Le Panthéon des musiciens

De janvier 2015 à décembre 2015

Aldo CICCOLINI - Désiré DONDEYNE - Gérard CALVI - Paul PAREILLE - Lucienne DELVAUX - Franck FERRARI - Françoise PETIT - Serge COLLOT - Pierre CORTELLEZZI

 

Aldo Ciccolini, vers 1954
Aldo Ciccolini, vers 1954
( DR. )

Le pianiste Aldo CICCOLINI s'est éteint le 1er février 2015 en région parisienne, dans sa maison d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), à l'âge de 89 ans. Italien de par ses origines, naturalisé Français en 1971 et installé à Paris depuis 1949, il était devenu un ardent défenseur de la musique de son pays d'adoption, sa deuxième patrie, jouant les compositeurs les plus connus (Saint-Saëns, Ravel, Debussy, Satie) mais aussi ceux injustement oubliés (Alkan, Chabrier, de Castillon, de Séverac). Egalement admirable interprète de Beethoven et de Liszt, soliste de plusieurs grands orchestres symphoniques à travers le monde, il s'était produit avec toute une pléiade de chefs renommés, de Furtwängler à Zubin metha, en passant par Giulini, Munch et Cluytens. Néanmoins il sut toujours rester indifférent aux effets de mode et aux médias, estimant que « l'artiste doit se faire oublier comme entité physiologique ».

Né à Naples (Italie), le 15 août 1925, Aldo Ciccolini manifeste très tôt d'exceptionnelles aptitudes pour la musique. Issu d'une noble lignée, les Ciccolini de Macerata, son grand-père, le marquis Edoardo Ciccolini, lui enseigne très tôt le respect des autres et la générosité, ce dont il fera preuve toute sa vie durant. Son père, typographe, passionné de musique et pianiste amateur de bon niveau, lui fait prendre des leçons de piano dès l'âge de cinq ans auprès de Maria Vigliarolo d'Ovidio. « Merveilleuse pédagogue », c'est une ancienne élève de Beniamino Cesi (1845-1905), lui-même disciple de Thalberg. Elle lui fait notamment travailler la Valse en la mineur, op. 34 n° 2, de Chopin, première valse qu'il joue de sa vie et qui figurera parmi ses tout premiers enregistrements en 1957. C'est d'ailleurs cette œuvre qu'il interprète à 8 ans lors d'un récital donné à Naples par l'Union de la Presse. A l'âge de 9 ans, en 1934, il entre au Conservatoire de Naples grâce à une dispense d'âge obtenue par le directeur Francisco Cilea, le compositeur d'Adrienne Lecouvreur. Il est admis dans la classe de piano de Paolo Denza, disciple de Ferrucio Busoni et remarquable interprète de Liszt, et travaille aussi l'harmonie, la fugue, le contrepoint et l’orchestration avec Achille Longo. 1er prix de piano en 1940 et de composition en 1943, il fait ses réels débuts publics en 1941 au Théâtre San Carlo de cette ville avec le Concerto en fa de Chopin, mais la guerre stoppe pour un temps son cheminement et il s'engage dans les rangs de la Croix-Rouge internationale. Au lendemain des hostilités, afin de nourrir sa famille, il joue durant quelque temps dans des bars, puis se voit confier en 1947 une classe au Conservatoire de Naples, avant de se rendre à Paris en 1949. Dans la capitale il perfectionne son art auprès de Marguerite Long, Alfred Cortot et Yves Nat, et, sur les conseils de sa mère, s'inscrit au Concours Marguerite Long-Jacques Thibaud. A son grand étonnement, ce qu'il avouera lui-même plus tard, le 1er grand prix lui est décerné avec l'interprétation magistrale du premier Concerto de Tchaïkovsky, aux côtés de Ventsislav Yankoff (ex aequo), Daniel Wayenberg (2ème grand prix), Paul Badura-Skoda 3ème grand prix, Youri Boukoff 4ème, Pierre Barbizet 5ème et la pianiste française Monique Mercier, future professeur à l'Ecole Normale de Musique de Paris, 6ème. Alors inconnu en France à cette époque, encensé par la critique, Aldo Ciccolini accède immédiatement au succès. Bernard Gavoty, dans Le Figaro du 13 juillet 1949, écrit : « C'est une chose bien émouvante que le début d'un jeune artiste. Et non pas tant, peut-être, pour lui, qui commence, que pour d'autres qui finissent. Si, l'autre soir, Asmodée avait soulevé le toit de la salle Gaveau, à l'abri duquel douze cents mélomanes suffoquaient, il aurait, certes, distingué beaucoup d'enthousiasme. Mais il aurait aperçu aussi des visages que le dépit enflammait : rivaux et rivales, jeunes et, surtout, moins jeunes, qu'un succès aussi foudroyant élimine ou menace, ils épiaient le phénomène, ils considéraient dans le miroir d'une réussite le spectre de leur déclin ou l'image de leur échec. Dieu, que la nouvelle du talent se répand vite à Paris ! Absolument inconnu il y a quinze jours, Aldo Ciccolini triomphe à un concours de piano, et le voilà célèbre, d'emblée. Qu'il se soit trouvé, un soir de juillet, une foule pour acclamer ce jeune homme, c'est, par parenthèses, la preuve que le concours Marguerite Long-Jacques Thibaud a, sur le plan national et international, un retentissement considérable [...] »

