au sein de son village.
Toutefois l’administration commune des diverses branches des Nassau sera dorénavant centralisée à Neusarrewerden, ce qui peut être considéré comme une conséquence positive de la rébellion.

Le peuple maté a donc repris le joug, lorsque le «maléfique Striebel» refait surface. En effet, selon un rapport de mai 1723, Steubel paraît s’être rendu dans la capitale autrichienne. Le rapport le dit «muni de mandats», sans préciser quelle instance il représente.
C’est pourquoi Nassau tient à mettre Vienne en garde contre les intrigues de l’aventurier, qui, affirme-t-on, a repris depuis peu, dans le comté de Sarrewerden, ses travaux de sape, avec diffusion de tracts et assemblées clandestines.
A Neusarrewerden, suite à une enquête menée tambour battant, les autorités ont identifié les principaux complices de Steubel, Heinrich Frey et Lorenz Wallherr d’ Eywiller, Johannes Finck de Drulingen et Lorenz Bauer d’Altwiller. Ils sont arrêtés aussitôt et mis au cachot, où, pendant de longs mois, le poids des chaînes leur apprendra à accepter de meilleure grâce, le poids de la servitude.
Quant à Steubel, il passe une fois de plus entre les mailles du filet, et pour un bon bout de temps, sa trace se perd (son cinquième enfant naît à Weyer en 1723, le sixième en 1730). Puis, l’herbe ayant poussé sur les décombres de sa révolution, il reprend sa place au village, où jusqu’à l’âge de 80 ans, il coulera des jours de citoyen respecté et paisible.

Post-scriptum :

Découvertes entre temps aux A.D.du Bas-Rhin, par Alain Lieb, jeune passionné d’histoire régionale un document des «Amtsprotokolle», cote 1B 1954, nous permet de reconstituer un ultime épisode des tribulations de Steubel.

Ce dossier a été constitué en 1731, par un fonctionnaire de Neusarrewerden et comprend le brouillon d’un rapport non-signé.
Ce rapport s’adresse à la «Gemeinherrschaft» ou co-régence du comté, réduite à l’époque aux branches de Nassau-Weilbourg et de Nassau-Sarrebruck et que préside, selon G.Matthis, la comtesse Charlotte Amélie de Nassau-Usingen, dont, en 1745, les deux fils se partageront les territoires du Comté.
En attendant, la discorde règne à la chancellerie de Neusaarewerden et le peuple se sent exploité plus que jamais. C’est dans ce contexte qu’il faut placer les évènements que le dossier sus-dit permet de reconstituer.
Quant à l’auteur de ces écrits, il s’agit probablement du bailli Weilbourgeois Wilhelm Creutzer, contre lequel se sont ligués ses collègues sarrebruckois qui s’apprêtent à lui jouer un tour pendable, et c’est autour de l’affaire Steubel que va s’organiser la cabale.
Car en dépit de l’interdiction de séjour, le révolutionnaire est revenu en douce au pays, où pour l’instant il jouit d’une impunité tacite. En effet, sa cote de popularité est telle que les autorités préfèrent éviter les remous éventuels que pourrait provoquer son arrestation.
Creutzer, en revanche, qui vient d’apprendre le retour du rebelle, adresse à la régente Amélie, un rapport sur la situation.
Malgré les répressions, Steubel n’a pas baissé les bras. Ayant réussi à décrocher un sauf-conduit, il se rendit à plusieurs reprises à Vienne pour y plaider lui-même auprès de l’Empereur la cause des sujets de Sarrewerden, et ce sont eux qui ont financé ses voyages.
Par la suite, une reconduction du sauf-conduit sera refusée à l’agitateur, du fait, «qu’incapable de reconnaître ses erreurs, il persiste à estimer légitime la révolte du peuple».
En 1729, une grâce particulière lui sera accordée : autorisation de liquider ses biens à Weyer où il reste interdit de séjour et de les transferrer hors du pays. Pourtant il ne fera pas usage de cette grâce, mais se réinstallera en catimini à son domaine conjugal, pour finalement être dénoncé par un voisin, en janvier 1731. Creuzer informera la régente de la situation.
Le 7 février, Charlotte Amélie ordonne l’arrestation immédiate de Steubel, qui, après quatre semaines d’incarcération devra être expulsé du territoir. Le six mars, le vieil Amtsbote Lang, sera chargé de conduire le délinquant à la frontière.
Le 7 novembre, informé du retour de Steubel à Weyer, Creutzer le fait arrêter sans même attendre les instructions. D’un air un peu narquois, Steubel accueille la délégation et se dit prêt à se rendre de son plein gré à Neusarwerden où il présentera l’acte d’abrogation de son interdiction de séjour, datée du 21 mars et signé par Charlotte Amélie.
Enfin Creutzer se rend compte de la manipulation : il est le dindon d’une farce que ses chers collègues ont mitonnée en se gardant bien de lui communiquer l’information de l’amnistie du révolutionnaire.
Quant à Dominik Steubel, c’est en homme libre qu’il retourne à son domicile à Weyer.

Bibliographie

- Gustav Matthis «Bilder aus der Kirchen-und Dorfergeschichte der Grafschtadt Sarrewerden“
- Hellmut G. Haasis „gebt der Freiheit Flugel“ (Rowohlt Taschenbuch verlag)
- Collection Hein, compilation des registres paroissiaux du comté de Sarrewerden.

LES SOUFFRANCES DE JEAN BANY

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 13:43

Exécution capitale a Harskirchen ou les souffrances de Jean Bany

I.Le milieu des marginaux au 18è siècle

En plein siècle des lumières, où utopistes rêvent d’une humanité amendable, la violence reste omniprésente, non seulement au sein de la pègre, mais aussi dans le peuple, où les coups de gourdin entre voisins sont monnaies courantes, où les servantes ,pour se venger, pissent dans la soupe du maître.
Et l’élite ne vaut pas mieux, car face à une délinquance en expansion, tous les gouvernements prônent le recours à la torture et à la peine de mort.
Cet état d’esprit aboutit aux «ordonnances de Francfort/Main» (1748), élaborées par les représentants des états du «cercle rhénan inférieur», dont fait aussi partie le «Westrich» (Alsace Bossue, département de la Moselle, et partiellement le Palatinat.)
Les ordonnances en disent long sur la barbarie d’une politique de «rendement ». Car ceux qui sont dans le collimateur, ce sont les individus sans feu, ni lieu, ni maître (herrenloses Gesindel), qui par conséquent, ne sont ni taillables, ni corvéables, donc improductifs. Pour cette engeance-là, les despotes éclairés rêvent d’éradication.

1. Les mesures de répression.

Elles entrent en vigueur le 1er décembre 1748, et seront reconduites ultérieurement :

- Les bandes armées de trois individus ou plus seront fusillées sur le champ. Les suspects isolés, en possession d’armes à feu, seront pendus à l’issu d’un procès sommaire, ainsi que les récidivistes, déjà marqués au fer rouge, donc interdits de séjour, qui se feront arrêter sur le territoire. En cas de crime capital, le coupable subira, avant son exécution, l’application des pinces chauffées au rouge, ou l’écartèlement sur la roue.
- Les vagabonds, hommes, femmes, adolescents, seront condamnés aux travaux forcés, les moins de 14 ans placés comme valets de ferme, plus jeunes confiés aux orphelinats. Travaux forcés, également pour les mouchards, qui indiquent aux bandes les horaires et itinéraires des patrouilles, et pour les receleurs qui écoulent le butin.
- Destitution, amende et châtiments corporels pour les fonctionnaires trop laxistes, et récompense aux dénonciateurs de suspects.
- Pour supprimer la mendicité sur la voie publique, les familles nécessiteuses seront prises en charge par leur communauté au moyen de collectes régulières. Les sinistrés bénéficieront d’une patente de mendicité (Bettelbrief), valable 6 mois, avec obligation de faire signer leur patente par les maires des localités traversées, pour le contrôle de leur itinéraire. Les mendiants étrangers sont désormais interdits de séjour. En cas d’infraction, ils subiront le supplice des verges à la 1ère récidive, puis les travaux forcés et enfin, le bagne à perpétuité.
- Pour assurer l’imperméabilité des frontières, les douaniers, gardes et taverniers sont tenus de relever et de signaler l’identité de tous les passants. Une grande battue aura lieu sur le ban de chaque commune, au moins une fois par mois, avec mission pour les habitants, de dénicher les clandestins dans les bois, friches et cabanes de bergers ou d’équarrisseurs à l’écart des agglomérations.
- Aux postes de douane seront érigés des «Zigeunerstöcke», poteaux d’avertissement placardés de croquis de potences à la gouverne des illettrés, et d’une inscription en lettres grasses «châtiment des tsiganes et bandes de nomades».
- Enfin, pour faciliter la capture des criminels, leur signalement sera diffusé sur l’ensemble du territoire.
Ces mesures resteront en vigueur jusqu’à la chute de l’Ancien Régime, et leur lecture publique, une fois par mois, entretiendra l’intolérance et la psychose anti -racaille au sein de la population; mais peut-être contribuera-t-elle aussi à renforcer le parti des adeptes de la Révolution .

2. La caste des parias : images de Cour des Miracles

L’ordonnance sur la diffusion des avis de recherche a généré une abondante littérature, dont un paquet d’échantillons est joint au dossier Bany.
Ces listes de fiches signalétiques dénombrent les membres des bandes qui sévissent sur la rive droite du Rhin, du Hunsrück à la forêt Noire, où, manifestement, la criminalité organisée est bien plus virulente que dans nos régions situées à l’écart des grandes voies de communication.
Le fichier, qui recense les particularités physiques et vestimentaires des individus traqués, ainsi que le lieu et la nature de leurs délits, esquisse la caricature d’une société de l’ombre, dont les héros sont presque tous fils ou petits -fils de taulards, de galériens, de roués, de pendus.
Leurs surnoms sont : Manchetten-Hannes, alias Bembel, Mangold, dit Hühner Georgel, Schinderhannes, précurseur de son homonyme légendaire des guerres napoléoniennes, Frischherz, grand chef de la tribu Tsigane, qui se fait appeler «Oberamtmann», Keilbacken le goitreux, Sau-Jakob, Dreck-Velten, Scheeler Kasper, ou encore Dibo, Fenlau, Husetto, Hebenari…Les truands juifs, qui font bande à part, ont pour noms ou pseudonymes Mosche Worma, Schaye Schyra, Jecoph Meyer dit Unckele, Itzig Polack, Affrom Bockenum, Schmul Elsasser, Liebmann Lausewenzel…
Armés de mousquets, de pistolets, de couteaux de chasse (Hirschfänger), bon nombre d’entr’eux sont estropiés, couturés de cicatrices. Weiss Bastian, qui prétend avoir perdu sa main à la guerre, cache son moignon sous «ein klein Strümpflein», une socquette : Knickerla, pour avoir pris deux balles dans le genou, se propulse à l’aide de béquilles; Simons Jacob a essuyé des coups de feu à la tête, au visage, au ventre et aux cuisses..
La tenue vestimentaire de ces personnages exotiques est à l’avenant; camisoles d’indienne bleue, verte ,rouge, ivoire, (Brustlappen) ou faux gilets de velours en trompe l’œil, redingotes à boutons de cuivre, ou haillons bariolés, le souci de «paraître» est évident, surtout chez les dandys de la troupe qui arborent des casaques à brandebourgs, volées à quelque officier, des chapeaux à plumes et liserés de satin, des chausses et des souliers à boucles d’argent, de larges ceintures de cuir, où exhiber leur arsenal de pistolets. Quant à leur cheveux longs, ils les portent soit «fliegend», soit nattés dans le dos et roulés en coque sur les oreilles.
Toutefois, en dépit de leur apparence de brigands d’opérette, regroupés en bandes, ils sont redoutés, et sans doute redoutables.
Car si les délits des isolés se limitent aux petits larcins, à l’effraction des clapiers et des poulaillers, certains groupes se sont spécialisés dans l’attaque des diligences et des convois de marchandises, d’autres dans le cambriolage des fermes et des moulins situés à l’écart, et les plus insolents ont même eu le front de faire en plein jour une entrée fracassante au village d’Ockenroth dans le Palatinat, et d’assaillir un château dans la Wetterau.
Pure fiction que tout cela ? Pas forcément, car les «Tziginner» disposent de protections, de terres d’asile, où ils se savent inexpugnables. Dans le bailliage d’Oberkirch, fief de l’évêque de Strasbourg, par ex. ils ont soudoyé le bailli von Geismar, auquel le «Knees», leur chef, rend de fréquentes visites, et qui les tolère à une condition : qu’ils aillent faire leurs rapines hors de son territoire.
Aussi, comme la route reste leur seule patrie, ils sont en déplacement plus souvent que planqués, entraînant dans leur sillage la marmaille et les concubines, belles plantes grasses ou laiderons difformes, dont les sobriquets soulignent les tares : dicke Lisbeth, geile Gundel, rothe Mariann, Stottergreth, Hinkeldorte, Buckelmarie, un sérail, où, selon son «Steckbrief», la Bensheimer Dorothée, 28 ans, remporte la palme des malfaçons : de haute taille, mais bancale, elle a les pieds de travers, le visage grêlé (porplicht), et la bouche défectueuse (mangelhaft am Mund), formule d’un comique insolite, qui désigne, je suppose, un bec de lièvre.
Au sein des couples, le machisme est d’usage, voire proclamé par les victimes elles-mêmes, ainsi que nous l’enseigna encore une bohémienne du temps de mon enfance. Comme son homme la tabassait et qu’un habitant de l’Oberdorf tenta d’intervenir, elle se retourna vers l’importun pour l’invectiver : «er kleid mich un weid mich ,na derf er mich àa schlàan !» Pour elle, pas question de contester le droit de la battre à celui qui la vêtait et la nourrissait.

