Clap de fin

 

Clap de fin  thats-all-folks1

 

Cela fait presque deux ans que ce blog a été ouvert et voici venu pour moi le moment d’user du « clap de fin ».

Mes raisons d’arrêter ? Elles sont diverses:  besoin d’écrire pendant quelques mois  seule dans mon coin, besoin d’avoir plus de temps pour d’autres activités; moins de plaisir à écrire des critiques de livres ou de films:  au fond, je préfère avant tout écrire de la fiction; se plier très régulièrement à l’exercice difficile du billet critique est une gageure que je laisse sans regret à plus expérimenté et opiniâtre que moi.

Je remercie particulièrement Cassiopée, Christine et Yola d’avoir lu et commenté mon début de manuscrit provisoirement intitulé « Mathilde ».  Vos encouragements vont m’aider à poursuivre.

A bientôt peut-être sur un autre blog conçu sous un angle différent. Merci à tous ceux qui m’ont suivie ici.

 

 

chanson culte 2

Pour patienter avant  le 3ème épisode, une chanson très rock du temps où Phil Collins était the « Genesis’voice » !

http://www.dailymotion.com/video/xigxw

chanson culte 1 (so cute)

http://www.dailymotion.com/video/x8yr6z

 

 

 

LE SOUVENIR DE PERSONNE, écrit par Cécile Fargue, édité aux Penchants du roseau

L’avant-propos du SOUVENIR DE PERSONNE de Cécile Fargue commence par ces deux phrases:

Avril mil neuf cent quatre-vingt-quatorze, les services de voirie d’Angoulême découvrent le corps d’un adolescent, mort probablement par overdose. L’enquête ne permettant pas de l’identifier et aucun proche ou parent ne se signalant auprès des autorités, la ville suit la procédure prévue en pareil cas: quelque part, sur un registre, les faits sont méthodiquement reportés, une sépulture gracieusement offerte et le dit registre refermé. Affaire classée.

Suivent une lettre (« L’être ouverte ») adressée par la narratrice à cet adolescent,  puis des « Fragments »: souvenirs classés un à un, poétiquement intitulés par chaque mois (de septembre à avril) de cette courte période où elle a partagé la vie de Sébastien. La lettre se veut à la fois lettre d’excuse, hommage, et poème d’amour, écrits quinze ans après la disparition. Une très belle lettre, sobre, sans pathos et néanmoins emplie d’amour et d’émotion. Il est de courtes amours qui marquent toute une vie; celle qui a uni  la narratrice à Sébastien,  semble l’avoir marquée au fer rouge.

Dans les Fragments, Cécile Fargue énumère tous ses souvenirs. On sent qu’elle a tenu à être la plus juste possible; on sent que ces souvenirs, elle les a gardés en elle comme des trésors qu’elle ne veut pas perdre; les fixer dans l’écriture est sans doute le seul moyen de ne pas risquer d’oublier un jour le plus petit morceau de ces fragments. Il avait quatorze ans, elle en avait treize. Un mois de septembre, ils se sont rencontrés dans la rue, dans ce « dehors » où le garçon, sans abri et héroïnomane, passait ses journées. On ne saura pas pourquoi Sébastien en est venu à se droguer au point d’en mourir, ni pourquoi cette adolescente l’a choisi, lui, comme premier amour; une question de regards sans doute; ils se sont reconnus peut-être dans leur solitude, même si celle de la jeune fille paraît moins évidente: on devine qu’elle a un toit, des gens qui s’occupent d’elle, des copines. Lui n’a pour seul ami qu’un petit rat noir et craintif, et pour seul réconfort la drogue qu’il s’injecte dans le bras. Quand la narratrice rencontre le très jeune junkie, il est déjà en fin de parcours: maigre, fatigué, abîmé par la l’héroïne, par sa vie de sans abri, et meurtri par la prostitution à laquelle il s’adonne pour survivre.

