Elle a 50 ans et elle assume avec classe et éclat. Parce qu’on aimerait toutes lui ressembler, Sophie Fontanel a demandé à Ines de la Fressange ses conseils mode et beauté pour faire de l’âge un allié. Quelle leçon ! Photos Sylvie Lancrenon. Par Sophie Fontanel. Le 4 février 2008  

 

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   ELLE. Comment réagir quand on réalise qu’on perd le visage de sa jeunesse ?  

 

   Ines de la Fressange. « Hou là, mon but n’est pas de garder la tête que j’avais à 20 ans, ce serait morbide ! Mon but, c’est d’avoir une tête bien aujourd’hui. Je veux être au mieux de ce que je peux, sans exiger de moi d’être celle que j’étais avant. Il faut de l’indulgence avec soi-même. »

 

   ELLE.     Un raccord beauté dans la journée ?  

 

   I.F. « Me recoller un coup de fond de teint compact, que je garde dans mon sac. Mais, à vrai dire, j’oublie la plupart du temps. C’est pas mal, aussi, de voir, vers le soir, son visage fatigué et de l’accepter. Parce que c’est l’indice que c’est le moment de lâcher prise et d’aller se reposer. »

 

   ELLE. Un secret pour être bien maquillée à 50 ans ?  

 

   I.F. « La peau pâle si les yeux sont maquillés. La peau un peu bronzée si les yeux sont naturels. Ne pas briller. Et pas de blush mis tout droit comme une peinture de guerre. La guerre, on ne la fait plus. Mais, le plus important, c’est surtout de se démaquiller, ce que tant de femmes ne font pas. »

 

   ELLE. La crème de jour idéale ?  

 

   I.F. « Déjà, le mieux, c’est de ne jamais mettre de savon sur son visage ni beaucoup d’eau. Plutôt une lotion, un lait. C’est quelque chose que je sais depuis des années et qui a bien aidé ma peau. Sinon, je me mets la Crème de La Mer, et Précision, de Chanel. Je choisis beaucoup les crèmes sur le packaging. Il est hors de question d’avoir un truc moche, trop prétentieux et compliqué pour me faire belle. »

 

   ELLE. Le comble du maquillage raté ?  

 

   I.F. « Je suis toujours navrée quand je vois un visage nacré, brillant, pailleté... Ça peut être beau si c’est fait par un grand maquilleur de studio et uniquement pour une photo sur papier glacé. Quand ça m’est arrivé, ça ne venait pas de moi, les maquilleurs s’en étaient chargés. Trop d’anticernes plus trop de fond de teint et je deviens terreuse comme le Languedoc-Roussillon. »

 

   ELLE.     Un truc qui rend moche à coup sûr ?  

 

   I.F. « Sur moi, ce serait les cheveux plaqués en arrière plus les yeux trop maquillés avec, encore en plus, du vert. Mais je suis pour essayer tout, comme ça, après, on sait. »

 

   ELLE.     Un maquillage qui fait prendre vingt ans ?  

 

   I.F.     « Eh bien, c’est simple : tu commences par te coller trop de fond de teint et, en plus, un fond de teint soleil, trop foncé. Puis tu te maquilles à fond les yeux. Et ensuite, non contente d’avoir déjà fait tout ça, tu ajoutes un trait de contour des lèvres plus un rouge à lèvres un peu nacré vieil orange-bordeaux et, là, normalement, tu t’es bien ratée, y a pas de problème ! »

 

   ELLE. Comment se maquiller le soir ?  

 

   I.F. « Alors là, rien n’est pire que de se pomponner pour sortir. C’est pas moderne, ça. Moi, je suis pour être naturelle le soir, propre et fraîche et, en revanche, plus rock et maquillée le matin. Ça, c’est gai ! »

 

   ELLE. Attitude face à la chirurgie esthétique ?  

 

   I.F. « Je ne fais pas attention à mes rides, je m’éloigne du miroir, c’est tout. Quant au Botox, par exemple, j’y penserai le jour où j’admirerai le résultat. Pour le moment, je trouve ça toujours raté. ».

 

   ELLE. Un grand merci à qui, au niveau beauté ?  

 

   I.F. « A la mode. Au fait d’avoir été mannequin. Des créateurs et des photographes m’ont obligée à essayer des looks, à sortir de moi-même. Je le dis et je le redis : sans le risque, pas de beauté. »

 

   ELLE. Un conseil shopping pour une femme de 50 ans ?  

 

   I.F. « Filer directement au rayon jeunes quand on est chez Zara ou chez Mango. Rien n’est pire que de se ranger comme ça sagement dans sa catégorie, au nom de quoi ? L’autre jour, j’ai acheté un pantalon vieil or chez Mango. Je pensais le porter décalé avec des choses très sobres, l’arranger un peu. Bon, eh bien, il a fallu aller le changer. Mais je préfère ça à ce que serait ma vie si j’achetais des jupes grises de madame. »

 

   ELLE. Liste des dernières erreurs d’achat ?  

 

   I.F. « 1. Une robe en laine vert pâle avec des perles au col et aux manches, en taille XS, qui irait, disons, très bien à ma fille de 13 ans ! 2. Une robe à strass que je comptais porter en débardeur et que je ne mets pas. 3. Une robe avec un imprimé cravate alors que les motifs ne me vont pas. »

 

   ELLE.     Comment choisir dans une boutique ?  