On peut se demander si Charlotte, l’une des concubines du gitan Frischhertz, a eu la même réaction lors du châtiment : pour avoir porté atteinte à son honneur en le cocufiant, l’«Oberamtman» d’un coup sec de son Hirschfänger, lui a tranché le nez.
Enfin, pour boucler ce tour d’horizon, il reste à évoquer les métiers annexes, qui permettent aux voleurs de subsister par temps de chômage, et que relèvent les fiches de signalements.
A la morte saison, lorsque les routes restent désertes et que les bourgeois se barricadent et se calfeutrent chez eux, les truands se livrent à des activités diverses.
A base de plumes et de glu, Hahnen-Kasper confectionne des coqs miniature mis à l’étalage sur les marchés de Noël. Wurzel-Lips et son associé Klein-Hannes vont déterrer des racines pour un apothicaire de Strasbourg, auquel à la belle saison, ils livrent aussi des «spanische Mucken», ou mouches cantharides qui, pilées, entrent dans la composition des aphrodisiaques, les viagras de l’époque. Natif d’Alsace, Welsch Andrès qui a appris le welsch pendant son service dans l’armée française, s’est spécialisé dans le tressage des «Bändelschuh», espadrilles confectionnées avec des lanières de tissu. Le mercier Jérémia, dit «Fingerhut», dont le coffre à bretelles et à tiroirs, regorge de «galanteries», fait la tournée des villages en compagnie de Gläser-Lips, qui transporte dans sa hotte, des porcelaines emmaillotées de peaux de lapins, tandis qu’Eisenfresser Heinrich, en intermittent du spectacle, se produit dans son numéro d’avaleur de sabres sur le parvis des églises, et anime les bals de kermesses avec son violon.
Et puis, il y a les vanniers, étameurs, rémouleurs, petits métiers qui ont subsisté jusqu’au 20è siècle, et parmi lesquels figurent aussi les ventouseurs, dits «Schreffer ou Schröpfer».Ceux-là, tel Benzheimer Heinrich, expert aussi dans l’art de la saignée, sillonnent les campagnes, à la recherche de patients.
Aux dires des anciens de Didenuff , le ventouseur était d’ailleurs, au 19è siècle encore, un personnage important dont, une fois l’an, l’appariteur annonçait le passage; sur quoi, tout le monde rentrait se mettre au lit, pour se faire traiter à titre préventif, contre les «rhumatisses» et fluxions de poitrine.
En conclusion, malgré la rudesse de ses mœurs et de son mode de vie, cette population dégage dans son ensemble, une impression de truculence rabelaisienne, d’aptitude à l’auto-dérision, de vitalité exhubérante, en contradiction avec la notion globale de «gibier de potence», que lui appliquent les bien-pensants.
Aussi, pour être tombé sous l’emprise d’un gitan, Jean Bany, adolescent sans malice, sera-t-il la victime pathétique d’un préjugé allié à la raison d’Etat.

II. La triste histoire d’un petit colporteur

1. Cambriolage et arrestation

En cette soirée du 28 novembre 1761, dans les nappes de brouillard qui montent de l’Isch, le village de Drulingen, une quarantaine de feux environ, s’apprête à s’endormir. Au relais de poste de l’auberge Herrenschmidt, le garçon d’écurie ferme le portail de la cour, tandis que le veilleur de nuit armé d’une lanterne, répète sa ritournelle une dernière fois à la sortie du bourg, du côté de Gungwiller.

- Ihr lieben Leuten, lasst euch sagen, die Glock hat zehn geschlagen….
Il est dix heures, et peu à peu, derrière les vitres, les derniers quinquets s’éteignent.
Sur la chaussée, deux silhouettes apparaissent, furtives. Elles traversent le pont, longent le quartier de l’église, puis s’engagent à main droite dans un chemin qui mène aux champs, et que borde à mi-pente, la maison de Hans Adam Martzloff.

Là, les deux rôdeurs s’arrêtent, scrutent les alentours, puis pénètrent dans le jardin qui s’étend derrière les bâtiments et aboutit à une petite cour.
Jean Bany réussit à s’introduire dans le logis par la fenêtre de la cuisine et va ouvrir la porte à Dominique Danner, le gitan, qui prendra tout son temps pour inspecter les lieux.

Après avoir fourré quelques victuailles et un cruchon d’eau de vie dans son havresac, il se dirige vers la pièce attenante, d’où leur parviennent les ronflements du couple Martzloff, et où l’uniforme et le sabre qu’il convoite sont accrochés à une patère.Tremblant de peur, l’adolescent s’en empare puis va ouvrir la porte du couloir qui mène aux dépendances.
Dans la grange, le gitan rafle au passage quelques vieilles couvertures de cheval, puis fait signe à Bany de se charger du caparaçon du lieutenant, frère du propriétaire.
Ils parviennent sans encombres au bout du jardin où Bany s’arrête, pour déposer contre le muret, la lourde housse d’ornement dont Georges Marzloff revêt son cheval lors des parades.

- Elle est à quelle distance, la scierie ?dit l’adolescent
- -Trois heures de marche, pourquoi ?
- S’il me faut traîner cette housse, je n’y arriverai pas! Et si on nous poursuit ?

Le gitan se rend à l’évidence, si bien que le lieutenant de cavalerie au Royal-Nassau, retrouvera son caparaçon au fond du jardin de son frère.
Au pas de course, les visiteurs clandestins grimpent à travers les vergers, jusqu’au sommet de la pente.

-De là-haut, on verra si le ronfleur donne l’alarme! dit Danner En attendant on va faire une pause casse-croûte et goûter son schnaps.

L’adolescent, qui claque des dents, s’enveloppe dans une couverture et s’affale dans l’herbe, se jurant que l’on ne l’y reprendra plus.

En ricanant, son mauvais génie lui tend le cruchon :
-Ah ! la belle recrue que voilà; Bois, mauviette, ça te requinquera! Allez, avale !

Peu à peu, Bany se détend, et pendant leur repas de pain, beurre et lard, copieusement arrosé, Danner se met à évoquer son repaire au fond du Herrenwald à Renchen, où les gitans font la loi.

-Tu m’y accompagneras dit-il, tu y gagneras mieux ta vie qu’avec ton médicastre !

Le jeunot lutte contre les vapeurs qui lui brouillent la vue.

-Non merci, dit-il, la voix pâteuse, pourquoi voler le pain quand les ménagères me le donnent gratis ?

Soudain menaçant, le gitan se penche vers lui :

-Regarde-moi, blanc bec, écoute-moi et retiens ce que je dis : si jamais tu me vends, si jamais tu prononces mon nom ou celui du Herrenwald, je te retrouverai où que tu sois et je viendrai te découper la peau en lanières.

Martelé d’une voix cinglante, le message se grave dans la mémoire de Bany!
Dans le village en contre bas, rien ne bouge. Ils peuvent lever le camp :

-Debout! on a encore du travail!

L’ingénu vacille, saoul comme un polonais, tandis que l’autre le charge du sabre, de l’uniforme noué en balluchon et du pistolet qu’il lui glisse dans la ceinture, tout en lui dévoilant son projet : voler en passant, un mouton dans la bergerie de Christian Wehrung, histoire de rapporter à la famille de quoi fêter les retrouvailles.

-Tu feras le guet, le reste je m’en charge, avanti !

Mais près de la bergerie, à la sortie du bourg, ils se font repérer et c’est la débandade. Ils s’élancent sur la chaussée de Phalsbourg, puis bifurquent à droite dans le chemin de Siewiller, où leur piste se sépare; car Danner a décidé de larguer son compagnon, qui immanquablement va se faire arrêter, et tant pis pour l’uniforme !
Bany ne court pas, il vole, en pilotage automatique à travers un brouillard si dense que toute perception, toute pensée s’y engloutit.
Ce n’est que lorsque ses poursuivants le cravatent au lieu-dit am Mühlberg, qu’il reprend conscience de la réalité. On le ligote et il se retrouve cloué au sol par les coups de pieds qui pleuvent. Alors la panique le submerge, et, comme un enfant pris de peur, il fait dans sa culotte. Le maire Philippe Finck; constate son état d’ébriété, et le fait coffrer sous bonne garde dans un local de la maison commune.

Le gitan, lui, court toujours, mais quelques marathoniens relèvent sa piste (on n’explique pas comment) et après un parcours d’une quinzaine de kilomètres, ils aboutissent effectivement à la scierie Roos, qui du reste est transformée en auberge depuis fort longtemps.
La veuve Mährlinger, tenancière des lieux, leur confirme qu’en effet, à six heures du matin, un tsigane a fait irruption dans la salle, où un groupe de quatre personnes arrivées la veille l’attendait visiblement.
Le message qu’il leur a communiqué a semblé les paniquer tous, au point qu’ils n’ont même pas fini leur soupe. Ensemble ils ont déguerpi et disparu dans la forêt.

Pendant ce temps, à Drulingen, le maire rédige son rapport, selon lequel une bande de voleurs et de scélérats vient d’opérer des cambriolages nocturnes dans la commune. Entre autre, il mentionne un détail qui relève du commérage ou d’un tentative de gonfler le «crime» : lors de son arrestation, le délinquant aurait incité son complice à tirer, mais le mousquet du gitan se serait enrayé.

Par courrier spécial, ce rapport parvient à Harskirchen en fin de matinée. A la Chancellerie, il déclenche une vague d’excitation. Enfin on va pouvoir se mesurer à un cas de haute criminalité, et démontrer aux prétentieux de Sarrebruck, les capacités des fonctionnaires de l’ « Obere Grafschaft ».
Pour l’instant, il faut sécuriser la geôle et organiser pour le lendemain, le transfert du prisonnier.

2. Les difficultés de l’enquête

Comme un feu de broussailles, les nouvelles de Drulingen se sont propagées à travers le comté et les seigneuries avoisinantes. On ne parle plus que du bandit capturé et de ses comparses, qui courent toujours, avec une fascination mêlée de crainte, qui pimente la monotonie des jours.

