L'adieu poignant à Alex Métayer

Hier au cimetière Montparnasse

L'adieu poignant à Alex Métayer

    IL EST QUINZE HEURES

    ce vendredi. Le ciel est d'un bleu d'Algérie. Il fait un froid piquant. A l'entrée du cimetière

    Montparnasse, un clochard a noué un bandana rouge au cou de son chien. Ã?a n'aurait pas déplu

    au défunt, Alex Métayer, disparu samedi dernier à 73 ans et qu'on enterre précisément cet après-midi-là.

    Le comédien était trotskyste.

    Pas de messe, donc, mais, au centre du cimetière, des roses et

    des photos sur un catafalque blanc et, dans deux corbeilles claires, des brassées de pétales.

    Trois cents à 400 personnes sont venues. La petite foule remonte les allées dans un silence

    total. Le gravier ne crisse pas. Les oiseaux se taisent. Deux guitares et un accordéon noir

    ont été déposés par terre. On jouera tout à l'heure Django Reinhardt et Stéphane Grappelli.

    Les sanglots d'Agnès, l'épouse d'Alex depuis quinze ans, s'étouffent contre l'épaule d'Eric,

    le premier fils. Clément, le petit dernier, attrape la main de sa mère. On fait cercle. Tant

    d'amis sont là : Georges Moustaki, Agnès Soral, qui a respecté les consignes (« ne venez pas

    en noir »), Claude Brasseur, en retrait, discret derrière ses lunettes fumées, Popeck, Raphaël

    Mezrahi, en larmes, Michel Leeb, le metteur en scène Jean-Luc Tardieu, Eliane Boeri, l'une des

    Trois Jeannes, Sylvie Joly, Martin Lamotte, Gérard Rinaldi, l'ex-Monsieur Olympia Jean-Michel

    Boris, Marcel Azzola, le dessinateur Fred, Bernard Menez... Sur l'un des registres couverts de

    signatures, l'ancien taulard Roger Knobelspiess a écrit : « Tu es venu au parloir. Tu as témoigné

    aux assises. Tu m'as évité le pire. A toi. »

    D'une voix étranglée, René Badache, accompagnateur

    d'Alex Métayer sur scène depuis trente ans, évoque en veste verte « l'éternel indigné », le

    « sociologue », « l'ethnologue de l'absurde ». Il raconte leur première rencontre. « Nous avions

    parlé de tout puis Alex s'est levé et m'a dit :

    C'est bon, je t'engage. - Mais tu ne m'as même

    pas entendu jouer ! - Je m'en fous, je crois qu'on va bien s'entendre

    . » La dernière fois qu'il

    l'a revu c'était le 16 février dernier à 18 h 30. « Il m'a dit :

    à bientôt et ne renonce pas,

    bats-toi

    . »

    « Alors chante Alex, chante ! »

    A son tour, Agnès surmonte son émotion,

    s'avance. « Je veux témoigner que j'ai passé les quinze dernières années de sa vie auprès d'un

    sage. Un optimiste qui rassurait ses proches. Avant de partir, il a dit

    Je suis un oiseau

    . Alors

    chante Alex, chante ! »

    L'accordéon joue « Minor Swing ». Les deux guitares ont le coeur tendre.

    Agnès jette au ciel un nuage de roses, pleure à haute voix et s'enfuit cacher sa peine derrière

    le corbillard. Dans un arbre, un oiseau chante.