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AccueilRubriquesEnvironnement, Nature, Paysage2011Xynthia : leçons d’une catastrophe

2011
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Xynthia : leçons d’une catastrophe

Xynthia: lessons of a disaster
Etienne Chauveau, Céline Chadenas, Bruno Comentale, Patrick Pottier, Amandine Blanlœil, Thierry Feuillet, Denis Mercier, Laurent Pourinet, Nicolas Rollo, Ion Tillier et Brice Trouillet
Traduction(s) :
Xynthia: lessons learned from a catastrophe

Résumés

La tempête Xynthia, survenue le 28 février 2010, a été l’une des plus meurtrières qu’ait connu le territoire français métropolitain depuis plusieurs décennies, avec 47 victimes, dont plus de la moitié sur le seul département de la Vendée. Nous proposons une interprétation globale des raisons de la catastrophe sur deux communes contigües particulièrement touchées du sud-vendéen, La Faute-sur mer et l’Aiguillon-sur-mer. Nous nous intéressons d’abord à caractériser les différents éléments composant l’aléa : force des vents, rôle joué par les forts coefficients de marée, topographie des espaces littoraux et effets de sites de fond de baie ou d’estuaire constituent des facteurs qui ont cumulé leurs effets dans le temps et l’espace, générant ainsi de très fortes surcotes. Nous revenons ensuite sur le déroulement de la crise, qui permet une première identification des secteurs et des causes de vulnérabilité, puis sur les premières conséquences économiques des submersions marines. Enfin, nous répertorions les éléments permettant de conclure à une appréhension du risque défaillante, expliquant l’enchaînement dans le temps long d’imprudences et de négligences ayant pris le pas sur une occupation de l’espace tenant compte des particularités des sites submergés. Cette absence de culture du risque a ensuite été aggravée par des décisions post-crise prises soit localement, soit au plus haut niveau de l’Etat.

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Texte intégral

Introduction

1La tempête Xynthia, survenue le 28 février 2010, a été l’une des plus meurtrières qu’ait connu le territoire métropolitain depuis plusieurs décennies. Au bilan humain (47 décès) s’ajoute un coût estimé en septembre 2010 à 1,5 milliards d’euros par la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), dont 700 millions d’euros pour les sinistres dus aux seules inondations au titre du régime des catastrophes naturelles. Le nombre d’indemnisations enregistrées a concerné 40 000 biens. Du fait de la conjonction de plusieurs éléments naturels (forte houle, direction du vent, pression atmosphérique, etc.), les deux départements les plus sinistrés ont été la Charente Maritime et la Vendée. Notre propos est d’analyser et de tenter de hiérarchiser les éléments physiques et humains susceptibles d’expliquer la lourdeur du bilan sur deux communes littorales limitrophes du sud de la Vendée, La Faute-sur-mer et l’Aiguillon, de loin les plus touchées (29 victimes pour la seule commune de la Faute-sur-Mer). Nous nous appuyons sur les études qui ont été réalisées de longue date sur ce secteur, par les géographes, en particulier nantais, et sur la thématique de l’urbanisation littorale.

2A cette fin, nous revenons sur les éléments relatifs à i) l’évaluation de l’importance et des caractéristiques de l’aléa, ii) la vulnérabilité des territoires affectés associée aux enjeux qui les caractérisent, et aux premières conséquences de la tempête, et iii) la gestion du risque à plus ou moins long terme, dans l’espace étudié ainsi que dans le contexte national. Les conséquences socio-économiques présentées ne concernent que les activités primaires.

Un aléa rendu extrême par la conjonction temporelle de manifestations naturelles plus ou moins rares

3L’émoi suscité par un comptage macabre en augmentation régulière au lendemain du passage de la tempête a focalisé l’attention sur son caractère exceptionnel. Etait-ce le cas ?

La tempête des 27-28 février 2010

  • 1 Bulletin climatologique mensuel, février 2010, Charente-Maritime, n°62, 4 p : pression atmosphériqu (...)

4La tempête Xynthia est un événement qui s’inscrit dans le cadre des échanges énergétiques méridiens à l’échelle de l’hémisphère nord. Bien qu’associée à une dépression fortement creusée (fig. 1 : 977 hectopascals1 – hPa – à La Rochelle dans la nuit du 27 au 28 février 2010), elle n’a pas de caractère inédit sur le plan météorologique, son caractère destructeur est lié à sa conjugaison à de forts coefficients de marée, ce qui avait été signalé.

5D’après Météo-France2, la tempête Xynthia provient d’une dépression atmosphérique atlantique formée à des latitudes très basses (près du tropique du Cancer), qui s’est intensifiée le 27/02 au matin en se déplaçant vers Madère. Elle se déplace rapidement : centrée au large immédiat du nord-ouest ibérique le 27/02 à 12h TU (980,3 hPa à La Corogne ; 981,2 hPa à Porto, d’après le bulletin Météo-Hebdo), elle balaie le nord-ouest de la France au cours de la nuit du 27 au 28/02, et se retrouve sur l’ouest de la Belgique et des Pays-Bas le 28/02 à 12h TU (974,8 hPa à Bruxelles, fig 1). Il s’agit donc d’un événement de forte énergie, certes “d’une taille et d’une intensité peu communes en cette fin d’hiver” mais in fine assez “banal” au regard des échanges énergétiques saisonniers dans l’hémisphère nord3.

6La principale question porte alors sur les mécanismes qui ont permis la transformation d’une dépression en tempête. La baisse de pression a été rapide, 11 hPa en 14 heures, entre l’observation du 27/02 et le balayage du littoral atlantique français au milieu de la nuit suivante. Elle peut être comparée à la baisse de 14 hPa en 12h relevée pour la tempête du 2 février 1990 (Tonnerre-Guérin, 2003).

7Les travaux de référence de M-A. Tonnerre (2001), sur les tempêtes de la façade occidentale de la France, soulignent le rôle des invasions chaudes remontant loin en latitude, à la faveur d’un talweg d’altitude. On retrouve cette situation le 27/02 (12h TU), la dépression Xynthia s’est formée à l’avant d’un talweg en rive gauche du courant-jet rectiligne et rapide (vents de sud-ouest au niveau 500 hPa : 75 nœuds à La Corogne, 100 nœuds à Madrid) ; cette dépression est couplée, en altitude, à une remontée d’un air chaud (-16°C) sur la péninsule ibérique et le golfe de Gascogne. Cette dynamique, qui permet la brutale confrontation d’un air chaud et humide (à Porto, la température du “thermomètre mouillé” est de 13°C au sol, pour un air ambiant à 16°), situé à l’avant de la dépression, et d’un air froid (-32°C), à l’arrière, explique son renforcement. Elle rend compte de son caractère original, au regard des mécanismes classiques de couplage entre dépressions de surface et noyaux d’altitude de bas géopotentiel observés plus au nord, entre l’Irlande et l’Islande dans un secteur hors d’atteinte de l’incursion chaude (dépressions moins creusées – 980 à 990 hPa – et associées à des géopotentiels de 5 080 et 5 160 m).

Fig. 1 : Trajectoire et dynamique de la tempête Xynthia

Fig. 1 : Trajectoire et dynamique de la tempête Xynthia

8Au total, les vitesses de vent mesurées n’excèdent pas les 130 km/h sur le littoral vendéen (et jusqu’à 158 km/h en rafale à l’extrémité ouest de l’île de Ré). C’est moins qu’en janvier 2009, où des vents de près de 150 km/h avaient ravagé la forêt des Landes (Perpignan ayant enregistré 184 km/h) et surtout qu’en décembre 1999 où l’on a enregistré des pointes à plus de 160 km/h sur certaines portions du littoral atlantique (île d’Oléron) et de plus de 170 km/h en région parisienne. Devant cet enchaînement récent de fortes tempêtes, il est pertinent de s’interroger sur l’évolution de leur fréquence sur un pas de temps plus long.