A la chancellerie de Harskirchen, c’est le branle -bas de combat. Il s’agit de rassembler au plus vite les indices concernant les bandes en fuite, afin de pouvoir diffuser les signalements.
Mais à mesure que s’accumulent les dépositions, les enquêteurs complètement débordés se rendent compte de l’énormité de la tâche. Ils se trouvent confrontés à un puzzle géant, dont il faut repérer les pièces dans une multitude de témoignages d’une fiabilité incertaine.

Venus des quatre coins du territoire, les témoins convoqués défilent au greffe pendant des semaines. Ils sont intarissables, pour une fois qu’on les écoute, et du magma recueilli il faut ensuite extraire les informations utiles, qui déjà couvrent à elles seules une cinquantaine de pages.

Pour séparer le vrai du faux, on procède par groupes. Exemple : 14 personnes sont sommées de répondre à la même liste de 16 questions; puis avec les 224 réponses obtenues, on établit un tableau synoptique pour faire apparaître les divergences et les similitudes entre les diverses allégations.

Aussi, parmi les scribes, une impression de saturation excédée se généralise, traduite par une boutade du secrétaire Braun :

-Il serait temps de décider si ce foutu caniche est noir à taches blanches ou blanc à taches noires !

Enfin les portraits robots sont au point, et l’on procède à leur diffusion, notamment dans la baronie de Fénétrange et au pays de La Petite Pierre, plutôt malfamé, du fait que dans ses massifs forestiers et ses abris sous roches, beaucoup de gitans trouvent refuge.

Traduction des «Steckbriefe»

«Signalement de la compagnie de Johannes Bany, détenu à Harskirchen et natif d’Obersachs au pays des Grisons :

1ère clique
-Joseph Bany, frère du détenu, se fait passer pour un marchand d’huiles et opérateur d’hernies; âgé d’environ 40 ans, barbu, cheveux noirs, assez petit et trapu, il porte une redingote de lainage gris, un chapeau de feutre noir, sur le dos un coffre d’onguents, pommades et autres remèdes.
- sa femme, 24 ans, native du pays de Souabe, teint pâle, porte un bonnet à dentelles noires, et une jupe ourlée d’une bande de tissu rouge.
- La sœur de la précédente, 19 ans, également vêtue à la Souabe, porte généralement l’enfant du couple, un bambin âgé de deux ans.

Ils sont accompagnés d’un caniche blanc à taches noires.

2ème clique :
- Un grand tsigane de belle prestance, portant une redingote bleue à boutons de laiton, un chapeau noir à ruban d’argent et des chausses de lin. Teint basané, yeux et cheveux noirs, noués en boucle sur les oreilles, petite moustache, il se fait passer pour un ex-soldat de l’Armée impériale.
- Un deuxième tsigane, un peu plus petit et moins noir de teint, dont la tenue, comme celle du précédent, dénote une certaine élégance.
Ces deux individus, probablement d’anciens militaires, parlent le français, l’allemand et la langue tsigane.
- Deux jeunes femmes souabes, 18 et 24 ans, dont l’aînée, probablement la compagne du grand tsigane, porte un bonnet de taffetas bleu à dentelles d’argent.
- Une vieille tsigane, très basanée, laide, vêtue de haillons.

En somme les deux cliques de «terroristes» n’ont rien de franchement patibulaire, mais les ministres de l’époque entretiennent par leurs ordonnances, la psychose du peuple.

Parallèlement aux travaux des scribes de Harskirchen, on procède aussi à des enquêtes sur le terrain. Celle menée à Drulingen, par l’assesseur Schoell, a enrichi le dossier Bany de quelques pièces intéressantes

– Une carte soigneusement exécutée, où les localités de Bockenheim, Lutzelstein et Saverne, sont représentées en place forte, dont la légende est libellée comme suit : «plan approximatif de la situation des villages de part et d’autre de la chaussée de Bockenheim à Phalsbourg, que l’inculpé Johannes Bany et sa compagnie ont parcourus entre le 22 et le 29 novembre 1761» (l’écart de la Roosische Sägemühl correspond sans doute à l’actuel hameau d’Oberhof)

– Un plan du logement de Hans Adam Martzlof, accompagné de légendes explicatives des différents points, désignés par les lettres de l’alphabet. Là aussi, l’itinéraire des voleurs est reproduit en lignes pointillées.

Ces documents incitent à aller vérifier sur place, s’il est encore possible de retrouver dans le Drulingen actuel les bâtiments et lieux indiqués sur les plans.
Il semble que oui. Face à la pharmacie, l’ex propriété de Christian Wehrung est assez facilement repérable, celle de Hans Adam Marzlof correspond sans doute à l’actuelle boulangerie près de l’église, et le «Sieweilerweg», se nomme aujourd’hui «chemin du Muhlberg».

En conclusion, on peut dire que les fayots de Harskirchen ont fait du beau travail pour se profiler aux yeux de leurs supérieurs. (« Eindruck schinden » disent nos cousins germains).

Mais revenons au malheureux héros de cette histoire et aux épreuves qui l’attendent.

3. Les stations d’un chemin de croix

Dans la matinée du 30 novembre 1761, Jean Bany quitte Drulingen sur une charrette à ridelles, les mains liées dans le dos, la tête couverte d’un sac de chanvre.

L’escorte est maigre : quelques notables à cheval, quelques paysans armés de vieux mousquets, car depuis pas mal de temps déjà, la milice du Comté s’est délitée.

Au passage du convoi, les villageois constatent, surpris, que le brigand sensé avoir terrorisé tout Drulingen, se réduit à un petit tas de misère. Toutefois, de l’avis général «s’il en est là, c’est bien qu’il l’a cherché».

A son habitude, les yeux fermés, Bany se réfugie dans la prostration. Car au fond du malheur, là où il n’y a plus rien à espérer ni à craindre, la peur s’apaise.

A Harskirchen, la charrette s’arrête à proximité de l’église. Le somnambule est remis aux autorités et conduit à sa cellule, où son regard se fixe sur l’arbre, qui agite ses branches nues derrière les barreaux de la lucarne .On l’avertit de l’interrogatoire du lendemain, puis la porte se ferme sur un claquement de verrou.

Allongé sur le grabat, il fixe son attention sur les plaques de salpêtre du mur pour échapper à l’angoisse qui se réveille, et peu à peu, il replonge dans la léthargie. La faculté de s’absenter quand la douleur est trop grande, lui paraît naturelle, il ne s’en étonne pas. Est-ce au cours de son enfance orpheline, que s’est forgée la mystérieuse carapace qui intriguera les médecins et les bourreaux.

4. Les interrogatoires.

Bany n’a aucune notion de ce qui l’attend. Il sait seulement que le monde est devenu hostile, et qu’il y fait de plus en plus froid.
Les sept interrogatoires qu’il subira s’échelonnent entre le 1 décembre 1761 et le 15 juillet 1762. Ils ont pour but, non pas d’établir la vérité, mais de relever les éléments à charge et les pièces à conviction, voire de les fabriquer par interprétation spécieuse ou escamotage de détails, afin de légitimer le verdict aux yeux du monde.
Car le sort du prisonnier est scellé d’avance. Le bon et jovial Wilhelm Heinrich, par la grâce de dieu Comte de Nassau-Saarbruck et Sarrewerden, dénie à l’adolescent le droit à l’existence : pour disperser la racaille et remettre le peuple à la tâche, il est nécessaire de statuer un exemple.

Le 4 décembre, neuf soldats arrivent de la capitale pour assurer la surveillance de la prison sous le commandement du caporal Höll. Dans ses bagages, le détachement transporte une cage de fer (eiserner Springer) où, sur ordre du Prince, le criminel doit être enfermé. On pense aux «fillettes du roi», ces cages de fer à pointes cloutées, dans lesquelles Louis XI exposait ses ennemis au château de Plessis les Tours, et qui lui valurent son renom de cruauté.
Au cours des interrogatoires, Bany parle sous l’emprise de la voix qui ne cesse de le hanter : «où que tu sois, je te trouverai…».

Il est né le 30 novembre 1742 à Chalon sur Saône où son père, «Feldscher» ou chirurgien de l’armée était stationné à l’époque. Sa mère est décédée depuis longtemps. Son père, blessé au cours du siège de Berg op Zoom dans les Pays –Bas, est mort des suites de ses blessures à Huningue en Haute Alsace, sur son chemin de retour au pays.
A ce propos, le laissé-passer trouvé sur l’inculpé est établi le 12 août 1761 à Huningue au nom de Joseph Bany et de sa famille, qui s’y sont rendus sans doute, pour recueillir les effets du défunts.

Pour pays d’origine, Jean Bany indique le village d’Obersachs dans les Grisons suisses. Aussitôt une demande de renseignements est adressée au bailli d’Obersachs, qui répondra que la famille Bany est inconnue dans la région.
Des métiers, Bany en a exercé plusieurs : valet de ferme en Suisse, artisan, marchand de porcelaine, porteur d’huiles, et, les neuf derniers mois, marchand de remèdes en association avec son frère.

Au sujet du cambriolage, l’orphelin invente une fable : ce soir-là, il revenait d la foire de sainte Catherine de Bouquenom, pour aller rejoindre les siens à Metting.
A l’entrée de Gungwiller; il a rencontré un inconnu qui se disait déserteur de l’armée française, ils ont fait route ensemble jusqu’à Drulingen, où son compagnon l’a saoulé à l’eau de vie au point de lui faire perdre l’esprit. Il ne se souvient donc, ni de l’itinéraire qu’ils ont suivi, ni du délit, s’affirmant innocent du crime dont on le soupçonne.
Les inquisiteurs s’enquièrent des tsiganes, en compagnie desquels le clan Bany a été vu.
-Une rencontre de hasard, dit l’adolescent. Ils sont contrebandiers. Une fois à Metting, ils se sont joints à nous pour boire; une autre fois à Eschbourg, mon frère a joué aux cartes avec eux dans la forêt, c’est tout ce que je sais.

«Pour se sortir de ce mauvais pas, notera-t-on, le prévenu recourt au mensonge, et refuse d’en démordre, fût-il confronté aux preuves qui infirment ses dires », conclusion transmise à Sarrebruck, d’où parvient la réponse des experts :
«Au vu du caractère retors et déterminé de l’inculpé, la méthode forte est à envisager pour l’amener aux aveux».

L’idée de la torture est donc lancée. Toutefois la prudence (ou plutôt l’hypocrisie) s’impose : il faut éviter toute précipitation et mener l’enquête à son terme, en relançant les appels à témoins dans les localités mentionnées par Bany et en reprenant au pays de la Petite Pierre, la chasse au fantôme du gitan.

Enfin, lorsqu’à la chancellerie, devant les nouvelles piles de protocoles, les sous-fifres commencent à perdre patience, le moment est venu, estime le bailli Stutz de passer à la phase suivante.

5. La torture

Le 6 mars 1762, un «récapitulatif» est adressé au gouvernement. Comme cette liste de chefs d’accusation, assortis de preuves (mensonge, espionnage, mode de vie suspect, incitation à la violence etc…) est oiseuse et marquée au sceau de la mauvaise foi, passons à «l’argumentation» finale :

«Si le prévenu était un honnête homme marchand de remèdes, il n’aurait été en possession d’un pistolet chargé. Ainsi donc on peut conclure que lui-même est un voleur et un bandit, pour avoir porté sur lui le «Diebsinstrument».
S’il était innocent, pourquoi son frère et sa belle-sœur ne sont-ils pas venus témoigner en sa faveur ?

Par conséquent, il faut pousser le prévenu aux aveux, du fait qu’il s’est rendu coupable d’un «forfait majeur» (vu la valeur des objets volés), voire d’un «forfait qualifié» (vu le port d’un pistolet armé).
L’ivresse n’est pas une circonstance atténuante, du fait que l’eau de vie était volée, donc consommée après le délit.

Un tel vol est punissable de mort.

Le délinquant sera donc soumis à la question pour l’amener aux aveux. La torture au 3ème degré est envisagée.
Signé : «Stutz»

Ce papier est à considérer comme une «humble suggestion» du bailli à ses supérieurs qui, pour d’obscures raisons, ne semblent pas pressés.