Il y a des pages très dures, presque sordides dans ce récit: la drogue détruit, oblige parfois de jeunes garçons à offrir leur corps à des types que cela ne gêne pas de sodomiser un mineur en très mauvais état pour assouvir leurs fantasmes de pères de famille peu scrupuleux du respect d’autrui, quand il ne s’agit pas de leur progéniture. La drogue salit, contraint les plus fragiles à des moments peu glorieux dans des chiottes de hasard, dans un cabanon prêté « généreusement » par un client. Mais pour sublimer ce décor lugubre, cette désespérance,  il y a le regard tendre généreux et passionné d’une jeune amoureuse; il y a la beauté de Sébastien, ce charisme qu’il conserve malgré tout.

« Nos sourires sont pareils, ils n’ont pas de forme, pas d’histoire, mais pourtant ils sont là eux aussi. On se pensait seul, on se retrouve deux, on se retrouve innombrable. C’était juste notre oeil qui ne savait pas voir, qui s’attardait à la première ombre pour excuser tout son retard. Il n’est rien que le regard humain ne puisse soutenir, rien que la lumière n’ait à envier aux prières. »

« Tes mains glissent sur ma nuque, me serrent, fort. Ta bouche sur mon front. Je ne t’ai jamais vu pleurer et soudain je t’entends. Peut-être, ce soir, parce que tes mains sur ma nuque, tu sais que je ne relèverai pas la tête, que je ne verrai rien… Tu n’as jamais rien dit non plus et voilà que soudain quelque chose dans ta voix craque et se déverse. « Je ne sais pas dire les choses… L’argent, oui, c’est ce que tu sais… Mais on s’en fout, tu comprends c’est pas grave… Je l’ai fait pour toi, pour moi…. Je l’ai fait pour quelque chose de bien, tu comprends ? Ca change tout…  Et puis ils prennent, tu sais, il me reste des choses…. Et moi, je veux te les donner….
Une  relation très forte les unit pendant quelques mois,  jusqu’en avril où se produira l’injection de trop, ou l’usure finale, on ne le saura jamais. Aidé par la narratrice, le garçon a pourtant tenté de décrocher, en vain. L’amour d’une gamine, fût-il très grand, ne suffit pas à sauver un enfant perdu. Certaines cassures ne se réparent pas.

Le souvenir de personne surprend par la maîtrise de son écriture et par la force du récit. On pense à L’attrape-coeurs  de Salinger, à L’herbe bleue témoignage anonyme devenu culte, ces oeuvres marquantes par leur universalité: parler des marginaux (dans le sens de ceux qui vivent dans la marge) est beaucoup plus efficace pour décrire une époque que de délayer le quotidien des gens dit normaux. Et ce livre a la grâce des oeuvres écrites avec l’émotion de la jeunesse, cette grâce qu’on finit par perdre avec le temps.

Je tiens à souligner le rôle très important qu’a joué Christian Domec dans la découverte de cette oeuvre: bouleversé par ce récit, il a lui même assuré l’édition, l’impression et la diffusion du livre grâce à sa petite maison artisanale Les penchants du roseau. Vous pouvez découvrir l’univers et le travail  de Christian ici et là.

Permis, points, orange, etc…

Aucun rapport avec la littérature,  mais parfois, cela fait du bien de traiter d’autre chose:  n’est-il pas ? Il y a quelques semaines,  j’ai participé à un stage de récupération de points (de permis de conduire, pour ceux qui n’auraient pas encore saisi);  j’ai eu l’impression d’être le mouton noir de mes proches, la mauvaise élève ou la malchanceuse pas foutue de tenir un volant sans risquer à tout moment une contravention. En fait, depuis ce stage, chaque fois que j’en fais le récit,  les langues se délient, et je m’aperçois que nous sommes de plus en plus nombreux à faire acte de présence pour deux jours de stage dans un centre agréé par l’état, afin de « récupérer » 4 points sur le permis de conduire, moyennant la somme de 240 euros. En Gironde c’est le tarif,  sauf quand il reste des places de « dernière minute »,  auquel cas on vous brade cela à 200 euros.