L’évolution des tempêtes à la Rochelle entre 1958 et 2009

9La caractérisation de l’évolution des tempêtes à l’échelle régionale s’appuie sur les valeurs de vent maximal instantané quotidien à la Rochelle (altitude : 4 m, latitude : 46°09’12"N, longitude : 01°09’24"W) entre 1958 et 2010 (données Météo France). En tenant compte de l’échelle de Beaufort, nous avons extrait trois classes de vents, à l’instar de Bessemoulin (2002) : les vents supérieurs à 89 km/h (tempête), à 102 km/h (violente tempête) et à 118 km/h (ouragan). Depuis 1958, la Rochelle a connu 343 jours de tempête, 94 jours de violente tempête et 28 jours de vents supérieurs à 118 km/h. La valeur maximale (162 km/h) a été relevée le 16 décembre 1958. 22 de ces 28 jours ont eu lieu en hiver (entre décembre et mars). Des vents d’une vitesse supérieure ou égale à celle qu’a connue la région au passage de Xynthia (132 km/h à La Rochelle) ont été relevés à sept reprises, soit une période de retour d’environ sept ans. La figure 2 représente l’évolution du nombre de ces jours par année sur toute la période (51 ans). Les tendances diffèrent selon la tranche de vents considérée. En appliquant le test de Mann-Kendall (Mann, 1945, Kendall, 1975, Hipel et McLeod, 1994), on constate que le nombre de jours de tempête (vents supérieurs à 89 km/h) a diminué, de même que le nombre de jours de violente tempête (vents supérieurs à 102 km/h).

Fig. 2 : les valeurs de vent maximal instantané quotidien à la Rochelle de 1958 à 2008

Fig. 2 : les valeurs de vent maximal instantané quotidien à la Rochelle de 1958 à 2008

10En revanche, le nombre de jours où le vent a été supérieur à 118 km/h présente une distribution aléatoire (aucune tendance significative détectée), ce qui rejoint les conclusions de Dreveton (2002) à l’échelle de la France. Cette absence de tendance est associée à une forte variabilité interannuelle des tempêtes violentes. En effet, des périodes calmes (une seule journée de vent supérieur à 118 km/h entre 1983 et 1995) alternent avec des périodes de tempêtes récurrentes (six grands vents entre 1958 et 1961 et cinq depuis 2006).

11Ces tendances peuvent surprendre, à l’heure de la modélisation climatique, qui prévoit un renforcement des tempêtes en plus d’une élévation globale des températures, et des extrêmes pluviométriques plus intenses. A l’échelle “régionale” toutefois (celle de la France pour les climatologues du GIEC), les résultats issus d’une modélisation plus fine sont plus nuancés. Ainsi, les scenarios climatiques français penchent plutôt en faveur d’une diminution du nombre des tempêtes aux latitudes moyennes de l’hémisphère nord, et d’un maintien ou d’une augmentation des fortes tempêtes (Dufresne et al, 2006). Néanmoins, des recherches localisées et temporelles complémentaires sont nécessaires pour tirer des conclusions fiables.

12La tournure dramatique de Xynthia étant liée à une conjonction d’éléments défavorables (un fort coefficient de marée, une forte surcote, etc.), il conviendrait ainsi de comparer la surcote au moment du passage de Xynthia à celles des autres tempêtes d’intensité voisine. Comme l’ont montré Bouligand et Pirazzoli (1999), les surcotes extrêmes tendent à augmenter à Brest entre 1953 et 1994. Les causes et effets des surcotes méritent désormais d’être précisés sur l’espace qui nous intéresse.

Une conjonction d’éléments déterminante dans la survenue de la catastrophe

13Lors du passage de Xynthia, la conjonction sur un temps très court de forts coefficients de marée (102), des pleines mers, et des vitesses maximum de vent de secteur ouest, a entraîné des effets de surcote (jusqu’à +1,53 m mesurés à La Rochelle). La configuration du trait de côte et la morphologie sous-marine doivent aussi être prises en compte. La frange littorale comprise entre La Tranche-sur-mer au nord et le secteur faisant face à la partie sud de l’île d’Oléron, avec ses baies profondément enchâssées (Anse de l’Aiguillon) et la présence des îles de Ré et d’Oléron offre une configuration favorable aux effets de surcote. La faible topographie sous-marine qui se prolonge jusqu’à de grandes distances du trait de côte augmente le risque de surcote (Fig. 3). La direction des vents constituait par ailleurs un facteur important dans la création de la surcote, puisqu’ils étaient orientés au sud à sud-ouest à 1 h du matin, pour passer progressivement à l’ouest à 4 h du matin.

Fig. 3 : Simulation de surcote sur le centre-littoral atlantique.

Fig. 3 : Simulation de surcote sur le centre-littoral atlantique.

14Les communes de La Faute et de l’Aiguillon offrent un élément aggravant supplémentaire : l’embouchure du Lay. Elle est caractérisée par une forme en entonnoir assez large, séparant la flèche libre de la pointe d’Arçay à l’ouest du segment littoral bas où est implantée la commune de l’Aiguillon à l’est. Au débouché de ce petit fleuve côtier, même en l’absence de crue, l’afflux d’eau en provenance du continent provoque une hausse supplémentaire du plan d’eau dans toute la partie estuarienne : les surcotes marines bloquent l’évacuation normale des eaux douces. Au moment de la catastrophe, le Lay ne connaissait pas de crue. La moyenne mensuelle du mois de février 2010 (19,5 m3/s) est en effet inférieure à la moyenne mensuelle de février des 6 dernières années d’observation (25,5 m3/s), et très inférieure à celle du mois de février le plus abondant (63 m3/s). En ce qui concerne les débits journaliers, on observe des valeurs très modestes dans les jours ayant précédé la catastrophe : 48 m3/s le 26 février 2010, 30 m3/s le 27. Par comparaison, le débit journalier maximal observé sur le Lay depuis 2004 a atteint 210 m3/s le 16 janvier 2008. Ce facteur a joué un rôle dans l’atténuation de la catastrophe, et cette conclusion vaut également pour les cours d’eau plus importants et tout proches, la Sèvre niortaise et la Charente.

15La zone inondée le 28 février 2010 sur la commune de La Faute-sur-Mer correspond à la partie la plus basse topographiquement, située le long de l’estuaire du Lay et non du côté de l’océan Atlantique. La mer s’est engouffrée dans l’estuaire du Lay et l’inondation s’est faite par submersion sans rupture de la digue construite sur la commune de la Faute-sur-mer. La mer a en revanche créé une brèche dans la dune côté océan, plus au nord, au lieu dit « la belle Henriette ». C’est ce qui a provoqué un effet tenaille pour la zone urbaine, prise entre l’arrivée d’eau de la baie et celle entrée par la brèche.

16Une surcote d’origine fluvio-marine était également décelable aux embouchures de la Sèvre niortaise (plus à l’est), au fond de l’anse de l’Aiguillon, et de la Charente (plus au sud). Ces deux fleuves ne présentent pas de véritables estuaires et l’urbanisation est moins proche du trait de côte dans le premier cas et souvent surélevée topographiquement dans le second, mais les surcotes y ont aussi fait des victimes.

17Enfin, dernier élément et non des moindres : le coefficient de marée. Le 28 février, la pleine mer avait lieu à 4h18 avec un coefficient de 102, soit trois heures après les vents maximaux accompagnant le passage de la tempête. Cependant, les sept pleines mers des trois jours suivants ont été caractérisées par des coefficients plus élevés : 108, 113, 115, 116, 116, 113 et 109. La catastrophe aurait donc pu être pire si les mêmes vents s’étaient déclarés 24h, 48h ou même 72h après.