Le feu vert pour la torture est donné le 14 juin par sentence officielle des «Fürstlich Nassau-Saarbrückische geheim-Direktor, Hof und Regierungsräthe hieselbst» avec la griffe de l’un d’entre eux, Simon.
Il s’agit à présent de choisir le tortionnaire, qui doit disposer d’une expérience suffisante pour ne pas abîmer le client au point de le rendre inutilisable avant les aveux. D’abord on opte pour Johann Peter Hermann, le bourreau de Schopperten, avant de se raviser au profit du bourreau Rein de Sarrebruck.

Le 18 juin, Bany est avisé de la résolution .Une fois de plus il clame son innocence.
Le lundi matin, 22 juin, Rein arrive à Harskirchen avec son attirail, qu’il va mettre en place dans un local de l’Hôtel de Ville, où vient le rejoindre son collègue de Lorentzen.
Pendant ce temps, Bany est conduit à la chancellerie, où l’attendent le bailli Stutz, l’assesseur Schoell, le secrétaire Braun, ainsi que les échevins Jacob Muller et Hans Nickel Karcher de Harskirchen.
Les 11 questions qui lui seront posées, sont sa dernière chance de s’épargner par une confession les instruments de la torture.

Pourtant, bien qu’averti de l’enjeu, il persiste dans ses dénégations.

Il est donc mené dans la salle de torture, où les médecins-chirurgiens Louis et Gustav Dern viennent rejoindre la commission, pour intervenir en cas de besoin.

La question au premier degré commence par l’épreuve des «Daumenschrauben» : placés entre les mâchoires de deux étaux, les pouces sont écrasés progressivement par quelques tours de vis. S’attendant aux réactions habituelles, le bourreau est médusé, car Bany, les yeux clos, ne hurle, ni ne se débat.
Au bout d’un moment, sans avoir proféré un son, il semble tomber en pâmoison. Rein desserre les vis, de plus en plus éberlué par l’absence de réaction du patient.
Après une pause exigée par Louis Dern, qui est aussi «Stadtschultheiss» de Harskirchen, Rein applique les «Schniere» ou lanières de cuir, à l’aide desquelles les bras sont garrottés. Le supplicié reste immobile et muet, comme si l’évanouissement, que l’on estime feint, était réel.

Dans la salle, le silence est oppressant, autant que le tableau du petit gars aux yeux clos, qui, ligoté sur une chaise spécialement aménagée, a l’air d’un enfant malade.

Après deux minutes de garrots, les médecins examinent le pouls et déclarent l’évanouissement simulé.

Donc, re-belote. Les lanières de cuir sont resserrées pour réduire encore davantage la circulation du sang. Bany serre les dents, les yeux obstinément clos, et lorsqu’on asperge d’eau le visage, il a des soubresauts, donc pas de perte totale de conscience.

Après une pause de trois minutes, la torture reprend pour trois minutes d’éternité de souffrance, et toujours rien, ni cris, ni aveux.

Les médecins et Rein vont se consulter dans la pièce attenante. Ils concluent que, vu la faiblesse du patient, il est nécessaire de lui accorder une demi-heure de répit. On le détache pour l’étendre par terre.

C’est sur cette note que s’arrête le procès verbal, signé par les deux échevins et accompagné de l’attestation des deux médecins : «la torture a dû être interrompue jusqu’à nouvel ordre».

Cela ne signifie pas pour autant que la clémence va pouvoir jouer un rôle désormais dans la politique! Mais Dern interviendra pour interdire dorénavant l’utilisation des fers qui, jusque là, encerclant les poignées et les chevilles du malheureux, l’enchaînaient chaque soir à son grabat et transformaient ses nuits en calvaire.

Le lendemain, au procès verbal destiné à leurs Excellences, le bailli prend le risque d’ajouter quelques timides observations sur la nécessité d’une pause de quelques jours avant le passage au 2ème degré, et sur le doute qui assaille les témoins du supplice : la torture peut-elle être efficace sur des individus qui, comme le prévenu, sont sujets aux convulsions et manifestent une grand détermination ?
La réponse arrive promptement : ordre de s’enquérir si le prévenu souffre d’épilepsie ou s’il est drogué, puis appliquer le 2ème degré.

Stutz, qui sait lire entre les lignes, se dit que les scrupules ne servent à rien, sinon à nuire à sa carrière.

Louis Dern toutefois, estime que, vu l’état du supplicié, la médecine a son mot à dire. Les bras tuméfiés de Bany, sont couverts d’ecchymoses et de plaies, ses pouces sont écrabouillés. Pour l’instant il faut soigner tout ça pour éviter la septicémie.

Au bout de trois semaines, le 13 juillet, il signale que les plaies sont en voie de guérison. Selon les déclarations du geôlier, le prévenu n’a jamais donné de signes d’épilepsie, et après perquisition de la cellule et fouille du prisonnier, on affirme n’avoir trouvé nulle trace de drogue.
Dès lors, la reprise de la torture et fixée au surlendemain.

La question au 2ème degré.

Le 15 juillet, à la chancellerie, le cérémonial se répète à l’identique, un rituel surréaliste, où l’obstiné reste fidèle à son rôle.

-Non, dit-il encore et toujours.

Dans la salle de torture, le bourreau lui présent les nouveaux instruments, «bottes espagnoles» et monte-charge à poulie, avec lesquels, s’il ne cède pas, il va pouvoir faire plus ample connaissance.

Et une fois de plus, rétracté et taciturne, l’anti-héros fera preuve d’héroïsme. Sa crainte du gitan suffit-elle à expliquer une telle endurance ? Ce secret-là, Bany ne le livrera jamais.

Le jour se lève à peine, car cette fois la séance débute à 4 h du matin, et l’aube incertaine et sans promesses contribuera peut-être à fragiliser les défenses de l’incompris.

Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Il subit pendant 9 minutes l’écrasement de ses pouces aux ongles arrachés, sans autre résultat que deux petites flaques de sang sur le plancher.

Après 9 minutes de pause, c’est le tour des bottes espagnoles, étaux conçus pour l’écrasement des pieds, auxquels Rein donne quelques tours de vis énergiques. En tressaillant, Bany ouvre les yeux, pousse un profond soupir (innerlich tief geseufzet), puis en silence, ses paupières retombent.

Durée de la procédure : 17 minutes en tout, encore un bout d’éternité chronomètrée, tout bruissant d’exhortations que l’évadé n’entend pas.

Enfin le supplicié est soumis à une variante de l’estrapade : les pieds fixés au plancher, les poignets à la corde de la poulie, il est étiré pendant 16 minutes, tenu à l’œil par le bourreau, qui veille à ne pas lui déboîter trop vite les articulations ;

Ensuite, les pieds libérés, il se retrouve suspendu à quelques toises du sol, le poids du corps exerçant sur les bras une tension qui devient insoutenable.

Alors, en même temps que ses os, la volonté de Bany craque. Il hurle, il supplie, il jure de tout dire.

Tandis que Rein lui délie les poignets, les échevins soutiennent à bras le corps la carcasse désarticulée, qu’ils vont poser sur une chaise, car Bany ne tient plus sur ses pieds et n’en retrouvera pas l’usage de sitôt.

6. Les aveux

Lorsqu’il a repris son souffle, on passe à l’interrogatoire, et Bany parle.

C’est le gitan qui l’a entraîné dans le vol à Drulingen, mais son frère n’était au courant de rien. C’est le gitan qui a pris l’uniforme, tandis que lui-même faisait le guet. Ensuite il l’a fait boire, menaçant de le couper en lanières en cas de trahison.

Il avoue aussi avoir indiqué la maison Martzloff pour y avoir repéré l’uniforme, car le «grand noir» voulait des habits neufs. En revanche, il répète ne jamais lui avoir enjoint de tirer.

Son patronyme est Wasserbach, qui traduit en patois des Grisons; s’est transformé en Bany, car ba=eau, ny=ruisseau.

Le berceau des Wasserbach est Altendorf, un village du canton de Schwitz, où est toujours domicilié son oncle maternel, un homme fortuné.

Finalement, l’ingénu n’avait rien à cacher, à part les noms de Danner et du Herrenwald, qu’il passera sous silence, conditionné à mort, c’est la cas de le dire, par une terreur irrationnelle, et bradant ainsi, à son insu, la dernière miette de chance d’échapper à la potence .

La séance s’achève à 9h du matin. Dern a enveloppé de compresses les pieds de l’estropié, qui, sur un brancard, est transporté dans sa cellule, et le jour même est adressé au Landamman du canton de Schwitz une demande de renseignements sur la famille Wasserbach.

Datée du 9 août, la réponse parviendra à Harskirchen le 21 août, au rythme des services de messagerie de l’époque. Elle confirme les déclarations de Johannes Wasserbach, dit Bany, dont cependant seul son oncle se souvient, car il n’a séjourné que peu de temps à Altendorf, où il s’est comporté en «garçon honnête, serviable et franc».

Entre temps, le 7 août, soutenu par deux hommes et une paire de béquilles, Bany a pu se rendre à la chancellerie pour la ratification de ses aveux, une formalité que Schoell surtout à hâte de voir s’accomplir, et que le médecin est parvenu à retarder de quelques semaines, en déclarant son protégé inapte au déplacement.

Après lecture du procès verbal en présence de la commission, Bany complète spontanément ses aveux par quelques détails, puis y appose sa signature, ou une croix (le document ne figure pas dans son dossier), et on l’imagine soulagé, reprenant timidement espoir.

Car il ignore que ce document est la pièce à conviction, sans laquelle le procès n’aurait pu avoir lieu, et d’autre part il ne peut concevoir que ses protestations d’innocence n’ont absolument rien changé à sa situation.

7. Derniers préparatifs et sursis imprévu.

Tout au long du mois d’octobre 1762, sur les routes du Val de Sarre entre Sarrebruck et Harskirchen, c’est un va -et -vient incessant d’estafettes au galop, porteurs de rapports et d’instructions.

Le 5 octobre, ordre est donné de faire ériger sur le lieu de l’ancien gibet, une potence à trois piliers en bois dur, en renforçant de fer blanc les trois poutres transversales aux endroits de jonction pour éviter le pourrissement trop rapide du bois.
La discrétion est recommandée : pas de commentaires intempestifs, ni d’annonces sur l’imminence du procès.

Par retour de courrier la chancellerie s’engage à faire exécuter l’ouvrage «d’ici lundi prochain».

Le gibet sera dressé, à une distance de moins de 2km, au lieu -dit «Galgenberg» sur le ban de la Ville-Neuve. 74 ouvriers s’activeront sur le chantier, pour le salaire d’un repas à l’auberge Georges Reeb, «Rathswirt» à Harskirchen.

Le 9 octobre, le verdict estampillé, signé par les membres du gouvernement et portant la griffe de Wilhelm Heinrich, parvient à la chancellerie, avec l’annonce de la date fatidique : le procès et l’exécution auront lieu le 15 octobre, en présence d ‘un contingent de 20 grenadiers de Sarrebruck. Cette date sera annoncée 3 jours à l’avance à l’inculpé, auquel on assurera l’assistance d’un prêtre.

Le 11 octobre, Stutz signale au gouvernement qu’un contingent plus important serait souhaitable, vu que la milice inexistante sera remplacée par un quart des hommes du bailliage, armés seulement de bâtons.

Le 12 octobre : un contingent de 30 grenadiers est accordé, et des consignes données à propos de la dépouille de l’exécuté, à livrer au Collège de Chirurgie et d’Anatomie de Sarrebruck.

Par retour de courrier est expédié le compte-rendu des réactions de Bany, auquel on vient d’annoncer la date de son exécution.

