Colombie : la maison de Pablo Escobar à Medellin va être dynamitée

Le 22 février, l’ex-résidence du narcotrafiquant sera dynamitée. Une manière de tourner la page pour Medellin et son quartier chic de Santa Maria de los Angeles.

 L’ancien immeuble où vivait Pablo Escobar a été recouvert d’hommages aux victimes du narcotrafic.
L’ancien immeuble où vivait Pablo Escobar a été recouvert d’hommages aux victimes du narcotrafic. AFP/Joaquin Sarmiento

    A El Poblado, dans le sud de Medellin, la résidence Monaco, conçue par Pablo Escobar pour sa famille dans les années 80, ne sera bientôt plus qu'un tas de poussière. Ces dernières semaines, portes, fenêtres, tubulures, WC et grilles ont été retirées et les espaces pour loger la dynamite préparés. Le coffre-fort sera transformé en sculpture « pour se souvenir ». Pour des raisons de sécurité, le quartier sera vidé de ses riverains dans un rayon de 100 mètres le temps de l'opération le 22 février.

    Férue d'art, Victoria Eugenia Henao, épouse de Pablo Escobar et mère de ses deux enfants, l'avait décorée avec moult sculptures et peintures d'Auguste Rodin, Fernando Botero, Miró, Pablo Picasso ou encore Salvador Dali. Jusqu'à ce 13 mai 1988, où une voiture piégée par le Cartel de Cali explosa à 5h13 du matin avec une telle force « qu'elle creusa un cratère de 4 mètres de profondeur » selon la veuve du chef du cartel de Medellin dans ses mémoires parues fin 2018 en Colombie.

    « Nous nous en sommes sortis par miracle » avait confié au Parisien Juan Pablo Escobar il y a quelques mois. La guerre qui allait mener à la fin du capo de Medellin le 2 décembre 1993 était officiellement déclarée.

    Un immeuble devenu lieu touristique

    Maintes fois pillée par la suite, la luxueuse résidence, aux murs éventrés par les chercheurs de caletas - caches d'argent - avait intégralement perdu sa superbe. Ce qui n'empêchait pas les nombreux narcotours d'y proposer un arrêt pour les étrangers en mal de sensations fortes. Un tourisme dont se passerait bien la municipalité qui a décidé de la transformer en un lieu où l'on pourra rendre hommage aux victimes d'une époque où la violence atteignait son paroxysme.

    En avril 2018, Federico Gutiérrez Zuluaga, le maire de Medellin, a symboliquement donné le premier coup de massue au bâtiment. « Cette maison était avant tout le symbole d'une époque avec beaucoup de douleur et de peur, expliquait-il au Parisien. Un symbole qui, comme tous ceux qui représentent ce qui est illégal, doivent tomber ».

    Une promesse bientôt concrétisée puisque le 19 décembre, le gagnant d'un concours lancé le 31 octobre pour élire le projet le plus adapté pour remplacer la ruine de Monaco a été dévoilé parmi 45 propositions retenues. Inflexión présentera trois aspects : l'essence, l'inflexion, et la résilience. « Ceux qui viendront ici connaîtront la vraie histoire, celle des victimes » a déclaré Federico Gutiérrez lors de sa présentation à la presse.

    Un mémorial à 1,7 million d'euros

    Marta Inés Villa Martinez, historienne et chercheuse, estime dans une tribune publiée le 7 février que « construire la mémoire en gommant les traces n'est pas le bon chemin » et que pour cette raison, « il existe si peu de vestiges de l'architecture coloniale ». Selon elle, ce sont justement ces traces qui permettent « de se souvenir et de comprendre la profondeur de la souffrance ».

    Aux détracteurs du projet, qui auraient préféré un musée dans l'édifice rénové, le maire a opposé le coût élevé selon ses services à plus de 40 000 millions de pesos (plus de 11,3 millions d'euros), contre 6 000 millions (1,70 million d'euros) pour ce mémorial.

    LP/Guylaine Roujol Perez
    LP/Guylaine Roujol Perez AFP/Joaquin Sarmiento

    En attendant son ouverture prévue fin 2019, une bonne option reste la visite du musée Casa de la Memoria, sorte de conservatoire de la mémoire du conflit à Medellin et sans sa région. Très pédagogique, il met en avant les victimes du conflit de façon brute et émouvante, à une époque où le taux d'homicides s'est élevé jusqu'à 266 pour 100 000 habitants.

    La métropole, qui vient tout juste de lancer avec la ligne M son cinquième metrocable (bulles de transport connectées au métro), veut tourner la page Escobar.