18En guise de synthèse sur cet aléa, si la tempête est somme toute assez banale, on peut parler d’un évènement rare, parce qu’il est lié à la conjonction dans le temps de facteurs aggravants). L’ampleur des conséquences (nombre de décès, dégâts sur les habitations, sur l’agriculture, etc.) s’explique par une absence de conscience du risque. La qualité des prévisions à court terme n’est pas en cause et le risque de submersion était connu : les submersions importantes sur le site de l’anse de l’Aiguillon ont une période de retour d’une trentaine d’années, soit un épisode marquant par génération (Garnier et Surville, 2010). L’aléa sert ici de révélateur à des dysfonctionnements majeurs (entretien aléatoire des digues, construction en zone inondable…) et témoigne d’une absence de conscience du risque, sur un espace dont la vulnérabilité s’est beaucoup accrue dans les dernières décennies. Le terme de vulnérabilité pouvant être défini ici comme “la propension de l’enjeu à subir un endommagement” (Meschinet de Richemond, 2010).

La gestion de la crise et les premières conséquences économiques

19Cette conjonction d’éléments dans la genèse de la catastrophe permet d’en comprendre les conséquences. Elle accentue l’impression de méconnaissance du risque sur les secteurs affectés par la tempête, surtout dans la gestion de l’après-crise, à partir de la mi-mars 2010.

La gestion de la crise

20La pré-crise débute avec l’alerte lancée par Météo-France, le samedi 27 février à 16h00. A la lecture des bulletins d’alerte, il apparaît que les conséquences de la tempête sur les activités et équipements humains n’ont pas bien été appréhendées : le risque inondation n’y est presque pas évoqué, alors qu’il s’est révélé être le principal danger. Les bulletins ont en revanche insisté sur la violence des vents. De ce fait, les conseils qui ont été diffusés (“restez chez vous”) n’étaient pas adaptés à la situation de submersion (Rapport du Sénat n° 554, juin 2010). Les dispositifs d’alerte ne sont donc pas adaptés et la question de la responsabilité de l’alerte se pose. Les différents informateurs (Météo-France, SHOM, services préfectoraux) hésitent à prendre la responsabilité de donner des instructions précises aux maires ou aux populations concernées. C’est pour cette raison qu’aucune évacuation à titre préventif n’est déclenchée.

21Les sinistrés alertent le SDIS 85 (Service Départemental d’Incendie et de Secours du département de Vendée) dès 3h20 du matin à St Gilles Croix de vie et à 3h30 à La Faute-sur-mer. Plus de mille pompiers viennent en aide aux sinistrés avec des évacuations par hélicoptères et par embarcations. Les dispositifs de secours fonctionnent bien, alors que la catastrophe a perturbé les réseaux de téléphonie fixe et mobile.

22La micro-topographie des secteurs inondés de La Faute et de l’Aiguillon présente des différences d’altitude comprises entre 2m NGF, pour les zones construites les plus basses, à plus 4m NGF pour les zones construites les plus élevées. Les travaux d’expertise qui ont été menés dans les jours qui ont suivi la catastrophe ont évalué la hauteur maximale atteinte par le niveau d’eau à 4,70m NGF. Les points les plus élevés (entre 6 et 9m NGF) sont situés le long de l’océan Atlantique, car la dérive littorale qui a construit la flèche à pointe libre d’Arçay s’exerce du nord vers le sud et la déflation éolienne, responsable de l’édification des dunes, de l’ouest vers l’est. Toutes les zones basses de la Faute-sur-mer, de l’Aiguillon-sur-Mer et du marais breton est sous les eaux jusqu’à des hauteurs supérieures à 3 mètres lors de l’épisode Xynthia.

23Le secteur le plus touché est la commune de La Faute-sur-mer, en particulier le lotissement récent construit en arrière de la digue, le long du port de plaisance, entre le boulevard du Lay, la rue des Voiliers et la rue du port des yachts. Le camping municipal implanté en rive droite du Lay a été complètement inondé. Le nombre de victimes s’élève à 29 sur la commune de La Faute-sur-mer, dont 28 dans ce lotissement. Les victimes, âgées de 2 ans à 85 ans, sont surtout des personnes âgées de plus de 60 ans.

24La méconnaissance du risque est signalée par le décalage entre la qualité des prévisions de l’aléa, qui ne laissait que très peu de place au doute quant à l’ampleur du risque couru, et l’absence d’anticipation des pouvoirs publics dans les heures voir les jours ayant précédés la catastrophe. En effet, Météo-France avait bien décrit l’intensité de la tempête à venir : la veille de l’évènement, quatre départements avaient été placés en vigilance rouge (dont la Vendée et la Charente Maritime) et 70 autres en vigilance orange. Par ailleurs, l’IFREMER, par l’intermédiaire de son système de prévision PREVIMER avait prévu dès la soirée du 26 février les effets de surcote en Vendée et en Charente Maritime, à quelques dizaines de centimètres près. Dans ces conditions, il est toujours tentant de se demander a posteriori pourquoi l’évacuation des populations n’a pas été ordonnée. Cependant, le caractère exceptionnel de Xynthia relève de la conjonction temporelle de phénomènes, parfois interdépendants (vent et dépressions barométriques), mais qui associés à de fortes vagues et à des coefficients de marée ont engendré des surcotes importantes. Les messages d’alerte pris un à un ne sont pas faciles à synthétiser et il était difficile d’envisager la conjonction de ces phénomènes. Par ailleurs, fallait-il évacuer toutes les populations littorales des quatre départements placés en vigilance rouge ? Seulement celles des communes de Vendée et de Charente-Maritime ? Seulement celles des communes où il y a eu des décès ? Sur quels critères spatiaux fonder cette évacuation ?

La gestion de l’après-crise

25La gestion d’après-crise a été impulsée par le discours du Président de la République du 16 mars annonçant des mesures d’urgence. Deux jours plus tard, une circulaire a demandé aux préfets de Vendée et de Charente Maritime de procéder à la mise en place d’une cartographie de “zones d’extrême danger”. Elles ont été qualifiées par la presse de “zones noires” puis rebaptisées “zones de solidarité” en avril par le Ministre d’Etat de l’écologie et du développement durable. Un premier zonage a été adressé au Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer dès le 21 mars. Les expertises complémentaires n’ont apporté de très légères modifications à ce zonage, ce qui signifie que 90 % de la cartographie des “zones noires” a été effectuée en l’espace de quelques jours, sur la base de données topographiques assez grossières (BD Alti), de documents à portée juridique (Plan de Prévention des Risques Inondation, PPRI), et de vitesses de retrait de l’eau estimées dans les espaces inondés trois jours après la catastrophe par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et la DDTM 85 (Direction Départementale des Territoires de la Mer du département de Vendée).

26La “zone noire” de la Faute-sur-mer correspond à la zone la plus basse topographiquement. Elle recouvre la zone du plus grand nombre de victimes (28 sur 29 de la commune). Mais certaines maisons dans cette “zone noire” n’ont pas été inondées car elles se trouvent sur des points hauts d’accrétion sédimentaire. Le rapport de mission suite à l’expertise complémentaire a été remis le 16 septembre 2010. Il propose une nouvelle délimitation des périmètres d’expropriation avec 472 démolitions sur la Faute-sur-mer et 289 sur l’Aiguillon, dont 100 constructions légères. Le coût total des rachats s’élèverait à 150 millions d’euros auquel il faut ajouter le coût des travaux nécessaires à la mise en sécurité des sites de l’ordre de 18 millions d’euros sur la commune de la Faute-sur-mer et 12 millions d’euros sur l’Aiguillon. Le total s’élève donc à 180 millions d’euros.

27Ce concept de “zone noire” a été utilisé pour éviter que de nouvelles victimes soient soumises à une future submersion marine. Il devrait surtout s’appliquer a priori et donc être inclus dans la délimitation des périmètres des PPRI, et non a posteriori. Les difficultés d’application de ce concept, même a posteriori, alors que ce même secteur a connu des morts, montrent qu’il ne peut pas être généralisé sans réformer la loi Barnier de 1995, au-delà de la loi Bachelot (2003), qui n’a fait qu’imposer la concertation dans la mise en place des PPRI, alors qu’elle était recommandée jusqu’alors.