Faite par Schoell, en présence de Stutz et de Braun, l‘annonce a provoqué une violente commotion. Après le choc encaissé en silence, le condamné s’est écroulé, secoué de sanglots «lamentables», suppliant de commuer le sentence. On lui conseille de s’en remettre à Dieu, il s’évanouit, on le ranime, il clame son innocence et enfin donne le nom du coupable, Dominik Danner, le gitan, qui a causé son malheur. Il livre aussi le nom de son domicile, le «Herrenwald», situé outre-Rhin près de la ville de Renchen, et celui du 2è gitan, Friederich.

Enfin, résigné, il demande l’assistance d’un capucin à la place du curé.

Le 13 octobre, réponse de Sarrebruck : l’exécution est ajournée jusqu’à nouvel ordre et le nécessaire doit être fait pour capturer le gitan Danner.

Pour le Prince et ses ministres, il s’agit là d’un contretemps qui les agace, mais la loi exige que le aveux, même tardifs soient vérifiés, et l’éventuel complice traduit en justice.

Agacé, on l’est aussi à Harskirchen. La perspective d’un voyage à Renchen ne séduit personne; il pleut, et en plus il faut avertir les maires de démobiliser leurs échevins.
Pour l’expédition dans le fief d l’évêque de Strasbourg, c’est Ludwig Dern qui se porte volontaire.

Avant d’entreprendre sa chevauchée vers Renchen, Dern va avertir son protégé du sursis, et le presser de questions pour tenter d’obtenir des informations supplémentaires. Mais Bany a beau se creuser la tête, il ne sait rien de plus, à part que Danner a servi au régiment Champagne, et Friederich chez les Prussiens.

Dès lors, le petit colporteur va subir une nouvelle torture, la pire de toutes : 10 jours d’incertitude, l’estrapade entre l’espoir et le désespoir, le cauchemar des images du supplice final, la solitude absolue face à l’indifférence d’un monde sans pitié.

Le 24 octobre Dern est de retour, recru de fatigue et démoralisé à l’idée du pauvre estropié, auquel il faudra annoncer l’échec de la mission.

Son rapport sur l’expédition décrit la situation dans la seigneurie d’Oberkirch, où les tsiganes en grand nombre narguent effectivement les forces de l’ordre, au grand dam du nouveau bailli de Renchen, qui avoue son impuissance. Face aux bandes armées, retranchées dans le Herrenwald, ainsi que dans les bois voisins du «Maywald» et du «Kerkerwald», la milice est trop faible pour intervenir. Quant aux bourgeois, ils profitent de la situation, acceptant l’argent des râpines dans leurs échoppes, ainsi que l’invitation aux beuveries dans les rues de la ville, où les gitans les arrosent à pleins tonneaux.

Pièce jointe à ce rapport, l’attestation du Sieur de Maillot, conseiller épiscopal et grand bailli de la seigneurie d’Oberkirch : «nous certifions que le sieur Dern a consciencieusement exécuté sa mission, et nous nous engageons à faire arrêter les deux individus recherchés, dès que l’occasion s’en présentera».

Le 25 octobre : un compte-rendu succint du voyage et l’attestation de Maillot seront expédiés à Sarrebruck.

Le 27 octobre : décision laconique de Wilhelm Heinrich : «Résolutio Serenissimi : que l’on ne diffère pas davantage l’exécution !»

L’exécution et le procès qui la précède, auront lieu le 29 octobre 1762.

Pour boucler les préparatifs, le délai est court, mais comme deux semaines plus tôt les membres du tribunal ont déjà pu s’initier à leur rôle, il suffira d’une ultime répétition dans la salle du greffe, où le «script» de la mise en scène sera relu.

Car le procès, qui se déroulera sur la place du marché (aujourd’hui la cour de l’école), est une pièce de théâtre, dont le rituel s’inspire des procès de sorcellerie du Moyen-Age.

C’est le gouvernement qui a désigné les intervenants.

La fonction de juge est octroyée à l’assesseur Christian Gottlieb Schoell
Le notaire Christophe Haun assurera celle de procureur («Fiscal» ou «peinlicher Ankläger»).
Le greffier Georges Braun rédigera les protocoles.
Le secrétaire Georges Herrenschmidt servira d’avocat à l’accusé.
Les «Gerichtsshöffen» ou échevins de la commune, Jacob Muller, Hans Nickel Karcher, Philipp Rheinhard Eitelwein et Ludwig Silbereisen, feront également partie du tribunal à titre de «Blutschöffen».
On note l’absence du bailli Stutz. A-t-il été exclu pour avoir osé suggérer que le jeune âge du criminel pourrait justifier une mitigation de la sentence ?

8. Le procès et l’exécution.

Le 29 octobre, vers 8 h du matin, sous le commandement du Stadtschultheiss Dern et de l’ex-militaire Wölflinger, les bourgeois de Harskirchen, armés de fusils, et les délégations villageoises munies de bâtons, se dirigent au pas vers la place du marché, pour y former un cercle autour de la table ronde, qui est placée au centre, recouverte d’un drap noir.

A cette table prennent place, le juge, portant l’épée au côté, à sa droite le fiscal, puis le greffier muni de son attirail de dactylo, et les échevins de justice en houppelandes noires.

Quand l’inculpé apparaît, escorté par le commando de grenadiers, la foule massée autour de la place fait silence.

Bany est placé devant la table, face au juge, à proximité d’un escabeau, posé là en cas de malaise de l’estropié.

La solennelle mascarade peut commencer.

Le juge fait signe à l’huissier, qui, après avoir frappé les trois coups usuels avant l’ouverture du spectacle, ordonne d’une voix de stentor.
-Comme en ce lieu justice doit être rendue, que ceux qui n’ont rien à dire fassent silence !

S’engage alors, entre le juge et les échevins, l’échange rituel des questions-réponses pour rappeler au peuple que, mandaté par Dieu, le prince est investi de la fonction de juge souverain et que le jugement sera rendu selon sa résolution.

Puis le procureur se lève pour lire l’acte d’accusation, rédigé par Schoell, qui en 8 articles démontre que le «Maleficant» est un élément nuisible à la société, et que le vol important et dangereux qu’il a commis «ein grosser und gefährlicher Diebstahl» est passible de peine de mort.

Pour rappeler les droits de l’accusé, les échevins exigent alors qu’il soit assisté par un «Defensor».
L’avocat prend à part le misérable cramponné à ses béquilles, et après l’avoir consulté pro forma, demande la clémence.

Réponse en chœur des échevins :

-Clémence sera accordée dans la mesure où le permettent le droit et la loi.

-A présent, voulez-vous que soit annoncée publiquement et exécutée la sentence rendue par notre gracieux Prince et Seigneur ? dit le juge.

-Oui, nous le voulons !

La sentence sera lue par le greffier, et ratifiée par le chœur des béni-oui-oui :

-«En châtiment de son forfait, le Maleficant est condamné à la pendaison.»

Là-dessus le juge brise en deux la baguette posée devant lui, et en jette les morceaux aux pieds du condamné, qui, incité à rentrer en lui-même pour faire pénitence, et recommandé à la miséricorde de Dieu, est remis aux mains du bourreau, Friederich Ludwig Hermann de Lorentzen.

Ces détails sont consignés dans le script, intitulé «Formalia», que l’on imagine posé sur la table ronde le jour du procès. La pluie est tombée sur la liasse de 8 feuillets, dont les derniers sont quasiment illisibles, si bien que, même à la loupe, on n’y devine que quelques bribes sur la suite des évènements :
Dans un ordre prescrit, le cortège se forme, pour s’acheminer au son du glas vers le «Galgenberg», où le bourreau et ses deux aides accompliront leur besogne.

Au pied de l’échafaud, flanqué de deux prêtres dont on ignore l’identité, le «pauvre pécheur», comme Schoell l’appelle désormais dans son compte-rendu de l’exécution, a demandé pardon à ses juges, comme à d’autres personnes, d’une voix forte et courageuse ( laut und mit viel Herzhaftigkeit ).

De quoi peut-il demander pardon, sinon du fait d’exister ?

Puis tandis que son âme s’envole vers une hypothétique lumière au bout du tunnel, et que les grenadiers repartent vers Sarrebruck, avec dans leurs bagages, outre la cage de fer, une dépouille destinée à la dissection, le reste du cortège reprend le chemin de Harskirchen pour aller reformer le cercle sur la place, point final de la cérémonie et de l’existence d’un mal-aimé.

Ensuite seulement, Schoell donne congé à l’assemblée, qui ira se sustenter, en compagnie des «Herrschaften», dans une des auberges du village, dont la chancellerie paiera la note de 19 florins 5 schillings.
Le peuple, lui, est retourné à ses travaux et n’a pas le temps de s’attarder au souvenir du pauvre transi, grelottant sous la pluie, qui avait si peu l’air d’un mauvais sujet
-De toute façon, dit Peter à sa Kätt, la justice, c’est pour les riches.

Pour ma part, j’ai associé un lieu de deuil à cette histoire, le lieu où, d’instinct, je situais le gibet, avant d’apprendre que le «Galgenberg» de la Ville-Neuve s’étend en contre-bas.

Selon G. Matthis, notre historien de référence, l’ancien «Richtplatz» du comté se trouvait sur le ban de Zollingen, dont une partie fut attribuée à la Ville-neuve lors de sa fondation.

Aussi m’a-t-il semblé que du haut de la colline, à la croisée des chemins, c’est-à-dire à la «Kritzchaussée», donc visible de près et de loin, le gibet aurait joué au mieux le rôle dissuasif qui lui était assigné.

C’est ainsi que le carrefour de la «Kritzchaussée» m’est devenu un aide-mémoire; car lorsque j’y passe, je pense immanquablement à Jean Bany, avec l’illusion, devant le doux paysage qui s’étend à perte de vue, de partager avec lui les dernières images qu’il a emportées de ce monde.

Source : série 1 B 26, 42/43 Archives départementales, 5 rue Fischart Strasbourg.

