A propos de ce blog


Nom du blog :
chdjamel
Description du blog :
Comment être journaliste en Algérie à la lumière de ce qui se pratique dans la presse d'ailleurs.
Catégorie :
Blog Actualité
Date de création :
06.10.2007
Dernière mise à jour :
29.09.2018

RSS

Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· Les nouveautés (423)
· Formations (96)
· Divers (130)
· Ils ne sont plus de ce monde (119)
· Histoire de la presse algrienne (35)
· Contributions (134)
· Album (35)
· Television (108)
· Les ainés (55)
· Economie de la presse (108)

Navigation

Accueil
Gérer mon blog
Créer un blog
Livre d'or chdjamel
Contactez-moi !
Faites passer mon Blog !

Articles les plus lus

· El Khabar Erriadhi, un nouveau quotidien sportif
· Ecole nationale du journalisme : les conditions du concours
· Un diplôme en journalisme au bout de 50 heures de formation
· L’Ecole nationale supérieure de journalisme
· Délivrance des cartes de presse avant fin 2008 (ministre)

· Photo de famille Abdelaziz Bouteflika-journalistes
· La charte de Munich des droits et devoirs des journalistes
· ecole superieure de journalisme alger
· annahar algerie
· fac de journalisme
· La presse algérienne durant la guerre de libération
· Un nouveau journal francophone : Algérie News
· « Dernières nouvelles d’Algérie» : nouveau site d’info.
· Ennahar Week-end : le journal lance un service abonnement
· Saïd Sadi : lettre à mes amis de la presse (juin 2000)

Voir plus 

Blogs et sites préférés


Statistiques 2349 articles


Thèmes

anniversaire annonce argent bonne cadre cadres chez création écran enfants fond

Derniers commentaires

je repense souvent à samy. comme ce soir il est présent dans mon esprit mais jamais il n'a quitté mon coeur.
Par Une amie, le 13.01.2024

pourquoi le nom de mohamed belacel n'est pas sur la liste des journalistes de la télévision nationale ?
Par BELACEL, le 08.12.2023

bonsoir à toute l'équipe, é tant amateur et un amoureux de la photographie est-ce la maison de la presse org
Par Anonyme, le 10.03.2023

we offer certified and verifiable financial bank instruments via swift transmission from a genuine provider ca
Par Christopher Liam, le 28.10.2022

salam je suis à la recherche de monsieur sadou kamel depuis un moment mais aucune trace est ce que quelqu'un
Par Anonyme, le 26.10.2022

Voir plus

RSS
Recherche

Histoire de la presse algrienne

Youcef Ferhi raconte la presse post-indépendance

Publié le 22/01/2017 à 11:00 par chdjamel
Youcef Ferhi raconte la presse post-indépendance

«J’ai 18 ans, moi !» lâche, hilare, Youcef, en faisant malicieusement inverser le 8 et le 1 de son âge «biologique». Force est de le reconnaître : Youcef Ferhi (alias Boulsane), l’un des pionniers de la presse nationale, dégage en effet une énergie, une joie de vivre, une faconde truculente et jouissive, qui tranchent avec le poids de ses années et sa carrière au long cours passée dans un métier qui a la réputation de vous presser comme un citron et vous user jusqu’à la corde. Son secret ? «Il faut rire», sourit-il. «Chaque jour où tu ne ris pas est une journée de perdue», professe notre glorieux aîné qui fut au cœur de la grande aventure de la presse post-indépendance, avec ses moments de grâce et ses désillusions. Une histoire qu’il relate dans un livre-témoignage : 10 ans de presse. 1962-1972, paru aux éditions Dahlab en 2013. Curieusement, le livre est passé quasiment inaperçu. Il s’agit pourtant d’un document précieux, utile aussi bien pour les gens de la profession que pour le lecteur désireux de se faire une idée des coulisses des rédactions et des arcanes éditoriales qui ont contribué à façonner le paysage médiatique DZ. Outre le mérite de consigner l’expérience personnelle de son auteur, depuis  Al Chaâb (en langue française) jusqu’à l’éphémère Le Cri du Sahel  qu’il a fondé au début des années 2000, en passant par Algérie-Actualité  qu’il a dirigé de 1965 à 1972, ce livre a le mérite d’être étayé par un important corpus d’archives, dont des photographies prises sur le vif et quelques-unes, mémorables, qui nous replongent gaiement dans l’ambiance de l’époque.

 

 

Al Chaâb en français, premier quotidien postcolonial

 

Né en 1936 à Tefersa, près de la Kaâla des Beni Abbas (wilaya de Béjaïa), le jeune Youcef interrompt ses études lors de la grève des étudiants de mai 1956 ; il ne les reprendra qu’après l’indépendance, avec une licence en droit à la clé, obtenue quelques années plus tard. Le 25 juillet 1962, une «affectation pour les Finances» dans la poche, il croise, boulevard Khemisti, Sid Ahmed Baghli, un proche de M’hammed Yazid, l’ancien ministre de l’Information du GPRA. Il se retrouve alors dans une réunion au Palais du gouvernement présidée par M’hammed Yazid et Salah Louanchi. «C’était parti pour une aventure des plus exaltantes», écrit-il. Référence à la création du tout premier quotidien national de l’Algérie indépendante : Al Chaâb. «Le 19 septembre 1962, à deux heures du matin, naissait, sans aucune assistance étrangère, Al Chaâb, le premier grand quotidien national d’information en langue française, sous l’égide du FLN, à la veille des élections de l’Assemblée nationale constituante», note-t-il solennellement (1).

 

Sur la Une du numéro inaugural, cette manchette : «Demain : tous aux urnes pour élire notre Assemblée constituante». Sous le titre : «Algérien ! Voici ton journal», l’édito de ce premier numéro proclame : «Algérien ! Al Chaab, le journal que tu attendais paraît enfin. Comme tu peux t’en douter, les difficultés que nous avons dû vaincre ont été nombreuses. Réunir une équipe suffisamment compétente, trouver la formule la plus judicieuse et la plus agréable, organiser une administration et un réseau de diffusion, remettre en état les locaux de l’imprimerie de l’ex-Echo d’Alger, qui furent le bastion de la colonisation et de l’OAS, tout cela a demandé beaucoup de temps, d’argent, de travail et d’efforts créateurs.»

 

 

«C’est en ‘‘journalisant’’ que l’on devient journaliste»

 

Le fondateur d’Algérie-Actualité précise : «La mission de créer un grand quotidien avait été confiée par Mohamed Khider, membre du bureau politique du FLN chargé de l’Information et des Finances, à Salah Louanchi, aidé de Serge Michel, dit 3e collège». De son vrai nom Lucien Douchet, intellectuel libertaire et fervent militant anticolonialiste, Serge Michel est «le père technique de la presse quotidienne nationale», résume Ferhi. Cette entreprise audacieuse commence par la nationalisation des sièges de la presse coloniale. C’est ainsi que Serge se charge de récupérer les locaux de L’Echo d’Alger. Youcef Ferhi se souvient que «l’imprimerie était dans un état lamentable (…), la rotative avait été dynamitée». Serge Michel écrira des années plus tard dans Révolution Africaine : «Nous n’avions toujours pas de journalistes. Mais l’avenir était abondamment ensoleillé et nous étions persuadés que c’est en ‘‘journalisant’’ que l’on devient journaliste» (in : Revaf du 31 juillet 1987, témoignage reproduit in extenso par Ferhi). Et d’ajouter : «Nous nous mîmes au travail et le journal sortit de nos presses rafistolées : Al Chaâb (…). Ce n’était encore qu’un essai, un numéro zéro. Il fallait former les équipes de la rédaction, de l’imprimerie, et, surtout, de la diffusion qu’il fallut inventer de toutes pièces.» Youcef Ferhi sera chargé de couvrir les débats de l’Assemblée comme rédacteur parlementaire tout en se voyant confier la rubrique «nationale». Parmi les autres noms de cette équipe rédactionnelle : Noureddine Tidafi, Lounes Larbi, Rabah Ameur, Mohamed Arabdiou, Ahmed Hasnaoui, Mohamed Hached, Rabah Mahiout… «et un groupe de transfuges du commissariat politique de l’ALN», dont le poète Djamel Amrani.

 

 

«Nous étions mariés au journal»

 

 

Après le numéro zéro, d’autres éléments viendront renforcer la rédaction : Rabah Saâd Allah, Ali Hafied, El Hadi Boulenouar… et les dessinateurs Tewfik et Haroun. L’équipe comptait également «trois amis étrangers acquis à la cause algérienne : Noël Favrelière, Susane Lifinska et Louis Weinigel». Youcef confie dans la foulée : «Dès le numéro zéro, Salah et Serge me chargent de suivre les travaux de l’Assemblée nationale. Pour un néophyte, c’était loin d’être une sinécure, encore moins pour quelqu’un qui vient juste de découvrir ce qu’est un ‘‘lead’’ (Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Pourquoi ? Comment ?), un typomètre, une lettrine, une cicéro… Il fallait se jeter à l’eau et je m’y suis jeté.» A ses débuts, Al Chaâb faisait 4 pages grand format (ou broadsheet). Le 29 septembre 1962, il passe à 6 pages. «Des 30.000 exemplaires du 5 décembre 1962, Al Chaâb avait atteint les 60.000 exemplaires entre août et octobre 1963, concurrençant Alger Républicain», nous informe l’auteur.

 

La première année après l’indépendance verra beaucoup de mouvement au sein des rédactions pionnières. «A la fin de l’année 1962, il ne restera pas grand-monde du premier noyau», indique Youcef Ferhi en faisant remarquer : «Il est vrai que le travail n’était pas de tout repos : 9h-2h du matin, ce n’était pas marrant. Nous étions mariés au journal.» Côté arrivées, il y a eu «Mokhtar Chergui, Chafik Laroussi, Zhor Zerari, Mimi Maziz, Rachid Benattig, Noureddine Naït-Mazi, Abdelali Ferrah, George Arnaud et son épouse.»

 

Le 11 décembre 1962 paraît Al Chaâb en langue arabe sous la direction de Mohamed El Mili qui nous a quittés le 8 décembre dernier. Le retard accusé par la presse arabophone et notamment Al Chaâb est expliqué par le «manque de moyens techniques et humains». Mohamed El Mili «ira par deux fois, en septembre puis en octobre 1962, au Caire afin de ramener des équipements et des coopérants techniques égyptiens», rapporte Ferhi. «Le 21 mars 1963, l’édition française change de titre et devient Le Peuple», assure Youcef Ferhi. Les deux titres «relevaient de Mohammed Khider (…). Après sa démission le 17 avril 1963, les journaux relèveront de Ahmed Ben Bella, le nouveau secrétaire général jusqu’au Congrès d’Alger de 1964.» L’année 1963 verra la nationalisation des derniers titres hérités de l’époque coloniale. En février, Oran Républicain est «réquisitionné pour non-rentabilité» et devient La République dont le premier numéro paraît le 29 mars 1963. Le 17 septembre 1963, La Dépêche d’Algérie, L’Echo d’Oran et La Dépêche de Constantine sont nationalisés à leur tour, «tandis que La Dépêche de l’Est (Annaba) cesse de paraître dès décembre 1962.»

 

 

«Dans la presse, il n’y en aura que pour le frère Ben Bella»

 

Malgré cette nationalisation des actifs de la presse coloniale au chapitre de la décolonisation médiatique, il y avait encore du boulot, à en croire l’auteur. «En deux mois, novembre et décembre 1963, Le Peuple va devenir une pâle copie de France-Soir», regrette-t-il. «On publie les résultats du tirage de la loterie nationale française, on va donner les pronostics et les résultats des courses hippiques de Saint Cloud et Auteuil, de Vincennes.» Résultat des courses (sans jeu de mots) : le tirage chute à 44.500 exemplaires fin 1963 après avoir caracolé à plus de 60.000 exemplaires. Selon l’ancien responsable éditorial, l’ambiance enthousiaste des débuts laissera la place à un malaise grandissant sous le poids du «Ben Bellisme» : «Les premiers mois ont été extraordinaires. Nous écrivions en notre âme et conscience sans aucune censure ; celle-ci, après le départ de Khider du Bureau politique le 17 avril 1963, va commencer à se faire sentir avec l’instauration de la pensée unique chère à Ben Bella!» «A l’Assemblée, entre journalistes, on discutait des enlèvements, des arrestations sur ordre de Ben Bella, de Mohamed Boudiaf, Ferhat Abbès, du Colonel Saout El Arab (Salah Boubnider)…» Et d’affirmer : «A partir du congrès FLN d’avril 1964, une chape de plomb va [s’abattre sur] l’activité politique nationale. Dans la presse, il n’y en aura que pour le frère Ben Bella (…) Une certaine désaffection vis-à-vis de la presse se fait sentir dans la population. Le journal est vide, nous dit-on, l’on ne sait pas ce qui se passe en haut, des abus sont commis par des responsables au nom du Parti et de l’Administration, aucune réaction ! Le peuple est méprisé, écrasé, on ne lui demande pas son avis.»

 

 

La liquidation d’Alger Rép’ masquée en fusion

 

Trois jours après le coup d’Etat du 19 juin 1965, le quotidien El Moudjahid tel que nous le connaissons aujourd’hui voit le jour. Youcef Ferhi rappelle que le processus de sa création était engagé bien avant le putsch de Boumediène, et qu’il était censé être le produit d’une fusion entre Le Peuple et Alger Républicain. Fusion qui, en réalité, n’aura jamais lieu. «Après l’interdiction du Parti communiste algérien le 29 novembre 1962, il fallait s’attendre un jour ou l’autre à la disparition d’Alger Républicain qui était le véritable journal du peuple», observe Ferhi. «Au congrès du FLN le 18 avril 1964, devant 1700 congressistes, Ben Bella annonçait qu’Alger Républicain allait devenir l’organe du FLN», poursuit-il. La fusion avec Le Peuple était programmée pour le mois de juin 1965. «Annoncé pour le 21 juin 1965 puis reporté au 5 juillet 1965 (…), il (El Moudjahid) verra finalement le jour le 22 juin 1965.» L’auteur prend le soin de préciser au passage : «Il est utile de rappeler qu’El Moudjahid, qui était né à Alger en mai/juin 1956, deviendra l’organe central du FLN et le seul organe de la Révolution algérienne. Je pense que Ben Bella, au fond de lui-même, exécrait tout ce qui pouvait venir d’Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, Ben Khedda (…), les fondateurs d’El Moudjahid historique.»

 

S’agissant de la prétendue fusion annoncée, il note : «Aussi bien Naït-Mazi que Benzine reconnaissent implicitement que tout avait été décidé à la Villa Joly, sauf que ‘‘l’imprévu du 19 juin 1965’’ va remettre les compteurs à zéro. Par un tour de passe-passe, Le Peuple va continuer de paraître en changeant de titre : Le Peuple est mort, vive El Moudjahid !» A l’appui, Youcef Ferhi convoque le témoignage de Noureddine Naït-Mazi qui fut rédacteur en chef du Peuple avant de devenir directeur d’El Moudjahid (1971-1980). Naït-Mazi écrit dans El Moudjahid du 11 septembre 1997 : «En catimini, Le Peuple était prématurément et brusquement devenu El Moudjahid par une césarienne qui n’avait rien à voir avec le tranquille accouchement projeté pour le 5 juillet suivant. Le Peuple du 21 juin avait brièvement annoncé que ‘‘la fusion’’ était réalisée et que le numéro 1 d’El Moudjahid paraîtrait le lendemain. (…) Nous continuions de fonctionner avec la même équipe rédactionnelle, les mêmes responsables, sans la moindre nouvelle tête. La vérité est que le quotidien El Moudjahid n’a été que la simple continuation du Peuple sous une nouvelle appellation».

 

 

27 journalistes formés en trois mois

 

 

Du 20 au 25 janvier 1964 se tient le premier séminaire national sur l’information au Centre familial de Ben Aknoun. Il est présidé par Chérif Belkacem, ministre de l’Orientation, qui déclare : «Nos premiers journalistes étaient d’abord et surtout des militants contraints à assurer toutes les tâches.» A la suite de ce séminaire, un stage de trois mois est initié de concert avec l’Organisation internationale des journalistes (OIJ) pour la formation d’une nouvelle «fournée» de journalistes destinés à étoffer les rédactions naissantes. Ce cycle de formation intensive, le premier du genre, se déroule du 27 janvier au 26 avril 1964 au Centre familial de Ben Aknoun, au profit de vingt-sept stagiaires. Youcef Ferhi, qui venait de claquer la porte du Peuple, est contacté par Serge Michel qui lui propose de faire partie de l’encadrement du stage. «C’est le début d’une autre aventure», glisse-t-il. Parmi les talents qui vont se révéler au cours de cette formation accélérée : Bachir Rezzoug. «Il fut le seul à s’intéresser au secrétariat général de rédaction, il avait un sens inné de la mise en page», se rappelle Youcef. Bachir est pris en main par Paul Grangeon qui fut secrétaire de rédaction au Monde, Libé et Le Canard Enchaîné. Les formateurs sont fiers d’annoncer, à l’issue du stage, que ces jeunes gens qui «auparavant n’avaient jamais abordé le journalisme que comme lecteurs, forment aujourd’hui l’essentiel d’une équipe d’un quotidien du soir conçu et lancé au moment où le stage touche à son terme.»

 

Ce journal, c’est Alger-Ce Soir. Pour Ota Hitschmann de l’OIJ, c’est un véritable «petit miracle» qu’il attribue à «l’élan de la Révolution algérienne». Le numéro zéro d’Alger-Ce soir sort des rotatives le 13 avril 1964 (daté du 14 avril). Youcef retrouve goût au journalisme et se lance éperdument dans cette nouvelle expérience comme chef de la rubrique nationale. La direction du nouveau journal est confiée à Mohamed Boudia. Serge Michel en est le rédacteur en chef, tandis que Bachir Rezzoug hérite tout naturellement du secrétariat général de rédaction. Kamel Belkacem, Sayah El Houari, Yamina Abdelkader, Halim Mokdad, Liès Hamdani… sont également de l’aventure. «Les autres stagiaires seront versés au Peuple, à la RTA et à l’APS», indique l’auteur. Parmi les «coups» médiatiques réalisés par le nouveau canard, une interview du Che Guevara parue dans l’édition du 27 décembre 1964.

