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Simone Veil, un engagement hanté par la Shoah

Simone Veil a été déportée avec sa sœur Madeleine et sa mère, Yvonne, à Drancy puis à Auschwitz. PATRICK KOVARIK/AFP

Le combat de Simone Veil pour la paix en Europe aura été nourri par son histoire de déportée, tout comme son travail en faveur de la mémoire de la Shoah.

La jeune Simone Jacob, âgée de 16 ans, vient juste de passer son bac quand elle est arrêtée, parce que juive, par la Gestapo à Nice le 30 mars 1944. Elle sera déportée avec sa sœur Madeleine et sa mère, Yvonne, à Drancy puis à Auschwitz. Son autre sœur, Denise, avait elle-même été déportée en tant que résistante à Ravensbrück. Son père et son frère Jean disparaîtront dans la tourmente, en Lituanie. Jeunes et robustes, Simone Veil et sa sœur ne devront leur survie qu'au fait d'avoir été employées pour les usines Siemens à Bobrek. Leur mère, atteinte du typhus, décédera le 15 mars à Bergen-Belsen où elles furent transférées devant l'avancée soviétique.

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« Nous souhaitions parler mais on ne voulait pas nous écouter »

Simone Veil, dans son autobiographie «Une Vie».

De retour en France, Simone Jacob ressentira «un ostracisme diffus qui ne disait pas son nom...», écrit-elle, 60 ans plus tard, dans son autobiographie Une Vie. «Nous n'étions que des victimes honteuses, des animaux tatoués. Il nous faut donc vivre avec ça.» «Beaucoup de nos compatriotes voulaient à tout prix oublier ce à quoi nous ne pouvions nous arracher... Nous souhaitions parler mais on ne voulait pas nous écouter», note-t-elle en évoquant son retour de déportation avec sa sœur Milou. «En revanche Denise, rentrée un peu avant nous avec l'auréole de la Résistance, était invitée à faire des conférences.»

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Avec le féminisme, l'Europe, et plus généralement la paix, aura été la grande cause de la vie de Simone Veil, elle, la jeune déportée devenue la première présidente du nouveau Parlement européen, en 1979. «Si je m'engage aussi pleinement sur la question de l'Europe, c'est pour tirer la leçon de mon passé et en pensant à l'avenir de la France», assure-t-elle ainsi dans un discours du 5 juin 1979. «Le fait d'avoir fait l'Europe m'a réconciliée avec le XXe siècle», assurait-elle encore. Son combat pour la paix en Europe a été nourri par son histoire de déportée, tout comme son travail en faveur de la mémoire de la Shoah. «Au sortir de la guerre, nous (son mari, Antoine Veil, et elle, NDLR) avions la conviction qu'il fallait se réconcilier absolument avec les Allemands et que si nous ne le faisions pas, il y aurait une troisième guerre mondiale», confiera encore Simone Veil en 2008 dans une interview télévisée.

Le drame et la volonté de Simone Veil de le dépasser la conduiront un peu plus de 30 ans plus tard à accepter la proposition du président Valéry Giscard d'Estaing de devenir tête de liste de l'UDF pour les premières élections européennes au suffrage universel. En pleine campagne, l'un de ses meetings rue Lepic, à Paris, sera perturbé par des militants du Front national. Parmi eux, Jean-Marie Le Pen. Devant cette tentative d'intimidation, Simone Veil ne se démonte pas. «Je vais vous dire quelque chose, leur lance-t-elle. Vous ne me faites pas peur. J'ai survécu à pire que vous, vous n'êtes que des SS aux petits pieds», leur lance-t-elle depuis la tribune. L'ancienne ministre est habituée à ce genre d'outrance depuis son combat pour la dépénalisation de l'IVG. «On avait inscrit sur la porte de mon domicile: “Veil = Hitler”», se souviendra-t-elle. Pendant les trois jours de débats, les députés opposés à la loi multiplient les références douteuses: Jacques Médecin parle de «barbarie organisée et couverte par la loi comme elle le fut par les nazis» et Jean-Marie Daillet évoque les embryons «jetés au four crématoire».

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Comme beaucoup d'anciens déportés, avant que les derniers survivants ne disparaissent, Simone Veil avait décidé de témoigner devant les nouvelles générations. En 2000, le premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, la désigne d'ailleurs pour présider la Fondation pour la mémoire de la Shoah tout juste créée. «Comme tous mes camarades, je considère comme un devoir d'expliquer inlassablement aux jeunes générations, aux opinions publiques et aux responsables politiques comment sont morts six millions de femmes et d'hommes dont un million et demi d'enfants, simplement parce qu'ils étaient nés juifs», expliquait-elle devant l'Assemblée générale de l'ONU en 2007. «Pour les anciens déportés que nous sommes, il n'y a pas de jours où nous ne pensions à la Shoah», rappelait Simone Veil.

(Avec agences)

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33 commentaires
  • Patrice_47

    le

    La seule chose qu'elle ait fait de bien est d'avoir participé à la Manif pour Tous, même si l'autre jour sur RMC Roselyne Bachelot disait qu'il ne fallait pas en parler et que son age expliquait ce fait!

  • Schtroumpfarceur

    le

    Giscard a mis en lumiere Simone Veil, Chirac a mis en lumiere Marie France Garot ,Nicolas Sarkozy a mis en lumière Rachida Dati et Nadine morano ,François Fillon a mis en lumière Frigide Barjot ....suis pas sur qu il y aura de la place au panthéon pour tout le monde ........

  • Jeanbono91

    le

    Merci à vous Madame pour votre combat pour les femmes.
    Mais quelle tristesse de voir ces jeunes femmes nées en France se voiler sous la pression des hommes et de la religion

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