FAMILLE STREIFF VON LAUENSTEIN

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 13:31

Dans les Vosges du Nord, non loin de l’imposante ruine du Fleckenstein, s’élevait, il y a des siècles, le château de Löwenstein. De ce repaire de chevaliers-brigands, qui avaient coutume de rançonner les riches marchands capturés sur la route du Rhin, il ne reste plus aujourd’hui qu’un modeste éboulis de pierres, perdu dans la foret.
Un de ces brigands, le chevalier Hennel (Johann) Streiff, seigneur de Löwenstein, et son comparse Johann von Albe (de son vrai nom Gentersberg von Bitsch,) sont faits prisonniers en 1386 par les comtes de Lichtenberg, alliés à la ville de Strasbourg.
Dès lors, ces chevaliers -brigands, l’un ou l’autre surnommés le « Lindenschmidt » par le peuple, deviennent des personnages de légende : la réalité se mêle à la fiction dans ce qui est transmis de leur histoire.
A la fin du 15è siècle, le chroniqueur Bernard Hetzog raconte que Hennel Streiff et Johann von Albe furent décapités à Strasbourg, et jusqu’au début de notre siècle, le peuple chantera la triste complainte du Lindenschmidt, vendu à ses adversaires par un traître, puis exécuté avec son fils et son valet : «Es ist noch nit lang als dieses geschah…»Cependant Twinger von Königshoven,contemporain de ces évènements, en donne une version certainement plus fiable : il affirme qu’après démolition du Löwenstein, les deux chevaliers furent relâchés.
Quoi qu’il en soit, les Streiff von Lauenstein prétendent descendre de Hennel Streiff, seigneur de Löwenstein (Levy,«Geschicht der Stadt Saarunion» p.25)
Au fil du temps, en effet, les châteaux-forts avaient perdu toute importance stratégique, et n’offraient plus ni confort, ni revenus, si bien que les chevaliers –brigands se convertirent en fonctionnaires, pour aller occuper dans les villes les postes lucratifs de bourgmestre, Schaffner, Schultheiss ou bailli.
Le père du premier châtelain de Diedendorf semble être Ulrich Streiff, époux d’Anna de Boos, qui, en 1534 est Schultheiss à Bergzabern.
La famille Streiff possède des biens à Deux-Ponts, et, après avoir été nommé bailli du comté de Sarrewerden, Johann Streiff (14.02.1517-07.11.1595) vendra cet héritage, pour entreprendre, vers 1577, la construction du château de Diedendorf. Pourtant, curieusement, il ne sera pas inhumé dans l’église de son fief, qu’il fait construire en 1688 : son nom figure sur la liste, établie par Lévy, des sépultures en l’église Saint-Georges de Sarre-Union.
Philippe Streiff, frère de Johann, est Schaffner du Comté, et possède à Zollingen une propriété appelée « Hofmeistergut », pour laquelle grâce à l’appui du bailli, il fait construire un chemin d’accès, malgré l’opposition de la commune. Une des filles de Philippe épouse le Schultheiss Friederich Burgundisch, bourgeois de Bockenheim, et perpétue ainsi la lignée des Streiff parmi l’actuelle population d’Alsace Bossue.
L’épouse de Johann Streiff est Maria von Eich de Lixheim. De Matthis (« Leiden… », p.26) nous apprenons qu’elle est de confession réformée, prompte à saisir toute occasion pour provoquer et contrarier les luthériens du village.
Les données suivantes (qui demanderaient à être vérifiées) sont fournies en grande partie par une étude de madame Ilse von Münchhausen, une descendante des châtelains de Diedendorf :
Johann Streiff a six fils et une fille, dont :
-Wilhelm Streiff (1553-1622), bailli à Lahr. En 1575, il épouse à Strasbourg Marie von Brumbach, qui lui donne 7 enfants. Il meurt à Harskirchen.
-Philipp Thiebold, prévôt à Herbitzheim. Il achète la moitié de la ferme de Lutterbach près d’Oermingen, en 1613. En 1629 il est destitué par les Lorrains (H. Hiegel, « Le baillage d’Allemagne » p.72). De ses 8 enfants, Marie Elisabeth épouse en 1649 Charles de Boussey, le gouverneur lorrain de Bockenheim, inhumé en mars 1677 en l’église Saint- Georges. D’une autre de ses filles, qui épousera son cousin Otto Eberhardt Streiff, il sera encore question.
-Elisabeth Streiff, épouse Mathias Steuss von Görnitz , le châtelain de Lorenzen.
-Johann Streiff, général au service de France et de Suède. Le roi de Suède lui donne en fief la seigneurie de Calzenau en Livonie, au Sud de Riga, où il prend racine avec sa famille. Heinrich Ernst, l’un de ses fils, officier au service de Suède et époux de Maria Magdalena von Endingen, acquiert les domaines de Plosch et Kokowsky .Ses deux autres fils, Jean Reimbert et Otto Eberhard, seront co-héritiers de Diedendorf.
-Johann Eberhard, bailli du comté de Sarrewerden. Il est le deuxième châtelain de Diedendorf, accusé, comme ses parents, d’hostilité à l’égard des luthériens .A Wolfskirchen, il a monté la population contre le pasteur Sessler, qui se plaint du relâchement des mœurs : même les tout jeunes garçons (die Weidbuben) dansent des nuits entières! Or l’église combat farouchement ce vice, sans doute toléré par le bailli, qui affiche également son impiété en passant outre à l’interdiction de faire travailler ses serfs le dimanche.
Bref, aux yeux du clergé, Johann Eberhard est un personnage peu recommandable, et Matthis qui partage cet avis, ajoute qu’il semble finalement avoir été destitué pour fraude et corruption. Chez Hiegel (op.cité), nous lisons cependant que ce sont les Lorrains qui, en 1629, relèvent de ses fonctions, Johann Eberhard que remplacera le gouverneur Nicolas de Serainchamp.
Quant aux réformés de Diedendorf, forts de la protection du Seigneur, ils ont la réputation d’être «particulièrement empoisonnants» (die Diedendorfer Reformierten galten als besonders giftig !) (Matthis, « Leiden… » p .218
Au décès de Johann Eberhard, c’est un de ses fils qui hérite le domaine de Diedendorf : Philippe Johann est dit bailli à Herbitzheim, Conseiller d’état au Palatinat, délégué aux négociations précédant le traité de Westphalie. C’est probablement à Munster qu’il meurt vers 1647.
Comme son union, contractée en 1619 avec Juliane Magdalena Quadt von Landscron, est restée sans enfants, la succession revient à ses deux neveux Jean Reimbert et Otto Eberhard.

Jean Reimbert (ca 1602-1697) est un personnage très en vue dans le milieu des Huguenots exilés à Berlin, qui l’appellent le «général d’Estreffe» .Officier au service de France et de Suède, il se dit «Seigneur de Frénois, de Beaucour (ou Bacour) et d’Indendorf (Diedendorf), dernier seigneur de Rumershei » ( Eduard Ungerer, «Eine Kirche der Wüste in Lothringen»).A l’époque de la révocation de l’Edit de Nantes, il s’établit à Berlin. Il est nommé général du pays de Brandenbourg, commandant de la place forte de Francfort/Oder. En 1634, il épouse Annemarie von Endingen, en 1642 Judith de Chélandre, en 1673 Susanne de Chevenix, une «réfugiée» originaire de Metz, qui mourra, comme lui, à Berlin en 1728.
De toute évidence, Jean Reimbert n’a jamais élu domicile à Diedendorf. De ses 8 enfants, un fils, officier de cavalerie, s’établit en France et se convertit au catholicisme. Il s’agit probablement du général Frédéric Streiff (1658-1706), époux de Thérèse Guyot, dont le fils Charles fera opposition à l’investiture de sa petite-cousine au château de Diedendorf.
Quant à Otto Eberhard, frère de Jean Reimbert et lieutenant-colonel dans sa Prusse natale, il épouse sa cousine Johanna Eva Streiff, née en 1617 et fille de Philippe Thiebold (voir plus haut…).Il meurt en Livonie, avant que ne lui échoie son héritage en Alsace Bossue, et c’est sa veuve, nommée «la colonelle»(die Obristin), qui entreprend en 1647 le long voyage pour venir s’établir au château de Diedendorf, dans le village détruit et vidé de ses habitants.
Matthis (Bilder…p.244) mentionne cette arrivée de la châtelaine, sur la personne de laquelle il semble toutefois faire erreur. Il s’agit, en effet de Johanna Eva Streiff, et non Maria Magdalena von Endingen, sa belle-sœur, qui n’a qu’une fille et qui décède en 1665 à Riga.
Dans le château, demeuré longtemps inhabité, c’est donc la «Colonelle» qui vient s’installer «avec ses 4-6 enfants, et son personnel comprenant un cocher, un berger, un vacher, un vigneron et un régisseur. En guise de précepteur pour ses enfants, elle engage Friederich Schuster, un compagnon-sellier de Bockenheim.»
En mai 1647, un premier culte est célébré à l’église, qui n’a donc pas été totalement détruite au cours de la Guerre de Trente Ans.
Le 22 janvier 1664, Juliane Streiff (ca 1645-1702), une des filles de la Colonelle, épouse le chevalier Johann Friederich Quadt von Landscron. Les noces ont lieu au château. Juliane, qui meurt à Diedendorf est probablement enterrée dans l’église du village.
C’est le frère de Juliane, Otto Eberhardt II (ca 1646-1722), seigneur de Diedendorf et Niederviller, officier de cavalerie du régiment Royal Allemand au service de France, qui prend la succession au château. En 1682 il épouse Catherine Steyss von Görnitz, qui meurt en août de la même année, «in Kindnöten», en couches, à l’âge de 38 ans et 4 mois, et qui est inhumée dans le cœur de l’église. (registre paroissial de Wolfskirchen).
Après la Guerre de Trente Ans, les guerres de Louis XIV, dont les mercenaires ravagent périodiquement le comté de Sarrewerden, continuent à éprouver nos villages. En 1674, pendant la guerre de Hollande, le pasteur Holler de Wolfskirchen vient chercher refuge au château de Diedendorf, avec une foule d’habitants des villages voisins, qui fuient devant les troupes de Condé .On estime le château à l’abri des représailles, puisque ses seigneurs sont officiers au service de France. Cependant, à peine Holler s’y est-il installé, qu’une troupe de mercenaires irlandais vient mettre le château à sac. Peu après, la racaille qui suit les armées, et que les gens surnomment «die Schnapphähne» (savoureux dérivé de «chenapans»), pénètre de nuit dans l’enceinte, et pille le peu qui reste. (Leiden…p.172-184).Holler, qui décrit lui-même ses épreuves, fustige en outre l’ingratitude de ses paroissiens de Diedendorf : pendant le rude hiver de 1674-75, qu’il passe parmi eux, ils refusent de lui fournir le bois («obwohl sie doch fast mitten in den Hecken stecken»), arguant que c’est la guerre et que le pasteur n’a qu’à se débrouiller comme tout le monde.
En 1680, une nouvelle fois persécuté, cette fois-ci par la Contre-Réforme, il revient chercher asile au château pour 5 mois.
Après le traité de Ryswick (1697), le comté de Sarrewerden est rendu aux Nassau, ainsi qu’à la liberté de culte, et la paix enfin s’installe.
Les réformés, qui disposent d’une salle du château pour le service religieux, demandent au Comte l’autorisation d’engager un pasteur de leur confession. Otto Eberhard Streiff von Lauenstein obtient que ce pasteur, Samuel de Perroudet, natif de l’actuel département de l’Ain, prenne résidence à Diedendorf .Il sera hébergé au château en attendant la construction d’un presbytère. Dès lors ,notre village deviendra la capitale de la diaspora réformée du comté de Sarrewerden et de la proche Lorraine.
Perroudet, qui a fait ses études en Suisse, est bilingue. IL s’adapte en souplesse à la mentalité provinciale et à la susceptibilité des autorités. Soutenu par le châtelain, il engage dès son arrivée en 1698, des démarches pour la reconstruction de l’église. Grâce à ses relations, des collectes arrivent de Strasbourg, de Suisse, de Hollande, lui-même y ajoutant un don personnel de 300 florins. Le reste est financé par Otto Eberhard Streiff, et Perroudet inclut dans sa prière «cet illustre personnage qui demeure parmi nous et nous secourt fidèlement». La nouvelle église est inaugurée en l’an 1700.
En 1722 Otto Eberhard y trouve sa dernière demeure. Sa pierre tombale est scellée dans le mur, à droite de l’entrée. Le château revient à sa nièce Charlotte de Landscron (1684-1762), qui a épousé en 1720 le Freiherr Ernst Friedemann von Münchhausen, Oberhofmeister à la cour de Weimar.
C’est alors que Charles Streiff de «Leuenstein», le petit-cousin de Charlotte; réclamera sa part d’héritage. Né en 1695 de Frédéric de Stref, et de Thérèse Guyot, Charles mourra sans postérité le 28 décembre 1754 à Lunéville, après avoir renoncé à sa part d’héritage.
En 1730, Charlotte de Landscron, qui probablement s’intéresse davantage à la cour de Weimar qu’au château de Diedendorf, vend le domaine de ses ancêtres au bailli August Wilhelm von Luder.
Il est de confession luthérienne, mais il n’est dit nulle part que les réformés de Diedendorf (dont je suis) se soient montrés dès lors moins empoisonnants…

Bibliographie :
-G.Matthis :«die Leiden der Evangelischen in der Grafschaft Nassau-Saarwerden“
„Bilder aus der Kirchen-und Dorfergeschichte der Grafschaft Nassau-Saarwerden“
-J.Levy: „Geschichte der Stadt Saarunion“
-Siebmacher: “Wappenbuch, der Adel in Deutsh-Lothringen“ Errinerungsblätter aus Courcelles-Chaussy (verlag Heitz, Strasbourg)
-D.Fischer: „Der Lutterbacher Hof“
-Frau W.Schuh, Saarbrücken : „Beitrag zur Familieforschung, die Streiff von Lauenstein“
-Frau Ilse von Münchhausen :“Die familie Streiff von Lauenstein“(publié par G.HEIN dans „Bockenheim“)
-Aimables communications de M.Albert Girardin.