 

 

«Allô, c’est Hmimed»

 

L’une des anecdotes rapportées par l’auteur, et qui est fort révélatrice du rapport entre le pouvoir politique est la presse, à l’époque, un coup de téléphone à la direction du journal émanant de la présidence de la République au sujet d’un article sur le point d’être imprimé, qui portait sur le projet de construction de l’hôtel Aurassi. Ben Bella avait décidé en août 1964 de construire cet ouvrage en vue d’accueillir la conférence afro-asiatique prévue en mars 1965 à Alger. L’auteur de cet article, qui n’est autre que Youcef Ferhi, voulait alerter sur le fait que «le terrain ne pourrait jamais supporter un ouvrage de cette envergure». «L’article était imprimé, le journal était pratiquement prêt», raconte le concerné. «Tout à coup, on m’appelle au téléphone me disant que la Présidence désirait parler à un responsable du journal. Je prends le récepteur, une voix sèche me demande qui j’étais. Je me suis présenté en ajoutant que le journal n’allait pas tarder à paraître. La voix me dit : ‘‘Je suis Hmimed, er-raïs, vous avez écrit un article dans lequel vous n’êtes pas d’accord avec le choix du lieu de construction de l’Aurassi’’. Je réponds : oui ». Sur quoi, Ben Bella l’abreuve de mots fleuris : «Ecoute, tu vas retirer cet article, sinon, c’est moi qui vais descendre…» Ferhi poursuit : «Le reste est d’une vulgarité au-dessous de la ceinture.» La mort dans l’âme, Youcef «retire le plomb de l’article et le remplace par le plomb d’un article que nous gardons au ‘‘frigo’’ comme on dit dans le jargon ». L’article finira par paraître le 4 septembre 1964 sous le titre : «L’Aurassi : 23 étages sur une dalle de béton».

 

 

Alger-Ce Soir «exécuté à la fleur de l’âge»

 

Malgré les pressions, «Alger-Ce Soir ne baisse pas les bras», tient à souligner Youcef Ferhi en citant, entre autres, les reportages sociaux de Zhor Zerari sur la vie des femmes de ménage, et de Mohamed Abderrahmani sur les sans-abri à Alger… Alger-Ce Soir avait d’ailleurs la réputation de donner «plus souvent la parole aux dockers qu’à leur ministre». Une position que le journal paiera cher. «La période du 19 juin au 11 juillet 1965, Kaïd Ahmed sera chargé de l’information et le bruit avait couru qu’Alger-Ce Soir allait être sacrifié et que tous les journalistes allaient être arrêtés». De fait, quelques mois plus tard, Alger-Ce Soir annonce sa cessation de parution dans une «oreille» de son édition du 7 septembre 1965. «Il aura vécu 18 mois. On l’a exécuté à la fleur de l’âge», commente l’auteur. Deux semaines après la liquidation d’Alger-Ce Soir, Youcef Ferhi est invité par Bachir Boumaza, ministre de l’Information sous Boumediène, à mettre sur pied un nouveau magazine, et ce sera Algérie-Actualité (voir encadré). Après trente ans d’existence à ramer contre vents et marées, dans un contexte marqué par l’assassinat massif des travailleurs des médias, Algérie-Actualité sera liquidé à son tour dans l’indifférence générale…

 

 

Une pensée émue pour Algérie-Actualité

 

Parmi les épisodes-clés de l’histoire de la presse algérienne aux premières années de l’Indépendance rapportés par Youcef Ferhi dans son ouvrage, les circonstances de la création du prestigieux hebdomadaire Algérie-Actualité qui a marqué des générations de lecteurs. Le 20 septembre 1965, raconte-t-il, il est reçu «seul» par le ministre de l’Information Bachir Boumaza qui lui fait part de sa volonté de créer un magazine du week-end. «Le lendemain, je m’armai d’un paquet de papier bifteck, d’un crayon rouge, d’un crayon bleu, d’un typomètre et d’une gomme et me voilà parti pour Surcouf (près de Aïn Taya, ndlr). La saga de Dimanche-Actualité, puis d’Algérie Actualité venait de débuter fin septembre.» Il fait plusieurs esquisses de maquette, «mais n’en gardais qu’un seule sous forme de cahier avec son titre : Actualité-Dimanche», poursuit-il. Ferhi précise que «c’est à Bachir Rezzoug que nous devons le logo et la maquette du premier titre : Actualité-Dimanche». Bachir Boumaza charge Youcef Ferhi de la rédaction en chef en laissant entendre que «Abdelaziz Belazoug en serait le directeur dans le cadre de la direction générale de la presse écrite (DGPE) qu’il allait créer».

 

S’il est d’emblée charmé par la maquette proposée, le choix du titre n’est pas du goût du ministre de l’Information : Actualité-Dimanche lui rappelait trop France-Dimanche. «C’est ainsi que Dimanche devait laisser la place à Algérie». Youcef Ferhi évoque les difficultés qu’il a éprouvées pour constituer la première équipe rédactionnelle, Bouamza lui ayant recommandé de ne pas «débaucher» des journalistes à  El Moudjahid qui avait la rédaction la plus étoffée. «Le choix des collaborateurs fut laborieux. Je tenais absolument à Zhor Zerari et Mohamed Abderrahmani pour encadrer les quatre ‘‘chats’’ avec lesquels nous allions former l’équipe rédactionnelle. Je tenais également à Bachir Rezzoug qui avait un trait neuf dans la mise en page», relate-t-il. Et de faire cette remarque édifiante : «Nous regrettons que des personnalités politiques, universitaires, littéraires… refusent dans leur très grande majorité d’écrire pour notre presse.» Algérie-Actualité sort officiellement des rotatives le 24 octobre 1965 (2). Dans un édito publié dans le numéro 2 sous le titre : «Un élément qui manquait», Bachir Boumaza écrit : «La révolution, chose sérieuse, n’est pas nécessairement austère. Elle doit savoir se dérider et sourire. Et une révolution qui sait sourire, qui sait se détendre, est une révolution qui se porte bien. Aussi est-ce volontairement qu’Algérie-Actualité - politiquement engagé - a reçu ce caractère vivant et délassant».

 

Youcef Ferhi se souvient avec tendresse de l’ascension fulgurante du nouvel hebdo qui s’est adjugé très vite un large lectorat : «Algérie-Actualité devenait de semaine en semaine une référence. Il a été, quand il ne les a pas suscités lui-même, de tous les débats sur les grands sujets tels que l’éducation, la santé, la culture, les finances, la jeunesse, la femme», se félicite-t-il. Le journal organise les concours de la meilleure photo, de la meilleure nouvelle et offre de précieux espaces à la BD et la littérature graphique. En mars 1967, Algérie-Actualité passe au format tabloïd. Le tirage en novembre 1966 était de plus de 164 000 exemplaires, et de près de 175 000 exemplaires en décembre 1966, assure son ancien directeur. Ironie de l’histoire : le ministre de l’Information Bachir Boumaza, en désaccord avec Boumediène, entre en dissidence et annonce le 8 octobre 1966, depuis Bruxelles, son ralliement à l’Organisation clandestine de la Révolution algérienne (OCRA). Le 28 octobre de la même année, le directeur général de la presse écrite, Abdelaziz Belazoug, lui emboite le pas en se ralliant à son tour à l’OCRA à partir de l’Allemagne. En décembre 1966, la DGPE est dissoute, indique Youcef Ferhi, avant d’ajouter : «J’assumerai avec un intermède en mars 1967 la direction d’Algérie-Actualité jusqu’à la décision n°09211 du 20 septembre 1972 chargeant Rafik Bensaci de la responsabilité du journal.» En mars 1997, Algérie-Actualité disparaît définitivement des étals, officiellement «pour cause de non-viabilité». Mustapha Benfodil

 

 

 

1) –Le journal Echaab a été lancé le 19 septembre 1962 à la demande du bureau politique de groupe de Tlemcen mené par Ahmed Benbella ; le groupe de Tlemcen était, politiquement parlant, en guerre contre le GPRA, unique dépositaire légitime dans l’exercice du pouvoir en plein « été de la discorde». La question était d’autant plus importante que Ben Bella s’est réservé, au sein du groupe politique de Tlemcen, le poste de coordinateur avec l'Exécutif provisoire (il voulait liquider lui-même le gouvernement provisoire). Cela nous amène à soulever cette question : pourquoi choisir la date du 3e anniversaire de la création du GPRA pour la sortie du premier numéro d’Echaab, pour lui rendre hommage ou pour mieux l'enterrer ? Quand on sait que Ahmed Benbella avait décidé de décréter le 5 juillet 1962 jour d’indépendance, et non le 3 juillet, pour mieux effacer celle du 5 juillet 1830, on a tendance à privilégier l’option de la liquidation symbolique du GPRA par la naissance d'Echaab. D. Ch.

    

 

2)- Le premier numéro devait apparaître un peu plutôt, le 5 octobre. Le ministre de l'Information Bachir Boumaaza a demandé à Youcef Ferhi de le retarder parce que le président Boumediène serait de voyage à l'étranger à ce moment-là. Boumaaza n'a pas oublié que la goûte qui a fait déborder le vase entre Boumediène et Ben Bella quelques mois auparavant était la décision de Ben Bella de profiter de l'éloignement de Boumediene, parti au Caire pour quelques jours, pour retirer le poste du ministère des Affaires étrangères à son protégé Abdelaziz Bouteflika. Aussi, lancer Algérie Actualité le 5 octobre 1965, c'était forcément prendre le risque de laisser comprendre que le président venait de recevoir un coup de couteau dans le dos.  

 

 

 

El Watan, n°8002 du dimanche 22 janvier 2017, pp. 6 et 7 

Il y a 20 ans, la presse frappée au cœur

Publié le 11/02/2016 à 12:16 par chdjamel
Il y a 20 ans, la presse frappée au cœur

Dimanche 11 février 1996. 21e jour du Ramadhan. Il est un peu plus de 15h. Un fourgon Master explose aux abords de la Maison de la presse Tahar Djaout, à l’orée du quartier populaire de Belcourt, pulvérisant tout sur son passage. La déflagration a l’effet d’un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de la terreur. Dar Essahafa, cible désignée des terroristes, est sévèrement touchée, de même que les immeubles et les commerces alentour. Un premier bilan fait état de 18 morts, chiffre qui sera rapidement revu à la hausse. La majorité des victimes sont à déplorer parmi les automobilistes et les passants qui étaient à proximité de la voiture piégée, à une heure où le trafic est particulièrement dense. A l’intérieur de la Maison de la presse, un spectacle de guerre. Des scènes de fin du monde. «On avait l’impression d’avoir survécu à un tremblement de terre ou bien à un bombardement», écrivait Omar Belhouchet dans El Watan  du lendemain. Le Soir d’Algérie  est sans doute celui qui a le plus accusé le coup : ses locaux sont quasiment réduits en poussière par le souffle de l’explosion. Dans la foulée, le grand journal populaire du soir perdait trois de ses piliers, retirés douloureusement des décombres : Allaoua Aït Mebarek, directeur de la rédaction, Mohamed Dorbhan, alias Tewfik Dahmani, chroniqueur, et Djamel Derraza, cruciverbiste, animateur de la page «Détente», très appréciée par les lecteurs.

 

Allaoua, Mohamed Et Djamel Rejoignent Yasmina

 

Ils rejoignaient Yasmina Drissi, correctrice dans le même quotidien, assassinée à Rouiba le 12 juillet 1994. D’ailleurs, en pénétrant dans les locaux du Soir d’Algérie  aujourd’hui, c’est le portrait de Yasmina qui vous reçoit en premier, trônant en haut du long couloir transversal qui relie la salle de rédaction à la PAO. Le portrait de Yasmina Drissi est escorté par ceux des trois autres martyrs du journal. L’émotion ne manque pas de nous submerger en les regardant. Outre Le Soir d’Algérie, les autres journaux domiciliés à La Maison de la presse ont tous eu leur lot de dégâts : Alger-Républicain, Le Matin, L’Opinion… C’est l’apocalypse. Depuis l’assassinat de Tahar Djaout le 26 mai 1993, la liste des journalistes ciblés par la furie meurtrière du GIA et consorts ne faisait que s’allonger, atteignant 76 journalistes et autres travailleurs des médias assassinés jusqu’à la veille de ce carnage, le dernier étant Abdallah Bouhachek, journaliste à l’hebdomadaire Révolution et Travail  (l’organe de l’UGTA), assassiné le 10 février 1996 à Blida.

 

Avec cet attentat, l’horreur franchissait un palier en s’engouffrant sauvagement dans les rédactions. Notons toutefois qu’il y avait eu un précédent avec l’attaque armée contre L’Hebdo Libéré – le journal du défunt Abderrahmane Mahmoudi – à la rue Ahcène Khemissa (ex-rue Hoche). C’était le 21 mars 1994. L’attaque avait fait deux morts, en l’occurrence Madjid Yacef, reporter-photographe, et Rachid Benhaddou, chauffeur.

 

«Une Bombe ! C’est Une Bombe !»

 

Dans son livre Journalistes algériens (1988-1998). Chronique des années d’espoir et de terreur (éditions Chihab, 2005), notre ami Lazhari Labter, alors journaliste à L’Opinion, livre son propre témoignage de ce «bloody Sunday». Extrait : «15h. Je ne comprends pas. Je sais seulement que quelque chose de terrible vient d’arriver. Un séisme, me dis-je en mon for intérieur. Tout se passe en une fraction de seconde. Les doigts croisés, je plaque mes mains sur ma tête de toutes mes forces et je plonge entre deux bureaux. Je ne comprends pas encore. J’ai seulement l’impression que le ciel m’est tombé sur la tête. J’entends des bruits de fracas, des cris et des hurlements. Au bout de quelques secondes, je me lève, hébété, seul dans un décor de cauchemar. Ce qui était un bureau il y a quelques secondes à peine, ressemble maintenant à un champ de ruines. Je ne réalise pas encore. Je sens sur mon visage et mes mains la chaleur moite du sang qui coule. Je pense toujours à un tremblement de terre, mais la réponse me vient du couloir où quelqu’un crie de toutes ses forces : «UNE BOMBE ! C’EST UNE BOMBE !» (p. 168). Lazhari poursuit : «Dans l’étroit couloir encombré par les bureaux, les machines du telex et les gravats de toutes sortes, j’essaie péniblement de me frayer un passage vers la sortie. Au dehors, j’entends les hurlements, les cris, les pleurs. Une fois en bas, à l’extérieur, dans la cour de la Maison de la presse, un spectacle d’horreur digne des films d’épouvante s’offre à mes yeux éberlués. Des hommes et des femmes, hébétés, choqués, chancelants, titubants, errent dans tous les sens. Des cris hystériques se font entendre. Je jette un coup d’œil sur ce qui était quelques minutes auparavant mon bureau. Un saccage. Toutes les vitres ont volé en éclats. Les montants des fenêtres et des portes se sont descellés. Le plâtre, les planches, les gravats, recouvrent tout. Plus rien. Des blessés sont dirigés vers les voitures des volontaires rescapés. Du sang sur les visages, sur les mains. Les uns pleurent doucement, les autres gémissent. Comme des fantômes, beaucoup déambulent sans but précis. Quelqu’un me prend par la main : «Tu es blessé, il y a de la place dans cette voiture, va à l’hôpital !» «Non merci, je n’ai rien, ce n’est pas grave.»

 

«Dorbhan est mort !»

 

Dans la confusion et le chaos ambiants, toute l’attention est fixée sur les décombres qui fument et les corps tirés de la gueule de l’enfer. On s’accroche à la moindre lueur d’espoir jusqu’à ce que le verdict implacable du destin tombe. Lazhari est assommé d’apprendre : «Dorbhan est mort !» «La macabre nouvelle, l’incroyable nouvelle fait très vite le tour de la Maison de la presse. Personne ne veut y croire. Je ne veux pas y croire. Mohamed, mon ami, l’ami de tous, ne peut pas mourir. C’est une erreur, une méprise, ce n’est pas possible !» Les mauvaises nouvelles s’enchaînent à mesure que surgissent les noms des confrères, plutôt des frères, happés par la mort : « […] Transféré à l’hôpital Mustapha Bacha, le corps de Allaoua est finalement identifié. La bombe a fait trois morts, trois journalistes du Soir d’Algérie, des dizaines de blessés plus ou moins graves et des dégâts matériels considérables. A l’extérieur, sur la rue Hassiba Ben Bouali, c’est pire. Un carnage. 18 citoyennes et citoyens morts, carbonisés dans leurs voitures, désintégrés par le souffle ou projetés violemment contre les murs. Parmi eux, Naïma Illoul, 22 ans, technicienne à la télévision algérienne», énumère, la mort dans l’âme, l’ancien chef du bureau d’Alger de la Fédération internationale des journalistes.

 

«Il fallait impérativement que le journal sorte !»

 

Le cœur serré, nous passons en revue la «collection» d’El Watan  de l’époque, l’un des rares journaux en mesure de paraître. «CARNAGE à ALGER» titrait le journal en une. La manchette est accompagnée d’une photo de corps en lambeaux sur fond de champignon de fumée noire. Ce 12 février 1996, point de Soir d’Algérie dans les kiosques. Le Matin  et L’Opinion  manqueront également à leurs lecteurs. Ils font paraître chacun une page dans les journaux amis, pages confectionnées dans des conditions épiques, au milieu des décombres. Tous les journaux sinistrés tenaient ainsi à marquer le coup. Le message est clair : signifier aux assassins qu’il n’était pas question de céder à la peur, à la panique, à l’abattement. Il ne fallait surtout pas laisser la place «sémantiquement» et «éditorialement» vide. Passée la sidération, l’action ! «J’ai réuni l’équipe, j’ai dit aux collègues : vous rentrez chez vous, vous mangez un morceau et vous revenez après le f’tour», témoigne Omar Belhouchet. Le directeur d’El Watan  s’était rendu peu avant l’attentat à Blida pour assister à l’enterrement de Abdallah Bouhachek assassiné la veille, comme nous l’indiquions tantôt. «A mon retour, je découvre l’horreur. Tout un pan de mon bureau s’était effondré», confie M. Belhouchet.