Je n’ai pas l’impression d’être une chauffarde, je suis même plutôt tranquille lorsque je conduis un véhicule motorisé…  Bon, disons qu’un jour,  je suis passée à l’ »orange brûlé » Place de Tourny à Bordeaux, ce qui,  pour la maréchaussée,  équivaut à « brûler un feu rouge »: 4 points de moins sur mon permis datant de 19.. (je ne dis pas la date, cela me vieillit trop !) ; puis deux mois plus tard, me voilà téléphonant à ma fille et « rattrapée » par deux policiers en moto. Je n’étais pas à 130 km/h sur une autoroute, non:  je roulais doucement le long du Parc bordelais;  je le répète,  je ne suis pas une folle du volant. Ne répondez jamais à vos enfants quand vous conduisez, même si cela fait trois fois qu’ils vous appellent en cinq minutes et parce que pris d’une angoisse de parent aimant et attentif (angoisse 99, 99 fois sur cent infondée), vous vous sentiriez coupable de ne pas répondre toute affaire cessante!  Deux points en moins, c’est beaucoup, pour avoir été pendant deux minutes un parent trop gentil;)

Le stage auquel je me suis inscrite se tenait au rez de chaussée d’un hôtel.  Je me suis retrouvée assise entre Pascal,  juriste et élu régional, et Maxime, cadre commercial. Une seule autre femme, soit une représentation féminine de 9%… je ne dis pas cela pour souligner que les femmes sont globalement moins dangereuses, je constate^^c’est tout. Et si j’y étais à ce fichu stage,  c’est que je ne suis pas parfaite,  j’en conviens. Bref; pour encadrer le stage, deux hommes étaient là: un formateur et un psychologue. J’ai vite senti que le formateur serait très sympa, très à l’écoute;  que le psychologue, en revanche,  jouerait le rôle du méchant: nettement plus sévère, et plus enclin à émettre des doutes quant à la pertinence des avis et des idées des participants; le formateur m’avouera lors d’une pause le lendemain que parfois les stages se passaient très mal, qu’ils y étaient victimes d’insultes et de menaces… ambiance….

Pendant presque l’intégralité de la première journée, s’est déroulé ce qu’on appelle « le tour de table »: chacun devait dire le nombre de points perdus, les infractions commises, sa perception des dangers les plus redoutables sur la route et enfin exposer ce qu’il considère comme la faiblesse la plus dangereuse dans ses propres habitudes. Très vite, se sont dessinés trois groupes: celui de ceux qui comme moi, avaient perdu leurs points bêtement sans commettre d’infractions gravissimes; celui de ceux qui roulent plus de 50 000km par an pour raisons professionnelles et commettent fréquemment des excès de vitesse, et enfin celui des chauffards. Hallucinant le groupe des chauffards ! On a eu droit au type qui annonce en ricanant que lui (contrairement à tous les blaireaux qui n’y connaissent rien) il sait conduire, qu’il a les moyens de se payer une grosse bagnole hyper puissante et hyper équipée et qu’il est moins dangereux à 200 km/h que ceux qui se traînent à 90km;  j’ai écouté ahurie un petit gars assez sympa mais un peu limité du bulbe, dire qu’il s’était fait choper à 176km/h dans une voie limitée à 50km/h; encore plus ahurie, j’ai entendu un brave pépère dire que sa plus grande peur était d’avoir un infarctus au volant car il est cardiaque, mais en aucun cas de tuer quelqu’un alors qu’il a été déjà deux fois condamné pour conduite en état d’ivresse. Le pompon a été atteint quand un type (retraité d’une carrière très responsable et respectable) a raconté qu’il s’était retrouvé 24heures en garde à vue pour refus d’obtempérer. Lassé d’être souvent contrôlé (il prétend que c’est parce qu’il roule en berline de luxe qu’il attire les vilains jaloux policiers),  il ne s’est pas arrêté, alors que deux représentants de l’ordre public lui faisaient signe. Il les a semés pendant plusieurs minutes, puis a été rattrapé.  S’en sont suivis placage au sol, menottes, et garde à vue, sans compter de multiples contraventions et un rendez vous devant le juge. Croyez-vous qu’il était honteux ? Pas du tout ! Il se marrait, se sentait la vedette du groupe, le Jean-Paul Belmondo (époque le Guignolo) de la Gironde !