LE PASTEUR SAMUEL DE PERROUDET

Classé dans : HISTOIRE LOCALE — lichtydiedendorf @ 13:27

PASTEUR SAMUEL DE PERROUDET (1665-1748) à DIEDENDORF.

Le XVIè siècle, calamiteux pour les habitants du comté de Sarrewerden, s’achève sur une promesse de temps meilleurs : en 1697, le traité de Ryswick restitue aux comtes de Nassau-Sarrewerden, les terres annexées par Louis XIV et rétablit la liberté de religion.

L’église, aussitôt se réorganise, en fondant 4 paroisses luthériennes, à Lorentzen, Keskastel, Pisdorf et Hirschland.

Quant aux réformés disséminés dans les villages du Comté et de la proche Lorraine, ils se réunissent au château de Diedendorf, sous l’égide d’Otto Eberhard Streiff von Lauenstein (ca 1646-1722), qui leur accorde son soutien pour obtenir des Nassau-Sarrebrück, l’autorisation d’engager un pasteur calviniste.

C’est le pasteur Andreas Hey, de la paroisse réformée de Wolfsckirchen qui leur recommande son vicaire, Samuel de Perroudet .

Né en 1665 à Gex (Ain), fils de Jean-jacques de Perroudet, Sieur de Richelieu, ce jeune aristocrate fait ses études en Suisse et maîtrise la langue allemande aussi bien que la française, condition indispensable, pour assurer son ministère à la tête d’une diaspora hétéroclite : aux descendants des huguenots de 1559, viennent s’ajouter, après 1685, d’autres réfugiés du pays de Metz et de Bar-le -Duc, ainsi que de nombreux immigrés suisses, originaires surtout du canton de Berne.

Le nouveau pasteur est accueilli à Diedendorf le 13 décembre 1698. Il prend résidence au château, où Otto Streiff, auquel le liera bientôt une relation d’estime et d’amitié, met également à sa disposition, une salle pour la célébration des offices : «à Diedendorf, les réformés obtinrent l’autorisation de bâtir un église et un presbytère, et il s’en suivit la nomination de M.Samuel Perroudet,…qui en attendant logeait au château et y fit le service», dit une note de Paul Eugène Witz, petit-fils de Frédéric Oberlin, pasteur à Diedendorf de 1840à 1864.

Le 20 avril 1699, Perroudet convoque les «Anciens de l’église» représentants des villages, dont il a la charge : Jean-Pierre Vautrin (de Burbach ?), Jacob Welschhans de Goerlingen, Abraham Grosjean de Kirrberg, Isac Goudelin d’Altwiller, «Isac d’invil» (Freyermuth ? d’Eywiller), Jean Blaise de Rauwiller, Johann Philipp Doern et Michel Grünwald de Diedendorf.

Le châtelain également assiste à cette réunion, qui se tient certainement chez lui, dans la pièce du rez-de-chaussée peut-être, si parfaitement restaurée par l’actuel propriétaire, Jean-Daniel Ludmann. Est-il trop hardi de supposer que les deux gentilshommes et amis tiennent déjà prêt le document qui sera à l’ordre du jour et sur lequel à l’issue des pourparlers, Streiff ajoutera sa signature à celle des Anciens ?

Il s’agit en l’occurrence d’une proposition «spontanée», d’accorder au pasteur un supplément de traitement de 100 florins, que les Anciens, au nom de leurs communes, s’engagent à lui garantir, après avoir loué ses capacités de prédicateur et d’instructeur de la jeunesse, «welche schon ein grosses in ihrem Christentum zugenommen».

A cet effet, sera attribué dorénavant à Perroudet, «unserem geehrten und sehr werten Herrn Pfarrer, zu einer récompense und Ergötzlichkeit» la recette des «Zeichengelder», c.à d. les cotisations des participants à la Sainte Cène, en usage dans les paroisses réformées.
Par la suite, les autorités ecclésiastiques ratifieront cette mesure.

Quant à l’église de Diedendorf, édifiée en 1588 par Johann Streiff von Lauenstein, l’aïeul d’Otto Streiff, elle a subi les outrages du temps et des évènements, mais, contrairement aux idées reçues, la Guerre de Trente Ans, ne l’a pas entièrement démolie : en 1664 y est célébré le mariage de Juliane Streiff et du chevalier Friederich Quadt von Landscron ( domicilié au Lutterbacherhof), et en 1688, Catherine Justine Steyss von Görnitz, l’épouse d’Otto Streiff, morte en couches, y est inhumée. «Im Kirchenchor zu Diedendorf bestattet“, dit le registre paroissial de Wolfskirchen.

Cependant, la voilà écroulée („zerfallen“), si bien que le pasteur et le châtelain conjuguent leurs efforts pour obtenir les autorisations et recueillir les fonds nécessaires à sa restauration.

Cela n’est pas si simple : redoutant une expansion de la religion calviniste, les milieux gouvernementaux tentent de freiner la réalisation du projet : «Die Nassauische Regierung war, wie aus den Akten hervorgeht, jetzt mit Misstrauen den Reformierten gegenüber erfüllt,und warf denselben vor, alles an sich reissen zu wollen“ (Matthis, Leiden..p241). En outre, les émissaires envoyés sur les routes d’Allemagne, de Suisse et de Hollande, en service commandé de mendicité, rencontrent souvent portes closes dans les villes submergées de quêteurs. L’un d’eux est visiblement Michel Grünewald, l’Ancien dont les registres mentionnent qu’il fut «député au synode de Hollande».

Perroudet ajoutera au produit des quêtes un don personnel de 300 florins et c’est Otto Streiff qui complètera de sa poche, le financement des travaux.

L’autorisation pour la reconstruction de l’église est enfin accordée en février 1700, et c’est le 22 août de la même année qu’à lieu son inauguration.

Antérieurement luthérienne, elle n’a pu être rattachée à l’Eglise réformée qu’à deux conditions : acceptation du simulaneum pour les deux confessions protestantes et abandon des prétentions sur l’église de Burbach, qui désormais sera rattachée à la confession d’Augsburg (Matthis p.241).

La cérémonie inaugurale est présidée par le pasteur Hey : «das erste mal in der Diedendorfer Kirche gepredigt Herr Pfarrer Hey von Strassburg,und getauft Johannes Zinck und Anna Hoschar Kind Anna Maria» dit le registre paroissial.

La date de construction du presbytère, dont on a tendance à croire qu’il fut édifié peu après l’église, reste incertaine, au vu des données puisées dans les actes notariés du XVIIIè siècle.

Perroudet a acquis à Diedendorf, une propriété personnelle, à savoir l’actuelle maison n°68, ainsi que des jardins, 4 arpents de prés, 2 arpents de vigne, 35 arpents de terres labourables. Il possède en outre, des terres à Rauwiller et à Kirrberg et 5 arpents de prairies près de l’Ischwald, sur le ban de Wolfskirchen, ainsi qu’il ressort de l’acte de succession de sa veuve en 1752.

Bref, comme ses confrères de l’époque, le pasteur dirige une petite exploitation agricole (4 vaches précise le General Tabelle de 1742, qui le classe parmi les propriétaires aisés), en recourant certainement à la main d’œuvre locale.

Malheureusement l’acte d’achat de ces biens ne figure pas parmi les minutes notariées, si bien qu’au sujet de leur provenance et date d’acquisition, on reste réduit aux conjectures :
Il est probable qu’après être resté pendant quelques années l’hôte de son ami et protecteur Otto Streiff, Perroudet décide de fonder son propre foyer, dès lors que se précisent ses projets matrimoniaux.

Le 23 janvier 1704, à Wolfskirchen, le pasteur Hey bénit l’union de Samuel de Perroudet et d’Ursula, fille de Johann Jacob Altenbürger, pasteur à l’église St Pierre à Bâle, et de Justine Burckhardt et sœur d’Andreas Altenbürger, orfèvre à Strasbourg.

La jeune épouse vient s’établir à Diedendorf où elle donnera naissance à quatre fils, tous décédés en bas âge, et à deux filles dont il sera question ultérieurement.

L’étroitesse des relations du couple avec le châtelain et ses proches est illustrée par les noms des parrains des enfants Perroudet : Otto Streiff lui-même, Heinrich Gottfried von Steyss, Herr zur Görnitz et capitaine des troupes royales prussiennes, Anna von Lützelburg, née Streiff, Charlotte Fréderique Quadt von Landscron, pour n’en citer que quelques uns.

On imagine que le pasteur-gentilhomme, si parfait homme du monde, doit être ressenti par ses ouailles comme l’homme d’un autre monde, trop altier pour fréquenter les chaumières. Du reste, c’est aux Anciens, que le calvinisme confie le soin des visites à domicile, la consolation des affligés, l’aide aux mourants, le pasteur demeurant en retrait dans sa fonction de ministre des cultes et des casuels.

La distance qui sépare Perroudet du peuple apparaît aussi à travers la comparaison des inventaires : face au mobilier fruste et réduit des petites gens, les sièges et fauteuils, les guéridons et tabourets, «Kaffeetischgen» et vitrines, les matelas et couvertures, les nappes imprimées «gebildete Tischtücher», la porcelaine et les verres taillés représentent aux yeux des paroissiens un luxe inconnu, un raffinement exotique, aux antipodes de leurs paillasses et écuelles.
A noter en passant que, suivant la coutume, les héritiers de Perroudet ont certainement soustrait à l’inventaire les pièces les plus précieuses, afin de réduire les taxes sur l’héritage.

Il semble évident, en tous cas, que le pasteur vivait dans l’aisance due à son rang, contrairement aux suppositions de L.Greib, «Sonne und Schild», janv.1927 :
«Er lebte anscheinend nicht gerade in günstigen Vermögensverhältnissen. Sein Einkommen betrug 80 Gulden, 17 Simmer und 2 Sester Hafer, ebensoviel Weizen, dazu Brennholz, der Ertrag von 5 Morgen Wiesen und die Kasualiengelder. Eine Anfrage wegen einer Geldunterstuzung, die 1739 durch einen Verwalter an einem Herrn Lacombe in Leyden/Holland gerichtet wurde, scheint erfolglos geblieben zu sein».

De telles suppliques, dont Wagner, le futur gendre de Perroudet, usera lui aussi tout au long de sa carrière, chantant misère haut et fort, tout en menant à Rauwiller un train de gros paysan (6 chevaux), ont abusé les spécialistes de l’histoire locale, entre autres G. Matthis.

Ce dernier évoque dans ses «Bilder» le surmenage de Perroudet, parcourant sans relâche son vaste domaine, parfois appelé à la fois pour un baptême d’urgence à Goerlingen, et auprès d’un mourant à Altwiller, villages distants d’une bonne vingtaine de kilomètres, ou encore s’évanouissant d’épuisement à diverses reprises, lors de l’administration, en 1721, de la Sainte Cène à 400 communiants réunis au presbytère, car le pasteur relevait de la maladie (et ne voulait pas lâcher les casuels que rapportaient cette cérémonie). «Wochenlang verging kein Tag, an dem er nicht in irgend einem Dorf zu predigen hatte» ajoute Matthis, avec une compassion nourrie de visions trop fragmentaires.

Dans „Kirrberg im Krummen Elsass“ p.149, Albert Girardin corrige finement ce tableau :“ Allzu oft wurden die Kirrberger nicht in Anspruch genommen ,denn Perroudet war kein übereifer und trabte recht gemächlich durch sein weites Revier.“

En fait, une délégation d’Anciens profite en 1723, d’une visite du Comte à Lorentzen, pour aller porter plainte à Sa Grâce en personne : malgré la répartition des tâches pastorales entre Perrroudet et le vicaire Wagner, qui l’assiste depuis 1720, les choses vont de mal en pis.

