De miss Auvergne aux couches écolos : Carole Juge-Llewellyn, la business modèle

La fondatrice de Joone, au parcours atypique, joue la transparence absolue vis-à-vis des consommateurs et sa marque de couches pour bébés, 100 % naturelles, fait un tabac.

 Avant de monter son entreprise, Carole Juge-Llewellyn a enchaîné les petits rôles. Elle apparaît notamment dans le film « Taken 3 »
Avant de monter son entreprise, Carole Juge-Llewellyn a enchaîné les petits rôles. Elle apparaît notamment dans le film « Taken 3 » LP/Raphaël Pueyo

    C'est l'effervescence dans les bureaux de Joone, tout le monde s'est mis sur son 31. Ce soir-là, la jeune marque de couches-culottes célèbre en grande pompe, sur une péniche parisienne, ses deux ans d'existence ainsi que le lancement d'une gamme de produits anti-vergetures pour la femme enceinte. Pour Carole Juge-Llewellyn, la fondatrice de 35 ans, cette soirée a des airs de consécration.

    Aujourd'hui, son « bébé » connaît une croissance de 10 % par mois. « Au départ, nous vendions 20 000 couches par mois. Maintenant, nous sommes à plus de 30 000 abonnés et 1,5 million de ventes mensuelles », se réjouit la jeune femme. Et si Joone grappille des parts de marché tous les mois, malgré des tarifs deux fois plus cher que la moyenne (40 centimes d'euros la couche), c'est avant tout parce que la marque joue la carte de la transparence. Et de la qualité.

    Loin des enquêtes où l'on découvre que les mastodontes du secteur composent leurs couches avec des substances toxiques ou des perturbateurs endocriniens, les Joone affichent une composition « sans perturbateurs endocriniens, sans chlore, sans phtalates, ni paraben. Certaines marques mettent moins de cellulose pour que leurs couches soient plus fines. Elles complètent les effets de ce produit naturel aux vertus absorbantes en ajoutant des composants de synthèse et/ou des parfums alors même que l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a demandé en janvier d'arrêter leur utilisation », lâche, sans langue de bois, la trentenaire.

    Remarquée par Niels Arestrup

    L'été dernier, le magazine « 60 millions de consommateurs » enfonce le clou et fait décoller la start-up en la plaçant en tête de son classement des couches-culottes sans aucun résidu toxique. Propulsée dans la lumière médiatique, Carole Juge-Llewellyn attrape le micro, vante ses produits 100 % made in France - les couches sont fabriquées dans les Vosges - et séduit les jeunes parents avec un discours rassurant.

    « Dès le lancement en 2017, nous avons communiqué la composition précise de nos couches sur le site, se souvient-elle. On m'a vite fait comprendre que cela dérangeait car personne ne le faisait. Certains se sont dit qu'on allait leur demander des comptes. Je n'avais pas les mêmes codes que la profession. »

    Prof à la Sorbonne, actrice et chef d'entreprise. Voilà un CV impressionnant et pourtant Carole Juge-Llewellyn ne vient pas du sérail. Elle passe son enfance à Vichy auprès de parents enseignants, fait du théâtre, décroche l'écharpe de Miss Auvergne. Puis s'envole pour les Etats-Unis à vingt ans pour effectuer son Master puis sa thèse en littérature américaine. Elle s'imagine prof ou écrivain. Pas chef d'entreprise.

    À son retour, à 26 ans, la toute jeune femme enseigne les auteurs américains le jour à la Sorbonne. La nuit, Carole Llewellyn (le nom du cheval qu'elle montait enfant) joue sur les planches. Elle enchaîne des petits rôles et des publicités. Avant d'être remarquée par Niels Arestrup qui la prend dans son cours de théâtre. C'est par ce biais qu'elle se retrouve à jouer dans le blockbuster « Taken 3 », aux côtés de Liam Neeson. « On m'aperçoit dans une seule scène, s'amuse-t-elle. Je suis la caissière dans un drugstore. Je dis trois phrases avant que tout le monde se fasse tuer. » On est loin de l'univers des couches-culottes…

    Un roman en cours

    « Mais j'ai eu un grave accident de cheval à cette époque et j'ai été alitée six mois », conclut-elle en montrant sa cicatrice à l'épaule. Une éternité. Pas question de se tourner les pouces. Elle repense à un projet, imaginé aux Etats-Unis pendant la grossesse difficile de sa sœur : lancer un réseau social pour répondre aux questions des jeunes parents. Ses amies qui ont fait des écoles de commerce ne sont pas intéressées ? Tant pis. Elle potasse des livres sur l'entrepreneuriat et lance MommyVille. Deux ans plus tard, le site périclite.

    Carole Juge-Llewellyn se rapproche d'une chimiste spécialisée dans les cosmétiques pour concocter des couches sans produits toxiques, la préoccupation numéro un des parents sur l'ancien site Internet. C'est le début de Joone. Et demain ? « Je veux continuer à développer les produits pour la femme enceinte », lance-t-elle en évoquant notamment des compléments alimentaires pour les cheveux. Pas sûr que cela suffise à canaliser son énergie… Elle acquiesce et confie : « Je suis en train d'écrire un deuxième roman ».