28Dans les semaines et les mois suivant la catastrophe, les digues ont été consolidées dans l’urgence pour une somme de 2,13 millions d’euros sur la commune de la Faute-sur-mer, le long de l’estuaire du Lay, dans le but de protéger les maisons en arrière de cette digue. Rappelons que ces digues n’ont pas cédé mais ont été submergées lors de la tempête du 28 février. Il peut donc sembler contradictoire de rehausser des digues tout en rasant le bâti existant en arrière de ces mêmes digues. L’argument mis en avant pour la réalisation de ces travaux est la protection des maisons moins exposées car plus hautes sur le plan de la micro-topographie.

Conséquences pour les activités économiques du secteur primaire

29Les activités et infrastructures du secteur primaire ont une emprise spatiale importante dans la zone (fig. 4) et les emplois directs de ce secteur représentaient 9,23 % de la population active au recensement de 2006. Avec l’effet de filière, pour la pêche et l’aquaculture, le pourcentage d’emplois liés à l’activité du secteur primaire approche les 16 %, ce qui en fait un enjeu socio-économique majeur.

Pêche et Aquaculture

30Les activités liées à l’exploitation des ressources marines représentent un enjeu important en termes d’emploi mais également en termes d’infrastructures. Les entreprises conchylicoles disposent de chais et de claires à terre, leur localisation à proximité du trait de côte les rend vulnérables aux surcotes comme celles provoquées par la tempête Xynthia.

Fig. 4 : localisation des infrastructures conchylicoles sur le secteur de l’Aiguillon

Fig. 4 : localisation des infrastructures conchylicoles sur le secteur de l’Aiguillon

Pêche

31Le premier danger est la destruction des infrastructures. L’espace submergé est un port d’étier (sur le Lay, petit fleuve côtier), abrité derrière la flèche d’Arçay et présentant un faible niveau d’infrastructures (quelques estacades, un lieu de débarquement/transit). Cela explique que sur les quarante sept navires de pêche dont le port d’attache est l’Aiguillon sur Mer, seuls quatre ont subi de réels dommages. Le port de l’Aiguillon sur Mer ne peut plus fonctionner, les rares professionnels continuant leur activité vont débarquer dans d’autres ports. Selon les estimations faites par le GIE (Groupement d’Intérêt Economique) des pêcheurs de l’Aiguillon et le COREPEM (Comité Régional des Pêches et des Elevages Marins des Pays de Loire, 2010), la perte économique moyenne sera supérieure à 100 000 euros par bateau sur la fin de la saison de la civelle.

32Malgré le manque de recul, des atteintes à l’écosystème halieutique sont prévisibles. Les diverses pollutions dues à des déversements accidentels d’hydrocarbures (cuves à huile et à gasoil), au lessivage des terres agricoles inondées et à des pollutions domestiques diffuses liées à la destruction des systèmes d’assainissement ont dégradé la qualité du milieu. Les nourriceries de certaines espèces et les stocks de coquillages (coquille saint jacques et huîtres creuses) sont durablement affectés d’après les suivis du Réseau National d’Observation de l’IFREMER

Conchyliculture

33Le bassin de production conchylicole du Pertuis Breton s’affiche comme un des plus touchés par la tempête Xynthia par la proportion d’entreprises sinistrées (36 % juste derrière le bassin de Marennes-Oléron 61 % et celui de la baie de Bourgneuf 48 % (SRC – PDL, 2010). Cent dix neuf entreprises conchylicoles possèdent des installations dans le secteur de l’Aiguillon. Il s’agit d’entreprises locales et d’entreprises charentaises. L’activité conchylicole nécessite l’usage de différents espaces en mer, sur l’estran et à terre. Cette spatialisation différenciée des implantations (certaines à terres, d’autres en mer) explique en grande partie le type de dommages causés à la conchyliculture par la tempête Xynthia.

34La tempête a surtout produit des dommages liés à la surcote. Ce sont les installations à terre qui ont été les plus touchées ; le cheptel en mer a été quant à lui épargné en comparaison de la tempête de l’hiver 1999. En effet, le bassin du Pertuis Breton est un des sites français où ont été développées les techniques d’élevage ostréicole off-shore, sur filières. Sur les trois cent vingt filières4 ostréicoles du pertuis breton, seulement six ont été coupées, mais s’y ajoutent des pertes matérielles secondaires (bouées, etc.). L’activité de mytiliculture est elle aussi très présente dans le bassin de production (15000 tonnes produites par an soit 20 % de la production française et 40 % du captage (données du Comité National de la Conchyliculture5). Le cheptel présent sur les bouchots a été en grande partie épargné, les conditions de mer n’étant pas assez agitées pour une destruction totale. Le recensement actuel des dégâts sur les bouchots fait état de pertes de cheptel comprises entre 5 et 10 % (Cultures Marines, 2010). Les concessionnaires déplorent néanmoins de nombreuses pertes matérielles (plus de 2000 pieux arrachés, nombreuses descentes, etc.). L’outil de production en mer a donc subi des dommages mais les caractéristiques de la tempête n’ont pas amené des pertes de cheptel amenant à des cessations d’activité.

35A terre, les zones conchylicoles ont été très endommagées. Les claires d’affinage ont été submergées, ce qui impose au moins de recommencer l’affinage. Les bâtiments ont subi des dégâts des eaux lorsqu’ils n’ont pas été détruits. Le matériel se trouvant à l’intérieur a été détruit ou endommagé, en particulier les moteurs des engins type calibreuses, ficeleuses, etc. Nombre de véhicules utilitaires ont aussi été perdus. De ce fait, les pertes en matériels stockés à terre rendent impossible à court et moyen terme l’activité conchylicole sur le secteur de l’Aiguillon sur Mer.

  • 6 Exemple de l’AP n°2010-5366 du 12 Mai 2010 de la préfecture de Charente Maritime.

36A ces pertes en cheptel et en matériel s’ajoutent, comme pour la pêche, des problèmes de dégradation de l’environnement qui ont poussé les préfectures6 à acter par arrêtés des fermetures sanitaires. La commercialisation des coquillages (élevage et gisements naturels) du secteur est donc interdite. Cette situation sanitaire, due au lessivage de certaines terres agricoles et à l’ennoiement ou la destruction partielle des systèmes d’assainissement, empêchera de plus une reconversion temporaire des conchyliculteurs vers la pêche à pied (nombreux sont ceux qui possèdent des licences).

Agriculture

37Les conséquences de la tempête Xynthia sur l’activité agricole, déjà affectée par différentes crises récentes comme celle du lait, ont aussi été très nombreuses. En effet, la rupture des digues (plusieurs brêches sur la digue au sud-est de la Dive et sur celle du Polder, au nord de la pointe de l’Aiguillon), a conduit à la submersion de près de 12000 ha de terres agricoles en Vendée et plus de 40000 ha en Charente-Maritime, soit 10 % des terres agricoles du département. Parmi les terres inondées, dont certaines se trouvaient à 15 km du trait de côte, deux tiers étaient en cultures (40 % étaient semées en céréales) et un tiers correspondaient à des prairies permanentes destinées à la pâture (Palleau, 2010).

38Les dommages consécutifs à la rupture des digues et à l’ennoiement qui s’en est suivi ont été très lourds. En effet, outre Les dommages occasionnés aux cultures en place, la destruction de matériel, la perte de bétail, ainsi que la dégradation des propriétés agronomiques des sols ont conduit à d’importantes pertes d’exploitation. Ces sinistres intervenus sont couverts au titre de l’assurance catastrophes naturelles (garantie tempête). L’indemnisation se fait à la hauteur de la valeur d’assurance déduction faite de la franchise prévue par la loi et qui s’élève par exemple à 10 % du montant des dommages pour le bétail noyé dans les bâtiments d’élevage. Néanmoins, certains dommages directs ne sont pas couverts par l’assurance multirisque agricole. C’est le cas des troupeaux noyés qui se trouvaient dans les prés, l’arrachage des vergers et des vignes, les pertes d’exploitation, les récoltes non assurables ou le matériel détruit. Ces dommages sont du ressort du Fonds National de Garantie des Calamités Agricoles (FNGCA), qui a été mis en œuvre par le Ministère de l’agriculture et dont l’indemnisation couvre jusqu’à 75 % des dommages.