Pendant deux jours,  j’ai entendu plus de discours machistes et irresponsables que durant ma vie entière;  je suis la première à considérer le permis à points tel qu’il est conçu en France,  mal adapté et trop sévère.  Pourtant j’ai été choquée par l’immaturité et la bêtise de beaucoup de conducteurs. Ils se sont bien marrés la plupart, pendant ce stage; on a eu droit à tout: blagues vaseuses ou salaces, colère infantile contre l’ordre établi, propos d’une mauvaise foi crasse… Et  si toutes les catégories sociales étaient représentées, ce n’était pas forcément de la bouche des moins instruits qu’on entendait le plus d’âneries…..  Il était flagrant que la plupart des inscrits étaient là pour récupérer leurs points et basta ! L’un deux en est déjà à son 4ème stage….Une expérience édifiante. J’ai récupéré 4 points  sur mon permis, mais je ne suis pas sortie du stage très optimiste sur la nature humaine.

Pensez-à moi la prochaine fois que vous passez à l’orange brûlé ^^

« La carte et le territoire » par Michel Houellebecq

 

« La carte et le territoire » est un roman qui sera sans nul doute un des rares livres que je relirai plusieurs fois,  comme j’ai déjà relu les précédents ouvrages du même auteur; un roman qui me semble très au dessus du lot de ce qu’écrivent 90% des écrivains français contemporains. J’ai pourtant fini par décider de ne pas le commenter, laissant la parole à quelques autres. Pourquoi ne le commenté-je pas moi-même ? Eh bien….Probablement parce que sur un auteur majeur comme Michel Houellebecq, je ne me sens pas de taille à argumenter contre l’avis d’éminents spécialistes s’exprimant (entre autres) sur la toile; vous avez sans doute déjà lu  chez Pierre Jourde et Pierre Assouline, des jugement forts peu élogieux sur « La carte et le territoire ». Jugements qui me laissent perplexe par leur sévérité.

Je vous donne donc les liens vers quatre critiques qui me semblent intéressantes et sincères. Vous pourrez constater que Marc Séfaris est assez déçu par sa lecture, mais son billet est très bien écrit et intelligemment pensé.

Houellebecq, même pas mort (Le Monde)

La carte et le territoire ou la tentation de l’humain (Stalker).

Michel houellebecq, pitre et peintre (Marc Séfaris)

Michel Houellebecq, La carte et le territoire (Le blog de la Procure)

 

 

« la côte sauvage » de Jean-René huguenin

Je n’avais jamais lu « La Côte sauvage » de Jean-René Huguenin. Sachant que c’était un livre important, un roman »culte » pour de nombreux amoureux de la littérature,  je l’ai acheté en poche il y a quelques jours et lu quasiment d’une traite. Ce livre a été le seul roman écrit par l’auteur alors qu’il avait 24 ans. Huguenin avait commencé sa très précoce carrière littéraire en écrivant pour « La table ronde » et en fondant la revue « Tel quel » avec Philippe Sollers, Jean-Edern Allier et Renaud Matignon.  Il est mort à 26 ans en 1962, au volant de sa voiture.

Le Finistère nord sert de cadre au roman: cette région faite de mer, de landes, de rochers et de fougères  est décrite avec une grâce infinie par le romancier;  la mer qui rafraîchit, les fougères dans lesquelles on se roule au début de l’été, les chemins sur lesquels on se rend certains dimanches voir passer le Pardon:  l’auteur nous montre là un univers à la fois sauvage et familier, rassurant parce que connu depuis l’enfance et  inquiétant quand il évoque les sables mouvants, les rochers sur lesquels les bateaux peuvent se briser, les falaises dangereuses à escalader; un univers à travers lequel Olivier, le personnage principal du roman, retrouve sa famille et ses souvenirs, le temps d’un été.  Le jeune homme revient de deux ans passés à l’armée. Dans le manoir familial, l’attendent sa mère et ses deux soeurs,  Anne et Berthe. Olivier se montre affectueux mais distant avec sa mère et sarcastique avec Berthe, qui tient le rôle ingrat de la fille aînée de trente ans toujours célibataire (ce qui signifie « vieille fille » pour l’époque), plaintive et déjà dépendante de médicaments pour calmer ses nerfs. On comprendra en lisant le roman, que la seule personne au monde qui compte vraiment pour Olivier est sa soeur Anne.  Anne, la belle jeune fille brune et mince qui le suit dans ses jeux depuis toujours.  Anne qui lui obéit, toujours, parce que ce qui est bon et souhaitable est toujours ce qu’Olivier a décidé.  Anne qui symbolise l’enfance heureuse, les merveilleuses vacances en Bretagne et probablement, bien que ce ne soit jamais dit,  un idéal féminin, dont le héros ne cherche étrangement pas le « pendant » dans les jeunes filles extérieures à la famille.