 

   I.F. « Alors, évidemment, ça dépend de la boutique. Mais, bon, dans celles où les vêtements sont ravissants, moi, j’ai tendance à vouloir ce que porte la vendeuse. Par exemple, chez Isabel Marant, si Judith, une des vendeuses, le porte, ça veut dire qu’elle sait que c’est confortable et que ça va avec tout. Et ça veut dire aussi que j’ai encore la pulsion de m’identifier à des personnes jeunes et je trouve ça joyeux. »

 

   ELLE. Une pulsion d’achat irrésistible ?  

 

   I.F. « Je peux aller vite fait sur les pulls vert-de-gris, lesquels ne me vont absolument pas, mais je trouve cette couleur tellement chic ! »

 

   ELLE.     Sa quête infinie en mode ?  

 

   I.F. « Je cherche depuis toujours le pull bleu marine idéal. Avec le bon col V, la bonne longueur, le bon cachemire. Bien sûr, j’en trouve mais, finalement, en le portant, il y a toujours quelque chose qui cloche. C’est ça qui est beau dans la mode, si on s’arrête, on prend dix ans. »

 

   ELLE. Un conseil pour s’arrêter pile avant une erreur d’achat ?  

 

   I.F. « Je ne pense pas à mon âge. Mais je me demande : “Si j’achète ce truc, est-ce que j’ai envie de le mettre ce soir ?” Si la réponse est non ou si la réponse est, au choix : “C’est pour le mettre chez moi” ou “C’est pour mettre si un jour il y a une fête”, c’est qu’il faut se tailler vite fait de la boutique. »

 

   ELLE. Un vêtement qui va à tout le monde ?  

 

   I.F. « Une robe noire, évidemment. Un col roulé noir, même si beaucoup de femmes ont des préjugés avec les cols roulés et s’imaginent qu’il faut toujours montrer le maximum de peau... A un moment, on n’a plus envie de montrer tant de peau. Mais notez que, même jeune fille, je n’aimais pas tout montrer. »

 

   ELLE. Un truc cinglé dans ses placards ?  

 

   I.F. « J’ai deux portants cinglés, l’un avec “les fringues affreuses que j’ai quand même envie de garder” et un autre avec “les fringues sublimes mais qui ne sont pas du tout moi, que j’ai quand même envie de garder”. Et je trouve que ce rapport aux vêtements est sain, joyeux, vivant, c’est ce qui fait que, je l’espère, je ne suis pas une mémé dans l’âme. Le jour où je n’aurai plus ça, je pourrai me faire du souci. »

 

   ELLE. Une chose portée à 20 ans et impossible à mettre maintenant ?  

 

   I.F. « Rien : jeans, débardeurs, T-shirts, bottes en cuir... c’est l’infini recommencement. Si ce n’est que, aujourd’hui, je continue certes d’acheter des choses pas chères, mais j’ai la chance de pouvoir aussi m’offrir des choses chères. Alors que, à 20 ans, je ne pouvais pas. »

 

   ELLE. Comment avoir un style à soi ?  

 

   I.F. « Ça va paraître bizarre, mais je déteste qu’on dise que j’ai un style. Ça fait déjà vieille schnock. Un style, on est enfermé dedans. Rien n’est plus triste qu’une personne qui met la même crème depuis vingt ans, s’habille invariablement chez Jil Sander (même si c’est très beau). Je vis la mode de manière beaucoup plus pimpante que ça. Il faut sortir de ses codes, prendre des risques, même si, finalement, on revient à son style. Un style, ça n’est pas que des prises de risques. Sinon, c’est pas un style qu’on a, c’est une carapace. »

 

   ELLE. Que voir de soi dans le miroir quand on n’a plus 20 ans ?  

 

   I.F. « A 20 ans, je scrutais mon visage dans un miroir grossissant. Maintenant, c’est fini. Je regarde surtout si j’ai une bonne allure, si l’ensemble est un peu rock. C’est important d’être un peu rock... »

 

   ELLE. Pour rester jeune, une femme doit...  

 

   I.F. « … Etre soignée. Etre propre. Sentir bon. Avoir de belles dents, se les faire détartrer régulièrement (tous les six mois). Sourire. Etre indulgente. Essayer tous les parfums de chez Sephora. Ne pas penser que H&M est réservé à sa fille. Ne pas bouder Facebook sans même connaître. Faire des tests de densité osseuse et ne pas nier que le temps passe, mais rester surtout dans la frivolité. »

 

   ELLE. Comment rester mince ?  

 

   I.F. « Je n’en sais rien. Je ne crois pas que la beauté soit liée à la minceur. Elle est peut-être liée, chez certaines femmes, au sentiment d’être rassurées si elles perdent 2 ou 3 kilos, ça oui. Ce qui est très différent du fait d’être mince. J’ai mes flips, comme toutes les femmes : une fois, dans un musée, j’ai vu une vieille femme très efflanquée peinte par Egon Schiele, c’était comme un présage de ce que j’allais devenir. Personne n’échappe à ces frousses. Il faut être très fataliste. »

 

   ELLE. Un sport à pratiquer ?  

 

   I.F. « A part la course au pantalon slim qu’on a vu sur quelqu’un et dont on rêve, je ne vois pas. Je ne nage pas, je ne fais pas de gym. C’est mal, je devrais. Mon corps en a besoin, il se ramollit, forcément. Mais, surtout, je me dis que mon esprit et mes nerfs en ont besoin. Pourtant, je n’y vais pas. Pour bien vieillir, il faudrait bouger ses fesses et être plus dynamique qu’à 20 ans…c’est vraiment pas juste ! »

 

   ELLE. Un conseil universel pour vieillir au mieux, aussi bien beauté que mode, ou que vie ?  

 

   I.F. « Accepter qu’il y ait des jours sans. Et se souvenir qu’on en avait aussi à 20 ans. Et bien profiter des jours avec ! »