Bernard Cazeneuve, réserviste du monde politique

Bernard Cazeneuve, ex-Premier ministre de François Hollande, se consacre entièrement à son métier d’avocat et balaie toute idée de retour en politique… pour le moment.

 Cherbourg (Manche), le 31 août. Bernard Cazeneuve accompagne François Hollande pendant la dédicace de son livre « Les leçons du pouvoir ».
Cherbourg (Manche), le 31 août. Bernard Cazeneuve accompagne François Hollande pendant la dédicace de son livre « Les leçons du pouvoir ». PHOTOPQR/OUEST FRANCE

    « Allô ? C'est Bernard Cazeneuve. » Quelques coups de fil passés à ses plus proches amis - pour en savoir plus sur sa nouvelle vie, parler de ses envies, de politique… - auront fait sortir l'ancien Premier ministre de sa réserve. Quelques minutes au moins. D'une courtoisie toujours à toute épreuve mais légèrement agacé, Bernard Cazeneuve a envie que l'on respecte son silence. Celui d'un homme qui a consacré cinq années de sa vie aux gouvernements de l'ère Hollande - successivement aux Affaires européennes, au Budget, à l'Intérieur, puis à Matignon. Et qui se veut aujourd'hui en retrait de la vie politique.

    « Après toutes ces années, je suis dans l'ascèse », nous explique l'ancien député-maire de Cherbourg, âgé de 55 ans. L'actualité ? Il refuse tout net de la commenter : « Je ne suis pas là pour faire du bruit », nous dit-il. Ses « leçons », il préfère les distiller par écrit. Un premier livre sur son expérience à Matignon est paru l'an dernier. Un second sur son expérience à Beauvau - l'état d'urgence, les attentats - est attendu pour début 2019.

    Dans les pas de François Mitterrand

    À la fin du quinquennat de François Hollande, son complice Bernard Cazeneuve est retourné à son premier amour - le droit - au cabinet parisien August Debouzy, pour conseiller des entreprises sur la question du droit de la sécurité, l'anticorruption. Il voyage un peu, était à Abidjan il n'y a pas si longtemps, donne également des cours à l'université quand il y est invité, comme à Montréal. Il se veut « un avocat rigoureux », « dans la plus grande discrétion », nous précise-t-il. « Il est content de faire un break vis-à-vis de la vie politique », glisse André Rouxel, son ancien suppléant à l'Assemblée, qui l'a de temps à autre au téléphone. En retrait, donc. « Il prend son pied, il est passionné par les dossiers qu'il traite ! » assure Michel Louiset, élu à Cherbourg qui le connaît depuis plus de 20 ans. Cazeneuve a aussi pu « retrouver un peu de vie de famille. »

    L'ancien ministre a aussi renoué avec ses passions. « Fanatique d'opéra » nous dit-on, tout aussi épris de son jardin que de lecture, de poésie ou de livres d'histoire. « Récemment, il a relu les Mémoires de guerre du général De Gaulle », raconte un ami. Il pratique toujours ses longues marches parisiennes. « Il adore ça, comme Mitterrand », raconte son ami et ancien député PS Jean-Paul Bacquet, qui le voit souvent et se plaît à dresser des parallèles avec l'ancien président socialiste. Bacquet qui ne manque pas de pouffer de rire quand on évoque avec lui les désormais célèbres imitations (Georges Marchais, Valéry Giscard d'Estaing…) de Cazeneuve.

    Œil critique

    Bacquet, comme la quasi-totalité des proches de l'ancien Premier ministre, croit à son retour en politique. « Il jouera un rôle à l'avenir, je ne doute pas de cela. » « Quand on est comme lui un tel républicain, on ne peut pas arrêter », abonde Benoît Arrivé, maire socialiste de Cherbourg, qui échange aussi régulièrement avec lui. Avec ses amis, Cazeneuve ne se prive pas de commenter la vie politique. « Il a un œil critique vis-à-vis d'Emmanuel Macron », se contente de glisser Rouxel. « Ma conviction, c'est qu'il est toujours passionné par la vie publique, mais rien n'est décidé », rapporte l'ancien ministre LR de l'Intérieur, Brice Hortefeux. Les deux hommes ont noué des liens via des amis communs, et se sont retrouvés l'été dernier autour d'une table parisienne.

    En août, en déplacement à Cherbourg, François Hollande tonnait : « La République doit savoir qu'elle a Bernard Cazeneuve en réserve qui, même s'il est en retrait, est un talent n'ayant pas encore dit toute sa vérité… ». Une petite phrase qui n'a pas manqué d'être (sur) interprétée.

    Sortir du « tumulte »

    Mais ce à quoi songe Bernard Cazeneuve, c'est encore lui qui en parle le mieux. Il convient pour cela d'écouter attentivement ses - rares - prises de parole publiques. En mai dernier, lors d'une visite à Cherbourg, il déclarait : « Bien entendu, si je ne dis rien, je regarde tout. Et ce que je regarde suscite en moi des opinions. Je pense que lorsque nous sortirons de ce tumulte, nous aurons à nouveau besoin de sagesse. » « Tout est dit ! » s'amuse un ancien ministre avec qui il échange, persuadé de lire là l'annonce d'un retour déjà programmé, sinon écrit. « S'ils (Hollande et Cazeneuve) veulent jouer un rôle, c'est maintenant. Dans quatre ans, nous serons peut-être morts », s'agaçait il y a quelque temps Olivier Faure, patron du PS, interrogé sur la possibilité d'un come-back des anciens tauliers.

    Bernard Cazeneuve, passionné de fleurs et surtout de roses, résistera-t-il à effectuer son retour, un jour, dans le jardin de Jaurès ?