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Élections en Turquie : qui sont les cinq candidats face à Erdogan ?

56,3 millions d'électeurs sont attendus dimanche pour voter à la fois pour leur président et leurs députés. AFP / AFP / AFP / AFP

VIDÉO - Les électeurs turcs se rendent aux urnes ce dimanche pour des élections présidentielle et législatives cruciales.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 15 ans, brigue dimanche un nouveau mandat aux pouvoirs renforcés lors d'un scrutin ardemment disputé face à une opposition déterminée à le déloger, alors qu'il est accusé de dérive autoritaire. Ce dernier a bousculé le calendrier politique en annonçant en avril que les élections prévues initialement le 3 novembre 2019 seraient avancées au 24 juin. Les 56,3 millions d'électeurs attendus dimanche voteront à la fois pour élire leur futur président et leurs députés, en glissant deux bulletins dans une même enveloppe.

L'enjeu est considérable car le vainqueur sera doté de pouvoirs renforcés adoptés à la demande d'Erdogan par référendum en avril, moins d'un an après avoir échappé à une tentative de coup d'État mené par des militaires factieux en juillet 2016.

Cinq candidats se présentent à l'élection présidentielle face à Erdogan. Qui sont-ils?

Muharrem Ince, le principal opposant d'Erdogan

Orateur pugnace, Muharrem Ince est à la tête du Parti républicain du peuple (CHP), d'opposition laïque. Depuis plusieurs semaines, les deux hommes charismatiques s'invectivent et se répondent par meetings interposés,

Muharrem Ince, de l'opposition laïque est le concurrent principal d'Erdogan. ARIS MESSINIS/AFP

faisant monter la tension avant le double scrutin. Cet ancien professeur de physique est réputé pour ses formules assassines.

La ville de Yalova, où Muharrem Ince est né et dont il est aujourd'hui député, a été la semaine dernière la scène du combat acharné qui oppose les deux hommes. En meeting jeudi 14 juin dans le fief électoral de son principal adversaire, Erdogan a multiplié les salves. “Môssieur Muharrem (...) en est à son quatrième mandat de député de Yalova. Mais a-t-il apporté quoi que ce soit à cette ville?», a-t-il lancé en rappelant que son gouvernement y avait fait construire une université. Ince a répliqué dès le lendemain lors d'un meeting au même endroit: «qu'ai-je apporté à Yalova? Le candidat qui va remporter la présidentielle!»

Il a par ailleurs interpellé Recep Erdogan sur l'État d'urgence. «Moi, je ne suis pas encore président, je ne peux pas mettre fin à l'état d'urgence», a asséné Ince. «Mais toi, Erdogan, pourquoi ne le fais-tu pas dès maintenant?». Le président actuel a immédiatement assuré que l'état d'urgence en vigueur depuis le putsch manqué de juillet 2016 serait levé s'il venait à être réélu.

Meral Aksener, la dame de fer turque

Cette professeure d'histoire de 62 ans s'est engagée en politique il y a 20 ans et a été ministre de l'Intérieur de

Meral Aksener, surnommée la louve, a fondé son parti il y a huit mois. ADEM ALTAN/AFP

1996 à 1997. Présentée comme «la dame de fer turque», elle est à la tête du parti nationaliste et laïc Iyi Parti (Bon parti).

Meral Aksener a promis de lever l'état d'urgence. La candidate souhaite aussi un retour à la démocratie, une défense de la laïcité et un maintien du système parlementaire, alors que Recep Tayyip Erdogan ne jure que par le système présidentiel.

Celle qu'on surnomme «Asena» en référence à la célèbre louve de la mythologie turque, a fait sa carrière politique dans les mouvements de droite et d'extrême droite. Malgré la création de son parti il y a seulement huit mois, Meral Aksener croit en ses chances de devenir la première femme présidente de la République turque.

Selahattin Demirtas, candidat depuis sa prison

L'icône Kurde, candidat du parti prokurde démocratique des peuples (HDP), fait campagne depuis une cellule de prison, où il est en détention préventive depuis novembre 2016, accusé d'activités «terroristes». Dénonçant une incarcération «politique», Selahattin Demirtas fait parler de lui à travers les réseaux sociaux par l'intermédiaire de ses avocats, et a mis à profit un appel téléphonique autorisé avec son épouse pour tenir, via le haut-parleur du téléphone, une sorte de «meeting», filmé et diffusé par le parti.

S'il n'a officiellement aucun rôle dirigeant dans la campagne du HDP, il a tout de même pu se porter candidat à

Selahattin Demirtas a profité d'un appel téléphonique avec son épouse pour faire un meeting. YASIN AKGUL/AFP

la présidence. Toutefois, Selahatin Demirtas a décidé de ne pas faire d'alliance avec un autre parti pour les élections législatives. Dimanche 17 juin, Demirtas est apparu pour la première fois à la télévision depuis 20 mois, prononçant une allocution de dix minutes dans le cadre de la campagne électorale officielle qui prévoit pour tous les candidats un accès à la télévision publique. Des milliers de ses partisans s'étaient réunis dans Istanbul pour suivre sa prestation sur des écrans géants.