 

Malgré la violence du choc, l’émotion, la peur, la terreur, la destruction de notre outil de travail, oui, il fallait continuer, écrire, témoigner, créer. En un mot : résister ! «Nous avons travaillé dans des conditions très difficiles jusque tard dans la nuit. Le courant électrique était coupé. Plusieurs services ont été touchés. Il fallait impérativement que le journal sorte. Il fallait continuer le combat. Pas question d’abdiquer !» martèle M. Belhouchet qui garde un souvenir vivace du courage dont firent preuve les collègues femmes d’El Watan. «Après le f’tour, les trois quarts des membres du personnel qui étaient revenus c’étaient des femmes», tient-il à souligner en guise d’hommage. Mohamed Tahar Messaoudi, rédacteur en chef d’El Watan à l’époque, abonde dans le même sens : «Nos collègues femmes ont été extraordinaires de courage et d’abnégation. C’est quelque chose que je ne suis pas près d’oublier : malgré la peur, malgré le fait qu’elles avaient des responsabilités familiales, surtout en période de Ramadhan, elles ont laissé leur famille, elles ont bravé la terreur et sont revenues pour faire le journal. Nous avions bouclé très tard cette nuit-là, et elles sont restées jusqu’au bout !»

 

«L’aventure intellectuelle» assassinée

 

Quelques jours après l’attentat, un engin de travaux publics achevait de raser les derniers pans encore debout du Soir d’Algérie. Une page se tournait, s’arrachait brutalement, dans la jeune histoire du Soir, mais aussi de la presse post-88. C’est d’autant plus symbolique que le Soir d’Algérie fut le premier fleuron de cette nouvelle ère flamboyante et féroce. Le numéro «zéro» sortit de l’imprimerie le 3 septembre 1990. Fouad Boughanem, l’un de ses membres fondateurs, actuellement directeur de la publication du journal, se remémore avec tendresse de ces jours impétueux où les anciens journalistes du secteur public quittaient massivement leurs organes respectifs pour fonder leurs propres journaux.

 

C’était l’âge d’or de ce que l’on appelait poétiquement «l’aventure intellectuelle». Le doyen de la presse indépendante avait été créé à l’initiative de cinq journalistes, majoritairement issus du quotidien Horizons : Zoubir Souissi, Fouad Boughanem, Maâmar Farah, Djamel Saïfi et Mohamed Bedrina. «Zoubir était à l’APS, mais faisait des chroniques à Horizons», précise M. Boughanem. A ses débuts, le journal était hébergé dans les locaux d’Astein, groupe informatique fondé par Mustapha Chaouche et basé à Birkhadem. «Quand nous avons décidé de nous lancer dans cette aventure, nous n’étions pas préparés pour fonder une entreprise. Dans notre esprit, créer des journaux, c’était l’affaire des forces de l’argent. On nous disait qu’il fallait que le journal soit adossé à une entreprise. Mais la gestion, tenir une comptabilité, ce n’était pas notre truc», avoue Fouad Boughanem dans un sourire. Le directeur du Soir évoque, au passage, l’état d’esprit qui animait la rédaction en ces temps prométhéens : «Il y avait une belle euphorie à l’époque ! Il n’y avait pas de hiérarchisation. Il y avait une osmose au sein de l’équipe entre les anciens et les nouveaux. Celui qui avait trois minutes dans la profession était considéré au même titre que celui qui avait trente ans de métier. Nous étions tous journalistes. Il y avait de la passion, de la conviction, de l’adrénaline. Et face à l’adversité, il y avait beaucoup de solidarité.» Et voilà que tout partait en fumée en ce dimanche barbare. «Ce sont surtout les pertes humaines qui étaient les plus cruelles ! C’était terrible ! Avec Allaoua, Mohamed, Djamel, nous formions une famille. Nous avions des rapports très affectueux», soupire Fouad Boughanem.

 

Du scotch sur la bouche pour accueillir Ouyahia

 

Pour le directeur de la publication du  Soir d’Algérie, il ne fait aucun doute que ce 11 février 1996, «on a voulu faire taire la presse, car elle était majoritairement anti-intégriste. C’est seulement après le 11 septembre qu’on a pris la mesure, en Occident, de la nature réelle de l’intégrisme. Avant, ils disaient : ‘‘oh, ce sont des règlements de comptes entre la presse et les islamistes’’. Maintenant, tout le monde sait qu’on a affaire à des gens sans foi ni loi». Devenue SDF, l’équipe du journal est hébergée provisoirement dans une salle contiguë à la rédaction d’El Watan. Un placard est publié dans la presse peu après l’Aïd : «En hommage à nos martyrs, pour répondre aux innombrables demandes de nos lecteurs, grâce à la solidarité de nos confrères et amis, grâce au courage de toute l’équipe du journal, Le Soir d’Algérie reparaîtra à partir de samedi 24 février 1996.»

 

Chose promise, chose due : le 24 février, Le Soir retrouvait enfin ses lecteurs. Le 31 mars 1996, Ouyahia venait inaugurer les nouveaux locaux du journal, construits en préfabriqué. Il est reçu par des journalistes en colère, formant une chaîne humaine, un ruban de scotch sur la bouche pour dire leur indignation face à la précarité générale qui frappait la profession. «Vous en connaissez beaucoup de journalistes, aujourd’hui, capables de mettre du scotch sur leur bouche pour dénoncer leurs conditions de travail ?» s’interroge Fouad Boughanem, avant de lancer : «Les temps ont changé. C’est une question de mentalité. C’est peut-être la fin d’un cycle. Aujourd’hui, n’importe qui peut s’improviser journaliste. Il en est que vous pourriez acheter avec un simple téléphone portable. Il y a encore quelques journaux qui peuvent dire les choses, le reste est normalisé.»

 

En regardant dans le rétroviseur et en contemplant les portraits de Yasmina, Allaoua, Mohamed, Djamel, qui semblent veiller affectueusement de là où ils sont sur la rédaction, Fouad Boughanem ne peut qu’éprouver un sentiment de fierté. La fierté du devoir accompli avec courage et humilité, même si le tribut payé fut très lourd. «Malgré tout, je peux dire que nous avons traversé la période du terrorisme avec un minimum de dignité», insiste-t-il. «Ce métier, on ne l’a pas trahi, on ne l’a pas traîné dans la boue. Nous avons fait notre travail avec honneur et patriotisme !»  Mustapha Benfodil

--------------------------------------------- 

Témoignage de Mounir Abi, rescapé de l’attentat : «Tu ressens comme une décharge électrique de millions de watts»

 

Mounir Abi est un véritable miraculé, lui qui revenait d’entre les morts en cet effroyable 11 février 1996. Il avait intégré Le Soir en 1991, alors qu’il était encore étudiant en biologie à l’université de Bab Ezzouar (USTHB). Mounir était surtout connu à l’époque comme dessinateur de presse. Il a même eu droit aux éloges appuyés de l’immense Ali Dilem qui nous a reçus tous les deux fort généreusement chez lui le 13 janvier dernier. Un talent de dessinateur auquel Mounir devait associer un peu plus tard des qualités de rédacteur et de reporter casse-cou. Aujourd’hui, il officie comme chef de la rubrique internationale au quotidien Le Temps d’Algérie. A 48 ans, Mounir garde intact son regard tendre et sa dégaine dégingandée de rêveur impénitent perdu dans le siècle. Et chaque fois que nous avons le plaisir de le croiser, c’est toujours le même effet, le même bonheur de pouvoir l’alpaguer d’une accolade fraternelle, n’ayant jamais assez de gratitude pour la Providence de le compter encore parmi nous.

 

Au lendemain de l’attentat, sa photo faisait la une de l’unique page de  L’Opinion  parue ce 12 février 1996 dans la presse solidaire. On y voit Mounir évacué sur une civière, le visage ensanglanté, les yeux roulant dans le vide, dans un décor de guerre. Vingt ans plus tard, il se pointe à notre rendez-vous avec une photographie dans la poche où est reproduite la même scène prise d’un autre angle. A voir la tête qu’il avait, on a de la peine à croire qu’il s’agit de la même personne tant, à première vue, il ne présente aucune séquelle physique, visible, de ce moment infernal. Mounir raconte : «Ce jour-là, j’étais dans la rédaction. Il y avait Djamel, Allaoua et Mohamed Dorbhan. Il y avait d’autres collègues dans les autres services. Mais, fort heureusement, beaucoup étaient sortis faire les traditionnelles courses du Ramadhan. A un moment donné, Mohamed me dit : «Je dois sortir acheter des brioches pour mes enfants si tu veux m’accompagner». On est allés dans une boulangerie-pâtisserie à Belcourt, on a acheté des brioches et on est revenus aussitôt sur nos pas. Allaoua s’affairait dans le coin telex à trier les dépêches. Djamel était planché sur sa page Détente. Je me dirigeais vers Allaoua qui me lançait : «Ah ! El-Fawdha, rak h’na ? (tu es là, l’anarchie ?) Il nous appelait El-Fawdha, tu te souviens ? J’ai fait quelques pas vers lui. Il y avait quoi, 50 cm entre nous ? Et là, il y a eu l’explosion. Je ne me rappelle de rien après. La vitesse du souffle est supérieure à la vitesse du son, ce qui fait que je n’ai pas entendu la déflagration. Tu ressens comme une décharge électrique mais d’une puissance de millions de watts. J’ai perdu connaissance sur le coup.» Mounir jette un regard furtif sur la photo qu’il tient dans sa main et poursuit : «Quand je suis revenu à moi, j’entendais des cris, des pleurs… J’ai compris que quelque chose de grave s’était produit. Mais je ne savais pas où j’étais, qui j’étais, où je travaillais… J’ai su plus tard que je suis resté inconscient pendant environ une demi-heure. J’ai eu une perte totale de mémoire. J’étais recouvert de gravats jusqu’au cou. Miracle de Dieu : je suis asthmatique, donc au départ déjà j’ai un problème respiratoire. Même en temps normal, je respire mal. Imagine quand tu es enseveli sous les décombres. J’aurais pu mourir asphyxié là-dedans. C’était le chaos total. J’ai tenu le coup et je me suis mis à crier pour être localisé. Des sapeurs-pompiers ont accouru. Dès que j’ai été évacué, j’ai sorti par réflexe ma pompe Ventoline qui ne me quitte jamais.»

 

Quand Mounir eut repris ses esprits, son angoisse était de ne pas sentir son corps. «Lorsque j’étais sous les décombres, mon corps ne répondait plus. J’avais peur au moment d’être retiré de découvrir que j’avais un bras ou une jambe qui manquait.» Mounir Abi s’en tire tout de même avec des contusions sur tout le corps, des entailles plus ou moins profondes, des éclats de verre et de métal, dont certains sont incrustés dans sa peau à ce jour. «J’ai été évacué à l’hôpital Mustapha où j’ai subi deux opérations sur-le-champ : l’une au service traumato, pour me retirer une tige de fer de la hanche, l’autre au service ophtalmo pour m’enlever des débris de verre que j’avais dans l’œil gauche. Il me reste un bout de métal toujours collé au thorax. Les médecins ont préféré ne pas y toucher en espérant qu’il soit éjecté par le corps.»  Le plus dur, confie Mounir, c’était d’apprendre la terrible nouvelle : «A l’hôpital, on m’a caché le fait qu’il y avait des morts, que des collègues manquaient à l’appel. J’ai appris la nouvelle tard le soir. Je suis tombé dans le coma jusqu’au matin. Je n’ai pas supporté le choc. C’était un moment aussi terrible pour moi que l’attentat lui-même. La perte de Allaoua, Djamel et Dorbhan, ça m’a dévasté. Avec leur disparition, il y a une partie de toi qui est morte. La vie, le journal sans eux, c’était insupportable.»

 

Après une semaine passée à l’hôpital Mustapha, Mounir poursuit sa convalescence chez lui, avec obligation de subir régulièrement des contrôles médicaux. «Mais je ne suis jamais revenu à l’hôpital», ricane-t-il. «On m’a remis un arrêt de travail de 21 jours. Mais je ne pouvais pas attendre. Deux semaines après l’attentat, je reprenais du service. Il me tenait à cœur de replonger dans le travail, sans quoi j’aurais sombré dans la dépression en ruminant mes pensées noires. Les premiers mois, je faisais des cauchemars. Pendant un temps, j’ai développé une phobie : je voyais des voitures piégées partout. Quand je flânais à Alger, je faisais très attention aux voitures suspectes.»  Mounir retrouve ainsi la Maison de la presse. Mieux : il se convertit en reporter, spécialité terrorisme. Pour lui, c’était la meilleure des catharsis. «Peu après ma reprise, il y avait eu un attentat et je tenais absolument à le couvrir. Après, j’ai couvert d’autres attentats terroristes. Je prenais parfois des risques insensés. J’avais besoin de replonger là-dedans pour transcender le traumatisme. Il fallait que j’écrive sur ça pour dépasser ma douleur. Dans ma tête, les victimes de ces attentats, c’étaient tous des Allaoua, Mohamed et Djamel. Que ce soit par l’écrit ou par le dessin, c’était pour moi un moyen de dénoncer ces criminels et de défendre la mémoire des victimes.»

 

Mounir a une pensée affectueuse pour chacun de nos frères disparus : «Allaoua, c’était notre ange gardien. Jamais il ne m’a engueulé, jamais il ne m’a censuré. Il te fait parfois de petites remarques mais sans jamais te froisser. Dorbhan, c’était un excellent chroniqueur et un excellent dessinateur. Avant, je le connaissais surtout comme caricaturiste. Ses chroniques au «kalbellouz» (allusion à sa fameuse chronique intitulée : Bloc-Notes : Journaux-Pub-Télé-Kalbellouz, ndlr) faisaient fureur. Avec ça, c’était quelqu’un de très discret, très modeste. Djamel, lui, quand il n’était pas à l’hôpital (Djamel Derraza travaillait à l’hôpital de Koléa), il était avec nous. Il se plaisait tellement au journal. J’avoue que je n’ai jamais réussi à remplir une seule grille de ses mots croisés (sourire). Derraza, Allaoua, Dorbhan... C’était une équipe formidable. Ce sont des gens qu’on ne peut pas oublier. Quand tu as connu des personnes de cette qualité-là, tu deviens nécessairement modeste. Je ne pèse rien par rapport à eux, j’essaie au moins de leur ressembler. De m’inspirer d’eux.» Sans tomber dans le «nostalgisme», Mounir repense à ces années-là avec un brin de mélancolie songeuse : «On vivait notre métier avec passion. Aujourd’hui, ce n’est plus la même ambiance. Le danger qui pesait sur nous soudait la profession. Il y avait de la solidarité. Je suis avec toi, à la rédaction, on ne savait pas si on allait se revoir le lendemain ou pas. Personne n’était sûr de son destin. Et cela fait qu’il y avait beaucoup d’humanité, beaucoup de bienveillance entre nous. La vie était précieuse. Et les gens étaient précieux. Nous étions forcément chers les uns au regard des autres. Les moments difficiles faisaient en sorte que l’on prenait soin l’un de l’autre. On se battait pour la même cause. Aujourd’hui, peut-être qu’avec l’amélioration de la situation sécuritaire, les choses ont changé, je ne sais pas. En tout cas, c’était une époque intense.» A-t-il songé à s’exiler après l’attentat ? «Non, ça ne m’a jamais effleuré l’esprit !», rétorque-t-il sans ciller. «Cela voudrait dire que les autres ont gagné. Je l’aurais vécu comme une forme de trahison. Je me dis : nous avons partagé le même destin, il faut le vivre jusqu’au bout ! Pourtant, on m’avait proposé de partir. Une chaîne allemande m’avait offert de me prendre en charge pour des soins à l’étranger, j’ai refusé. Je leur ai dit : nous avons de bons médecins dans mon pays, merci.»  Mustapha Benfodil

------------------------------------------- 

 

Une pensée «anarchiste» pour Allaoua…

 

Allaoua Aït Mebarek. Fines moustaches et chèche noué autour du cou en passionné invétéré du désert. Cœur grand comme un «comité de gestion» pour paraphraser Sénac. Elégance toute en simplicité et sourire aux lèvres aux quatre saisons, qu’il pleuve, qu’il «soleil» ou qu’il «bombe». Allaoua l’infatigable, l’inusable qui avait épousé le métier et, plus que le métier, la «cause journalistique», au point d’en faire un sacerdoce en ces temps assassins des nineties où arborer une carte de presse était tout sauf anodin. Allaoua. Ma grande école de journalisme. Un journalisme humain, curieux de tout, tourné vers les gens. La société. D’où sa passion du terrain. Du reportage. D’une certaine façon, je lui dois la vie : deux jours avant l’attentat, il m’avait envoyé en reportage à Tam. Allaoua l’ouvreur d’horizons, le catalyseur d’imaginaires quand toutes les perspectives sont bouchées. Allaoua. Un prénom gravé à jamais dans mon cœur en charpie. Allaoua. L’énarque féru de culture, de littérature, de malouf et d’Aït Menguellet, et qui aurait pu finir wali ou ministre des Travaux publics, mais préféra les travaux poétiques ; la grisaille en préfabriqué de la Maison de la presse et sa buvette lugubre aux bureaux capitonnés des postes chics et confortables.

 

Allaoua le gentleman chambreur qui nous surnommait, nous, ses ouailles, les jeunes pousses du métier : «El Fawdha» (littéralement : l’anarchie). Et sa manie de nous gribouiller les pattes au stylo en s’esclaffant comme un chérubin farceur. Allaoua que la mort a surpris dans son sanctuaire de toujours : la rédaction du Soir qu’il arpentait électriquement dans tous les sens, courant d’un service à l’autre en distribuant tapes sur l’épaule et bons mots, consignes et conseils amicaux, sans jamais heurter personne, sans jamais jouer au chef. Gourou libertaire qui s’en fichait des hiérarchies. Jamais jugé utile de rappeler qu’il était tout de même notre vénérable «directeur de la rédaction». Son aura suffisait à fabriquer le journal en tenant la cadence de ces jours infernaux. Pour nous tous, il était simplement, fraternellement, «Allaoua». Mentor humble et bienveillant. Monument d’intelligence éditoriale et d’humanité. Fauché à tout juste 40 ans alors qu’il était en train d’éplucher le rouleau «dépêches» du télescripteur en faisant le tri dans les bruissements du monde.