39Les conséquences pour les plantes et le sol sont liées à la conjonction de la durée de l’ennoiement (de 2 à 15 jours selon les secteurs), de la hauteur de la lame d’eau et de sa salinité. Les conséquences sur les rendements sont fonction de la durée de submersion et du stade de la culture, par exemple des pertes de 0,6 talles par plante et 3 grains par épis pour 10 jours de submersion par de l’eau douce (Collaku et Harrison, 2002).

40La salinité provoquant le plus de dommages, la remise en état du système de drainage est une priorité pour en atténuer les répercussions. Une campagne d’analyse de la salinité a été organisée par les Chambres d’Agriculture avec le concours financier des Conseils Généraux (Chambre d’Agriculture 17, 2010). Mais les conditions pluviométriques défavorables des semaines qui ont suivi la catastrophe n’ont pas permis d’atteindre un niveau de désalinisation satisfaisant.

41C’est donc la question du devenir et de la pérennité de l’activité agricole sur le secteur qui se pose. Le milieu agricole demande depuis plusieurs années la remise en état, la consolidation voire le rehaussement des digues afin de garantir la protection des terres. Or, l’élaboration du zonage consécutif à la catastrophe fait craindre à certaines instances agricoles, comme la FDSEA 17 (Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles de Charente maritime), que certaines digues soient sacrifiées, ce qui rendrait certaines zones submersibles.

42En plus de la publication des arrêtés de catastrophe naturelle, un plan de soutien exceptionnel a été annoncé par le Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche et validé par la Commission Européenne. La rapidité de cet accord (moins de deux mois) montre la gravité de la situation. Ce dispositif d’indemnisation de 20 millions d’euros pour l’aquaculture et de 1,5 million pour l’agriculture comprend une aide au remplacement du matériel (jusqu’à 75 % du réinvestissement), et la mise en œuvre du Fonds National de Garantie des Calamités Agricoles et du Fonds d’Allègement des Charges (emprunts en cours et nouveaux emprunts). Il faut ajouter à ces aides nationales, la mise en place d’initiatives régionales telles que le Plan Tempête Régional ou le déblocage de fonds par les Conseils Généraux concernés. Néanmoins, compte tenu de l’importance des dégâts occasionnés par la tempête Xynthia, cet effort financier devra se maintenir sur le long terme afin de permettre aux professionnels de faire face à l’ensemble des répercussions.

La gestion du risque, élément majeur dans l’occurrence de la catastrophe

L’exposition au risque

43La tempête Xynthia a provoqué des conséquences dramatiques sur les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer. C’est que ce territoire qui est en réalité très familier des phénomènes de submersion marine. La configuration actuelle de la baie de l’Aiguillon et de ses marges est le résultat d'endigages successifs qui, du Moyen-âge au milieu des années 1960, ont isolé près de 100 000 hectares de l’ancien "Golfe des Pictons" pour créer le Marais Poitevin (Verger, 2009 ; Fig. 5). Ce territoire est caractérisé par une lutte permanente, pour éviter les entrées d'eaux marines sur les polders créés, protégés par une succession de digues. En moins de 200 ans, le paysage a donc considérablement évolué, les lignes de rivage ayant progressé au détriment de la mer sur une profondeur d’environ 15 km. Cette frénésie a même conduit à imaginer des projets fous comme celui de vouloir assécher toute l’anse de l’Aiguillon pour ne laisser qu’un unique passage pour la Sèvre niortaise.

Fig. 5 : carte des zones inondées avec localisation des victimes

Fig. 5 : carte des zones inondées avec localisation des victimes

44Le phénomène de submersion marine généré par la tempête Xynthia n'est pas anecdotique et l’on peut légitimement se demander à l’échelle historique si les sociétés vivant sur ces territoires ont fait preuve de résilience, ce terme renvoyant à la capacité d’un système à maintenir ses fonctions et à se réorganiser à la suite d’un choc (Bouchon, 2007), ou de leur ignorance des risques inhérents à résider dans ce type de zone. Pour l’historien T. Sauzeau "la mémoire des habitants enracinés, confirmée par les archives, enseigne bien la sensibilité permanente des villages à l’aléa de submersion, mais aussi la forte résilience des sociétés traditionnelles" (2010).

45De fait, depuis 1738 (traces écrites retrouvées), onze submersions, suffisamment importantes pour que la mémoire collective en garde une trace, ont pu être recensées (tabl. 1), soit une en moyenne tous les 25 ans (une par génération).

Tabl. 1 : les événements de submersion marine sur le secteur nord de la baie de l’Aiguillon, Vendée.

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1738

Submersion de terres entre Saint-Michel-en-L'Herm et L'Aiguillon-sur-Mer.

1740

Tempête qui conduit à une inondation jusqu'à Luçon.

1850

Un raz de marée provoque la submersion de centaines d'hectares à L'Aiguillon-sur-Mer et Saint-Michel-en-l'Herm.

27 octobre 1882

Submersion des digues des prises à La Faute-sur-Mer

1906

Submersion au nord de La Faute-sur-Mer.

21 mars 1928

Submersion au nord de la Pointe d'Arcay dans les secteurs de la Vieille Prise et de la Jeune Prise sur 120 hectares. Le village de La Faute-sur-Mer est alors une île.

1930

Fortes attaques de la mer détruisant une digue sur 800 m à La Faute-sur-Mer.

14 mars 1937

Rupture de la digue de protection du hameau de la Faute, des digues de l’Aiguillon-sur-mer et de Triaize.

16 novembre 1940

Rupture de la digue des Wagons à Triaizé, 3000 ha de terres cultivées submergées avec un coefficient de marée de seulement 88.

27 décembre 1999

Rupture d'une digue de protection à L'Aiguillon-sur-Mer submergeant environ 30 ha de terres agricoles avec un coefficient de marée de 77.

28 février 2010

Submersion d'une partie des communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer ainsi que la majeure partie des terres agricoles de la Baie de L'Aiguillon.

Sources : Archives départementales de la Roche-sur-Yon ; GARNIER et SURVILLE, 2010.

46Si on considère uniquement les submersions depuis le XXe siècle, la fréquence augmente à une tous les 15 ans. Le phénomène semble donc s'intensifier depuis le XXe siècle, surtout dans sa première moitié. Les services de l'Etat connaissent ce risque : dès le XIXe siècle, des ingénieurs ont été chargés de reporter sur des cartes les secteurs touchés par des phénomènes de submersion marine, les ruptures des cordons dunaires, … (Tenaud-Caillé, 1997). “En 1824, une lettre au préfet de la Vendée se lisait en ces termes ‘c’est d’ailleurs vers les marées d’équinoxe, que l’on doit particulièrement être en garde, parce que les grandes marées de ces époques, si elles sont accompagnées de coups de vent, sont celles qui peuvent faire le plus de mal’ (…) à la session de 1842, le Conseil général de la Vendée signale, en parlant des dunes ‘lorsque les mauvais temps correspondent aux époques des grandes marées, elles sont rongées par la mer et il est arrivé, à diverses reprises, que les terrains situés en arrière ont été envahis’” (Tenaud-Caillé, 1997). Le bourg de l’Aiguillon a été déplacé au XIXe siècle et la mise en valeur des zones humides et des dunes a provoqué leur affaissement, ce qui expose les maisons au risque d’inondation de la rivière du Lay.

