Jean-Paul JOUARY
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Date de création : 27.09.2009
Dernière mise à jour :
29.09.2012
6 articles
Petite philosophie de la crise
Jean-Paul Jouary[1] Si la situation apparaît politiquement consternante, économiquement catastrophique et socialement problématique, du moins s’avère-t-elle philosophiquement fort intéressante. Deux concepts s’articulent sous nos yeux d’une façon inédite. Le concept d’ « économie réelle » d’abord : les mêmes libéraux de bords divers et les mêmes journalistes, qui depuis des décennies de libéralisme officiel nous enivraient de discours sur le thème du marché financier planétaire seul moteur du progrès économique, viennent de découvrir que la crise financière actuelle se retourne contre l’ « économie réelle ». Mais alors, le libre jeu des puissances financières n’étaient donc pas réellement de l’économie ! Le concept de « morale » ensuite : si ce cataclysme survient, la faute en serait à quelques « voyous » clandestinement introduits dans un système en lui-même vertueux ou neutre, selon les versions, si bien qu’il conviendrait de « moraliser le capitalisme ». Il faut dire que nos philosophes officiels, c’est-à-dire médiatisés à longueur d’année, ne cessent de théoriser ces paradoxes soit en encensant le système en place, soit en proclamant l’étanchéité de la séparation politique/économie/morale, soit en jouant les engagés subversifs chouchoutés par les puissants. Jetons un coup d’œil sur quelques pensées plus modernes. Karl Marx, bien sûr, avait analysé en détail les contradictions qui affectent le capital en proportion de son accumulation, et ce qui en découle pour ceux qui le créent par leur travail physique et intellectuel. Mais Marx est mort, il est vrai. Avant lui, Jean-Jacques Rousseau remarquait dans son Projet de constitution pour la Corse que plus la monnaie joue un rôle éminent dans une société, plus les inégalités se creusent et répandent la plus grande misère. Mais Rousseau est enterré, il est tout aussi vrai. Cherchons donc un penseur que l’on ne puisse accuser de tentation totalitaire, et lié depuis des millénaires aux plus grandes inspirations religieuses : Aristote, au IV° siècle avant JC, distinguait et opposait deux fonctions de la monnaie. Lorsque la monnaie s’avère nécessaire pour les échanges, comme équivalent général commode et non périssable, elle est certes une convention mais elle demeure « conforme à la nature », admettait Aristote dans Politiques, I. En revanche, lorsque la monnaie devient le point de départ et d’arrivée de l’échange, alors elle emprunte une autre fonction d’accroissement de richesse, « contraire à la nature ». Et de citer le prêt avec intérêt et la position de monopole. Il est vrai que dans un cas la monnaie est moyen entre deux besoins humains que l’échange vise à satisfaire, et que dans l’autre elle est principe et fin de l’échange, les besoins humains devenant des moyens d’enrichissement des uns au détriment des autres.
Vingt cinq siècles plus tard, c’est bien la domination d’une circulation purement monétaire sur l’ « économie réelle » que nos fins observateurs et responsables politiques font semblant de découvrir et regretter, alors que le capitalisme moderne a érigé cette perversion en logique unique de toutes les relations sociales. Comment alors « moraliser » cette logique si en son principe même elle subordonne les vies humaines à des impératifs de rentabilité financière sans rapport avec les besoins ou avec les valeurs humaines ? C’est en souvenir d’Aristote que le christianisme a condamné dans sa doctrine romaine tous les métiers conduisant à la spéculation monétaire. Aujourd’hui encore, l’Eglise ne cesse de rappeler cette position fondamentale. Au lieu de délirer sur l’impossibilité d’être moral sans religion, les présidents Georges w. Bush et Nicolas Sarkozy, s’ils s’en souciaient le moins du monde, devraient méditer cette impossibilité de concilier les valeurs chrétiennes avec le principe même du capitalisme. Si Kant a établi la condition de toute moralité dans la nécessité de considérer toujours l’homme comme une fin et jamais seulement comme un moyen, alors le capitalisme est immoral en son principe, et pas seulement dans ses excès de voyous, qui n’en sont que l’explosion anecdotique. N’en déplaise à nos philosophes adulés par les médias, comme à nos libéraux de la vraie droite, de la fausse gauche ou de l’extrême centre.
Mais ne boudons pas les avancées de la pensée humaine : il est enfin établi par tous, dans les discours, que la finance n’est pas l’économie réelle, et que leur contradiction est immorale. Dans les discours. Encore un effort…
[1] Philosophe. Derniers ouvrages parus (aux Editions Milan) : Je vote donc je pense, la philosophie au secours de la politique (2007), et Philosopher. Et si c’était facile ? (2008).