 

Vendredi 15 janvier 2016. Rendez-vous est pris avec Youcef à 13h, chez lui, à Aïn Taya. Youcef Aït Mebarek est le frère aîné de Allaoua. Il en a d’ailleurs les traits, la bouille joviale, le timbre affectueux, la générosité débordante. Youcef eut l’amabilité de m’inviter à déjeuner avec l’ensemble de la famille et je me sentis d’emblée parmi les miens. Saïd Aït Mebarek alias SAM, neveu de Allaoua et correspondant du Soir d’Algérie à Tizi Ouzou, eut la gentillesse de se joindre à nous, de même que Salem Amri, ancienne gloire de la JSK et ami de longue date de la famille. Et tous ensemble d’égrener les dates marquantes du parcours de Allaoua, entre rires et émotion. J’apprendrai que Allaoua Aït Mebarek est né le 4 septembre 1956, au village de Tanalt, dans la commune d’Imsouhal, près de Aïn El Hammam. Il obtient un bac lettres en 1975 après avoir transité par le lycée Abane Ramdane, à El Harrach. «Il avait comme copain de classe Ali Ideflawen», se souvient Youcef. Alloua s’inscrit d’abord à la fac centrale pour une licence de lettres françaises avant de bifurquer vers l’ENA, l’Ecole nationale d’administration. En 1982, le voici auréolé du très prestigieux titre d’Enarque. «Il avait comme copain de promo Abdelkader Ouali (l’actuel ministre des Travaux publics, ndlr). Une amitié forte les unissait», souligne Youcef. Saïd enchaîne : «Il a eu sa première affectation juste après. Il devait prendre une direction au ministère des PTT. Au lieu de quoi, il a choisi de partir en France pour préparer un doctorat en droit international».

 

 

C’est à Paris que Allaoua connaît sa première expérience dans le monde des médias, en devenant animateur au sein de la radio Tiwizi (solidarité en kabyle). «A Paris, il a fréquenté le milieu culturaliste amazigh. Il était très impliqué dans le militantisme culturel en faveur de la cause berbère, au détriment de son doctorat», poursuit Saïd. C’est ainsi qu’il se lia d’amitié avec Cherif Kheddam. «Il a animé plusieurs de ses galas», glisse Youcef. Saïd précise dans la foulée : «Allaoua était dans le brassage des cultures, ce n’était pas un berbériste exclusif. C’est quelqu’un qui aimait l’andalou, Fairouz, Cheikh El Afrite… Il avait des goûts éclectiques. C’est grâce à lui que j’ai aimé l’andalou, que j’ai découvert la chanson orientale, parce que, étant adolescent, j’étais tout le temps dans ses basques. Du coup, j’ai beaucoup appris de lui».

 

En 1986, Allaoua rentre au bercail et passe dans la foulée son service militaire. A la fin de son passage sous les drapeaux, une nouvelle ère s’ouvrait avec les événements d’Octobre 88 qui allaient accoucher de la presse indépendante, «l’aventure intellectuelle». Le Soir d’Algérie  voit le jour le 3 septembre 1990. Allaoua rejoint très tôt l’équipe dirigée par Zoubir Souissi. Le jeune énarque est mis à l’essai. «Son premier article était une interview avec Ali Fergani, organisée par mon ami Salem Amri», raconte Youcef. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, comme on dit. Alloua épate. Il est recruté sur-le-champ. Ses goûts marqués pour les choses de l’art font que, tout naturellement, il est versé dans la «culturelle» où il enchante et régale. «Il s’est fait remarquer dans le reportage aussi», ajoute SAM. «Il avait fait beaucoup de reportages, notamment dans le Sud». «C’est ainsi qu’il s’est fait un nom et a très vite pris du galon. Ses compétences sur le plan académique, son statut d’énarque et de doctorant, ses qualités rédactionnelles, son immense culture, ses qualités humaines, sa personnalité, tout cela a fait qu’il s’est retrouvé aux premières loges de la rédaction du Soir», argue Saïd.

 

Le 23 juillet 2011, l’association culturelle Allaoua Aït Mebarek, basée à Tanalt, a pris la louable initiative de rendre hommage aux martyrs du village tombés durant la décennie noire. Elle a même érigé une stèle à la mémoire de Allaoua et de deux autres citoyens de Thadarth, Akir Salem et Ouramdane Aït Mebarek, deux jeunes appelés assassinés dans les années 1990. Cet élan citoyen mérite d’être vigoureusement salué. Toujours dans le registre du travail de mémoire, Saïd a réitéré le souhait de voir le nom de Allaoua Aït Mebarek gravé au fronton d’un édifice public. Et de me raconter comment, peu après la disparition brutale de son oncle bien-aimé, il avait entrepris des démarches pour obtenir qu’un lycée de Aïn El Hammam soit baptisé au nom de Allaoua. Malgré la disponibilité du maire, soutenu par le wali de Tizi Ouzou, le projet n’a jamais vu le jour. Et pour cause. «Il nous fallait l’aval des moudjahidine et, paradoxalement, c’est un ancien moudjahid de notre village qui a opposé son veto», regrette Saïd. Son récit me laisse sans voix.

 

Loin de se décourager, SAM a interpellé Hamid Grine à l’occasion de la Journée nationale de la presse, le 22 octobre 2015, et a obtenu un engagement ferme de la part du ministre de la Communication d’œuvrer pour attribuer le nom de Allaoua Aït Mebarek à un établissement public. Pourvu qu’il tienne parole ! En attendant que cette œuvre de reconnaissance aboutisse, le sort s’est chargé de faire les choses à sa manière : en tenant dans mes bras l’un des petits-fils de Da Youcef, quelle ne fut ma surprise d’apprendre qu’il naquit un 11 février. Précisément le 11 février 2010. Et il a été bien sûr prénommé Allaoua. Farès-Allaoua. Ce clin d’œil du destin vaut, me dis-je, tous les hommages officiels... Merci pour tout ce que tu m’as appris, Allaoua ! Merci de m’avoir sauvé la vie ! Mustapha Benfodil

 

 

 

El Watan, n°7714 du jeudi 11 février 2016, pp. 1-5.

Presse algérienne: Début de l’aventure intellectuelle

Publié le 08/10/2015 à 16:58 par chdjamel
Presse algérienne: Début de l’aventure intellectuelle

Octobre 1988 a été une formidable explosion du génie algérien qui a brisé la camisole de la pensée unique imposée depuis l’indépendance du pays. C’est dans cette ambiance marquée par la soif de la liberté, la soif de dire, d’informer, d’entreprendre et de porter l’aspiration des Algériens à la démocratie, que des journalistes de la presse publique se sont lancés dans une passionnante mais pénible aventure intellectuelle en créant des journaux indépendants. Dans le sillage de la Constitution du 23 février 1989, le premier texte qui consacre le pluralisme politique et médiatique de l’Algérie indépendante, le gouvernement de Mouloud Hamrouche a jeté les fondements d’une presse libre en soutenant l’élaboration d’une loi relative à l’information totalement libératrice. «Le 19 mars 1990, la circulaire n°4/90 du chef du gouvernement est venue mettre en œuvre des décisions du Conseil des ministres du 13 février 1990, concernant le ‘régime d’exercice des journalistes du secteur public’», indique le professeur et expert en communication Belkacem Ahcen Djaballah, dans une contribution sur l’histoire de la presse.

 

Le gouvernement avait offert deux possibilités aux journalistes : «Œuvrer au sein de la presse, de parti ou d’opinion de leur choix ou constituer des collectifs professionnels pour la création et l’édition d’un titre indépendant, avec une indemnité de licenciement de deux ans.» Mais pour encadrer la nouvelle configuration médiatique, il fallait élaborer un texte de loi qui sied au contexte. Il y a eu alors la promulgation de la loi n°90-07 du 3 avril 1990 relative à l’information. Le pluralisme médiatique devint alors une réalité en Algérie. Ce fut la fin de l’ère du parti unique et de sa presse. Toutes les sensibilités politiques, de gauche comme de droite, ont trouvé des espaces pour s’exprimer et le lectorat avait un choix varié dans un paysage médiatique entièrement bouleversé et des journaux qui reflètent la réalité de la scène politique du pays. L’article 4 de la circulaire relative à l’information d’avril 1990 consacre la liberté d’édition et de création des titres de presse.

 

Et c’est cette «aventure intellectuelle» qu’ont choisi Omar Belhouchet et ses compagnons en créant le journal  El Watan,  le 8 octobre 1990, deux ans après la révolte du 5 Octobre. Ce fut aussi le cas pour les initiateurs du  Soir d’Algérie  - qui a vu le jour le 3 septembre de la même année - Zoubir Souissi, Fouad Boughanem, Maamar Farah et autres. D’autres titres ont été lancés la même année : Le Jeune Indépendant,  qui était alors sous forme hebdomadaire, le 28 mars 1990, soit avant même la promulgation de la loi sur l’information, le quotidien arabophone  El Khabar  dont la première parution a été le 1er novembre 1990,  Alger Républicain  le 22 du même mois, le quotidien  Le Matin  le 16 septembre 1991.

 

Pour la presse partisane, c’est aussi le boom. El Mounqid,  un hebdomadaire en langue arabe appartenant au FIS, atteint des tirages de 500 000 exemplaires. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) crée également ses propres supports médiatiques,  L’Avenir  et  Assalu,  un journal édité en langue amazighe. Le Front des forces socialistes (FFS) en fait de même en reprenant  Libre Algérie,  un journal fondé à Paris par l’un de ses militants et compagnon de son leader Hocine Aït Ahmed, Ali Mecili, assassiné en 1987.  Alger Républicain  reparaît avec une ligne éditoriale proche du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS). Le Mouvement démocratique algérien (MDA) fait sortir  El Badil.  1991 demeure l’année de référence pour apprécier l’ampleur de l’expansion qu’a connu le paysage médiatique algérien : de 49 titres en 1988, on passe à 74 titres en 1991. Les tirages ont plus que doublé pour atteindre 1 437 000 exemplaires/jour.

 

Dans la foulée de la libéralisation du champ médiatique, Un Conseil supérieur de l’information (CSI), un outil indépendant de régulation de la profession, a été installé en juillet. Composé de 12 membres - trois choisis par le président de la République, trois autres par le président de l’Assemblée populaire nationale (APN), et 6 journalistes professionnels élus par leurs pairs - cette autorité a fonctionné bon an mal an jusqu’à sa disparition, en 1993. «S’il est une chose absolument certaine, qu’il n’est d’ailleurs point besoin de prouver, c’est bien le rôle important, sinon essentiel, joué par les journalistes algériens en tant que bâtisseurs entiers du processus de démocratisation. Grâce à eux, la presse qui, avant Octobre, était un instrument passif entre les mains des appareils du système, s’est muée rapidement en agent actif et en véritable pouvoir… le quatrième certainement, le premier à certains moments, tout particulièrement juste après Octobre, quand tous les appareils s’étaient presque dilués dans la tourmente», commentait Belkacem Ahcen Djaballah, membre désigné du CSI.

 

Deux défis étaient à relever d’emblée par les collectifs de journalistes qui ont fait le choix de l’«aventure intellectuelle» : le développement de leur entreprise en tant qu’entité économique, et donner ses lettres de noblesse à une profession qui venait juste de se débarrasser du joug du monolithisme, avant qu’un troisième ne s’impose à tous les journalistes : le terrorisme islamistes dont ils sont devenus la cible. Certains ont pu traverser le champ de bataille avec plus ou moins de réussite, d’autres n’ont pas pu tenir. Mais il faut dire que ceux qui ont parié sur l’échec total des nouvelles entreprises de presse se sont trompés. Saïd Rabia

 

 

 

 

El Watan, numéro spécial, jeudi 8 octobre 2015.

La pratique journalistique en Algérie de 1962 à nos jours

Publié le 29/07/2015 à 16:55 par chdjamel
La pratique journalistique en Algérie de 1962 à nos jours

«28 ans de presse sous le parti unique et 25 ans de presse indépendante» est le thème de la conférence animée par Maâmar Farah, à l’invitation des organisateurs du festival culturel Raconte-Arts qui se tient depuis samedi 25 juillet à Iguersafene, village de la commune d’Idjeur, à une quarantaine de kilomètres de Tizi Ouzou.

 

 

Journaliste au long cours et membre fondateur du Soir d’Algérieen 1990, Maâmar Farah s’est livré à une lecture prospective et comparée de plusieurs décennies de pratiques journalistiques en Algérie. Le propos s’appuie tout autant sur l’expérience personnelle en tant que journaliste immergé dans les deux époques et de l’observation analytique de celui qui a quasiment accompagné les mutations connues par la presse algérienne (1). Il aura été tour à tour journaliste et responsable dans plusieurs organes du secteur public sous l’ère du parti unique et membre fondateur du premier journal de statut privé, après l’ouverture politique consécutive aux événements d’octobre 1988.

 

Rentrant d’emblée dans le vif du sujet, M. Farah annonce sous forme d’aveu qui a pu déconcerter d’aucuns. «En vérité, de 1965 à 1979, il n’y a pas de mainmise d’un parti unique telle qu’on peut l’imaginer», dira-t-il, voulant tordre le cou à ce qu’il nomme «les théories qui n’ont rien à avoir avec la réalité» et «les schématisations et les normes établies dans les bureaux des facultés.» Le FLN qui, à suivre le conférencier, n’avait pas encore atteint, à cette époque-là la stature de parti-Etat, de l’œil du maître omniscient qui a la maîtrise idéologique et organique de toutes les instructions, a été confiné dans une tâche administrative par le pouvoir «qui avait son idée sur le développement économique et social du pays, ne voulait pas s’encombrer d’une machine idéologique qui aurait tout au plus alourdi le processus et retardé les échéances. Le parti (le FLN) avait sa presse mais les quotidiens les plus lus et les plus influents ne relevaient pas du parti mais du ministère de l’Information», précisera l’invité de Raconte-Arts qui a étayé son propos par une anecdote d’un papier paru sur les colonnes du quotidien  An Nasr  qui a provoqué le courroux du commissaire du FLN à Annaba à qui M. Farah en tant que chef du bureau d’An Nasr de cette ville fera remarquer que le journal n’était pas sous la tutelle du parti.

 

Le conférencier précisera que même si la plupart des journaux étaient sous la tutelle du ministère de l’Information, celui-ci n’interférait pas dans les choix éditoriaux des rédactions et des journalistes. «Peut-on parler de censure ?», s’interroge M. Farah pour qui les journalistes disposaient toujours d’une grande marge de manœuvre. «Celle-ci (la censure) ne se fait jamais de manière automatique, méprisante», témoignera-t-il, ajoutant qu’une issue est toujours possible lorsqu’il y a conflit entre un journaliste et le responsable du journal qui arrivait à un consensus autour des points qui auraient pu être litigieux. Quid du respect de la ligne éditoriale ? «Nous n’avons pas besoin d’orientations du parti ou de conclaves idéologiques pour en définir les traits. C’était pour nous tous les options de la révolution armée ; les valeurs de la justice sociale, d’égalité et de solidarité héritée de la longue lutte de notre peuple pour son émancipation (…). Notre génération, les choses étaient on ne peut plus claires ; on n’avait même pas à choisir. Nos prédécesseurs qui avaient la plume dans une main et la mitraillette dans l’autre avaient tracé la voie», témoignera M. Farah.

 

«Nous étions conscients que nous étions militants mais le terme ne nous faisait pas peur. Nous nous sentions comme les soldats d’un front qui allaient combattre le dénuement, la maladie, l’injustice, l’arriération sociale»,  précisera-t-il encore. Et de s’exclamer, comme pour se défendre d’être aux ordres d’un pouvoir dictatorial, l’auteur de la chronique de Une du Soir d’Algérie  «Bonjour l’Algérie» dira : «Nous avons vécu une époque qui avait tiré les Algériens vers la modernité». Cela étant, l’auteur de cette profession de foi qui n’exclut pas l’existence de serviteurs zélés et les laudateurs du système, ses fidèles serviteurs, les vendus pour un voyage ou un appartement qui existent aujourd’hui comme hier, selon M. Farah qui se plaint de la difficulté, aujourd’hui, à se revendiquer, à défendre, «ses anciens ancrages».

 

Autre période, autre mœurs, les années 1980. Et puis, il y a cette phrase lâchée par le conférencier et qui permet de mesurer son dépit quant à la pratique du métier de journaliste à l’époque marquée par la censure, les injonctions, les idées rétrogrades, l’exclusion linguistique avaient pignon sur rue… «La presse était muselée et tout était sévèrement puni. J’avais quitté la rubrique politique en 1977, depuis le jour où le ministre de l’Information avait censuré mon édito sur la révolution agraire.» Puis vint l’après-1988 «la parenthèse un peu folle», selon celui qui figure parmi les membres fondateurs du  Soir d’Algérie  qui énumère le meilleur et le pire pour la société algérienne, consécutivement à l’ouverture politique et son corollaire, l’ouverture du champ médiatique post-octobre 1988.

 

Le conférencier qui relatera son expérience de «l’aventure intellectuelle» proposée par Mouloud Hamrouche, le chef du gouvernement de l’époque aux journalistes du secteur public. L’expérience qui a abouti à la création de plusieurs journaux privés a apporté un nouveau souffle dans la presse algérienne. «Ce fut une belle aventure, vraiment intellectuelle. Mais très vite, le pouvoir comprenant qu’une liberté de la presse authentique allait le gêner dans sa politique, mit une terrible pression sur les journaux», dira l’invité d’Iguersafene qui reviendra sur les procès en cascades, le ciblage et l’assassinat des journalistes par les bras armés du FIS. «La presse indépendante fut confrontée à une situation inédite. Elle se met à jouer un rôle qui n’était pas le sien, en jouant pratiquement celui de partis politiques», témoignera le conférencier qui a fait part des appréhensions qu’il a eues en 1999. «Une élection démocratique avec un seul candidat qui amena A. Bouteflika au pouvoir.»

 

Regrettant les temps bénis de l'engagement des journalistes pour l'idéal de justice, Maâmar Farah aura un jugement implacable sur la situation actuelle d'une presse qui, sous des dehors faussement pluralistes, est en perte de repères et d'idéal et de son «âme altérée et dénaturée par les forces de l'argent».«Quand on crée des dizaines de quotidiens sans lecteurs juste pour recevoir une publicité généreusement octroyée, que reste-t-il de l'idéal des journalistes moudjahidine et que diraient aujourd’hui Frantz Fanon et les autres?», terminera avec dépit le conférencier.S.A.M.

 

 

 

1) – Reste à souhaiter que Maâmar Ferrah nous livre son précieux témoignage dans une forme plus élaborée que la conférence de presse. Il livre-témoignage fera grandement l’affaire d’autant que les écrits sur la presse en Algérie sont quasiment rares parce que les journalistes rechignent à témoigner et à partager leur expérience avec les nouvelles générations de journalistes.