47Le risque sur cette zone était donc connu. Précisons qu’il “sous-entend une présence humaine, la perception d’un danger potentiel plus ou moins prévisible par un groupe social ou un individu” (Meschinet de Richemond, 2007). L’accroissement de l’exposition de biens et de personnes dans des zones basses (2 à 4 m NGF), est un phénomène récent sur ces communes littorales. Les figures 5 et 6 illustrent la progression de l’urbanisation sur ces zones de la flèche sableuse, qui s’est elle-même construite à partir du début du XVIIe siècle. Jusqu’alors en effet, l’embouchure du Lay se situait à l’emplacement de “la Belle Henriette”, et la flèche n’existait pas. C’est son avancée progressive vers le sud-est qui a permis la poldérisation de l’Anse de l’Aiguillon, sans pour autant empêcher les submersions (tableau 1). Les cartes de la figure 6 montrent que l’urbanisation de La Faute-sur-mer s’est accélérée dans les années 1980 et le lotissement le plus touché n’existait pas sur la carte de 2006. Les zones les plus exposées, c’est-à-dire les plus basses topographiquement, ont été construites le plus récemment.

Un développement de l’urbanisation du littoral sans véritable régulation

48Pour comprendre l’ampleur du bilan humain de la tempête Xynthia, il faut s’intéresser aux formes spatiales du développement urbain. Les géographes nantais Jean Renard, Alain Chauvet ou encore Jacques Marcadon, s’interrogeaient déjà il y a plus de 30 ans au sujet du littoral vendéen “sur la nature et la quantité d’espace qui change(ait) de fonction, ainsi que sur la façon dont s’opér(ai)ent les transferts d’usage et de savoir aux dépends de qui et de quoi et au profit de qui et de quoi ?” (Renard, 1980). Ce processus d’urbanisation, qui a connu un tournant dans les années 1970, présente quatre traits principaux.

La très forte pression liée au développement du tourisme balnéaire

49La Vendée est le deuxième département touristique français par sa capacité d’hébergement dans les cantons littoraux, avec 660 000 lits en 2010, derrière le Var 865 000 lits, et devant les Alpes-Maritimes 656 000 lits (INSEE, 2010). La façade littorale départementale a enregistré la plus forte augmentation de la capacité d’hébergement touristique au niveau national entre 1990 et 2010, avec + 27,5 % du nombre de lits, loin devant les Alpes-Maritimes pourtant deuxième par son dynamisme, avec +23,9 % (+11,7 % pour l’ensemble du littoral français). Pourtant, en 1968, la Vendée n’est que le 6e département littoral français pour son parc de résidences secondaires avec 24 000 logements, alors que la Loire Atlantique est 3e avec 34 000 logements. En 2007, la Vendée est au 4e rang avec 108 000 logements et la Loire Atlantique 11e avec 70 510 (INSEE, 2007).

50Au tournant des années 1970, le littoral vendéen entre dans une ère d’urbanisation massive. Les lotissements et les immeubles collectifs marquent l’entrée sur le territoire d’opérateurs immobiliers disposant de capitaux et porteurs d’une ambition financière sans commune mesure avec celle des constructeurs précédents. “Aussi, voit-on ces opérations prises en charge par des entrepreneurs de bâtiment, des experts-fonciers ou comptables, des commerçants [dont les agents immobiliers], etc… mais aussi de véritables promoteurs de Challans ou Paris (SCI Merlin par exemple…)” (Chauvet, 1980). Comme à la Faute-sur-Mer, ces nouveaux acteurs introduisent le modèle de l’intégration verticale dans le processus d’urbanisation, de la propriété foncière à la commercialisation, en passant par la construction. L’urbanisation littorale change d’échelle.

… conjuguée à une activité agricole en perte de vitesse

51Ce développement urbain s’est fait à la faveur d’une activité agricole en perte de vitesse. La reconversion du foncier a été bien accueillie dans nombre de communes. Entre 1970 et 1980, la surface agricole utilisée des communes littorales vendéennes s’est réduite de 5,1 %, contre 2,5 % pour l’ensemble du département, traduisant ainsi une agriculture du littoral périmée”, comparée au “modèle dominant de l’agriculture vendéenne productiviste” (Renard, 1983).

52La déstructuration de l’agriculture traditionnelle des territoires littoraux vendéens, a provoqué une rupture du lien étroit qui existait entre la rive du marais (contact dune-marais) et le marais lui-même (Chauvet, 1980). Alors que les espaces à bâtir étaient limités sur les longs cordons dunaires de ce littoral, le processus d’urbanisation s’est diffusé dans un premier temps sur la rive, pour connaître ensuite une diffusion aux terres des marais, topographiquement basses.

… et à la prise de pouvoir des groupes d’intérêt liés au tourisme

  • 7L’analyse des élections municipales de 1977 sur le littoral vendéen révèle la profonde mutation su (...)
  • 8Après 1973…, La lecture de la presse régionale est éloquente sur ces nombreux conflits qui ont écl (...)

53Cette évolution par élimination du monde rural se traduit, au niveau des élections locales, par la transformation de la composition socio-professionnelle des conseils municipaux (Marcadon, 1980). Les groupes d’intérêts liés au tourisme investissent les instances de décision en portant haut les couleurs du développement local7. Les services de l’État tentent de limiter les ardeurs urbaines par des réflexions d’une autre échelle avec l’élaboration du Schéma d’Aménagement du Littoral Centre Ouest Atlantique (ALCOA, 1977). Des conflits apparaissent, entre l’administration et les élus locaux, d’autres sont parfois provoqués par les associations de défense de l’environnement, quelquefois ce sont les groupes d’intérêt locaux qui s’affrontent entre eux. Ces conflits ont été attisés par la mise en place des premiers POS, représentant pour nombres d’élus locaux le cadre réglementaire difficilement supportable de la fonction régalienne de l’État8.

… dans un contexte de régulation bien timide, le plus souvent exonérée de contraintes d’urbanisation

54De nombreuses municipalités ont été réticentes à adopter un POS synonyme pour elles de limitation des espaces à construire et il y a eu de nombreuses manifestations de mauvaise humeur d’élus devant ce qui était considéré comme des tracasseries de l’Administration. Des élus ont même parlé de « coup de force de l’Administration, de pression administrative contre la volonté des « élus » et « d’action autoritaire et sournoise” (Renard, 1980).

55Après cette phase d’hésitation, les premiers documents ont été approuvés et ils ont très largement distribué le droit de construire. Des travaux antérieurs ont comparé l’étendue des zones à vocation urbaine de ces premiers POS littoraux avec celle de communes intérieures, de population, de surface et de pression urbaine identiques : ces zones à vocation urbaine des POS littoraux offraient “… un rapport des surfaces… souvent de 1 à 10 … (Renard, 1980, Pottier, 1987). Ainsi, au début des années 1980, dans les 33 premiers POS littoraux de Vendée, 13000 hectares étaient réservés à l’urbanisation parmi lesquels trois quarts en dehors des tissus urbains existants (Renard, 1983).

  • 9C’est que le veau d’or touristique suscite les convoitises et qu’il ne s’agit pas de voir son vois (...)

56Nous avons vu que l’ampleur de la demande ne s’est pas heurtée à une agriculture capable de relever le défi de la concurrence pour le sol. Si l’agriculture avait mieux résisté, le processus aurait été différent, car marqué par une concurrence pour le sol et un modèle de développement plus ancré sur le local. Ce fut la cas à Noirmoutier avec la pomme de terre primeur sur le littoral, ou dans le vignoble nantais où l’agriculture dégageant de bons bénéfices à pu s’opposer au “tout urbain”. A l’inverse, les évolutions sociales ont toutes été marquées par une appropriation des pouvoirs locaux par des acteurs largement acquis, voire intéressés, au développement touristique résidentiel. Les agriculteurs étaient très majoritaires dans les conseils municipaux, mais leur importance a rapidement diminué ensuite, puisque leur place dans la société se réduisait. Il y avait de moins en moins d’agriculteurs et les autres professions portaient un autre projet de société. Il y a plus de 30 ans, les universitaires nantais avaient déjà dénoncé la spéculation foncière qui provoqua le sacrifice du sol et des espaces naturels sensibles au seul profit de l’urbanisation9.

