VIDEO. Da Silva, premier choc de 2012

Le chanteur français signe avec « la Distance » un quatrième album enthousiasmant. Rencontre avec un artiste sans concession.

    Il ne s’aimait plus. Alors Da Silva a pris du recul sur lui-même. Elle est là « la Distance » qui a donné son titre à son excellent quatrième album. « Un nouveau disque plutôt qu’un quatrième », précise-t-il d’emblée, comme pour insister sur une forme de renaissance, après trois CD où il a imposé son style : des ritournelles mélancoliques, rythmées par des états d’âme tourmentés, qui lui avait permis notamment de décrocher un disque d’or en 2005. Une patte devenue un savoir-faire encombrant. « Je ne supportais plus mon travail, je ne voulais plus me répéter. J’étais asphyxié. J’en avais marre de m’entendre chanter. »

    Alors à 35 ans, l’ex-petit punk d’origine portugaise de Nevers, cancre à l’école, rebelle en musique, s’est enfin posé chez lui, à Rennes. « J’avais démissionné de ma maison de disques, je n’avais plus d’équipe de collaborateurs alors que moi je suis un mec de meute. C’est dans ma culture portugaise d’être en bande. C’était dur de se retrouver seul. Je n’arrivais à rien. Ce qui m’a sauvé, c’est que je n’ai pas lutté. »

    Une écriture à fleur de peau

    Emmanuel Da Silva reprend alors une vie normale, « fait son lit », « prépare la bouffe », passe du temps avec sa fille, Lula, 7 ans, « loin des camions de tournée ». Il en a fait une chanson, son magnifique nouveau single : « les Stations balnéaires ». « Ebloui/Je me farde pour sortir/Je souris le cœur lourd/Je respire mal, je cours/Après qui, après quoi », lance-t-il au début d’un refrain en forme d’avertissement : « Ne m’attendez pas, ne m’attendez plus/Je ne rentrerai pas, même à des heures indues. » « C’est ma façon de dire que j’étais rincé de ce rythme infernal de disques et de concerts. »

    On y entend le nouveau Da Silva, libéré des guitares obligatoires grâce aux claviers aux sons synthétiques qui lui ont permis d’aller voir ailleurs, d’écrire sur autre chose : les aveux impossibles (« la Disparition »), le travail harassant (« le Repas »), la reconstruction personnelle (« le Bâtiment »). Da Silva s’écoute toujours entre les lignes, notamment dans sa vision très personnelle de la crise dans la chanson du même nom : « Quand tu es nue et que je suis saoul/Tout est sens dessus dessous/Le monde semble être vaincu/Dieu que j’aime ton petit cul. »

    L’écriture reste à fleur de peau pour ce chanteur tatoué de partout. « Ce n’est pas décoratif, j’ai besoin d’imprimer ma vie, par peur d’oublier. » Il est comme ça Da Silva, trapu et sensible, fragile et sans concession, même quand il signe pour d’autres qui vont d’Elsa à Claire Denamur en passant par Hélène Segara. « C’est une histoire humaine, l’écriture. J’ai besoin d’aimer les gens pour donner des chansons. Je ne ferai jamais ça pour un con. » Une exigence qui fait de « la Distance » le premier beau disque de l’année.

    En concert à Paris le 16 février à la Maroquinerie, le 15 mars au Nouveau Casino, le 11 avril au Divan du monde. Et en tournée à partir du 3 février.