Cinéma : un habitant d’Etupes a tourné avec Omar Sharif

Comédien, Marcel Hammad a tourné avec la star égyptienne qui vient de disparaître. Dans « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran », Sharif était l’épicier, l’Erbaton son client.
Sophie DOUGNAC - 13 juil. 2015 à 17:30 | mis à jour le 13 juil. 2015 à 17:54 - Temps de lecture :
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« Dernièrement, j’ai fait un film en impro : j’ai tellement engueulé ma fausse fille qu’elle a pleurée ! » Photo Sam COULON
« Dernièrement, j’ai fait un film en impro : j’ai tellement engueulé ma fausse fille qu’elle a pleurée ! » Photo Sam COULON

En apprenant la mort vendredi dernier d’Omar Sharif, Marcel Hammad n’a eu qu’un regret. : ne pas avoir eu plus le temps de lui parler, il y a deux ans, alors que l’acteur égyptien, l’inoubliable Docteur Jivago, était l’invité vedette du festival de cinéma de Colmar. « On raconte qu’il avait la maladie d’Alzheimer », note dans un haussement d’épaules, ce comédien de 60 ans, installé dans un appartement d’une des tours d e la Montagne à Étupes. « Mais à l’époque et alors qu’il ne m’avait pas vu depuis plus de dix ans, il m’a bien reconnu ! ».

Il faut dire que Marcel, qui a tourné, dans des petits rôles, avec Miou-Miou, Thierry Lhermitte, Patrick Swayze ou encore Francis Huster, a non seulement une « gueule » mais aussi de la gueule. Difficile à oublier. « Donc on s’est salué mais, là, c’était la folie : il était complètement bousculé par les vieilles ! » Hum, hum… Dit autrement, même octogénaire, le beau prince du désert dans « Lawrence d’Arabie » avait gardé, pour ses fans féminines, son œil de velours et sa moustache conquérante. « C’est sûr qu’avec son accent et sa prestance, il dégageait » confirme Marcel.

Isabelle a les yeux bleus

À côté de ça et « malgré un staff pénible à coller des claques », l’homme le plus simple du monde. « Comme vous et moi. Pas du tout à se la ramener alors que tout le monde l’adulait comme une star. Ç’en était d’ailleurs une : le seul arabe à avoir percé à Hollywood ». Une précision à laquelle tient Marcel : enfant de l’assistance, abandonné bébé ainsi que ses trois frères et sœurs, l’homme, qui ne se plaint pas d’une vie qui l’a pourtant bien chahuté, est à moitié kabyle, et a souffert de l’intolérance liée à ses origines (« l’autre moitié, c’est ma mère, blonde aux yeux verts… il paraît »).

Omar, comme il l’appelle familièrement, Marcel l’a rencontré sur un tournage, en 2002, celui d’« Ibrahim et les fleurs du Coran ». Pour ce rôle d’un épicier épris de philosophie et de tolérance, inspiré du livre éponyme d’Eric-Emmanuel Schmitt, Omar Sharif a d’ailleurs obtenu, en 2004, le César du meilleur acteur. Marcel Hammad, engagé sur un casting, jouait, lui, un des clients de la boutique.

Ses souvenirs ? Pas grand-chose du tournage, hormis la colère du réalisateur François Dupeyron, qui avait recréé toute une rue dans le Sentier et pestait face aux changements climatiques donc de lumières. « Omar faisait des petits sourires, genre il faut patienter… Sinon, niveau jeu, il m’a épaté » L’Erbaton se rappelle surtout que son fils, alors âgé d’une petite quinzaine d’années et le petit-fils de la star avaient joué ensemble toute la journée. « On est aussi allé manger, ensemble, avec quelques comédiens, dans son hôtel. Il s’y est rendu à pied, tranquille, sans même ôter sa blouse grise d’épicier ! » Arrive, e, durant le repas, Isabelle Adjani. « Tout le monde raconte que c’est une pimbêche. Mais elle est adorable, cette femme ! Gentille comme tout. Et d’une beauté… » Cerise sur le gâteau : l’actrice (dont Marcel garde une superbe photo, tout enturbannée, les yeux étincelants, dans sa bibliothèque) est à moitié kabyle.

Du beau linge, l’ancien soudeur -reconverti dans la figuration puis la comédie, après avoir été licencié « pour sa grande gueule »- en a côtoyé. Et en côtoie encore. Sans être plus impressionné que ça. « Au début, les gens ici me disaient t’habites à la Montagne et tu fais du cinéma ? T’es un gros mytho toi », rigole celui qui a bâti sa vie -deux enfants- dans le Pays de Montbéliard. « Maintenant, ils se sont habitués. De toute façon, je m’en fous. Moi, ce que j’aime, c’est jouer » Un bandit, un travesti (« mon meilleur rôle ») et même dans « Coup de pinceau », qu’il va tourner bientôt avec Pierre Santini, un cafetier antisémite et pro-nazi. « Un vrai salaud, j’adore… » Un vrai rôle de composition aussi.