«La seule raison pour laquelle je suis ici est que l'AKP (le parti de la Justice et du développement, au pouvoir) a peur de moi. Ils trouvent courageux de me menotter et de propager ces accusations de quartier en quartier», a-t-il déclaré. «Ils violent ouvertement la Constitution en me déclarant coupable, alors qu'ils n'ont aucune preuve contre moi, et en essayant d'orienter l'opinion publique en pratiquant la désinformation», a ajouté le candidat, passible d'une peine de 142 ans de prison.

Dans un tweet Demirtas a déclaré: «Erdogan a dit qu'il va m'exécuter s'il est élu. Je sacrifie ma vie mille fois pour le bien de notre peuple. Je ne ferai pas un pas en arrière.»

Temel Karamollaoglu, le plus proche idéologiquement d'Erdogan

Le parti Saadet (parti de la Félicité) qui cherche aujourd'hui à barrer la route à Recep Tayyip Erdogan et l'AKP est celui qui en est idéologiquement le plus proche, les deux formations étant issues de l'islam politique incarné par l'ancien chef de gouvernement Necmettin Erbakan, mort en 2011.

«Lors des élections de 2002, Erdogan avait énuméré des principes: la justice, la démocratie et la liberté

Temel Karamollaoglu, proche idéologiquement d'Erdogan, lui reproche de s'être lié aux États-Unis et l'Union européenne. YASIN AKGUL/AFP

d'expression et de pensée. Mais il semble les avoir mis au placard», a affirmé à l'AFP Temel Karamollaoglu, 77 ans, pour expliquer la rupture avec l'AKP.

À la tête du parti Saadet depuis 2016, il avait déjà marqué ses désaccords avec le président en militant pour le «non» lors du référendum organisé en avril 2017 portant sur une révision constitutionnelle renforçant les pouvoirs du chef de l'État.

Méfiant à l'égard de l'Occident, il reproche à Erdogan son rapprochement avec l'Union européenne (UE) et les États-Unis au début de son mandat, même si les relations entre Ankara d'un côté et Washington et Bruxelles de l'autre sont traversées de vagues de tension depuis le putsch manqué de juillet 2016 en Turquie. «On voulait une politique étrangère avec du caractère, mais ces gens (l'AKP) se sont désavoués et aujourd'hui, on est réduits à attendre aux portes de l'Europe», a-t-il dénoncé.

Doğu Perinçek, le nationaliste déterminé

À 76 ans, Dogu Perinçek dirige le Parti Vatan, parti patriote de gauche. Pour les élections législatives il a choisi de ne pas s'allier aux quatre autres opposants à Erdogan. Ce docteur en droit, père de quatre enfants, a été incarcéré à de nombreuses reprises, notamment après le coup d'État militaire de 1980.

Très peu connu à l'international, Dogu Perinçek a seulement fait parler de lui en 2007. Alors qu'il se trouve sur le territoire suisse, il est condamné par le tribunal de police de Lausanne pour avoir nié le caractère

Dogu Perinçek, est connu pour avoir nié le génocide arménien en 2007. FREDERICK FLORIN/AFP

génocidaire du massacre des Arméniens pendant le Première guerre mondiale en Turquie. Les juges suisses estiment que le génocide est un fait avéré tandis que Perinçek maintient qu'il s'agit d'un «mensonge impérialiste». Le politique saisit alors la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour défendre son droit à nier le génocide. Le CEDH lui donne raison constatant l'absence d'un consensus international sur la qualification juridique des atrocités commises en 1915. Selon la cour, Perinçek n'a pas nié les meurtres mais le terme de «génocide» et en a conclu que la justice suisse a violé la liberté d'expression du candidat.

Il devient l'ennemi du président turc lorsqu'il est soupçonné d'avoir favorisé un coup d'État militaire contre Erdogan. Il est condamné à la prison à vie pour ce motif en 2013 lors des procès Ergenekon avant d'être gracié et libéré.

Dans son programme, Doğu Perinçek prévoit de lutter contre le terrorisme et d'améliorer les relations avec Moscou et Damas. Le communiste est connu pour être pro-russe, anti-islamiste et anti-kurde.

Une «alliance de la nation»

Tous les candidats, sauf Dogu Perinçek, se sont accordés pour soutenir celui qui se qualifierait pour un éventuel second tour face à Erdogan le 8 juillet.

Une partie de l'opposition a également décidé de former une coalition pour les législatives. Une «Alliance de la nation», regroupant le CHP, le Bon parti et le Parti de la Félicité, a vu le jour face à celle «du peuple» dirigée par l'AKP au pouvoir.

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236 commentaires
  • Machepro

    le

    Ils sont l'autre Turquie, celle qui serait compatible avec l'Europe. Attendons.

  • Histoire-la vraie

    le

    Comme ce sont les hommes qui votent en majorité et que les opposants seront "éliminés",la Turquie n'est pas encore débarrassée de cet odieux personnage.Il est à noter qu'il ne suscite aucune "réprimande" des habituels vertueux donneurs de leçon de démocratie...?

  • unmondeincertai

    le

    Beaucoup de médias ont annoncé depuis 18h une majorité de58% pour Erdogan Le Figaro èprouve t il de la gêne d’annoncer cette victoire pour garder encore le silence ?

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