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Aurélien Rougerie au Figaro : «Je n’ai pas d’ambition politique»

FAUGERE FRANCK/PRESSE SPORTS

Le héros emblématique de Clermont a remisé ses crampons en mai, après son 419e match. Il vient de publier un livre de Mémoires - Ma vie en jaune et bleu - où il décrit les changements profonds de son sport.

Vercingétorix peut souffler. Sa haute silhouette va continuer à dominer la place de Jaude à Clermont. Le chef gaulois ne sera finalement pas déboulonné au profit d’un autre guerrier blond nommé Aurélien Rougerie. On plaisante ? Oui, mais à peine. Car depuis que la légende de l’ASM, l’équipe de rugby de la capitale historique de l’Auvergne, a annoncé qu’il remiserait définitivement les crampons en mai dernier, l’idée fait son chemin chez les supporteurs. Autant dire chez une grande majorité des habitants de la ville. Il va d’ailleurs l’avoir sa statue, le grand Aurélien. Sur le parvis du stade Marcel-Michelin, théâtre de ses exploits pendant près de deux décennies.

L’idée en revient à un généreux mécène, Isidore Fartaria, patron de Labo France, une entreprise locale florissante. Sur un socle en lave de Volvic de 6 tonnes, où seront gravés les noms des joueurs qui ont marqué l’histoire du club, se dressera une statue en bronze du plus emblématique de ces héros. Grandeur nature, soit 1,93 m. Le moment représenté est hautement symbolique : le capitaine soulevant, le 29 mai 2010, le fameux bouclier de Brennus qui honore le champion de France. Un titre, enfin, après dix finales perdues entre 1936 et 2009. Allégorie du démiurge brisant la malédiction…

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Ce monument à sa gloire, qui sera bientôt inauguré, Aurélien Rougerie l’appréhende avec une pointe de gêne. S’empressant de «remettre les choses à leur place». «Il ne faut pas oublier que le rugby est un sport collectif. Que sans les autres, je ne serais rien…» Mais les autres, pour la plupart, n’ont fait que passer sous le maillot jaune-et-bleu. Quand lui, l’enfant du pays, est devenu l’idole de tout le peuple arverne par sa fidélité.

Né à quelques kilomètres de Clermont (à Beaumont) en 1980, il a effectué ses premiers plaquages à l’ASM à 8 ans, signé son premier contrat professionnel en 1999, tiré sa révérence en 2018. Après 19 saisons à défendre les mêmes couleurs. « Je suis une espèce en voie de disparition, rigole l’ex-trois-quarts. L’appât du gain étant de plus en plus fort, je suis pratiquement sûr qu’une carrière comme la mienne, dans un seul club, ça n’arrivera plus… »

« Ces histoires de gros sous nous rapprochent de nos homologues du ballon rond »

Aurélien Rougerie

Une certitude nourrie par l’expérience. Comme il le développe dans son autobiographie Ma vie en jaune et bleu(Marabout),il a vécu les changements profonds de son sport, passé professionnel au mitan des années 1990. Avec son escorte de dérives. Pas encore le football, mais plus tout à fait le rugby. «Ça va trop loin, trop vite. Ces histoires de gros sous nous rapprochent de nos homologues du ballon rond. C’est un peu difficile à vivre, déplore l’ancien ailier du XV de France (76 sélections de 2001 à 2012). On ne va pas pouvoir continuer à ce rythme-là. On a déjà perdu de l’insouciance. Le rugby devient un travail répétitif et un peu chiant. Heureusement que la passion est là, car, vu les contraintes physiques, tu dois aller chercher très loin tant tu te fais mal. Sans cette passion, le rugby serait déjà mort.»

À Clermont, il a tenté de repousser les démons, de préserver les valeurs. «Les mentalités changent un peu, acquiesce “Roro”. J’essaie de choyer les valeurs, de les transmettre. J’ai été élevé avec, et elles me sont chères. J’ai parfois dû taper sur les doigts de quelques jeunes pour qu’ils sortent de leur chambre et viennent discuter plutôt que de rester devant leurs jeux vidéo. Mais je ne peux pas lutter contre les mentalités qui changent dans notre société. On vit avec les écrans. On est de plus en plus esseulé, on discute moins. C’est pareil dans les vestiaires. Il y a moins d’échanges. Dès que l’entraînement est fini, ils sautent presque tous sur leurs téléphones… Donc, oui, nos valeurs commencent à être écornées. Heureusement, la pratique de ce sport exige de la solidarité et de l’abnégation. Veillons à les cultiver.»

« Président de l’ASM ? Je ne dis pas non, on verra »

Aurélien Rougerie

La transmission. Un credo dans la famille Rougerie. Son père, Jacques, pilier surnommé «le Cube», a joué les terreurs à l’ASM dans les années 1970. Sa maman, Christine Dulac, était l’une des «Demoiselles de Clermont», ces basketteuses qui, à la même époque, régnaient sur le championnat de France et atteignirent la finale de la Coupe d’Europe à cinq reprises. Un double héritage qu’Aurélien s’attache à honorer. Et la relève s’annonce. Ses fils, Mathis (10 ans) et Aaron (6 ans), taquinent déjà le ballon ovale. «L’esprit des copains n’a pas bougé, apprécie, soulagé, leur célèbre papa. Les racines sont toujours là.» Le plus grand est déjà un réel espoir en « moins de 12 ans » et rend sa maman, Amandine, et sa sœur jumelle, Louane, fières de lui. Pour perpétuer la dynastie ?

Car les Rougerie composent une famille qui compte à Clermont. La mère d’Aurélien est deuxième adjointe au maire, en charge des sports, des grands événements et de la promotion de la ville. Son père y fut un dentiste réputé. «On ne recherche pas forcément la reconnaissance, mais on a cette envie d’entreprendre», résume Aurélien Rougerie. Qui s’accommode de son statut d’icône. «Je reçois beaucoup de témoignages de sympathie et de respect. Cette reconnaissance est touchante.» Il s’empresse cependant de préciser que, lui, ne brigue rien. «Je n’ai pas d’ambition politique !» Il serait pourtant plébiscité.

Pour son dernier match, au « Michelin », le 6 mai, ils étaient en effet près de 20 000 à arborer des masques à son effigie, des calicots barrés d’un «Merci Roro». Le quotidien local, La Montagne, lui avait consacré un hors-série de… 100 pages ! Et une exposition lui est dédiée. Pour trois mois «au minimum», précise l’affiche. Lui a décidé de rester au sein du club. Il sera dans un premier temps chargé du recrutement, avec des voyages en Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud et ailleurs, en quête de la nouvelle star. On lui prédit un avenir d’entraîneur, de dirigeant. Le futur président de l’ASM ? «Je ne dis pas non, on verra», sourit Aurélien Rougerie. Avant de conclure sur une certitude. «Un retour sur le terrain est complètement exclu.» Pour un compteur à jamais bloqué à 419 matchs disputés en jaune-et-bleu.

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