 

 

 

NB : Sur la photo cidessus, de droite à gauche: Rachid Lourdjane, Fodil Ourabah, Lyès Sahar, Oudina Othmane, Ahmed Belaïd, Khereddine Ameyar, Omar Zegnoun, Saad Gaat, Maâmar Farah, Halim Mokdad, Moh le buraliste et Abdennour Dzanouni. Photo prise, probablement dans les années 1980, par Boukhalfa Amazit au restaurant la Flèche d’Or, rue Arago, à Alger centre.

 

 

  

 

 

Le Soir d’Algérie, n°7548 du mercredi 29 juillet 2015, p. 11

Film documentaire sur «La presse en Algérie (1830-1962)»

Publié le 04/05/2015 à 18:21 par chdjamel
Film documentaire sur «La presse en Algérie (1830-1962)»

Le coup d’envoi du tournage a été donné samedi 2 mai. Durant 156 minutes déclinées en trois parties, le réalisateur Derouiche Ahmed pose son regard sur l’histoire de la presse algérienne pendant la colonisation. Il relate la brève existence de  L’Estafette d’Alger,  conçue et éditée sous les tentes du corps expéditionnaire français. Il y en aura beaucoup d’autres qui serviront aux colonisateurs de supports de propagande. «Ce film documentaire décortique cette presse à travers ses articles et ses chroniques. Le but est de dévoiler son rôle néfaste (…) sa mobilisation en faveur d’une colonisation à outrance», lit-on dans le synopsis. À leur tour, des nationalistes algériens publient des journaux pour inciter à la résistance. Le premier titre El Hack  date de 1893. Tourné à Alger, Annaba, Constantine, Oran et en France en 122 jours, le film documentaire met en scène des historiens, des universitaires et d’anciens journalistes. Citons pêle-mêle Benjamin Stora, Fouad Soufi, Fatma-Zohra Guechi…Le Radar

 

 

 

 

Liberté, n°6912 du lundi 4 mai 2015

Et si on relançait Ruptures ?

Publié le 13/01/2013 à 14:44 par chdjamel
Et si on relançait Ruptures ?

Par Arezki Metref


Aujourd’hui, 13 janvier, c’est un anniversaire. Le 20e de la mise en kiosque du 1er numéro de Ruptures, daté du 13 au 19 janvier 1993 ! Il avait été imprimé la veille, le 12 janvier, une journée ensoleillée, autant que je m’en souvienne. Au siège du journal, au 6, rue du 19-Mai, à Alger, nous étions tous excités. Sur les coups de midi, nous nous rendîmes à l’Imprimerie du Centre, au Caroubier. Il y avait là, si ma mémoire est bonne, Abdelkrim Djaâd, Tahar Djaout, Nadjib Stambouli, Maâchou Blidi, Malek Bellil, Jamel Moknachi, Arezki Aït Larbi et moi-même. Nous étions impatients de voir le journal surgir des rotatives, consacrant des mois de préparation et inaugurant un cycle que l’on ne pouvait deviner bref et dramatique.

 

Je me souviendrai toujours de l’émotion qui nous a étreints lorsque le premier numéro sorti encore tout chaud des rotatives circula de main en main. Quelques-uns d’entre nous avaient roulé leur bosse dans la presse publique, participé à la fondation de journaux, peut-être à plusieurs reprises, cela n’empêchait pas que soit particulière l’émotion ressentie à la parution de Ruptures. Ce que, à nos yeux, ce journal avait de différent par rapport à nos expériences antérieures, c’est que personne ne nous avait rien imposé. Nous avions pris la liberté et le risque de le penser et de le réaliser de bout en bout. Nous l’avions créé avec nos propres moyens, conçu jusqu’au dernier détail intellectuel et graphique. Nous avions poussé le luxe, si l’on ose dire, Abdelkrim Djaâd, Tahar Djaout et votre serviteur, qui en étions les «associés», jusqu’à nous choisir les journalistes. Nous leur avons demandé de faire équipe avec nous et, ça tombait bien, ils nous avaient choisis aussi. Routiers de la presse publique, nous étions tous passés par des équipes hétérogènes où nous n'avions pas toujours trouvé notre place. C’est pourquoi, en décidant de fonder Ruptures, nous avions tenu à travailler dans la complicité amicale. Nous y voilà : le credo du journal était simple. La motivation aussi. Nous voulions confectionner l’hebdomadaire que nous aurions aimé lire nous-mêmes et qui n’existait pas sur la place. Nous avions en commun beaucoup de choses. Nous étions tous attachés à la laïcité et, à raison suspicieux à l’endroit du pouvoir de l’époque (appuyé sur la «famille qui recule»). Nous tenions en estime le travail intellectuel, la réflexion, la nécessité d’interroger jusqu’aux tabous. La culture est un élément de changement fondamental : nous en étions persuadés. Et puis, beaucoup d’entre nous avaient de l’écriture journalistique une vision esthétique. Il nous importait qu’en plus d’informer et de faire réfléchir, un article de presse fût bien écrit.

 

Un mot sur l’équipe qui a réalisé ce premier numéro. Il y avait notre ami Nadjib Stambouli, compagnon d’Algérie Actualité, sans qui un hebdomadaire de qualité ne pouvait se concevoir, Maâchou Blidi, lui aussi ancien d’ Algérie Actualité, la plume qui arrive à donner aux sèches analyses de politique internationale l’onctuosité de l’épopée, Jamel Moknachi, le poète et journaliste, de retour alors d’un exil de 30 ans, Arezki Aït Larbi, maquisard du journalisme, prêt à tout risquer pour la vérité et les principes, Malek Bellil, un nouveau venu dans la profession mais déjà un talent littéraire indéniable et une sensibilité à fleur de peau. Des plumes au talent prouvé tenaient, pour ce premier numéro, chronique à Ruptures : Ali Benouari, ancien ministre, à l’économie, l’écrivain Rachid Boudjedra à la politique et Saïd Mekbel à la société. Enfin, des collaborateurs de talent aussi : l’écrivain et universitaire Mohamed Souheil Dib, l’économiste Tahar Goufi, les journalistes Farid Abache et Mohamed Nadhir Sebaâ et le journaliste et écrivain Abdelkader Djemaï. A la photo, on pouvait compter sur notre ami Sid-Ali Djenidi et Lounis Dahmani s’occupait de la caricature. Dès les numéros suivants, l’équipe allait être renforcée de Djouher Moussaoui et Leïla Hamel. Par la suite, il y aura des bouleversements, notamment après le décès de Jamel Mokhnachi et, évidemment, après l’assassinat de Tahar Djaout en mai. Pour l’heure, on en était encore à savourer la parution de ce premier numéro qui donnait le ton.

 

Ruptures sera un hebdomadaire qui assumera le défi de situer la réflexion au niveau idoine et qui apportera, nous étions décidés à faire ce qu’il fallait pour, les aliments en matière d’information et d’analyse aux catégories de la population exclues des projets journalistiques : les classes moyennes. Nous voulions toucher les centaines de milliers d’enseignants de tous niveaux, le corps médical et paramédical, les travailleurs de la Fonction publique de tous niveaux hiérarchiques ou de situations géographiques, les élèves des lycées et les étudiants…Nous ambitionnions de donner, dans le temps même où nous les acquérions pour eux, à tous ces lecteurs potentiels, jusqu'alors orphelins d’un journal qui leur serait spécifiquement destiné, quelques clés pour déchiffrer le pays, avec ses silences et ses tabous, ses secrets et ses sinuosités, et le monde. Bien avant que le journal paraisse, les rumeurs les plus folles agitaient le landernau : «C’est l’hebdo des généraux», répandaient les uns, «Non, c’est celui du RCD», rétorquaient les autres. Et j'en passe...Ce qui nous avait contraints à confier à Tahar Djaout, auteur de la lettre de l’éditeur parue dans ce premier numéro, la tâche d’une mise au point. Il dira que Ruptures était publié par la Sarl Espoir (oui, c’est ainsi qu’on l’avait nommée !), dont Abdelkrim Djaâd était actionnaire et gérant et Tahar Djaout et moi-même actionnaires. Tahar Djaout précisera bien qu’il n’y avait personne et rien derrière. Le numéro 1 rencontra tout de suite un franc succès. Nous en étions comblés. Par la suite, le rythme allait monter crescendo jusqu’à ce que cet odieux assassinat visant Tahar Djaout nous déstructure avant d’entraîner la cessation de parution.

 

Aujourd’hui encore, beaucoup de lecteurs nous font savoir qu’ils le regrettent. C’est pourquoi, lors d’une conversation récente avec Abdelkrim Djaâd, nous nous étions demandés si, au cours de cette année 2013, il ne fallait pas le relancer. Chiche...A. M.


 

Le Soir d’Algérie, dimanche 13 janvier 2013

L’histoire de la Radiotélévision algérienne

Publié le 29/10/2012 à 18:36 par chdjamel
L’histoire de la Radiotélévision algérienne

 

Par Badr’ Edine Mili (*)

Beaucoup de choses ont été dites ou publiées sur l’Histoire de la presse écrite algérienne avant et après l’indépendance, mais rien ou presque de notable, de consistant et de crédible n’a été porté à la connaissance de l’opinion sur celle de la Radio et de la Télévision, avant et après ce fameux 28 octobre 1962.


Cette lacune criante et dommageable reviendrait-elle à la rareté des sources et des témoignages ou s’expliquerait-elle par la disparition des documents de référence dont nombreux furent détruits ou transbordés, Outre-Méditerranée, dans les bunkers de l’INA (l’Institut national de l’audiovisuel français), avec une prescription, indéfiniment, reportée ? Le mystère demeure, en tous les cas, entier et les plus téméraires le justifient par la volonté, discrète mais ferme, de certains milieux de l’entretenir, encore longtemps, parce que, dans les replis de ce sujet tabou (?), se trouveraient, cachés et bien protégés, des secrets qui lèveraient, s’ils venaient à être éventés, des voiles insoupçonnés sur le passé peu reluisant d’anciens acteurs de la vie publique nationale. D’où la rétention et les scellés, maintenus, par la force du déni, sur les précieuses archives de notre mémoire audiovisuelle nationale.

 

Pourquoi le 28 octobre et non le 5 Juillet 1962 ?

 

Commençons par le commencement et interrogeons-nous sur les raisons qui motivèrent l’ajournement au 28 octobre 1962, soit 4 longs mois après la Libération, de l’instauration de la souveraineté de l’Etat algérien sur des médias aussi stratégiques installés par l’Administration coloniale à l’usage de la communauté européenne, puis, plus tard, sous des formes folkloriques et intéressées, à celui des Algériens, dès 1926, pour la Radio, et entre 1956 et 1958, pour la Télévision, au summum des sanglantes opérations de pacification menées par la IVe République et intensifiées au début du règne de la Ve… Sans que cela ait fait l’objet d’une clause expresse des Accords d’Evian ou d’une disposition clairement énoncée dans la passation des pouvoirs intervenue entre les autorités d’occupation et l’Exécutif Provisoire présidé par Me Abderrahmane Farès. L’historien ou le simple observateur curieux en sont réduits à des conjectures du genre de celles qui laisseraient entendre que le groupe de Tlemcen emmené par Ahmed Ben Bella, lors de la marche de l’armée des frontières vers Alger, aurait préféré abandonner, temporairement, cette institution de premier plan, aux mains des Français, en faction sur la place, plutôt que de la voir tomber entre celles du GPRA ou des chefs de la Wilaya IV qui l’auraient utilisée comme instrument de propagande, bien que son rayon fut quelque peu limité, en direction du peuple algérien, profondément déçu par la tournure des événements de cet inattendu été de la division. La version confiée et défendue par Mohamed Hadj Hamou, le premier ministre de l’Information du premier gouvernement de l’Algérie indépendante, s’était circonscrite à la description des conditions dans lesquelles l’Etat s’était fait restituer un de ses attributs sur des organismes audiovisuels dont les journaux présentés, en partie, par des Français et un Libanais, continuaient, curieusement, et jusqu’à la veille de ce premier 1er Novembre de liberté, à ouvrir sur l’actualité du gouvernement Maurice Couve de Murville et sur celle de «la Métropole et de ses DOM-TOM». Son récit nous apprend que, saisi par ses soins, sur le sujet–il ne dit pas pourquoi il le fit aussi tardivement–le président Ahmed Ben Bella a instruit son 1er vice-président et ministre de la Défense, le colonel Houari Boumediene, de prendre les mesures appropriées pour récupérer le site, ses infrastructures et ses moyens et assurer le contrôle de leur fonctionnement, au mieux des intérêts de l’Etat. Ce qui fut accompli, lorsque l’officier de l’ANP, Mohamed Ben Ahmed Abdelghani, futur Premier ministre de Chadli Bendjedid, se présenta, à bord d’un véhicule blindé, devant les portes de l’imposant immeuble, de style Bauhaus, du 21 boulevard Bru, rebaptisé boulevard des Martyrs, et demanda au commandant français des lieux de lui remettre officiellement les clefs de la station de la Télévision d’Alger et de la station de Radio France V qui assurait la production du programme français et du programme des ELAK, les (émissions en langues arabe et kabyle). Tout de suite après, Khaled SAFER, Abdelaziz CHEKIRI et Mohammed BOUGHRARA dit «El-GORDO», transfuges de La Voix de l’Algérie combattante créée, en 1956, dans la foulée du journal El Moudjahid, sous l’autorité de Aïssa MESSAOUDI, avec des antennes ouvertes au Caire, à Tunis, à Nador et à Tripoli, escaladèrent le building aux cent alvéoles qui donne sur la baie d’Alger et levèrent les couleurs algériennes en lieu et place de celles de l’ex-puissance occupante. L’artiste Mahieddine Bentir, futur animateur du groupe de rock «Les Algiers», pouvait commencer à dessiner le sigle historique de la RTA. Un épisode, certes, glorieux, inscrit au fronton de ce haut lieu de bataille où furent enregistrées, minute par minute, les pages les plus horribles de notre existence nationale, mais sur lequel nous ne sommes pas plus avancés, s’agissant du motif réel de sa tardive survenue.

 

Une succession au pied levé

 

La suite est mieux connue : les cadres et techniciens européens décidèrent, certainement, sur ordre du gouvernement français, de déserter les lieux, dans le but de paralyser la diffusion des émissions, sous-estimant les capacités des Algériens d’assurer la relève. Les éléments entrés du Caire, de Tunis, de Nador et de Tripoli et agissant, au titre d’anciens journalistes de La Voix de l’Algérie combattante ou de techniciens des transmissions du MALG, firent équipe et furent chargés par le ministère de l’Information d’encadrer la nouvelle Radio-Télévision algérienne déclarée, tout au moins, dans le principe, comme le successeur de «la radio secrète» tenant d’elle, et non de la RTF coloniale, sa filiation et sa légitimité historique. Le premier noyau dirigeant qui présida à sa reconversion nationale, de 1962 à 1969, comprenait, en plus de Aïssa MESSAOUDI, sus-cité, Bahi MOUNIR, le premier directeur général de l’établissement ; Messaoudi ZITOUNI, co-fondateur de l’APS et de l’Ouvrier algérien, organe de l’UGTA naissante, et futur ministre des Industries légères de Chadli BENDJEDID ; Mohammed-Laïd BOUREGHDA, journaliste à Tunis, pendant la guerre, collaborateur de Ferhat ABBAS au GPRA puis à l’Assemblée constituante où il fut un de ses questeurs, avant de prendre la direction d’El Moudjahid ; Lazhari CHERIET, journaliste à Tunis, futur directeur des magazines Atlas et Révolution Africaine et futur directeur général, les deux sus-nommés ayant été les seuls journalistes algériens envoyés couvrir les négociations d’Evian ; Madani HAOUES, dit Abdelatif, journaliste à La Voix de l’Algérie combattante, à l’antenne de Nador, Lamine BECHICHI, journaliste et futur directeur général de la Radio, ministre de la Communication, à celle du Caire ; Abderahmane LAGHOUATI, technicien qui a rejoint l’arme des transmissions au MALG, au milieu des années 50 et futur directeur général ; Abdelkader NOUR, délégué de l’UGEMA au Caire et futur directeur de la Chaîne I ; Abdelaâli BOUREGHDA, journaliste à Tunis et futur responsable de l’information de la Chaîne I ; Belahcene ZERROUKI, ingénieur formé en Allemagne de l’Est et futur directeur général ; Mohamed REZZOUG, collaborateur de Mohamed Seddik Benyahia et futur directeur général, Abdelhamid BENHEDOUGA, écrivain et futur président du Conseil national de l’audiovisuel, Ahmed MAHIEDDINE, ingénieur et futur secrétaire général de l’établissement avant sa restructuration en 1986 et BELBAHAR, directeur du personnel assisté de Mohamed LAHMAR. Pour l’Histoire, retenons que la plupart des survivants de La Voix de l’Algérie combattante dont Rachid NEDJAR, Kaddour RAYANE, Hassen YAMI, Serge JULY, Belaïd ABDESSLEM, Mohamed SOUFI, Mohamed Salah ESSEDIK, Mohamed BOUGHERARA dit «EL GORDO» quittèrent l’institution appelés à d’autres fonctions ou se redéployèrent à travers les services de la nouvelle entité, notamment les services d’écoute, le Centre des Eucalyptus et l’usine de disques. Les amis de l’Algérie, Jacques CHARBY, Jacqueline et Georges ARNAUD, Cécile MARION, Suzanne FRANCOIS, Hélène KLEIN, Aline MOUSSAOUI et d’autres rejoindront, quant à eux, la chaîne III de la Radio ou officieront, quelque temps après, les poètes Djamel AMRANI et Jean SENAC, l’ami de Kateb YACINE et de Louis DOUCHET, devenu Serge MICHEL, en hommage aux révolutionnaires Victor SERGE et Louise MICHEL. Les nouveaux venus avaient, dés l’entame, du régler un certain nombre de problèmes médiatiques et techniques, compliqués par les rapports entretenus avec les anciens éléments de la RTF et des ELAK, contestés, au vu du passé de certains d’entre eux, qui tenaient, dans une résistance passive tenace, à conserver leurs pouvoirs, à l’instar de Boudali SAFIR, Mohamed BOUGUETAYA, Réda FALAKI, Bahi FOUDALA, Lahbib HACHLEF, BABA-AMEUR, Othmane AMER, Mustapha GRIBI, Abder ISKER, Mohammed EDDAHAOUI etc…Plusieurs d’entre eux, fortement marqués par leur positionnement vis-à-vis de la Révolution armée, durent, de guerre lasse, se résigner à céder la place ou à quitter le pays. A ces deux strates, qu’opposait, donc, une guerre souterraine, s’ajouta une troisième, fournie par la première promotion de l’Université de l’Algérie indépendante, dont les lauréats issus de la Faculté de Droit, de l’Institut de Sciences Politiques, de l’Ecole de Journalisme et de l’Ecole Polytechnique avaient pour nom : Badr’Eddine MILI, Boualem AISSAOUI, Mohamed HARBI, Madjid TOUMI, Arezki BOUNAB, Abdelmalek HOUYOU, Ahmed BEDJAOUI, Rachid FODIL, BENGANA… dont on retrouvera plus tard les traces à la tête d’importants médias algériens ou hauts responsables à l’Union internationale des télécommunications (UIT), à Canal+ et à Arabsat, en constante émulation avec les cadres des P et T comme Ahmed BEY, futur directeur général de TDA, Mohamed BAIRI, DGT et premier Algérien à diriger l’administration du premier satellite arabe, Ahmed HAMOUI, ingénieur et conseiller en télécoms du ministère auprès des pays africains et Noureddine BOUHIRED, le talentueux négociateur international, décédé dans l’attentat terroriste qui avait visé, au-dessus du Niger, l’avion de l’UTA, dans lequel il avait pris place, de retour d’une mission. Plusieurs autres techniciens comme OUFRIHA, Ahmed BOUHIRED et OUZEGHDOU, déjà sur place, s’y agglomérèrent pour former une task-force, d’une efficacité prouvée.

