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L’élection présidentielle révèle la polarisation de l’Autriche

Les Verts et l’extrême droite étaient au coude-à-coude dimanche soir, et seront départagés par le décompte des votes par correspondance.

Par  (Vienne, correspondant) et

Publié le 23 mai 2016 à 00h45, modifié le 23 mai 2016 à 15h35

Temps de Lecture 4 min.

Norbert Hofer et Alexander Van der Bellen, le 22 mai, à Vienne, en Autriche.

Une rock star, Alexander Van der Bellen. C’est en tout cas comme telle que le candidat écologiste (Die Grünen), 72 ans, a été accueilli par ses partisans, dimanche 22 mai, dans la soirée. Il est apparu tout sourire, sur la pelouse du palais baroque où était organisée sa fête de fin de campagne. « Ne pas renoncer, ça paye ! », a lancé, presque surpris, celui qui aura rattrapé près de trente points face à l’extrême droite entre le premier et le second tour de l’élection présidentielle autrichienne.

Lesbiennes bras dessus, bras dessous, élus sociaux-démocrates connus, artistes et Viennois du centre-ville agitant des drapeaux européens : ses électeurs ont tous savouré cette agréable surprise, alors que le candidat de l’extrême droite (FPÖ), Norbert Hofer, 45 ans, était donné largement favori. A l’issue du dépouillement des bulletins déposés dans les urnes, le candidat du FPÖ est bien arrivé en tête, avec 51,9 % des suffrages, contre 48,1 % pour l’ancien professeur d’économie. Mais, avec la prise en compte des votes par correspondance, la télévision publique ORF assure que les deux candidats devraient être à égalité parfaite.

Faire barrage à Norbert Hofer

Les Autrichiens ne devaient donc connaître le nom de leur nouveau président que lundi 23 mai, après le dépouillement de tous les votes. Quelque 900 000 électeurs (dont un peu moins de 40 000 à l’étranger), soit plus de 14 % du corps électoral, réputés plus enclins à voter pour les Verts, vont ainsi départager les deux candidats, séparés pour l’instant par un peu moins de 150 000 voix.

Au premier tour, il y a eu 535 000 votes par correspondance, soit nettement moins qu’au second. Cela a représenté 8,5% des votes exprimés. Après leur dépouillement, l’extrême-droite est passée de 36,4 à 36,1%. Les Verts sont passés de 20,4 à 21,3%. L’indépendante Irmgard Griss est passée de 18,5 à 18,9%. La gauche (SPÖ) de 11,2 à 11,3 et la droite (ÖVP) de 11,2 à 11,1.

De quoi rendre optimistes les soutiens de M. Van der Bellen. Celui-ci a bénéficié de la peur de l’extrême droite : 48 % de ses électeurs ont déclaré aux sondeurs avoir voté pour lui afin de faire barrage à Hofer. Cette remontée, opérée sans le soutien officiel de la gauche et de la droite, est le fruit d’une mobilisation citoyenne transpartisane d’ampleur, à l’image de celle de Sabrin Lajnef, étudiante en pharmacie venue assister à la soirée électorale.

Cette remontée, opérée sans le soutien officiel de la gauche et de la droite, est le fruit d’une mobilisation citoyenne transpartisane d’ampleur.

« Je me suis battue pour mobiliser la communauté des gens issus de l’immigration comme moi, affirme cette jeune femme de 29 ans d’origine tunisienne née en Autriche. Personne ne s’attendait à ce que l’extrême droite recueille 35 % des voix au premier tour. On voulait montrer que s’attaquer à l’islam et aux étrangers pouvait aussi susciter une réaction. »

Mais, lorsqu’elle saute sur la scène pour apparaître sur les images des télévisions, une organisatrice l’en fait immédiatement descendre. Les voix apportées par la jeune femme et ses amis ont beau avoir été cruciales, les Verts ne sont visiblement pas tous friands d’images de jeunes femmes en hijab, après avoir affronté un candidat qui a fait du rejet de l’islam son fonds de commerce.

Polarisation inquiétante

A quelques kilomètres, la soirée préparée par l’extrême droite avait un goût un peu amer, après ce succès en demi-teinte. « On avait quatre partis contre nous, et on a quand même eu 50 % des voix », veut se rassurer Stefan Kuber, 54 ans, vendeur dans un magasin de couteaux et membre du FPÖ depuis cinq ans. La fête, sous un ciel printanier, était organisée dans un Biergarten, une brasserie en plein air, du grand parc public de Vienne, le Prater, sur fond de musique populaire.

« Encore un attentat, encore des réfugiés, et on gagnera la prochaine élection, est-il persuadé. Les autorités européennes ont voulu faire peur en évoquant le risque de nazisme, mais ce n’est pas un problème, le problème, c’est le terrorisme islamique. » Autour de lui, la population, plutôt masculine et âgée, n’a pas le cœur à la rigolade.

« Encore un attentat, encore des réfugiés, et on gagnera la prochaine élection. »

A l’image de ces électeurs que tout oppose, l’élection a surtout dévoilé une polarisation inquiétante de ce pays de 8,6 millions d’habitants. M. Van der Bellen l’a emporté dans presque toutes les grandes villes, chez les femmes et chez les plus diplômés ; M. Hofer dans les campagnes, chez les hommes, surtout les moins diplômés. Il obtient 86 % des voix des ouvriers. Ses électeurs affirment avoir voté pour lui parce qu’il comprend les soucis de la population, et parce qu’il semblait sympathique.

« Nous avons gagné, de toute façon »

« Nous avons gagné, de toute façon », a proclamé le candidat FPÖ devant ses partisans. « Soit Norbert Hofer est président, soit Norbert Hofer soutient Strache [le président du FPÖ] pour devenir chancelier », a-t-il assuré, parlant de lui à la troisième personne, sous l’étroite surveillance du leader de sa formation, qui avait tenu à prendre la parole en premier. Au milieu des militants autrichiens, le gratin de l’extrême droite européenne avait fait le déplacement dans l’espoir de voir l’avènement du FPÖ.

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« En Italie, on voit ce qui se passe à Vienne comme une vague très forte qui va bientôt recouvrir tout le continent, s’enthousiasme Max Ferrari, représentant de la Ligue du Nord, allié du FPÖ et du Front national au niveau européen. Les Européens sont prêts à faire leur révolution conservatrice. Les gens en ont marre de l’immigration de masse et du racisme antiblanc, qui tourne à l’apartheid. »

Frauke Petry, la chef du parti populiste allemand Alternative für Deutschland, était aussi présente en tant que « simple invitée », a-t-elle assuré au Monde. Elle dit avoir appris une leçon, lors de la soirée électorale : même pour l’extrême droite autrichienne, sans doute la plus puissante en Europe, il reste difficile de gagner un scrutin majoritaire toute seule. Reste à voir si ce constat devait être confirmé dans la journée de lundi.

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