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Les 25 minutes de destruction de Florence Rey et Audry Maupin

Audry Maupin et Florence Rey. AFP

L'auteur présumé des coups de feu tirés lundi à Libération puis à la Défense avait été condamné dans l'affaire de l'équipée sanglante de deux jeunes gens, à Paris. Trois policiers, un chauffeur de taxi et Maupin lui-même étaient morts.

Dans l'affaire Rey-Maupin, Abdelhakim Dekhar, l'auteur présumé des coups de feu à Libération, a souvent été présenté comme «le conseiller», «l'homme de l'ombre» de ce fait divers sanglant qui secoua Paris, une nuit d'octobre 1994. Les premiers rôles de cette soirée du 4 octobre reviennent à un couple de jeunes gens, Florence Rey et Audry Maupin. En 25 minutes, leur cavale meurtrière, ponctuée de deux fusillades en pleine capitale, laissera cinq morts: trois policiers, un chauffeur de taxi pris en otage et Audry Maupin lui-même.

Les chemins de ceux que l'on baptisera les «Bonnie & Clyde de Paris» se croisent au printemps 1993. Florence Rey est une copine de lycée d'une des sœurs d'Audry Maupin. L'étudiant en philosophie, «beau et brillant», selon les mots de Florence, fait forte impression à la jeune fille de 17 ans. Sérieuse, elle est issue d'une bonne famille mais a vécu une enfance triste, marquée par un père atteint d'une psychose. Au moment de leur rencontre, Audry Maupin fréquente un syndicat anarchiste. Ce passionné d'escalade n'est pas encore en rupture de ban avec la société.

À la rentrée, Florence le rejoint dans les amphis de la fac de Nanterre. La jeune femme s'inscrit en lettres puis en médecine mais elle peine à suivre le rythme. Le couple fonde l'Organisation de propagande révolutionnaire, dont Maupin et Rey sont les seuls membres. Au cours d'une manifestation, Maupin a fait la connaissance d'Abdelhakim Dekhar. Alors âgé de 28 ans et se faisant appeler Toumi, l'homme fascine Audry Maupin. Certains diront même qu'il profite de la jeunesse de l'étudiant pour le manipuler.

«Audry et Toumi se sont monté la tête»

L'engagement d'Audry Maupin, très impliqué dans le mouvement contre le CIP, se radicalise quand la lutte contre le smic jeune du gouvernement Balladur ne survit pas au retrait du texte. Le couple Rey-Maupin s'installe dans un squat de Nanterre, une maison promise à la démolition, sans eau ni électricité. Les RG ont repéré le couple.

Les conditions de vie précaires finissent par devenir insupportables. «Il faisait froid. Audry et Toumi se sont monté la tête. Audry était de plus en plus mal. Ils ont pensé faire des braquages…», a expliqué laconiquement Florence Rey à son procès. «Déprimée», «n'ayant pas d'(autre) solution», la jeune femme qui «ne veut pas rester seule à attendre» se joint au projet.

Une cible est désignée: la préfourrière de Pantin. But de l'opération: subtiliser les armes de poing des gardiens pour pouvoir ensuite les utiliser dans des hold-up. Abdelhakim Dekhar achète dans un grand magasin parisien, sous son nom et avec sa pièce d'identité, un des fusils à pompe, qui servira à Florence Rey et Audry Maupin. Vers 21h25, Florence et Audry font irruption, cagoulés et armés, dans la préfourrière et dérobent les armes de service des gardiens. Mais un imprévu de taille surgit: leurs victimes, neutralisées à l'aide de gaz lacrymogènes, n'ont pas les menottes avec lesquelles le couple prévoyait de les entraver. Paniqués, craignant que l'alerte ne soit donnée rapidement, Audry et Florence abandonnent leur plan initial: lui était censé rejoindre leur guetteur, Abdelhakim Dekhar, tandis que la jeune femme devait emprunter le RER. Ils interceptent un taxi et intiment l'ordre au chauffeur guinéen, Amadou Diallo, de les conduire jusqu'à la place de la Nation.

Le passager du taxi, le Dr Monnier, frappé par la détermination du duo -Audry répète «Je vais t'éclater la tête» tandis que Florence menace de lui couper l'oreille-, conseille au conducteur d'obtempérer. Mais Amadou Diallo se rebelle et emboutit volontairement une voiture de police cours de Vincennes. Le chauffeur a le temps d'hurler aux agents de la patrouille «Attention, ils veulent nous tuer!» avant que Maupin ouvre le feu avec le pistolet dérobé à Pantin. Les policiers Laurent Gérard et Thierry Maymard sont mortellement touchés, Amadou Diallo reçoit une balle dans la nuque et agonise sur la chaussée. Le troisième policier de la patrouille se met à couvert mais est atteint d'une balle, tout comme deux passants. Seul le Dr Monnier s'extirpe sain et sauf du taxi.

Dekhar libéré au terme du procès de 1998

Maupin s'empare alors des armes des policiers abattus et prend en otage le conducteur d'une des voitures immobilisées lors de cette première fusillade. Le passager de la R5 se fait chasser par Florence Rey à coups de crosse. La R5 file vers le bois de Vincennes, un motard de la police à ses trousses. Rey ordonne à son compagnon de l'abattre mais le fonctionnaire se maintient en selle. Malgré les injonctions de Maupin, le chauffeur de la R5 pile avenue de Gravelle, devant un policier ayant couché son deux-roues. S'ensuit une seconde fusillade au cours de laquelle un troisième policier, Guy Jacob, trouve la mort. Un autre fonctionnaire est blessé. Les renforts de forces de l'ordre ripostent par un feu nourri jusqu'à ce qu'Audry s'affaisse sur le tableau de bord, une balle dans la tempe. Il succombe le lendemain.

Florence Rey, hébétée, se rend. Il est 21h50. Emmenée en garde à vue, elle se mure dans un silence qu'elle gardera durant son procès. En prison, elle charge finalement Abdelhakim Dekhar afin d'innocenter un membre de la mouvance autonome qu'elle fréquentait avec Maupin. Abdelhakim Dekhar nie en bloc, affirme ne pas connaître le couple et se dit en mission pour les services de renseignements algériens qui l'auraient chargé de surveiller les milieux d'extrême gauche.

Au terme du procès d'octobre 1998, Florence Rey est reconnue coauteur des meurtres et condamnée à 20 ans de réclusion. Blanchi de l'accusation d'attaque à main armée, «Toumi» est condamné à quatre ans de prison pour «association de malfaiteurs». Cette peine correspondant exactement au temps passé en détention préventive, il est libéré immédiatement après le procès. Devenue une détenue au comportement exemplaire, Florence Rey est sortie de prison en 2009, n'aspirant qu'à une chose: l'anonymat.

rey maupin 1994 parcours

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