 

Un melting-pot de générations et d’obédiences

 

A cette époque, et jusqu’aux années 80, on croisait sur le parvis de ce siège qui rivalisait de hauteur et d’élégance avec le Cassiopée, la Résidence Shell, l’Aérohabitat et l’Algeria, plusieurs générations d’artistes, de journalistes, de techniciens, d’hommes de programmes, d’hommes de lettres, d’animateurs et d’administrateurs, de toutes obédiences, qui avaient fait leur carrière à la RTF et aux ELAK ou après et qui ne savaient pas encore qu’ils revêtiront, dans un futur proche, l’étoffe de personnages que l’Histoire contemporaine de leur pays retiendra longtemps. Il y avait là :

 

- Les chanteurs : El Hadj M’Hamed El ANKA, El Hadj MENOUAR, Fadela DZIRIA, Dahmane El HARRACHI, Rabah DRIASSA, Khelifi AHMED, Ahmed WAHBI, Mohamed Tahar EL FERGANI, Abdelmoumene BENTOBBAL, El Hadj BENSARI, Blaoui El HOUARI, El Hadj EL GHAFOUR, Abdelhamid ABABSA, Ahmed SERRI, Abdelkrim DALI, HSISSEN, El ANKIS, Abderrahmane AZIZ, DJAMILA, Djilali AIN TADLESS, Amar EL AACHAB, Kamel HAMMADI, Akli YAHIATENE, Maazouz BOUAADJADJ, El Hadj SOUKI, CHERIFA, Abdelkader BENDAAMACHE et les nouveaux venus, NADIA, Mohamed LAMARI, NORA, SELOUA, Samy AL DJAZAIRI, Abdelkader CHAOU, El Hadi RADJEB, Saliha SAGHIRA, Hamdi BENNANI, GUERROUABI, Amar EZZAHI, Boualem CHAKER, Abdelkader CHERCHEM, EL GHAZI…

 

- Les chefs d’orchestre et musiciens : FAKHARDJI, Mustapha SKANDRANI, Haroun RACHID, Abdelouahab SALIM, Merzak BOUDJEMIA, Cherif KORTEBY, Abdellah KRIOU, Noubli FADEL, le compositeur de musique de cinéma Ahmed MALEK, MOKHTARI, le virtuose du violon, MOH SEGHIR Laama le maître du banjo, PAPOU, le percussionniste hors pair, Mahfoud DJELMANI, l’admirable opérateur de synthé et SAAD, l’inimitable joueur de gasba…

 

- Les comédiens : Abdelhalim RAIS, Larbi ZEKKAL, Mahieddine BACHTARZI, Chikh NOURREDDINE, ROUICHED, Allal EL MOUHIB, Mustapha KATEB, Mohamed KECHROUD, Hassen AL HASSANI, Sid Ali FERNANDEL, KELTOUM, ABOU EL HASSEN, Sid Ali KOUIRET, HADJ Abderrahmane, Chafia BOUDRAA, Yahia BENMABROUK, Othmane ARIOUET, YASMINA, Azzedine MEDJOUBI, BOUHERAOUA, SISSANI, Djaafer BECK, MENGUELLATI, Mohamed et Saïd HILMI, BACHDJERRAH, Abdelkader ALLOULA, Arezki NEBTI, BIYOUNA, Hamza FEGHOULI, Boumediene SIRAT, Farida SABOUNDJI, NOURIA, Fatiha BERBER, Bahia RACHEDI, Kaci TIZI OUZOU, Ahmed KADRI, HDIDOUANE, BENZERARI, Abennour CHELLOUCHE, Allaoua ZERMANI, Mohamed KERBOUZ, Slimane BENAISSA, Mustapha EL-ANKA, Ouardia HAMITOUCHE, Rachid FARES, ARSLANE, Nawel ZAATAR …

 

- Les réalisateurs : Mustapha BADIE, Moussa HADDAD, BENDEDOUCHE, Abdelaziz TOLBI, Lamine MERBAH, Benamar BAKHTI, Mohamed IFTICENE, FOUGHALI, Hadj RAHIM, Salim BENELKADI, Noureddine TIFOURA, Djamel FEZZAZ, Mohamed OUKACI, Mohamed HAZOURLI, Amar MOHSEN, Azzeddine MEDDOUR, Bachir BELHADJ, Saïd OULMI, Fateh AYADI, OULD-HOCINE …

 

- Les journalistes : Baya HOCINE, Slimane KHELIFA MAHDJOUB, Tahar BENAICHA, Harat BENDJEDDOU, Mohamed BOUMEDIENI, Brahim BELBAHRI, Mohand-Saïd OUSAID, Abdelkayoum BOUKAABACHE, Ziad BOUNAB, Cherif HARBI, Hamid BOUDJAKDJI, El Hachemi SOUAMI, Mahmoud MAIDAT, Sid Ali NESSAKH, Abderrazek ZOUAOUI, Ali LAOUFI, Mohamed BOUSSALHAM, Brahim BENMESSAOUD, Abdellah BENYEKHLEF, Abdelkader BENKACI, Fatima KECHROUD, Hassen KHAOUA, Abdelkader ABDELAADHIM, BESSAI, AMOKRANE, Salah DIB, Ahmed FADLI, Ali MERROUCHE, Mohamed RAHMANI, Mohamed SBAA, Mustapha BENNABI, Rachid BOUMEDIENE, Mohamed MELAIKA, Ahmed BENYAKOUB, Mohamed BOUAZZARA, Leila BOUKLI, Farida ABAHRI, Cherif BEKKA, Abderahmane AMARNI, Kamel BENDISSARI, Malek BENHASSINE, Ali HABIB, Noureddine RAHMOUNE, Baya EL HACHEMI, Noureddine INOGHUI, Sid ALI HATTABI, Ahmed Brahim BRAHIMI, Antar DAOUD, BOUHAFS, Abdelouahab BENHASSEN, Mouloud CHIKAOUI, Ahmed CHAREF, Hamza TEDJINI, Hanifa BELAZOUG, Nouara DJAAFAR, Mohamed Cherif ZEROUALA, Farouk BELAGHA, Hachemi HANTAZ, Abdelkader HAMANI, Ben Youcef OUADIA, Nacereddine EL ASSIMI, Ahmed WAHID, Rachid GRABA, Abderazzek MEBARKI, Ahmed ISSAD, Laïd BELAROUS, Messaoud LADRAA, Tarek BOUCEBSI, Smaïn KENANE, Mustapha HAMMOUR, BOUDOUKHA Ali-Bey, Mohamed LOUBER, Abderrahmane TOUIMER, Rachid AINOUZ, Mohamed ABASSA, Mohamed SAIDANI, Kheireddine AMEYAR, Abdelmadjid MERDACI, Lazhar KOURDE, BOUNOURA, MILET, Abdennour ZANOUNI, Khaled NEZZARI, Fatima AIT KACI, Chafik MESBAH, Azzeddine BOUKERDOUS, HAMDI BACHA, Kamel BOUGUERRA, Ali CHIHEB, Mohamed BOUGHERARA, Malika SAFER, Amar YEBKA, Khaled BOUKAABACHE, Khaled ZIARI, Madjid BEY, OULD ROUIS Abou-Samir, Fethi SAIDI, Chaabane LOUNAKEL, Abdelkader LEULMI, Nourreddine BOUZIANE, Ali BOUDJAATIT, Djamel NEZZAR, Amina DEBBACHE, Yamina ZERROUK, Meriem BACHTOUBDJI, Mohamed CHELOUCHE, Youcef AIT TAHAR, Naima LEFKIR, Fella HACENE, Aicha SAIDI, Nacera CHERID, Farida BEKKOUCHE, Laid ZOGHLAMI, Rachida TOUAZI, Nacera MEDJADEL , Mokhtar MAHER, Ali ATEF, Mouloud BELABDI, Mohamed Tahar MALEK, Houria KHATIR, Mohamed SALLEH, Lakhdar HAMDA, BENDAIKHA, ZEGGAI, Ahmed IBRAHIM, Noureddine ADNANI, Smail AMOKRANE, Suleiman MELLALI, Ali GHERRAS, Naoui MEHIDI, Larbi KHIAR, Mohamed-Larbi LABIDI, Bacha BOUKHALFA, Said LAMRANI, MESSEKHER, Rabie DAAS, Mohamed MERZOUGUI, Abdelkader CHENIOUNI, Mohamed AOUADI, Abdelmalek SAYEH, Fares KHALDI, Lyes BOUHIRED, Chadli BOUFEROUA, Fayçal HAFFAF, Moussa BELABAS, Salah GUOUAMI, Abdellah MAKHLOUF, Aicha BELHELFAOUI, Fayçal ABERRAHIM, OUADAHI, Kamel ZIDI, Mohamed BERRAZOUANE, BOULENOUAR, Rachid ANIK, Mohamed BELAAICHIA, Dr Abderahmane CHERIET, Mohamed GUETTAF, M’Hamed GUERTAL, MAHDI, Rachid DJEBBOUR, Serradj – Eddine BERBAR, Abdelkader TEBBARI, Mohamed HARB, Fethi LASSEL, Boualem HASSINA, Said AMER, Brahim ZEGHOUDA, Boulenouar BAKKAR, Mustapha BERKOUK, Mohamed AOUITIA, Mokhtar MAHDJOUB, Toufik TISKRAT, KAIDI, Chiheb BENCHIKH EL- HOCINE, MEROUANE, Tahar BEDIAR,Tahar NAA, Sofiane BOULEKNATAR, Mohamed LAGHA, Mohamed BOUCENNA, John WIWARD, Abderahmane KHODJA, Yousria TABANI, Ali OUYAHIA, Belkacem BOURIM, Sofia ZAOUCHE, Boutheina CHERIET, Mustapha ABDESSADOK, KALAFATE, Belaid LAMOUTI, BENGUESMIA, AZZOUZ, Mohamed HANOU, Toufik SOLTANE, Malika SOLTANE, MEDDAD, MOAKI, LASKRI…

 

- Les compositeurs, poètes et hommes de programmes : Abdelmadjid MEZIANE, Abdellah CHERIET, Amar AZZOUZ, Kaddour MHAMSADJI, Aboul-Kacem KHEMMAR, Omar El BERNAOUI, Slimane DJOUADI, Mahboub BATI, Lakhdar ESSAIHI, Mustapha ABADA, Bachir KHALDOUN, Zoheir ABDELLATIF, Laid ORIF, Ahmed BOUCENNA, Ali MADANI, Amor BOUZID, Mokhtar HAIDER, Fatima OULD KHISSAL, Samira BENSAID, Mohamed BOUZIDI, Azzeddine MIHOUBI, SANHADRI, Fadela MERABET, Samir BENCHERIFA, Fatima LOUGHI, Abdelhafid El ASSIMI, Boualem AZZIBI, BOUBNIDER, Tahar SAYEH, Kadri SEGHIR, Djamel, BERRABAH, Mustapha KHELIFI, Mustaha SAYEH, Djamel-Eddine BAGHDADI, Ahmed BRAHIMI, Farid TOUALBI, Noureddine TOUALBI, Nacer- Eddine BAGHDADI, SABRI, OUSSEDDIK, Djamel KHOUIDMI, Abdelhamid BELHADDAD, Mme LASSEL, SAIM El HADJ, Lamia MADANI, AIT-LAMARA…

 

-Les animateurs et animatrices : SAMIA, la mythique présentatrice du très populaire «Beit-Essaid», «le Foyer Heureux», Amina BELOUIZDAD, Fatiha MERABTINE, Nacera MEZHOUD, Leila BERRABAH, Leila BOUTALEB, Leila DERRADJI, Khali KOUIDER, Aziz FARES, Ahlem MOSTAGHANEMI, CHAFIA, Nadia BENDAHMANE, Zahira YAHI, Naïma MADJER, Hayet ALI- LEMOUIS, Mebrouka BOUSSAHA, Djamel BENAMARA, Lila, Ali BENKEROU, Malika LAFER, IBTISSAM,…

 

- Les prédicateurs : Cheikh Ahmed HAMANI, Cheikh Salah ESSEDIK, Cheikh Ali CHENTIR, Cheikh Mohamed KETTOU, Cheikh Abderrahmane El DJILLALI, …

 

- Les cadres de l’administration et de l’action internationale : Mahmoud EL DJILLALI, MADANI, Rabie HMIMI, Saadane AYADI, Mustapha KADIK, Mme Fahila GANI, Lyes BELARIBI, Abdelkader BEY, Youcef SAYEH, Ahmed DJABRI, Mohamed SAID, Mohamed ABBAS, Boudjemaa HATEM, Nachida MEJDOUB, Said BOUCHOUAREB, Mme Fatima BOULEMTAFES, Mme Leila HOUAS, Mme Meriem ABADA, Ali BERNOU, Mme Fatima SAADAOUI, Leila ALI-LEMUOIS, Hassina FEKKAR, Meriem TCHAMBAZ, Salima AMMOUR, Fatima BELHAMRI, Nabila MOULAY, Toufik BOUANANI, Djamel HADDOUCHE, Ferhat MELLAL, Rafika IBAOUENE, Hakim BEN BELLA, Hamida BEZAOUCHA…

 

Sans oublier les infatigables et volontaires soutiens de la logistique restés dans les annales de l’établissement et qui ont pour nom : OMAR le régisseur, Djamel AMGHAR, SALLAMI, MIDJEK, Amokrane MEDJAHED, REZZIG, Kamel BOUKERCHA, Abdelkader MOKHTARI, le booliste, les documentalistes Mokhtar BOUREGHDA et Mme OUSSEDIK, Abdelkader BENAIDJA, Abdelhamid BENCHABI, Abdelhamid RIHI, Boualem CHEMLAL, Mme ABBAS, Mme Zakia Guettouche, Mme Amina SOUKER, Mme Lila Farida LAKHDARI, Salima HABBACHE, M’GUELLATI, Mohamed MELLAL, Ayachi ALLOU et ZOUBIRI, l’homme qui ramenait, à bras le corps, chaque jour, à 4 heures du matin, de l’imprimerie d’El Moudjahid, pendant 20 ans, des quintaux de journaux pour les besoins de l’entreprise et des revues de presse…. L’analyse sociologique des sources géographiques et culturelles de ce métissage, particulièrement riche en enseignements, révélera que les 7 grandes souches originelles, autour desquelles se stratifieront les apports ultérieurs, furent, bien sur, la France, avant l’indépendance, puis, la région de Oued Souf, celle du Grand Sud, celle de la Grande et de la Petite-Kabylie, avec, en pole position, Azzefoun, celle du Chellif et, dans les années 30, celle du Proche-Orient, plus précisément le Liban et la Syrie, une source de recrutement curieuse qui gagnerait à être étudiée, de même que l’implantation dans les différentes structures de l’établissement de lignées familiales et tribales dynastiques, d’une surprenante longévité. Et, pour être plus complet, il convient de souligner la forte syndicalisation des collectifs des travailleurs qui a constitué, surtout dans les années 1970, un important moyen de pression, ce qui entraîna, pour la contrecarrer, l’installation, par les pouvoirs publics, d’une cellule du FLN puis, l’apparition, dans la foulée, de tribunes clandestines représentatives des différents courants politiques traversant la société.