Tous philosophes d'un jour
Jean-Paul Jouary
(Professeur de philosophie, écrivain)
Une fois par an dans toute la France, et cela donne le vertige, des centaines de milliers de jeunes adultes passent quatre heures à concevoir et rédiger une réflexion personnelle, à l’occasion des épreuves de philosophie du baccalauréat. Ils seront ensuite notés non pour ce qu’ils auront cherché à apprendre, mais pour ce qu’ils auront appris à chercher. Toute l’année, ils auront éprouvé les souffrances - et souvent aussi les joies profondes, dérangeantes - de la réflexion philosophique, la mise en contradiction de soi avec soi, la façon apparemment abstraite d’aller au cœur de leur vie. Partis le plus souvent à la recherche de réponses, les meilleurs parviendront à avoir question à tout, à acquérir un esprit critique raisonné, ce qui fréquemment aura porté la saine dispute par-delà les murs des lycées, dans les soirées familiales et amicales. On comprend que cet enseignement populaire de la philosophie, dont rêvait Diderot, soit toujours la cible des railleries de certains, et des attaques de quelques autres.
On comprend aussi que l’intérêt croissant pour cette singulière discipline soit toujours un bon signe pour la démocratie et l’épanouissement humain. Grâce à son poids dans notre système éducatif, des millions de concitoyens la cultivent ensuite par la lecture, et aussi par la participation aux nombreux « cafés philosophiques », « universités populaires » et autres multiples initiatives qui témoignent à la fois de l’intérêt que la philosophie suscite dans notre pays, et de la conscience largement partagée que ce type de réflexion joue un rôle essentiel aussi bien dans la construction de la citoyenneté que dans la pleine maîtrise de la vie personnelle. Que ce soit dans ces lieux ou en classes terminales, cela prend toujours l’allure d’une aventure intime et collective : loin d’inviter à s’agenouiller devant les grands auteurs, leur fréquentation bouscule au contraire cette dérisoire tentation et contraint chacun à penser. Il faut dire que, sans parler des plus proches de nous, Platon ou Aristote, Diogène ou Epicure, apparaissent vite plus modernes que nos diseurs de certitudes médiatisées.
On lit ici ou là que cette popularité nouvelle de la philosophie traduit une recherche de « repères ». Oui et non. Oui, si l’on entend par là que la faillite des « idéologies » et des formes institutionalisées de politique, comme l’effacement des systèmes de valeurs traditionnelles qui dictaient les conduites individuelles de l’extérieur, obligent chacun à devenir l’auteur de sa propre vie. En même temps, cette réponse est contestable car les sectes, intégrismes et archaïsmes divers répondent mieux que la philosophie au besoin de nouvelles certitudes. Or ce que l’histoire humaine déconstruit sous nos yeux, ce n’est pas seulement une réponse aux problèmes posés, mais le principe même d’une réponse figée, pré-établie. Si la philosophie affirme comme jamais sa nécessité, c’est parce qu’elle n’est pas « sagesse », mais « désir de sagesse », c’est-à-dire mouvement, recherche, résistance, acceptation d’un vide, d’un déséquilibre intérieur soudain, d’une « révolte intime » au sens où l’entend Julia Kristeva. La leçon commune de Socrate et de Nietzsche, par-delà leur opposition, c’est que toute cohérence est une construction provisoire et que, par-delà toutes les cohérences patiemment construites, seule ce que Gilles Deleuze appelait la « chaos-errance » demeure. Chaque forme historique de la raison a ainsi été déconstruite par le mouvement même de la raison. La philosophie est ainsi indissociable du processus de libération humaine.
Ainsi, les sciences découvrent-elles de l’aléatoire au cœur même des lois, tandis que les sociétés découvrent la vanité des modèles préconçus, que l’initiative humaine déborde toujours par sa créativité propre. C’est ce mouvement de la vie, l’irréversible novation au cœur des déséquilibres, que ressent celui ou celle qui se lance dans l’action, dans la création artistique, dans le sentiment amoureux, ou dans la réflexion philosophique, aussi bien au lycée que dans les diverses rencontres philosophiques. Chaque année en France, le jour où des milliers et milliers de jeunes rédigent leur dissertation, se consolide un barrage contre toutes les formes de tournure en dérision de la pensée théorique et des intellectuels. Un barrage toujours précaire, toujours à reconstruire. La popularisation de la réflexion philosophique est sans doute ce qu’on a inventé de mieux contre toutes les formes de populisme.
Il y a le jour de la musique et celui des voisins, celui de l’opéra et celui des musées, celui du téléthon et celui de la lutte contre le sida, celui de l’Europe et celui des enfants. Cela se fête un jour, mais chacun sait que ce jour ne doit pas être unique, mais inviter chacun à y penser tous les autres jours. Et si, pour ne pas réserver la réflexion philosophique au lycée ou aux rencontres où se pressent ceux qui l’ont déjà rencontrée, on instituait une « journée de la philosophie », dans des cafés et des jardins, des cinémas et des établissements divers, une journée pour réfléchir, débattre et apprendre collectivement ? Une journée juste avant le baccalauréat par exemple, dès l’an prochain, en cette fin de mai ou début juin où l’on raconte que fut condamné et mis à mort Socrate qui fut, selon le mot de Maurice Merleau-Ponty, le début et la fin de la philosophie…