57En Vendée, le littoral est composé de longs cordons dunaires souvent complantés d’une forêt de pins maritimes et isolant de nombreux marais et zones humides rétrolittoraux. Il a été très vite saturé de constructions là ou les dispositions étaient les meilleures, c’est-à-dire bien souvent au plus près de la mer : “A l’Aiguillon-sur-Mer, la colonisation des sables s’est faite dans le même sens qu’à La Faute-sur-Mer. A l’occasion des boursoufflures du massif dunaire, se sont développés deux quartiers urbains, articulés sur la route de la pointe” (Tessier, 1984). Le phénomène s’observe à partir de la succession de cartes IGN sur la figure 6.

Fig. 6 : évolution de l’urbanisation sur les communes de la Faute-sur-Mer et de l’Aiguillon-sur-Mer, entre 1959 et 2006 (sources : cartes IGN au 1/50000ème).

Fig. 6 : évolution de l’urbanisation sur les communes de la Faute-sur-Mer et de l’Aiguillon-sur-Mer, entre 1959 et 2006 (sources : cartes IGN au 1/50000ème).

58De 1959 à 2006, les forêts dunaires, rives de marais, marais et zones humides ont été en partie sacrifiés au développement résidentiel. Ce développement de la résidentialisation s’est fait au risque d’une dégradation d’un milieu naturel. La vulnérabilité de ces communes est liée à la difficulté de faire admettre un outil de régulation tenant compte des configurations géographiques et des secteurs sensibles. Pourtant, l’Etat a cherché relativement tôt à éviter que l’on continue à construire en bord de mer, non seulement pour protéger les espaces dits remarquables de la frange côtière, mais aussi pour limiter les risques : En dehors des espaces urbanisées, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres, à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs… Le plan local d’urbanisme peut porter la largeur de la bande littorale … à plus de cent mètres lorsque les motifs liés à la sensibilité des milieux ou à l’érosion des côtes le justifient” (Article L146 de la loi du 3 janvier 1986).

Une absence criante de culture du risque

59La vulnérabilité de cette zone au risque de submersion révèle l’inadaptation des dispositifs préventifs généraux. Pourtant, l’Etat s’est doté d’outils préventifs contraignants, à travers les PPRI qui en représentent depuis 15 ans l’un des éléments les plus structurants et opérationnels. Or, sur les 864 communes littorales de l’hexagone exposées au risque de submersion marine, à peine plus de 5 % avaient un PPRI approuvé au moment de l’épisode Xynthia. Sur le secteur qui nous occupe, le PPRI de l’estuaire du Lay avait fait l’objet d’un arrêté préfectoral du 7 juin 2007 pour l’application par anticipation sur les communes de la Faute-sur-mer et de l’Aiguillon-sur-mer. Cependant, sa mise en place ne s’est pas faite sans heurts : “la délibération du conseil municipal de la Faute sur Mer adoptée le 10 novembre 2009 à l’unanimité des élus présents (13 sur 15 ce jour-là) demande un report de 3 mois de l’enquête publique relative au PPRI. Cette enquête publique est incontournable pour pérenniser le PPRI qui prévoit de restreindre l’urbanisation dans la commune” (Libération, lundi 8 mars 2010, page 14). Par ailleurs, la commune concernée n’a pas adopté de Plan Communal de Sauvegarde (PCS) obligatoire depuis la loi du 13 août 2004. La question de la responsabilité des élus locaux est donc posée.

60Malgré quinze années d’expérimentation, ces lenteurs traduisent la difficulté du dialogue entre les services de l’Etat, à l’initiative de leur mise en place, les élus locaux, qui tentent bien souvent d’étendre l’espace constructible en “jouant la montre”, dans les espaces littoraux, les administrés peu informés qui participent à cette pression générale, les promoteurs immobiliers qui vont dans le même sens. Les PPRI sont plus appréhendés en termes d'inondation (communes fluviales) que de submersion marine, et ils sont centrés autour d’une problématique d'atteinte aux biens plus qu'aux humains. “Ces caractéristiques démontrent la nécessaire adaptabilité de ce type de plan aux communes littorales. C’est une explication possible du non-intérêt et du blocage de ces communes face à ce type de plan” (Anziani et al., 2010).

61Le PPRI de la commune de la Faute-sur-mer a été approuvé le 8 juin 2007. Il définissait des zones bleues constructibles sous conditions et des zones rouges inconstructibles. Ce zonage ne prenait pas en compte la micro-topographie. Ainsi, les zones basses entre 2 et 3m NGF en arrière de la digue le long du Lay, et de même altitude que les zones humides le long du petit fleuve côtier, étaient constructibles. Dans le PPRI, la seule contrainte était l’ampleur de la construction au sol par rapport à la superficie totale de la parcelle, le Coefficient d’Occupation des Sols (COS). Aucune contrainte architecturale, préconisant par exemple un vide sanitaire et surtout une pièce de survie à l’étage, comme cela est spécifié dans des PPRI d’autres communes (Jousseaume et Mercier, 2009), n’était mentionné dans le PPRI de ces communes vendéennes, alors que le mode architectural dominant est la maison basse de plain-pied. Le type de maisons construites dans les zones inondables constitue le facteur le plus aggravant pour la survie des populations. Aucune maison n’intègre le risque d’inondation en ayant la partie habitée à l’étage et il n’existe aucune maison sur pilotis. Cependant, depuis la catastrophe, la Préfecture de Vendée a prescrit par arrêté du 9 août 2010, l’établissement d’un nouveau PPRI de l’estuaire du Lay en prenant en compte les conséquences de la tempête Xynthia. Le niveau marin de référence est de 5,70m NGF, soit les 4,70m des eaux maximales au moment de Xynthia, majoré d’un mètre pour tenir compte des effets prévisibles du réchauffement climatique sur l’élévation du niveau marin comme le demande la circulaire interministérielle du 7 avril 2010. Ceci étant, ce niveau décrété ne repose sur aucune étude approfondie. Par ailleurs, dans le nouveau plan, la création d’un niveau refuge devient une règle, pour toutes les zones du PPRI.

62Ces éléments récurrents traduisent l’absence d’une culture partagée du risque. Du reste, ce terme n’est que récemment utilisé par les responsables politiques, soulignant le retard français par rapport à d’autres pays européens dans ce domaine. C’est ce que rappellent Dubois-Maury et Chaline (2004), pour qui le développement d’une culture du risque doit passer par une suite de démarches raisonnées qui impliquent : (1) l’information de toutes les populations susceptibles d’âtre soumises à un risque sur les comportements à observer en cas d’urgence, qui vont des réflexes de sauvegarde jusqu’au confinement ou à l’évacuation (2) des exercices de préparation ou de simulation, basés sur des scénarios prévisibles, pratiqués dans certaines agglomérations (3) un effort particulier de préparation au risque à l’adresse de “membres-clés” identifiables dans toute société (p. 188). Si la prévention des risques est inscrite dans la loi, son efficacité est à revoir. La politique de prévention des risques d’inondation en France repose aujourd’hui trop sur le zonage (De Vanssay, 2004 ; Scarwell et Laganier, 2004). Les efforts de pédagogie auprès des populations exposées constituent l’un des principaux points faibles du dispositif français. Or, de nombreuses études ont montré l’efficacité de la préparation psychologique et mentale des populations exposées (Weichselgartner, 2004 ; De Vanssay, 2004 ; Ruin, 2009).