 

L’âge d’or A l’inverse du président

 

Ahmed Ben Bella, qui ne prêta pas une attention soutenue aux médias audiovisuels, probablement en raison d’une certaine hiérarchie des priorités d’alors, mais, aussi du faible maillage, en ces années-là, du territoire par leur réseau et encore, parce que peu d’Algériens étaient équipés de postes de télévision, une technologie qui n’avait fait son apparition dans le pays que 6 ans avant l’indépendance, le président Houari Boumediene leur manifesta un tout autre intérêt. Plus visionnaire, homme de communication, malgré ses apparences spartiates, et intéressé par détenir un instrument qui l’aiderait, à la fois à mobiliser l’opinion autour des «tâches d’édification socialiste», et à porter la voix de l’Algérie, partout dans le monde, notamment dans les sphères géopolitiques qu’il considérait comme la profondeur stratégique du pays, à savoir le Maghreb, l’Afrique, le Proche-Orient et, dans une moindre mesure, l’Amérique latine, il inscrivit le développement de la RTA, dans son programme, comme un objectif vital. C’est pourquoi il encouragea l’intégration de toutes les ressources humaines, dans son projet, sans discrimination, par rapport à leur positionnement politique passé face au colonialisme – était-ce la bonne décision ? – et dota l’entreprise, dans le cadre du pré-plan triennal puis dans les plans quadriennaux qui suivirent, d’un ensemble de moyens financiers et matériels qui la transfigurèrent, du tout au tout ; d’abord, dans le domaine de la transmission du signal, avec l’installation de puissants émetteurs et réémetteurs et l’inauguration du DOMSAT, le satellite domestique desservant le Sahara, économisant, comme aux Etats-Unis, en URSS et au Canada, de très coûteux investissements, en moyens terrestres, par ailleurs difficiles à maintenir ; ensuite dans le domaine du reportage, de la production, de l’éducation et de la formation, faisant appliquer, à la lettre, le triptyque «informer, former et divertir», le socle du service public formulé par un strict et paternaliste cahier des charges, dicté par le gouvernement, à l’exclusion de toute expression libre de la société. L’effort porta, également, sur la modernisation de l’outil bientôt colorisé par le biais du procédé allemand PAL, préféré au SECAM français pour d’évidentes raisons politiques, au moment où la France de Giscard d’Estaing appuyait, clairement, les convoitises territoriales du Maroc sur le Sahara occidental, en l’armant puissamment, en vue d’un éventuel conflit. Une seule omission et de taille : alors qu’un nouvel immeuble fut construit en 1972, à l’initiative de Abderrehmane CHERIET, et, étrangement, dépourvu d’infrastructures techniques de production, d’enregistrement et de diffusion appropriées et, ce, à proximité du siège central, les studios légués par la RTF demeurèrent, à cause de cela, en l’état, et survivront jusqu’à nos jours, largement, dépassés par la technique et les besoins. A cette réserve près, la RTA fut entourée de tant d’égards qu’elle se transforma en un véritable parti politique de masses, le FLN, complètement éclipsé, n’ayant plus que le titre d’«Appareil» dirigé par un Kaïd Ahmed qui connaissait bien la Maison pour y avoir donné, le colt bien en vue, sa première conférence de presse internationale, du haut de la scène de son odéon, un certain 19 Juin 1965. L’établissement n’avait plus rien à voir avec celui hérité en 1962. Ses trois stations de télévision, d’Alger, d’Oran et de Constantine étaient unifiées en un puissant réseau national, sa chaîne hertzienne comptait plus de 3200 km, les stations de Djbel Lakhel, M’Cid et Aïn N’ Sour rayonnaient sur l’ensemble des wilayate, traquant les moindres zones d’ombre. Sur un autre registre, Mustapha Badie, avec de faibles moyens, mais une conviction d’artiste militant, réalisait El-Hariq, le premier feuilleton de son histoire, adapté des romans de Mohamed Dib ; les jeunes loups du «Cinéma El Djedid», surnommés, ainsi, en référence au «Cinéma Novo» brésilien et à ses films-culte Dieu Noir et Diable Blanc et O Congaceiro, sortaient de leur chapeau de magiciens, Les spoliateurs, Noua, Les marchands de rêves, Ettarfa, des œuvres anticonformistes qui secouèrent la léthargie de l’environnement ambiant. Il n’y en avait plus que pour Tamezguida, Belghimouze, El- Kennar, Tessala-El-Merdja, El- Abadla, Djorf-Ettourba, les villages socialistes et les barrages aux noms arrachés au temps figé. Les complexes industriels d’ El Hadjar, de Constantine, de Ain Smara, de Draa-Ben-Khedda, de Sidi-Bel-Abbès, d’Arzew et de Mostaganem naissaient dans les étuves du Plan de Abdellah Khodja, commentés, en long et en large, par les reporters qui sillonnaient le pays, de jour comme de nuit, pour informer sur la mise en œuvre des programmes régionaux de développement, assistant, même, aux Conseils des ministres tenus dans les chefs-lieux de wilaya transformés, à chaque fois, en capitale du pays. Puis vint la Chaîne IV de la radio, un programme international en anglais, en français, en arabe et en espagnol, diffusé en ondes courtes et en ondes longues, en direction de l’Europe, du Proche-Orient, de l’Amérique latine, parallèlement au programme des «Radio des mouvements de libération», «Les Voix» de la Palestine, du Polisario, de la Résistance chilienne, et du MPAIAC, le Mouvement pour la libération des îles Canaries de Me Cubillo qui avaient été accueillis et formés par Sadek Kitouni, le soutien connu des causes des pays du Tiers-Monde et ami de Nelson Mandela, auprès duquel il représenta l’Algérie, en qualité d’ambassadeur en République sud-africaine, dans les années 90. La Chaîne III se distinguait par la liberté de ton de ses commentaires politiques, tolérés par un Président soucieux de montrer, à l’extérieur, une vitrine moins uniforme qu’il n’y paraissait et il arrivait, souvent, aux occupants des lieux de se faire saluer, au détour d’un de ses couloirs labyrinthiques par Amilcar CABRAL, Agostinho Neto, Samora Machel, Oliver Tambo, Sam Nujoma, Abu Iyad, Mohamed Lamine, Oueld-Essalek et ses ondes véhiculaient les messages révolutionnaires de Mahmoud Darwich, Cheikh Imam, Fouad Nedjm, Marcel Khalifa, Warda, Myriam Makeba, Joan Baez, Bob Dylan, Jane Fonda qui glorifiaient Ghassan Kanafani, Kamel Nasser, Kamel Adouane, Mustapha-El-Ouali, N’Guyen Van Troy, N’Guyen Thi Binh, Le Duc Tho, Martin Luther King, Angela Davis, Carvalho, Goncalvés, Ben Barka, Curiel, Carlos, Abdelfattah Ismail, Khaled Baghdache, Khaled Mahdjoub, Bader-Meinhoff, Eldrige Cleaver, Timothy Leary et Carmichael. Membre du conseil d’administration de l’UER, l’Union des Radio-Télévisions européennes, avec mandat électif, classée au dixième rang des radios-télévisions méditerranéennes, disposant d’un bureau à Paris dirigé par Zidi, sollicitée pour contribuer à l’encadrement des sommets des pays non alignés et à l’installation de services similaires dans les pays africains, très active à l’URTNA, l’ASBU, l’URTI, et à l’Organisation des Radios et Télévisions des pays non-alignés (ORDNA) dont elle fut co-fondatrice, à Sarajevo, en 1977, la RTA défendit, avec succès à la CAMR, la Conférence administrative de radiocommunications de 1979, les droits des pays non-alignés à accéder, équitablement, au partage du spectre de fréquences, une ressource naturelle. Elle y arracha, de haute lutte, à l’injuste principe «premier arrivé, premier servi» des Occidentaux, un plan de fréquences qui lui valut la considération de nombreux Etats. Faute d’extension et après le renvoi, aux calendes grecques, du projet de 2e chaîne TV, parrainée par Abderrahmane Laghouati, le sien demeura en jachère, détourné, à ses frontières, par les pays voisins, Maroc et Libye en tête. C’était l’époque de la chorale, des opérettes et des chants patriotiques avec Mohamed Boulifa, Said Sayah, Mohamed Adjaimia, Aida Kechroud, et d’«Alhan Oua Chabab» de Maati Bachir et ses révélations, Zoulikha, Rachid Mounir, Nadia Ben Youcef, Nardjess, Youcef Toufik, Youcef Boukhantache, Teldja, et, plus tard, Fella Ababsa, Zakia Mohamed, Yamina, Katchou, etc. Ce fut aussi celle de «Maghrebvision» qui familiarisa les Algériens avec Abdelouahab Doukali, Abdelhadi Belkhayat, Chikha El Hamdaouia, Ahmed Hamza et le théâtre du Marocain Tayeb Seddiki, avant que ne vienne le temps des crises avec Maghreb-Echououb, la réponse algérienne à Minbar El Hakaiek de la RTM de Tanger. Des moments fastes et d’autres plus tristes avec le crash de l’avion qui transportait les journalistes accompagnant la délégation présidentielle au Vietnam. Ils avaient pour nom : Salah Dib, Abderrahmane Kahouadji, Mahmoud Maidat, Mustapha Kaboub, Abdelkader Bouhmia, Mohamed Bekai, Laaredj Boutrif, Rabah Haned, Sebti Moaki. Et puis d’un coup, tout s’arrêta. La disparition prématurée du président Houari Boumediene sonna le glas de cette RTA-là, celle qu’il dit, un jour, classer en seconde position, après la Défense nationale, en s’adressant «aux gens de la RTT» qu’il aimait égratigner, ainsi, allusion faite à la place prépondérante occupée par les responsables, en majorité originaires de Tebessa ou ayant fait leurs premières classes dans le journalisme, à Tunis.

 

Le chant du cygne

 

Dès le début du mandat de Chadli Bendjedid, à la tête de l’Etat, le détricotage commença, à l’instigation de conseillers inspirés par les dirigeants français, pressés de faire éclater cette tribune, monolithique, jugée par trop politique. Et de fait, malgré un sursaut d’orgueil et de puissance manifesté lors de «l’Inter-Unions» réunie en 1983, à Alger, la première et la dernière tenue sur le continent africain, la RTA est morcelée en 4 entreprises, sous prétexte de restructuration, ses capacités techniques et matérielles démembrées et ses cadres historiques dispersés et mutés dans d’autres entreprises du secteur, après avoir osé protester contre le dépècement de l’organisme, dans une pétition adressée à la présidence de la République. Une opération de démolition dont l’entreprise ne se relèvera plus, même si elle tentera de faire illusion, en s’ouvrant à la classe politique pluraliste issue de la Constitution de 1989, à l’initiative de Mouloud Hamrouche qui fit nommer, à sa tête, à la place de Abdelkader Brahimi, Abdou Benziane entouré de Amar Bekhouche, Mourad Chebine et Rabah Khoudri, ses animateurs-vedettes. Mais le déferlement des événements qui s’ensuivit y mit, brutalement, un terme, le terrorisme intégriste achevant de la décapiter en assassinant une cinquantaine de ses journalistes et techniciens.

 

Ces années noires enregistrèrent la disparition tragique de : Rabah ZENATI, Mustafa ABADA, Ismail YEFSAH, Rachid KHODJA, Abdelkader HIRECHE, Hassen BENAOUDA, Hichem GUENIFI, Khaled BOUGHERBEL, Laid-Ali AIT-EL-HARA, Tayeb BOUTERFIF, Khaled MERZOUK, Ahmed ISSAAD, Ali ABOUD, Nacer OUARI, Abdelghani MOKHTARI, Rachida HAMMADI, Houria HAMMADI, Mekhlouf BOUKHEZAR, Mourad HAMAIZI, Ahmed TAKOUCHET, Mohamed-Aziz MOKHTARI, Yasmina BRIKH, Omar GUEBRIOUT, Said BRAHIMI, Radja BRAHIMI née BOULAOUED, Rabah LALLALI, Ahmed DERDARE, Rachid BENGUEDOUARE, Mohamed FETTAH, Abdelkrim BENDAOUD, Mohamed BELKASSEM, Khaled MERIOUD, Naima ILLOUL, Mourad TAAM, Belkacem SAADI, Slim TRIA, Yahia AMMOUR, El–Hadi SLIM, Driss GUERBOUDJ, Boualem TOUARI, Mohamed KESSAB, Ali REGUIEG, Zoubida BERKANE, Lakhdar MEZIANE, Lakhdar BRIK, Djamel BENAISSA.

 

Quel scénario pour quelle ouverture ?

 

Les choses changèrent du tout au tout. Après la génération des journalistes Habib Chawki HAMRAOUI, Zahia BENAROUS, Djamel MAAFA, Mohamed- Lamine BENTOUATI,Yazid ATOUT, Messaoud BENRABIE, Salim REBAHI, Brahim SEDDIKI, Zakaria CHABANE, Driss DAKIK, Bachiri MAHREZ, Redouane BENDALI, Hafid DERRADJI, Faiza MOSTEFAOUI et des comédiens Salah OUGROUT, Lakhdar BOUKHERS, Kamel BOUAKAZ, Mustapha HIMOUNE, Hamid ACHIOURI, BAKHTA, etc. une autre prit les commandes d’une nouvelle Télévision où se distingueront Khadidja BENGUENNA, Thouraya ZARFAOUI, Soraya BOUAAMAMA, Kamel ALOUANI, Abdelkader AYAD, Ahmed BOUBRIK, Abdelkader MAM, Mahfoud BEN HIFRI, Tidjini M’RIMECHE, Madani AMER, Lakhdar BERRICHE, Abdelkader DAAMICHE, Mohamed HENIBECHE, Leila SMATI, Fairouz ZIANI, Lahbib BENALI, Al Mouaataz -Billah DJILLALI, Abdelhak SEDDAH, Karim BOUSSALEM, Farida BELKACEM, Nadir BOUKABES, Lotfi CHERIET, Zine Al Abidine BOUAACHA, Abdelkrim ANISS, Daoud BABA-HANNI, Raouf TIDJANI, Akila AIT-SI -ALI, Rachid El- HADI, Nazim AZIRI, Ahmed LAHRI, Amina NADIR, Khaled KHELFAOUI, Samy NOUREDDINE, Yacine BOUROUILA, Karim AMITI, Youcef SAYEH, Abderahmane AIOUAZ, Hakim AMARA, Tahar BOUSSAHIA, etc et d’une nouvelle Radio avec Mohsen Karim SLIMANI, CHATRANE, Messaoud BOULETIOUR, Salah- Eddine LAKHDARI, Rabah HALLIS, Lalia BEHIDJ, Maamar DJEBBOUR, Dajmel BOUKERCHA, Aziz YOUNSI, Bachir HEDIBEL, Fatiha NEDJAI, Toufik MENDJELI, Mohamed OMEYRI, Badiaa HADDAD, Mina TIKANOUINE, Khaled AKCHOUT, Mohamed TAMALOUSSI, Abdenasser KACEH, Lydia DJENKI, Allaoua BOUCHLAGHEM, MELISSA… Cette relève s’effectua, cependant, dans un contexte marqué par un recul technologique qui pénalisera, pour longtemps, le développement de l’entreprise. La reprise s’opéra lentement, parce que l’urgence était, d’abord, de panser les plaies, de réparer les pertes et de rattraper les retards. Mais les ravaudages ne suffisaient plus. Il fallait répondre aux attentes de la société, autrement que par le clonage de l’Unique ou le lancement des radios locales dont le nombre ne devait pas dépasser la barre de six, recoupant les grands ensembles géoculturels du pays, selon le découpage retenu par le gouvernement Sifi. C’est alors que le président Liamine Zeroual comprit, en 1998, que le moment était propice au lancement d’une initiative refondatrice de l’ensemble du secteur, dans le sens de l’ouverture et de la réhabilitation du service public. C’est tout le sens qu’il donna à la directive présidentielle n°17 qui eut un retentissement plein d’espoir parce qu’elle annonçait une loi-cadre sur la communication et des lois spécifiques encadrant les secteurs de l’audiovisuel, de la publicité et du sondage dont les premières moutures furent préparées et formulées, la même année, par des experts nationaux. Les vicissitudes de la vie politique en décidèrent autrement. Les pouvoirs publics s’en tinrent, de façon inattendue, à des postures plus commodes, justifiées par l’urgence des tâches de remise à niveau, pour parer à l’hémorragie du corps des journalistes attirés par les chaînes du Golfe et au désinvestissement matériel et technologique subi, 10 années durant, à la suite des actes de sabotage terroristes. Il faut attendre le début des années 2000, avec l’arrivée de Hamraoui Habib Chawki, à sa tête, pour voir s’amorcer une approche moins tronquée du développement de l’ENTV. Une action, tous azimuts, d’ouverture sur l’extérieur fut, de suite, entreprise, certes, de façon brouillonne et à la hussarde, mais qui aurait, à la longue, été porteuse, n’était-ce une gestion financière chaotique, avec l’entrée en force à la COPEAM et le lancement de la production déléguée, de la coproduction avec les sociétés privées nationales et étrangères, de la formation dans les métiers de l’audiovisuel et de la requalification des cadres. Plusieurs propositions de schémas de réorganisation du service public en holding, plus en phase avec les avancées managériales et technologiques, en cours ailleurs, furent acheminées au plus haut niveau, appuyées par des études de fond. Malheureusement, sans suite. La Télévision comme la Radio, même si, de ce côté-ci, les déficits et les dysfonctionnements sont moins prononcés, furent contraintes de reproduire, faute d’écoute attentive, les mêmes phénomènes de stagnation et de manque d’imagination que par le passé récent. La réforme du secteur public, condition, sine qua non de l’ouverture, tarda à voir le jour, alors que les problèmes des structures, du siège, de la TNT, de la TVHD, du financement, de la publicité, du redéploiement et du recyclage des ressources humaines sont demeurés entiers, en attente de solutions structurelles fiables. Une situation qui a préparé le lit de l’émergence et de l’essor de chaînes privées algériennes, de droit étranger, sur le sort desquelles le législateur qui travaille sur la nouvelle loi de l’audiovisuel est appelé à trancher dans le vif. Le passif et les handicaps que les démembrements de l’ex-RTA traînent, encore, depuis la restructuration ratée de 1986, ne sont pas faits pour faciliter l’ouverture. Il faut noter, à ce propos, que l’instabilité de l’établissement s’est, depuis cette date, traduite par une inflation galopante du nombre de directeurs généraux qui s’y sont succédé et dont le nombre a excédé, pour l’ENTV, l’ENRS et TDA réunis, la vingtaine en moins de 25 ans — le règne le plus bref de l’un d’entre eux fut d’une semaine — alors que pour une période identique, allant de 1962 à 1986, il n’y eut que 5 directeurs généraux dont 2 ont accompli un mandat de 7 années chaque un. Et pourtant la nécessité est telle qu’il faut y aller, de préférence, dans l’ordre et la sûreté, plutôt que dans la précipitation et l’improvisation. Le Président Abdelaziz Bouteflika admit, finalement, que l’Algérie ne saurait continuer à traîner ce boulet qui freine le développement de la communication et de la culture du pays. La mise en perspective des reformes présidentielles, dont l’ouverture de l’audiovisuel à l’initiative privée est un des éléments-clefs, devra, cependant, pour être crédible, mobiliser toutes les énergies industrielles, techniques, médiatiques, humaines et associatives nationales, dans le cadre d’une action pondérée et concertée, de sorte que soient évités les dérapages et les risques de retomber dans l’étau de nouveaux monopoles, ceux des puissances de l’argent et du lobbying occulte, plus nocifs, encore, que ceux du régime fermé. Voilà le défi auquel l’Etat et la société sont confrontés et qu’ils sont condamnés à relever, ensemble, pour faire sortir, enfin, les médias de l’audiovisuel de l’ombre vers la lumière. Si cela arrive, enfin, à se concrétiser, les sacrifices consentis par les générations successives dont la longue liste vient d’être déclinée, pour la première fois dans l’histoire de la presse, n’auraient pas été vains. Ils auraient, au moins, servi à conduire la société algérienne, en bon ordre, vers une normalité pleinement assumée.

