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Le blog de Bruno LACHNITT

Homélie pour le mariage de Perrine Laferrere et Stéphane Laffitte le 26 mai 2012 en l'église de Château (71)

28 Mai 2012 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Chère Perrine, Cher Stéphane ! Vous voici sur le point de vous engager l’un envers l’autre et vous m’avez demandé d’en être le témoin au nom de l’Eglise. Devant le Maire, vous vous êtes déjà engagés tout à l’heure « pour le meilleur et pour le pire » et ce n’est pas rien ! On vous a remis votre livret de famille, ce qui est un acte hautement important. Mais nous savons tous que ce lien peut se défaire aussi facilement qu’il s’est fait. Les enfants que je vous souhaite d’avoir vous engageront pour la vie, quoique vous fassiez de votre engagement devant le Maire. Et maintenant, c’est aussi « pour la vie » que vous allez vous engager, pas « tant que vous vous plaisez », pas « jusqu’à ce que vous en ayez assez ou que vous soyez lassés l’un de l’autre », mais par un lien qu’on dit « indissoluble ». Et peut-être que certains ici pensent que c’est déraisonnable, ou que ce sont des mots mais que vous ferez bien ce que vous voudrez (et ça c’est sûr, vous ferez ce que vous voudrez…).

Mais réfléchissons seulement un instant à ce que serait un engagement sous réserve : « tant que tu continues à me plaire », « tant que je n’en ai pas assez de toi », « si tu continues à me séduire »,… Qu’est-ce qui est le plus déraisonnable ? Quelle serait cette parole qui mettrait l’être aimé dans un défi permanent à relever pour ne pas décevoir, dans une compétition quotidienne, avec l’angoisse permanente du moment où fatalement cela finira par céder ?

Vous connaissez la chanson de Brassens intitulée « la non demande en mariage » : « De servante n’ai pas besoin, et du ménage et ses soins, je te dispense, qu’en éternelle fiancée, à la dame de mes pensées, toujours je pense ». Or c’est dans une vie partagée au quotidien que vous vous engagez pour y construire votre couple. Car si on se marie un peu parce qu’on s’aime, on se marie surtout pour s’aimer. Paradoxe, bien sûr, mais qui dit combien l’amour conjugal est une réalité à laquelle on naît au fil des ans, au fil des crises traversées, des joies et des souffrances partagées, et du poids de ce quotidien qui aura transformé l’amour des débuts en cet amour que paradoxalement nous célébrons le jour de notre mariage sans encore y goûter vraiment. Je ne vous souhaite donc pas que ce jour soit le plus beau de votre vie, mais le premier d’un long apprentissage du bonheur comme les bateaux de la chanson de Mannick que nous avons écoutée tout à l’heure.

Vous devrez, quoiqu’il en soit, affronter la déception. Aimer, c’est consentir à être déçu. C’est pourquoi il n’y a pas d’amour sans pardon. Le pardon, c’est précisément le passage de la séduction à l’amour conjugal, c’est ce qui permet de poser aujourd’hui cet acte apparemment déraisonnable. On ne construit pas une vie ensemble sur la séduction. C’est important la séduction, et vous avez mis pour ce jour vos plus beaux atours, mais on ne construit pas dessus une relation durable.

Pour autant, s’engager à vie dans une fidélité inconditionnelle, rester ensemble, non seulement ensemble, mais fidèle et entretenir un amour vivant, c’est une forme de miracle ! Aujourd’hui tout conduit à la séparation si la fidélité n’est que de façade. Nous ne sommes pas plus malins que les autres. Aujourd’hui, quand quelqu’un tient des années durant le choix de vie qu’il a fait, c’est qu’il ou elle a dû renouveler ce choix plusieurs fois.

Or, rien ne va moins de soi que cette fidélité qui consiste à maintenir vivante une relation amoureuse alors même que chacun évolue, que l’amour lui-même change. Il ne s’agit donc pas de préserver sous une cloche l’émotion des premiers jours, pas de rester d’éternels fiancés comme dans la chanson de Brassens, mais de construire ensemble, de vieillir ensemble, de faire grandir ensemble un amour mutuel fécond pour le monde, c’est à dire pas clos, pas fermé l’un sur l’autre.

Et ce miracle n’est possible que pour autant que nous sommes conscients de notre fragilité. Encore une fois, nous ne sommes pas plus malins que les autres. Fragiles, pas suffisants. Avec détermination mais sans arrogance. Une famille qui tient est un miracle fragile qui suscite à la fois émerveillement et tremblement. Ne perdez jamais ni l’un ni l’autre. Gardez la conscience de votre fragilité et avancez avec confiance,  en mesurant que ce qu’il vous est donné de vivre vous dépasse. C’est précisément ce que nous célébrons aujourd’hui en essayant de nommer Celui en qui la confiance permet d’avancer.

L’écrivain Frank ANDRIAT parle de l’Intime pour désigner Dieu, parce que dit-il « le nom de Dieu a trop de casseroles derrière lui pour être acceptable par les non-croyants ». Il dit aussi que « chacun croit en quelqu’un ou en quelque chose sous peine de ne pas être capable de vivre ». Alors Perrine, Stéphane, chacun là où vous en êtes, je vous souhaite de trouver en vous l’Intime qui fonde cette parole que vous allez vous donner l’un à l’autre. Je vous souhaite de garder intacte la capacité d’émerveillement devant ce qu’il vous est donné de vivre, de rester tremblants devant ce mystère qui vous dépasse.

Qu’on se dise croyant ou pas, n’est-ce pas le paradoxe de la vie spirituelle que notre fragilité soit le lieu où l’impossible nous est donné ?

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