Ces vacances là voient Olivier inquiet face à l’avenir,  jaloux (sans vouloir l’avouer) de la relation d’Anne avec Pierre, qui est son meilleur ami depuis de nombreuses années, et souhaite épouser la jeune fille à la fin de l’été. Pendant des semaines,  ce futur mariage va peser entre le frère et la soeur. Anne est si attachée à son frère et si fascinée par son charisme et l’amour qu’il lui porte, qu’on la sent prête à renoncer à faire sa vie avec Pierre,  pour ne pas faire souffrir Olivier.  Comme elle le lui répète parfois: « On fait ce que tu veux. »

Il y a des passages poignants dans ce livre, tant on sent une fragilité proche du désespoir dans le personnage d’Olivier,  jeune homme sans doute trop nostalgique et sensible pour supporter de grandir.  « A quoi bon les rejoindre ? Qui l’attendait ? Il était seul. Simplement, la présence des autres, leurs questions et leurs cris lui dissimulaient parfois sa solitude, formaient entre elles et lui comme un écran dont il éprouvait à cet instant la transparence et l’irréalité. Une force douloureuse le traversa, il pivota lentement sur lui-même – les rochers déchiquetés, noirâtres, le phare lointain, la lande noyée, les moutons, les rochers- et il lui sembla faire d’un seul regard le tour de toute la terre. « Personne n’existe » murmura-t-il.

Un chien noir, le museau rasant le sol , suivait une odeur dans la lande; il disparut quelques secondes derrière un rocher isolé comme un moine en prière. Lorsqu’ Olivier se retourna, une traînée de soleil traversa les nuages et répandit sur les flots une lumière blême. Il eut faim, sans savoir de quoi, il lui sembla grandir, devenir lumineux lui-même, le vent coulait dans ses veines et il sentait battre son coeur….Mourir était impossible. Il ne souhaitait rien, il n’avait rien à perdre, il était libre.  Le soleil s’éteignit. »

Une ombre d’inceste s’insinue dans certaines scènes, jamais scabreuses, car Olivier aime et  respecte trop sa soeur pour « salir » son amour avec des gestes déplacés; les scènes de tête à tête entre frère et soeur sont au contraire bouleversantes de pudeur et de sensualité contenue.

Ce roman est remarquable par la qualité exceptionnelle de l’écriture et l’habileté de la construction narrative. Huguenin mêle au récit des rêves d’Olivier, des monologues du jeune homme dont on peut suivre ainsi les hésitations, le désarroi. Le roman au début assez léger, parfois même drôle, se finit en tragédie. Une tragédie dont l’auteur nous laisse imaginer le point final.

Un grand roman sur de multiples thèmes fondamentaux: la peur de quitter l’enfance, l’amour impossible, la peur de la solitude et de la mort, la fascination pour la nature.  A lire absolument.

 

Zoom sur Christine Muller

C’est grâce au blog de Wrath  que j’ai connu Christine Muller qui y signe de temps à autres des commentaires sous le pseudo « Poil de plume ».  Nous avons sympathisé en « off » et j’ai eu envie de découvrir ce que cette pétillante alsacienne écrivait. J’ai acheté son roman policier « On achève bien les cigognes » et elle a eu la gentillesse de m’envoyer un recueil de nouvelles et un essai historique.

Dans le recueil de nouvelles  Qui rira le dernier   paru en 2007 aux éditions « Les petites vagues« ,  Christine Muller nous offre cinq nouvelles sur le thème de l’amour vache. Qu’il s’agisse du naïf tombant amoureux d’une femme inconnue en lisant son nom poétique « Hélène Fougère », dans un annuaire, de la bourgeoise qui trompe son mari et se fait punir au delà de ses craintes, du bourgeois bohème branché en permanence à son mobile et fan de famille recomposée,  ou encore de l’Escort girl qui tombe amoureuse « du mauvais homme au mauvais moment », les personnages qu’elle dépeint sont à la fois attendrissants et risibles. D’une plume alerte et féroce,  Christine embarque tout son monde vers un destin burlesque ou pathétique.

