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TribuneÉnergie

El Hierro, l’île autonome en énergie qui montre l’exemple

La centrale hydro-éolienne d’El Hierro a été lancée en juin. L’île espagnole des Canaries vise une autonomie énergétique totale, avec une électricité à 100 % issue d’énergies renouvelables et sans effet de serre. L’exemple pourrait inspirer la France et ses îles.


Le 27 juin, la centrale hydro-éolienne prototype d’El Hierro a commencé de produire pour les 8 000 habitants de l’île. Elle produit de l’électricité en association avec des éoliennes, une usine de dessalement, des retenues hydrauliques pour le stockage et des générateurs hydroélectriques. Elle se situe sur l’île d’El Hierro, la plus petite avec moins de 300 km2, au sein de l’archipel des Canaries. Le but est d’arriver à fournir, sans interconnexion ni intermittence, une électricité à 100 % issue d’énergies renouvelables et sans effet de serre. Ainsi, s’efface peu à peu l’alimentation au fioul, coûtant localement deux millions d’euros, qui reste la norme sur la plupart des îles du monde.

Une expérience reproductible

Nombre de territoires français pourraient s’inspirer de l’expérience de l’île espagnole. La France compte des terres isolées outre-mer et des îles sur son littoral métropolitain où le fioul lourd est la source presque exclusive de l’énergie bien qu’il s’agisse d’un produit importé, cher et polluant.

C’est un vaste domaine pour le déploiement des énergies renouvelables : un projet de STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage-turbinage), comme celui d’El Hierro, existe en Guadeloupe tandis qu’à La Réunion, on réfléchit à l’indépendance énergétique en 2030, au sein d’un pôle de compétences sur les énergies renouvelables et le stockage de l’énergie.

Au niveau international, le programme Renforus de l’Unesco traite spécifiquement du développement des ENR dans les sites classés Réserves de la biosphère. Y ont accès la Guadeloupe, les îles de la Mer d’Iroise, les Cévennes, les Causses... L’idée sous-jacente est que la transition écologique précède celle de l’énergie.

Reprendre le contrôle de la création d’énergie

L’enjeu est une redistribution des cartes des acteurs de l’énergie avec, sur El Hierro, l’association du grand producteur espagnol d’électricité Endesa qui, au fil du temps, est devenu une société par actions. Sans parler d’autogestion mais plutôt d’autonomie voire d’indépendance énergétique, une forme originale de gérer l’électricité a été mise en place dès 2006 car la société créée, appelée Gorona del Viento, est possédée à 60 % par les îliens, grâce au Conseil, ou Cabildo, démocratiquement élu.

Plus précisément, c’est une société mixte dans laquelle le poids de l’entreprise privée Endesa est de 30 % et celui de la Région des Canaries, de 10 %. Dans ce dernier cadre, l’Institut Technologique Canarien a dessiné la centrale hydro-éolienne originale.

La société mixte évolue dans un cadre tarifaire spécifique, selon un décret de l’Etat espagnol publié au Journal officiel le 25 septembre 2013. Il y a eu par conséquent un processus de création, tant au niveau technique qu’institutionnel, qui a abouti à libérer les énergies.

Ainsi, Endesa utilise cette réalisation comme vitrine de son savoir-faire. L’Etat espagnol (qui a investi 35 millions d’euros sur les 83 du projet) valorise sa contribution au tourisme durable, sachant que ce secteur d’activités est le plus prospère du pays, avec plus de onze millions de touristes par an aux seules Canaries.

En fait c’est un gagnant-gagnant pour beaucoup, ce qui explique que le projet se soit développé sans grande opposition sur l’île ; il a été porté par un parti autonomiste qui a gagné la grande majorité des élections depuis 1979. C’est par conséquent aussi un acte politique, au sens noble du terme, car il engage la vie de la communauté pour de nombreuses décennies.

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