Ces plaintes sont transmises au pasteur luthérien Gustav Herreschmidt : «….In Besorgung der öffentliche Predigt und Gottesdienst es um vieles unrichtiger und säumiger herging als zuvor. Auch daher weder den deutschen noch französischen Gliedern der Gemeinden das gehörige Genüge geschehe ,sondern beiderseits darüber sich hochlich zu beklagen Ursach hatten….“, qui est prié de convoquer les Anciens des paroisses réformées, pour examiner leurs doléances.

Herrenschmidt doit ensuite s’employer à faire entendre raison aux deux bergers trop négligents et en cas d’insuccès, présenter son rapport.

Bref, Perroudet est un personnage trop indépendant, trop distancié des préjugés et fanatismes de son temps, pour ne pas prendre des libertés avec la sainte discipline, et sa forte personnalité donne du fil à retordre au «Superitendant» dont, en secret, il conteste sans doute l’autorité, n’étant pas de son obédience. Quant aux remontrances du Tiers-Etat, gageons qu’il les considère avec une condescendance légèrement irritée, peu enclin à laisser le peuple faire la loi.

Le vicaire Johann Heinrich Wagner (ca 1699-1765), natif d’Alzey/Palatinat, sera nommé pasteur de Rauwiller en 1723, et épousera Charlotte Marie Madeleine de Perroudet (1708-1787), la fille aînée de Samuel. Ce sont probablement ses ossements, que l’on a récemment découverts sous l’autel de l’église de Rauwiller.

La 2è fille de Perroudet, Dorothée (1713-1784) épousera en 1736 le «tisserand de bas» et aubergiste Samuel Huguenel (ca 1710-1786) de Strasbourg établi à Rauwiller.

Ce dernier n’a pas su entrer dans les grâces de ses beaux-parents, qui lui reprochent son manque de zèle dans l’exercice de son métier et ce qu’ils appellent «seine unrühmliche Oeconomie».

C’est dire que la propension au gaspillage, dont les époux Huguenel sont jugés coupables, est aux yeux du pasteur, une tare sévère, en quoi il rejoint la mentalité de son époque. Pas question de prôner l’évangélique détachement des biens de ce monde !

Aussi pour mettre un frein à l’insouciance du couple, les parents décident de faire leur testament. Ce service peut être assuré à domicile, sur requête à la Landsschreiberey de Neusarrewerden, qui enverra un notaire.

On charge de cette mission Johann Wilhelm Creutzer, qui, dans la matinée du mercredi 8 septembre 1745, se rend à Diedendorf, accompagné de son «scribente fideliter» Johann Carl Finck.

Ils sont accueillis «in deren unteren Wohnstube, mit denen Fenstern auf die Gass aussehend». Fauteuils verts, tables basses, rideaux blancs, le salon a l’air irréel, après la traversée du village aux masures décrépites, et les fonctionnaires sont impressionnés.

En un premier temps, les testataires exposent leurs dernières volontés, et les raisons qui les poussent à faire mettre sous tutelle le futur héritage de leur fille Dorothée, afin que «ihrem Tochtermann noch Tochter nicht das Geringste von denen ihnen zur Helft zukommende Mo-et Immobilien zu handen gelassen….nurdie davon fallende Zinss gereicht und gelassen werden sollen.»

Dans ce but, les autorités sont priées, le moment venu, de pourvoir les «Enkelgen» Huguenel d’un tuteur chargé de l’administration de ces biens.

Au cours de l’entretien; le pasteur et ses hôtes philosophent également sur la vanitas vanitatum, la mort et la resurrection, ce qui fournira au testament un préambule emphatique à souhait et dépassant la tradition observée dans ce genre de document.

Car Creutzer, à qui la réputation d’éloquence de Perroudet fait l’effet d’un défi, est bien décidé à prouver que lui aussi sait manier la langue. Il lui appartient de donner forme aux informations recueillies, et c’est sous sa dictée que Fick, à grand renfort d’arabesques, calligraphiera les cinq pages d’un texte si ampoulé, si contorsionné, qu’on n’y comprend goutte à première lecture.

Dans ce monument superbe, à la gloire de la langue de bois, il est question, entre autres, de la «Nichtig-und Flüchtigkeit der Welt», qui incite les testataires «jedes und besondere von Ihnen, ihre Liebe und unsterbliche Seele, jetzo wie allzeit, sonderlich aber in der Stunde, da sich solche von dem Leibe trennen wird, Ihrem Erlöser und Heyland zu Gnaden, sich selbiger um des theuren Verdienstes anzunehmen und der ewige Freude theilhaftig zu machen, empfehlen, ihre sterbliche und verwessliche Leiber aber der kühlen Erden unser aller Mutter zu recommendiren wollten…»

Bref, le notaire brode à coeur joie, avec la volonté manifeste d’épater (Eindruck schinden, disent le Allemands) et lorsqu’il justifie la mise en tutelle de la prévention de périls futurs, il dérape carrément dans le non-sens avec son «zur Verhütung weiter zu gewartten habender Gefahrde».

Après la rédaction du protocole, lecture est faite aux «beyden testirenden Ehr- Persohnen» : il faut s’assurer que leur «Gemuths-Meynung» correspond à la version Creutzer.

- oui, répondent-ils, prenons la liberté d’orner ce «williges Jawort» d’un sourire en coin de Samuel Perroudet).

Sur quoi sont convoqués les quatre voisins et témoins Michel Frantz, Otto Hauer, Johann Heinrich et le maître d’école Joseph Schneider, qui apposeront au document leur marque ou leur signature.

Décédé le 23 janvier 1748, Samuel Perroudet est inhumé dans l’église de Diedendorf, à gauche de l’allée centrale, près de l’autel. L’inscription latine de sa pierre tombale est effacée depuis longtemps par les pieds des fidèles, mais conservée dans le registre paroissial. Nous en citons la traduction allemande de L.Greib : «Dieser Stein deckt den edeln und ehrwürdigen Herrn Samuel de Perroudet, 50 Jahre lang treueifriger und verdienter Pfarrer der reformierten Kirche zu Diedendorf in der Grafschaft Nassau-Sarrewerden, der 52 Jahre im Pfarramt, 48 Jahre (en réalité 44) im Ehestande fromm und heilig gelebt hat und den 23.Januar 1748 gestorben ist. Sein Leichnam wurde de 26. Januar in diesem Tempel bestattet, seines Alters 82 Jahre. Sein Wahlspruch war : durch Gebet empor zu Gott“.

La veuve n’abandonne pas pour autant ni la fonction de banque de prêts, ni le petit train de culture : comme par le passé, les deux vaches et la génisse, les porcs et les moutons seront soignés par la domestique et les journaliers, les poules et le coq continueront à picorer près du fumier devant la maison, les deux paons, symboles aristocratiques, à faire la roue dans la cour.

Quant aux sans -le -sou du village et des alentours, ils pourront revenir se faire dépanner chez la vieille «Parrin».

Lorsque, le 16 novembre 1752, Ursula Altenbürger va rejoindre son époux sous sa dalle de grès, le gendre J.Heinrich Wagner prend la direction des opérations. Le 13 novembre, il se rend à Harskirchen pour signaler à l’Oberamt le décès de sa belle-mère, et se proposer suivant le désir de ses beaux-parents, dit-il ,comme tuteur des enfants Huguenel, d’autant plus que «sein Schwager und Schwägerin auch selbst ihm declarirt hätten wie sie ihn lieber als einen Frembden dazu annehmen würden.»

En outre, vu que la maison mortuaire n’est plus occupée que par la domestique, il prie les autorités de hâter
Les formalités de la succession, en attendant ,d’autoriser les héritiers à procéder à un inventaire préliminaire.

Six jours plus tard, le notaire Haun se rend à Diedendorf. Dans la maison Perroudet l’attendent,outre les couples Huguenel et Wagner, les échevins locaux Joseph Schneider et Carl Magnus, témoins officiels dans les affaires de succession.

Après avoir lu le testament de 1745, que les époux Huguenel écoutent sans sourciller «welches sie sich gefallen liessen», Haun procède à l’inventaire, puis à la répartition des biens en deux lots égaux : à chacune des filles échoit sa part des bijoux, meubles lingerie, vaisselle, blé avoine, foin, paille, bois, pommes de terre, chanvre, lin, fil (Zwirn), laine, cire et fumier, la valeur estimative de chaque article se trouvant minutieusement comptabilisée.

L’argent liquide, un petit trésor de louis d’or, de ducate et de thaler, où l’on relève aussi «eine rare pièce auf den Frieden von1563 mit Frankreich und den Schweitzern», représente une valeur totale de 406 florins ou Gulden, ce qui correspond approximativement au prix d’une maison de journalier.

La liste des débiteurs fournit le nom de 32 habitants de Diedendorf, Wolfskirchen, Burbach, Kirrberg, Goerlingen, Neusarrewerden, Zollingen, Bischtroff, Postroff, Willer, Kirrwiller, Berg et Thal, dont les emprunts se situent dans une fourchette de 1 à 150 florins. A ces particuliers, s’ajoutent les communes de Diedendorf, Rauwiller et Burbach, redevables chacunes, « laut Amtsspruch » de 5à florins, la dette de Burbach étant classée parmi les prêts non recouvrables ( verlorene Schuld).

Ces sommes dues, environ 1200 florins au total,seront « gemeinsameingetriebenn », puis partagées, comme le produit de la vente du bétail.

Un post-scriptum fait état des joyaux (« Juwelen »), que Dorothée Huguenel a mis en gage chez sa mère contre une somme de 124 florins. Ces bijoux (non spécifiés) lui sont restitués, «es muss aber von Herrn Huguenel seinen Kindern gerichtliche Sicherheit wegen dieser 124 gulden gegeben werden.“

La valeur totale des biens immobiliers s’élève à 2276 gulden, 6 schilling, 3 pfennig, dont seront déduits les 86 florins de «passiv-Schulden» c.à.d les gages de servante, les frais des obsèques et les frais de succession.
Quant aux biens immobiliers, ils restent indivis pour l’instant. Pas de documents au sujet de leur partage, mais en 1759 l’acte de succession de Samuel Muller indique comme propriétaire de la maison voisine (Perroudet) le Rittermeister Almassy, et un acte de 1770 le capitaine Wieland.

En suivant ces pistes, on découvre que Michael d’Almassy, originaire de Hongrie et officier au service de France, est l’époux d’Anna Wieland ,dont les deux frères Johann Conrad (1719-1766), capitaine du Régiment Jenner, et Johann Rudolf (ca 1727-1786), «in holländischen Diensten», sont morts et enterrés à Diedendorf.

Il est donc clair, que la maison Perroudet a été acquise par les enfants du Grosskaufmann Rudolf Wieland de Bâle, peu après le décès de la veuve du pasteur, à laquelle ils sont peut-être apparentés.

Michael d’Almassy, dont deux enfants naissent à Diedendorf en 1753 et 1756, s’établit ensuite à Neusarrewerden, où nous retrouvons, vers 1800, une arrière-petite-fille de Perroudet, au service de cette famille : Sophia Louisa Bentz, «Kammerjungfer bey Frau Oberleutnant Dalmas.»

En conclusion, cette étude, un peu aride sans doute, de l’état de la fortune du pasteur-gentilhomme, modifie quelque peu son portrait, le côté matérialiste du personnage voilant, pour certaines sensibilités, l’auréole qu’on lui attribue.

A quoi l’on peut objecter que les pasteurs banquiers rendaient service à la population, en offrant, pour les transactions, une garantie d’honnêteté et qu’en outre, pour justifier Samuel Perroudet, il suffit de se reporter à la parabole de l’évangile : «faisons fructifier nos talents, à la plus grande gloire de dieu.»

Sources et bibliographie :

- Registres paroissiaux de Diedendorf et Wolfskirchen
- Ouvrage du Dr Gerhard Hein d’après ces paroissiaux
- Actes notariés, archives départementales du Bas-Rhin 6E 35 49
- Notes d’Albert Girardin, prises aux ABR
- Gustave Matthis, «Leiden…» et «Bilder…»
- Wappenbuch der Stadt Basel, tabl.Altenbürger.

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