Le roman « On achève bien les cigognes » paru en 2007 chez L’Ecir (de Borée)  est tout aussi burlesque et malin. On sent que Christine s’est bien amusée à monter ce roman policier tout en brocardant le milieu littéraire de province. Tout commence en effet par une invasion de blattes sud américaines dans la plus ancienne et prestigieuse librairie de Strasbourg, suivie de la découverte dans la cour de cette même librairie,  du cadavre d’Emmanuel Kern, écrivain médiocre et plagiaire.  Vont donc très vite se croiser le personnel de la librairie ( le très classe Ralph Sterling et ses accortes assistantes) et les journalistes des « Cigognes déchainées »,  notamment  la belle Renée Schütz,  son ami Michel et le chafoin Antoine Martinet.  Il faudra toute l’expérience du Commissaire Bach,  ainsi que l’aide précieuse de plusieurs membres de la petite communauté littéraire strasbourgeoise pour dénouer les fils d’une affaire de plus en plus ténébreuse: les meurtres  de médiocres plumitifs régionaux se succèdent mystérieusement, on finit par découvrir aussi un trafic de manuscrits perdus au moment de la guerre 39/45.

Dans Femmes d’Alsace,  paru en 2009 aux Editions Place Stanislas, Christine donne dans un autre registre, celui de l’essai historique. Elle retrace en effet le portrait de vingt femmes qui ont marqué l’histoire de l’Alsace par un destin particulier, ou par une célébrité devenue pour certaines, internationale (Louise Weiss, Marie Tussaud, Katia Krafft). Toutes ont pour point commun d’avoir eu le courage et la volonté de suivre un destin hors des sentiers battus, bien souvent en s’engageant pour des idées novatrices ou en travaillant d’arrache-pied pour un métier qui les passionne.  La plus émouvante histoire est, de mon point de vue, celle d’Adélaïde Hautval,  jeune femme devenue médecin dans les années trente, qui sera envoyée en camp de concentration à Auschwitz pour avoir pris en public, la défense d’une famille juive molestée par les allemands.

Témoin cet extrait:

« Et là, sur le quai, elle voit une scène qui la fait frémir de colère: des soldats allemands brutalisent une famille juive. Adélaïde s’approche du groupe et demande aux malotrus, en allemand, de laisser ces gens tranquilles. Réponse d’un soldat: Vous ne voyez pas qu’ils sont juifs ? Là dessus,  Adélaïde rétorque: Et alors, Ce sont des gens comme les autres , laissez-les ! Le courage de la jeune femme est bien mal récompensé car les soldats l’emmènent à la prison de Bourges. »

« Son sang de médecin ne fait qu’un tour quand Adélaïde apprend le pire: non seulement les juifs sont exterminés, mais les plus jeunes servent de cobayes pour les expériences du docteur Mengele…. Il a trouvé une idée « brillante » dans le cadre d’une thèse qu’il écrit sur Auschwitz: pourquoi ne pas se servir des dégénérés pour la noble cause de la science ? L’apprenti sorcier du nazisme triomphant convoque bientôt le docteur Hautval au bloc 10, où se déroulent les expériences.  Adélaïde refuse de l’aider à torturer des jumeaux.  Il lui parle de génétique (son obsession), et des problèmes liés à l’hérédité. Mengele n’hésite pas à prélever du sang et du liquide rachidien, voire à tuer les enfants lui même quand l’autopsie s’avère nécessaire. Ainsi l’étude de la composition génétique des « races inférieures », notamment les tsiganes, monopolise-t-elle toute son attention.  Il se rend en personne à la gare de triage d’Auschwitz pour choisir ses sujets d’expérimentations, n’hésitant pas à arracher des jumeaux aux bras de leur mère si cette dernière est de nationalité étrangère.  Adélaïde doit détourner le regard  face aux cadavres des petits innocents, sacrifiés à la cause du « grand Reich ». Le bourreau se montre exceptionnellement compréhensif et la laisse partir en se disant qu’il ne peut pas l’obliger à faire quelque chose contre son gré. »

Sortie des camps, elle luttera toute sa vie contre les nostalgiques du IIIème Reich et les négationnistes. En 1964 elle se rend à Londres pour soutenir l’écrivain Léon Uris, auteur du livre « Exodus », où sont dénoncées les pratiques  sadiques du médecin polonais Vladislav Dering; ce dernier lui a intenté un procès en diffamation. Grâce au témoignage de Mme Hautval,  l’écrivain est acquitté. En 1984, elle collabore à l’ouvrage « Les chambres à gaz, secret d’état » paru chez Minuit.