 

P. S : L’espace réservé à cette contribution s’est révélé, malheureusement, très limité, pour citer tous les hommes, toutes les femmes et tous les événements qui ont marqué ces 50 années de la vie de ce vieux compagnon des Algériens et je m’en excuse auprès de ceux dont j’aurai, involontairement, omis de rappeler le souvenir. Cela devrait, en principe, faire l’objet d’un ouvrage complet, un devoir dont je compte m’acquitter, dans un proche avenir, pour témoigner de l’Histoire mouvementée de ces deux médias, dans leur rapport avec l’Etat et la mémoire collective de la société, cette mémoire qui, pour être tout à fait complète, est obligée de rentrer en possession de ses pans retenus, encore en otage en France. Le président François Hollande serait bien inspiré, à l’occasion de son prochain voyage en Algérie, de faire un geste probant dans cette direction. Avec son feu vert, l’INA pourra, alors, nous restituer des archives plus sérieuses et plus crédibles que les documentaires sur les matchs du Gallia Sports d’Alger ou le sacrifice du mouton de l’Aïd chez «les indigènes» dont il nous fait, de temps à autre, l’aumône, pour nous leurrer et se donner bonne conscience. Vœu pieux ou demande réalisable ? On le saura dans un mois…

 

Badr'Edine Mili.Membre du staff dirigeant de la RTA dans les années 1960-1970. Ancien directeur de l’audiovisuel au ministère de la Communication et de la Culture. Ancien directeur général de l’APS (Algérie Presse Service).

 

 

(*)- le Soir d’Algérie, le 28 octobre 2012

-----------------------------------------

Précisions: Tout travail reposant sur le recours à la seule mémoire comme source d'écriture de l'Histoire, en l'absence de documents écrits plus fiables, comporte, cela va sans dire, des risques d'omissions. C'est ce qui est arrivé avec le texte consacré à l’Histoire de la radiotélévision algérienne et publié par le Soir d’Algérie le 28 octobre 2012. Par acquit de conscience et pour être juste avec les hommes et les femmes qui ont forgé cet outil ou continuent de le faire aujourd'hui dans le cadre de la relève, j'ai souhaité porter à l'attention des lecteurs les compléments suivants :

1- A la liste des noms des chefs d'orchestre, chanteurs et musiciens, il y a lieu d'ajouter ceux de Mohamed Iguerbouchene, Tayssi Akla, Réda Doumaz, Merwane Farah... ; 2-A la liste des noms des comédiens, ceux de Mohamed Touri, Kaci Ksentini, Mohamed Hattab, Omar Azzouz, Akila... ; 3- A la liste des noms des réalisateurs, ceux de : Ahmed Rachedi, Nadia Cherabi ... ; 4- A la liste des compositeurs, poètes, hommes de lettres et de programmes, ceux de Assia Djebbar, Mouloud Mammeri, Momo, Ammi Mourad, Fodil Boumala, Aziz Smati, Mourad Sennouci, Mohamed Ali Allalou, Ryad Boufedji, Lemdani, Amel Mouloua, Belkacem Babaci, Salim Saâdoun, Toufik Douma, Rachid Fares, Asma Itim, Aissa Salhi, Youcef Mazouz... ; 5- A la liste des noms des journalistes, ceux de Zine-El-Abidine Ben Badis, Amar Bousalem, Mohamed Harzellah, Dalila Bouchama, Nora Benchikh, Salima Rekhroukh, Kamel Alouani, Ahmed Meguaache, Farida Bessaa, Brahim Younsi, Tayeb Hafirassou, Affaf Belhouchet, Mourad Boutadjine, Abdelhamid Zahir, Saida Bendjeddi, El Hadji Saïd Daoud, Smaïn Belkaïdia, Aziz Messalti, Fouad Messous, Amar Hellas, Lazhar Meratla et les photographes- cameramen Hachi et Ouaoua... ; 6- A la liste des ingénieurs et techniciens, ceux de Abdelhamid Bouksani, le premier Algérien à avoir occupé les fonctions de secrétaire général de l'URTNA, Lahlou, Mordjane, Mustapha Kamel Brouki, Youcef Sahraoui, Mohamed Lekhal, Fatima Chouikh, Mohamed Bendaoud, Mohamed Bourkiche, l'arpenteur du Sahara... ; 7- A la liste des noms des cadres de l'administration, ceux de Abdelaziz Lourari, Abdelghani Saichi, Aziz Chaaf, Amel Lahlou... ; 8- A la liste des noms des soutiens à la logistique, ceux de Messaoud Badji, Salim Bendada, Bakhta et Yamina... Enfin, il s'agissait de lire : Othmane Bouguettaya et non Mohamed Bouguettaya. Et pour conclure sur le sujet des archives audiovisuelles nationales retenues en France, je me dois d'indiquer, pour être plus complet, qu'il y en a qui sont, ici même en Algérie, l'objet de rétention, sinon d'une frustrante absence d’exploitation publique, je pense, en particulier, aux trésors photographiques entreposés dans les coffres-forts du CNDPI, contenant des photos qui datent des débuts de la colonisation ainsi que des clichés inédits sur les personnalités historiques de la Révolution. De leur côté, des détenteurs privés de pans entiers du patrimoine photographique national devraient les verser aux fonds des musées et autres institutions concernées et je pense ici, surtout, à ceux détenus par les héritiers Mohamed Kouaci, le photographe de la Révolution, dont quelques-uns seulement ont été rendus publics. Le cas concerne, également, les collections se trouvant entre les mains des proches des différents présidents qui se sont succédé à la tête de la République algérienne. A la lumière de ce qui précède, on perçoit, dans toute son ampleur et sa difficulté, le caractère ardu de toute tentative d'écriture de l'Histoire de quelque secteur de notre pays que ce soit, ce qui devrait inciter les amateurs désirant frayer avec cette discipline d’être plus précautionneux et de ne pas prendre les vessies pour des lanternes, ainsi que s'est hasardé à le faire, dernièrement, le journaliste d'un quotidien national francophone, présentant, sans préciser sa source, un certain Lopez, directeur à la RTF coloniale, comme un futur pied rouge (sic !) sollicité, à l'indépendance, «par Abderahmane Laghouati pour former les cadres techniques de la nouvelle RTA» (re-sic !), de quoi faire hérisser le poil de ceux qui ont pris en main, le 28 octobre 1962, le commandement d'une institution de souveraineté qui a tant fait pour le pays, tout au moins, au cours des premières années de son existence.B. E. M. (Le soir d’Algérie, le 31 octobre 2012).

Il y a cinquante ans naissait Al-Chaâb (*)

Publié le 11/10/2012 à 13:19 par chdjamel
Il y a cinquante ans naissait Al-Chaâb (*)


Par Youcef Ferhi


Le 19 septembre 1962, à deux heures du matin, naissait Al Chaâb, le premier grand quotidien national d'information, sous l'égide du FLN, à la veille des élections à l'Assemblée nationale constituante.

 

Sa naissance avait été annoncée par voie d'affichettes sans précision, fin août-début septembre. Le 13 septembre 1962, tombait des rotatives un seul et unique n°0. La mission de créer un grand quotidien avait été confiée par Mohamed Khider, membre du bureau politique du FLN, chargé de l'information et des finances, à Salah Louanchi, aidé de Serge Michel, dit «3e collège». Serge Michel va commencer par récupérer les locaux de L'Echo d'Alger, le quotidien des ultras, interdit depuis avril 1961 par De Gaulle, après le putsch des généraux. L'imprimerie était dans un état lamentable, des machines avaient été démontées, les magasins de linotypes dispersés.

 

La rotative avait été dynamitée, fort heureusement sans trop de dégâts. Le premier noyau de la rédaction était composé de Salah Louanchi, Serge Michel, Nourdine Tidafi, Youcef Ferhi, Lounes Laribi, Rabah Ameur, Mohamed Mansouri, Rabah Mahiout, Mohamed Arabdiou, Ahmed Hasnaoui, Mohamed Hached, et d'un groupe de transfuges du commissariat politique de l'ALN : Hadj Ayad, Djamel Amrani, Mohamed Lounis, Khaled Safer, ainsi que trois amis étrangers acquis à la cause algérienne : Noel Favrelière, Suzanne Lilinska et Lounis Weimigel, Après le numéro 0, se joindront à l'équipe, Rabah Saâd Allah, Abbas, Ali Hefied, Rachid Skenazène, les deux frères Allouache, les deux cousins Abdessemed, Amar, Bouattoura Mohamed, Sebagh et Mohamed Maouche.

 

L'équipe technique - imprimerie et rotative - sans laquelle le journal n'aurait jamais pu paraître, se composait de Abderrahmane Bellal, Mohamed Nasseri, Rachid Djermane, Abdelkader Benhimous, Réné, un ancien de l'Echo d'Alger, Saïd Aït Nouri, Mustapha Douieb, Bedroun, Boudjemaâ, Tahar, Maloufi. Cette équipe a fait avec les moyens du bord des prouesses. Quand on y pense aujourd'hui, on se dit il faut croire aux miracles ! A la fin de l'année 1962, il ne restera pas grand monde du premier noyau. De nouveaux venus début 1963 vont venir étoffer l'imprimerie et surtout la rédaction. Il est vrai que le travail n'était pas de tout repos ; 9h/2h du matin, ce n'était pas marrant !

 

L'administration du journal sera d'abord confiée à Mohamed Hocine, puis à Kamel Daoudi. La diffusion démarrera avec seulement trois breack Ford Taunus, acquis par son responsable, Hadj Preure. Après la parution d'El Chaâb en arabe le 11 décembre 1962, l'édition française changera de titre le 31 mars 1963 et deviendra Le Peuple, qui changera aussi de titre pour prendre celui d'El Moudjahid par la volonté de Ben Bella, annoncée le 17 juin pour le 21 juin 1965, puis pour le 5 juillet et qui aura lieu finalement le 22 juin 1965. Naviguer entre le légalisme conservateur de Khider et le populo-zaïmisme de Ben Bella, il fallait à Salah Louanchi une sacrée dose de patience. Mais arriva ce qui devait inévitablement arriver, Salah, fatigué, «jette l'éponge».

 

Le 28 mai 1963, à 17h30, en présence de tous les collaborateurs et de son futur successeur, Abdelaziz Zerdani, officier de la Wilaya I et jeune député de Batna, Salah dignement déclarait : «Je tenais à préciser à tous ceux qui ont été mes collaborateurs que c'est volontairement que je pars du journal, et ce, pour des raisons que je ne peux divulguer. C'est moi qui ai demandé à être remplacé. Je souhaite que sous la direction de mon successeur vous arriverez à faire du journal Le Peuple un journal digne à la fois de l'Algérie et de la Révolution.» Un journal qui serait un peu le livre du pauvre. Les premiers mois ont été extraordinaires, nous écrivions en notre âme et conscience sans aucune censure ; celle-ci, après le départ de Khider du BP le 17 avril 1963, va commencer à se faire sentir avec l'instauration de la pensée unique chère à Ben Bella ! Du premier noyau de la rédaction, il ne resterait en vie que deux quidams, Rabah Mahiout et votre obligé ! Comme disait Serge Michel, qui avait quitté El Chaâb fin décembre 1962 : «La suite fait partie de l'Histoire». Il y a cinquante ans !

 

1-Youcef Ferhi (voir la photo ci-dessus) a participé à la création d'El Chaâb en 1962, d'Alger ce soir en 1964, et a fondé Algérie Actualité en 1965.

 

(*)-El Watan, le 22 septembre 2012

L'ouverture médiatique, pilier des réformes de Chadli

Publié le 11/10/2012 à 10:44 par chdjamel
L'ouverture médiatique, pilier des réformes de Chadli

 


ALGER, 11 oct 2012 (APS) - L’ouverture médiatique, première du genre en Algérie indépendante, initiée par le défunt président Chadli Bendjedid, décédé samedi dernier, avait permis non seulement de rompre avec la presse du parti unique, mais aussi l’apparition de titres de la presse privée, et ce, malgré les avis de professionnels qualifiant cette ouverture de «forcée».


L’ancien président de la République avait senti la nécessité d’opérer des changements dans le secteur de la presse, dès la moitié des années 1980, avec la création de deux quotidiens nationaux (Horizons2000 et El Massa), ayant pour objectif de capter l’électorat jeune.

 

Cette période avait connu, notamment, l’un des rares débats houleux et contradictoires au sein de la presse nationale, sous le régime du parti unique, à travers en particulier l’hebdomadaire «Algérie Actualités» et le magazine du Front de libération nationale (FLN), «Révolution africaine», dont le projet de l’enrichissement de la Charte nationale fut le thème essentiel de ces débats.

 

C’est dans ce contexte que le vent des réformes dans les différents secteurs d’activités commençait à souffler, offrant, ainsi, plus de marge pour les professionnels de la presse d’amorcer un débat autour de l’avenir de leur profession.

 

Si l’explosion d’octobre 1988 fut à l’origine de la Constitution de 1989 qui avait consacré le pluralisme politique, les prémices de l’ouverture dans le secteur de la presse se furent sentir bien avant ces évènements, s’accordent à dire des membres fondateurs du Mouvement des journalistes algériens (MJA), auteurs de mémoires sur ce sujet.

 

Ainsi, le journaliste Lazhari Labter raconte dans son livre «Journalistes algériens entre le bâillon et les balles » que depuis la fin de l’année 1987, des journalistes algériens, peu au début, de plus en plus nombreux par la suite, «ont commencé à s’organiser (à) sans direction, dans des assemblées générales souveraines». Selon son témoignage, ces journalistes éditaient, déjà, un bulletin de liaison intitulé «Inter-organes».

 

Abondant dans le même sens, le journaliste Abderrahmane Mahmoudi, un des membres du MJA, raconte dans son livre-témoignage, « Information, la face cachée du mensonge », que «les assemblées générales et les rencontres auxquelles n’assistaient pas plus de 90 journalistes, issus en majorité de l’APS, d’El Moudjahid, de Révolution africaine, d’Horizons, d’Algérie Actualités, des chaînes III et IV de la radio et d’un ou deux journalistes de la Télévision, se transforment-elles en assemblées géantes auxquelles affluent la quasi majorité des rédactions du pays».

 

C’est dans ce contexte précis que la première plateforme commune des journalistes algériens fut adoptée.

 

Le journaliste, Ahmed Ancer, va dans le même sens, dans son livre-témoignage «Encre rouge », dans lequel il avait expliqué que l’ouverture médiatique, consacrée, durant la présidence de Chadli Bendjedid, dans la loi sur l’information de 1990, fut aussi l’œuvre de l’action des journalistes algériens.

 

La loi n° 90-07 du 3 avril 1990 relative à l'information, (publiée dans le Journal officiel du 4 avril 1990), avait permis, pour la première fois en Algérie, l’apparition de titres partisans, tels qu’Alger Républicain, quotidien proche du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS), Libre Algérie, publication du Front des forces socialistes (FFS), la Tribune du Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA) et d’autres.

 

C'est grâce, aussi, à l’aide de l’Etat, qui avait remis des avances sur salaires de plusieurs mois à des journalistes de la presse publique, que d’autres titres privés verront le jour cette année (1990) (1). Cette loi avait permis, également, la mise en place d’un Conseil supérieur de l’information ayant pour mission de réguler le métier et d’organiser le secteur de la presse. (APS)

-----------------------

 

1-La loi sur l’information d’avril 1990 a permis la naissance des premiers quotidiens privés quelques mois après sa promultation. Il s’agit du Soir d’Algérie (lancé le 3 septembre), El Watan (le 7 octobre) et d’El Khabar (le 1er novembre).

«La voix de l’Algérie combattante» a soutenu la révolution

Publié le 16/12/2011 à 15:27 par chdjamel
«La voix de l’Algérie combattante» a soutenu la révolution

APS, Alger, vendredi 16 décembre 2011. L’ancien ministre de l’Information, Lamine Bechichi, a souligné jeudi à Alger le rôle important joué par la radio  «La voix de l’Algérie combattante» dans le soutien de la révolution en contribuant à faire connaître la cause algérienne dans le monde. Lors d’une communication présentée à l’occasion de la célébration du 55e anniversaire de la création de la radio  «La voix de l’Algérie combattante»,  le 16 décembre 1956, M. Bechichi, membre fondateur de cette radio, a souligné que celle-ci avait apporté un grand soutien à la lutte armée du peuple algérien à travers «son rôle mobilisateur» en dépit des moyens techniques limités dont elle disposait. Après avoir évoqué les étapes de création de cette radio historique et les techniques utilisées à l’époque, M. Bechichi a indiqué que son apparition a coïncidé avec l’élargissement par l’administration coloniale du réseau de diffusion radiophonique et télévisée en Algérie. Cette radio a fait face à la propagande coloniale et ses tentatives visant à entamer la détermination du peuple algérien à se libérer du joug colonial. Pour sa part, le ministre de la Communication, Nacer Mehal, a souligné l’importance de célébrer cet anniversaire qui représente un évènement phare de l’histoire de la glorieuse Révolution de novembre et une occasion pour  «exprimer notre reconnaissance à tous ceux qui ont consenti de grands efforts pour faire parvenir la voix de l’Algérie d’abord aux Algériens, puis à l’opinion publique internationale»«Rendre hommage à des hommes comme Lamine Bechichi, Mohamed Merzougui et Mustapha Toumi est notre devoir»,  a-t-il dit. M. Mehal a en outre souligné le rôle médiatique important joué par la radio  «La voix de l’Algérie combattante»  et qui s’est renforcé par la suite par la création du quotidien  «El Moudjahid»  puis l’agence Algérie presse service (APS) le 1er décembre 1961. Ces médias ont joué un rôle important en portant la cause algérienne devant l’opinion publique internationale et en apportant un grand soutien à la révolution, a-t-il ajouté. A l’occasion de la célébration du 55e anniversaire de la création de la radio  «La voix de l’Algérie combattante»,  un film-documentaire sur les étapes de l’évolution de cette radio a été présenté.

 

NB: Lamine Bechichi (sur la photo à droite) en compagnie de Pierre Chaulet, un des membres fondateurs de l'Agence presse service (APS).