63Par ailleurs, le problème est accentué dans les territoires caractérisés par une faible fréquence des catastrophes naturelles, ce qui est le cas de la grande majorité de l’espace français, dont font partie les communes littorales touchées par les surcotes enregistrées à l’occasion de la tempête Xynthia. Si l’on peut espérer maintenir la vigilance des populations des régions du sud-est de la France exposées aux crues-éclair, du fait de la fréquence élevée des aléas de forte intensité, comment y parvenir dans des régions où cette fréquence est 10 à 20 fois moindre ?

Conclusion

64Dans la gestion de l’après-crise, encore en pleine évolution au moment de l’écriture de cet article, bien des éléments sont venus illustrer l’incohérence des annonces adressées par les pouvoirs publics aux populations. Au cours de cette phase, qui a débuté en avril 2010 et se poursuit en cette fin 2010, ce sont les décisions contradictoires de l’Etat dans le temps (création, modification et diminution des “zones noires”) qui ont cristallisé les mouvements d’humeur. Les sinistrés se sont organisés en associations pour infléchir l’application de mesures radicales, dans un premier temps. La légitimité des “zones noires”, rebaptisées “zones de solidarité” dans l’urgence et sous la pression a été contestée. De fait, l’extrême rapidité avec laquelle elles avaient été délimitées les rendait a priori suspectes, ce qui a conduit à des expertises complémentaires entre juin et juillet 2010. En Vendée, sur 823 biens rapidement délimités, 508 avaient fait l’objet d’un accord de rachat entre le propriétaire et l’État au 30 août 2010. Les batailles juridiques ne font que commencer. Fin avril, le Préfet de Vendée a été sommé par le tribunal administratif de Nantes, saisi en référé par l’Association des Victimes des inondations de Vendée, de communiquer les documents concernant les conditions d’élaboration des “zones noires”. Certains sinistrés dont l’habitation est classée en “zone noire” ont entamé des travaux de réparation.

65Cette gestion d’après-crise est pour l’instant très dommageable sur le long terme, car elle affaiblit le climat de confiance nécessaire à l’élaboration d’une culture du risque dans notre pays. Par ailleurs, l’avènement d’une culture du risque suppose que tous les acteurs de la catastrophe s’interrogent sur leur propre responsabilité. Jusqu’au placement en garde à vue de personnalités politiques près de 14 mois après l’épisode Xynthia, l’Etat semblait désigné comme le principal responsable de la catastrophe, la part de responsabilité de certains élus locaux étant occultée jusque là. Les scientifiques doivent par ailleurs améliorer leurs prévisions et simplifier leurs messages. La reconnaissance des différentes responsabilités est l’une des clés pour tirer les leçons des décisions prises localement.

66A une autre échelle temporelle, la catastrophe Xynthia et ses prolongements sont révélatreurs de la faiblesse de la conscientisation des risques sur ces territoires vulnérables et de la profondeur de la déresponsabilisation collective. Les générations précédentes étaient moins démunies de ce point de vue. L’effort de pédagogie et de dialogue à y déployer n’en est que plus grand.

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Egalement consultés :

Archives départementales numérisées de la Vendée, http://archives.vendee.fr/

Blog de l'ancien maire de Longeville-sur-Mer, passionné par l'histoire de l'Ile de la Dive, http://ladive85.canalblog.com/

http://www.littoral.ifen.fr/fileadmin/user_upload/lettres/capacite.pdf

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Notes

1 Bulletin climatologique mensuel, février 2010, Charente-Maritime, n°62, 4 p : pression atmosphérique au niveau de la mer à La Rochelle (aéroport de Laleu).

2 http://france.meteofrance.com/france/actu/actu?portlet_id=50150&­document_id=22­089

3 http://france.meteofrance.com/france/actu/actu?portlet_id=50150&­document_id=22­089

4 Les filières sont utilisées pour l’élevage en mer. Elles sont constituées de deux corps morts entre lesquels un câble supporte soit des cages, soit des bouts, les deux étant des supports pour l’élevage des coquillages.

5 http://www.cnc-france.com/index.php?rub=2

6 Exemple de l’AP n°2010-5366 du 12 Mai 2010 de la préfecture de Charente Maritime.

7L’analyse des élections municipales de 1977 sur le littoral vendéen révèle la profonde mutation subie par la région en 25 ans. Alors qu’en 1953 et 1959 les agriculteurs sont majoritaires dans les communes littorales et que les professionnels de la pêche sont présents dans les ports, en 1971 et surtout 1977 ils ont laissé la place aux commerçants, artisans, professions libérales et cadres supérieurs et l’on voit apparaître cadres moyens et employés…” J. Renard, 1980, p. 16.
La répartition socioprofessionnelle du conseil actuel montre que l’influence des agriculteurs (ils ne sont plus que 5) et des pêcheurs (2) ne cesse de décliner…”, A. Chauvet, 1980, p. 59.

8Après 1973…, La lecture de la presse régionale est éloquente sur ces nombreux conflits qui ont éclaté tant à l’île d’Yeu, qu’à Noirmoutier, Longeville ou au Château d’Olonne, conflits qui tournent tous autour des droits à construire déterminés par les POS” ,Renard, 1980, p.14.

9C’est que le veau d’or touristique suscite les convoitises et qu’il ne s’agit pas de voir son voisin en zone NA, alors que l’on est soi-même en zone NC ! (Marcadon, 1980, p. 82).
Plus révélatrice encore des rapports de force et des enjeux est la connaissance de la composition sociale des élus participants aux groupes de travail des POS. A côtés des maires, et par souci de compétence mais aussi d’intérêts, ce sont des notaires, agents immobiliers, entrepreneurs de maçonnerie, propriétaires et commerçants qui vont siéger dans ces commissions et ainsi faire les choix qui orienteront la politique de la commune… (…) Un tel choix ne fait qu’accentuer la satisfaction des besoins du tourisme” (Renard, 1980, p. 17).
Ainsi, depuis plus de 20 ans on constate que l’Administration et les rares élus soucieux de vouloir organiser ou tempérer la consommation d’espace à des fins touristiques sont régulièrement dépassés face aux ‘coups partis’ (Renard, 1983, p. 179).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Trajectoire et dynamique de la tempête Xynthia
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/23763/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 164k
Titre Fig. 2 : les valeurs de vent maximal instantané quotidien à la Rochelle de 1958 à 2008
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/23763/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Fig. 3 : Simulation de surcote sur le centre-littoral atlantique.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/23763/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Fig. 4 : localisation des infrastructures conchylicoles sur le secteur de l’Aiguillon
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/23763/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 92k
Titre Fig. 5 : carte des zones inondées avec localisation des victimes
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/23763/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 184k
Titre Fig. 6 : évolution de l’urbanisation sur les communes de la Faute-sur-Mer et de l’Aiguillon-sur-Mer, entre 1959 et 2006 (sources : cartes IGN au 1/50000ème).
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/23763/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 198k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Etienne Chauveau, Céline Chadenas, Bruno Comentale, Patrick Pottier, Amandine Blanlœil, Thierry Feuillet, Denis Mercier, Laurent Pourinet, Nicolas Rollo, Ion Tillier et Brice Trouillet, « Xynthia : leçons d’une catastrophe », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Environnement, Nature, Paysage, document 538, mis en ligne le 09 juin 2011, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/23763 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.23763

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Auteurs

Etienne Chauveau

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
etienne.chauveau@univ-nantes.fr

Céline Chadenas

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
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Bruno Comentale

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
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Patrick Pottier

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
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Amandine Blanlœil

Etudiante en Master 2 de Géographie, Université de Nantes, France
amandine.blanloeil@univ-nantes.fr

Thierry Feuillet

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
thierry.feuillet@univ-paris4.fr

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Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
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laurent.pourinet@univ-nantes.fr

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Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
nicolas.rollo@univ-nantes.fr

Ion Tillier

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
ion.tillier@univ-nantes.fr

Brice Trouillet

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, France
brice.trouillet@univ-nantes.fr

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