 

Je ne peux que vous encourager à découvrir Christine Muller,  cet auteur dont le talent et l’énergie sont indéniables. Bientôt une nouvelle femme célèbre d’Alsace ? je le lui souhaite ! Vous trouverez en lien ICI sa bibliographie complète.

 

 

Rentrée littéraire

La rentrée littéraire semble un peu plus prometteuse que celle de l’année dernière.  Pour ma part,  je suis sûre d’acheter  le nouveau livre de HOUELLEBECQ.

Rentrée littéraire houellebecq

Mais il me faudra attendre (comme tous les « non journalistes » servis en SP),  jusqu’au 8 septembre.  Notre Michel national n’a pas publié de roman depuis 2005. « La possibilité d’une île » lui avait valu une volée de bois vert de la part de nombreux journalistes. Pour ma part, j’avais été séduite par ce roman qui malgré ses longueurs, était une sorte d’auto portrait baroque de l’auteur encore plus personnel et plus provocant que celui amorcé brillamment dans « Les particules élémentaires ». On nous annonce ici ou là un roman plus léger, férocement drôle…Attendons donc patiemment.

Sinon, en fouinant sur les sites d’éditeurs, on trouve quelques nouveautés qui paraissent intéressantes:

Un premier roman chez Buchet Chastel.  Chez POL, un roman de Patrick Lapeyre, dont on peut lire les premières pages sur le site de l’éditeur. Chez Léo Scheer,  le nouveau roman d’Aymeric Patricot à la couverture sulfureuse.
Du côté des grosses pointures, ceux qui seront exposés avec force roulements de tambour,  sur le site de l’Express.fr on peut lire la liste des auteurs les plus bankables de cette rentrée:

« A côté de Michel Houellebecq, d’autres poids lourds sont attendus pour cette cuvée : Virginie Despentes (Apocalypse bébé, Grasset), Jean Echenoz (Des éclairs, Minuit), Philippe Forest (Le Siècle des nuages, Gallimard)…

Les éditeurs misent sur treize titres, ceux dont le tirage dépasse, d’après Livres Hebdo, les 50 000 exemplaires. Derrière le trio de tête, Amélie Nothomb (220 000 exemplaires), Ken Follett (La Chute des géants, Robert Laffont, 150 000) et Michel Houellebecq (120 000), on trouve Philippe Claudel (L’Enquête, Stock), Jean d’Ormesson (C’est une chose étrange à la fin que le monde, Robert Laffont) et Paulo Coelho (Brida, Flammarion) à plus de 100 000 exemplaires, devant Ouragan, de Laurent Gaudé (85 000), et L’amour est une île, de Claudie Gallay (70 000), tous deux chez Actes Sud…

La semaine prochaine, donc, seront disponibles en librairie le livre annuel d’Amélie Nothomb, Une forme de vie (Albin Michel), de l’avis général meilleur que les précédents, Passé sous silence, d’Alice Ferney (Actes Sud), Le Coeur régulier, d’Olivier Adam (L’Olivier)… A défaut d’exhaustivité, il faut savoir qu’on retrouvera ensuite les signatures d’Eliette Abécassis, Jean-Baptiste Del Amo, Mathias Enard, Alain Mabanckou, François Vallejo, Elie Wiesel…   »

 

Je me laisserai peut-être tenter par le roman de Despentes et celui de Ferney, si la 4ème de couve et les premières lignes m’accrochent.  Le Claudel lui aussi peut être intéressant,  si l’auteur a gardé la même inspiration et la même écriture que pour « Le rapport Brodeck ». Le « Amélie Nothomb nouveau »,  je m’arrange toujours pour le lire gratuitement:  dans mon entourage,  il y a toujours au moins une personne qui l’a acheté.

A bientôt…

Hommage

 

Hommage 18906063

 

 

 

 

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