Commence alors pour lui une carrière internationale qualifiée d'éblouissante par d'aucuns. Dès l'obtention de son prix,il part pour une tournée de huit mois, tout d'abord en Amérique du Sud, où on l'acclame à Rio de Janeiro, Buenos-Aires et Montevideo, puis aux Etats-Unis, où il débute (1950) au Carnegie Hall avec l'Orchestre philharmonique de New York dirigé par Dimitri Mitropoulos, avant de jouer avec le Boston Symphony sous la direction de Charles Munch à Cincinnati et à Chicago. Revenu en Europe pour un séjour de 6 mois, il repart à nouveau pour les Etats-Unis... En 1955, il donne son premier concert à la Scala de Milan avec Lorin Maazel. Durant plusieurs années, à chaque déplacement tant en Europe qu'à travers le monde ce sera toujours un franc succès et de multiples ovations par un public fidèle. Interprète des œuvres pour piano de compositeurs français, il diffuse leur musique, la faisant découvrir à bon nombre de mélomanes étrangers. Le Prix de l'Académie Charles Cros lui est remis en 1976 pour ses concerts Ravel. En 1971, il avait succédé à Monique Haas dans sa classe de piano au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris où il formera, jusqu'en 1988, toute une génération d'artistes, parmi lesquels on peut citer Jean-Marc Savelli, Yves Thibaudet, Marie-Josèphe Jude, Nicholas Angelich. Contre « l'enseignement qui a tendance à cloner les élèves, un chef d'oeuvre peut supporter un nombre interminable de lectures », comme il l'avait déclaré lui-même à Frédéric Menu lors d'un entretien en 2013, il voulait « créer un rapport entre père et fils, entre père et filles » avec ses élèves, ne supportant pas l’appellation de « maître », préférant être appelé tout simplement Aldo.

Avec plus de cent enregistrements, Aldo Ciccolini laisse une imposante discographie qui lui a valut plusieurs prix, dont celui de l'Académie du disque français en 1972. Il a ainsi largement contribué à mieux diffuser la musique française, avec notamment une intégrale (1977, EMI) de Déodat de Séverac pour lequel il avait une affection toute particulière au point de vouloir reposer dans le cimetière de Saint-Félix-Lauragais, à quelques mètres de sa tombe. Son vœux sera exaucé. Il considérait Saint-Saëns comme « un virtuose exceptionnel […], une sorte de Berlioz du piano » (avril 2014, entretien avec Stéphane Friédérich). Mais n'oublions pas qu'il jouait aussi Lizst, Mozart, Chopin ou Debussy avec une extrême sensibilité et une technique stupéfiante, allant « jusqu'à l'âme de la musique » (Gavoty). Cela, en dehors du concert, se perçoit aussi souvent dans ses enregistrements. Le label EMI a sorti en 2009 un coffret de 56 CD regroupant tous ses enregistrements pour cette maison de disques durant 40 ans de carrière, et ce, pour un prix défiant toute concurrence (quelques dizaines d'euros) ! Cette magnifique compilation permet de réécouter le légendaire pianiste dans des genres bien différents. On découvre ici des interprétations admirables que seul Ciccolini était capable de nous donner. Aux côtés des intégrales de Debussy, Massenet, Satie et de Séverac, figurent des œuvres de Liszt (dont ses brillantes Harmonies poétiques et religieuses, les Années de pèlerinage et la Suite bergamasque), Ravel (Concertos), Tchaïkovsky (Concerto n° 1, op. 23), César Franck (Les Djinns, Variations symphoniques), d'Indy (Sur un chant montagnard), de Falla (Nuits dans les jardins d'Espagne), Rameau, Couperin, de Castillon, Chabrier, Fauré, Hahn, Mompou, Poulenc, Saint-Saëns, Bach, Beethoven, Brahms, Mozart, Mendelssohn, Schumann, Albéniz, Granados, Stravinski, Moussorgski, Rachmaninov, Borodine, etc... En 2013, alors âgé de 88 ans, il avait effectué son ultime enregistrement pour le label La Dolce Volta (distribué par Harmonia mundi) avec « 13 Valses » (Chabrier, Chopin, Pierné, Grieg, Satie, de Séverac, Schubert, Debussy, Massenet , Sibelius, Fauré, Brahms, Tailleferre) et se produisait encore en récital (Amsterdam et Lerida en Espagne, puis en juin 2014 tournée au Japon avec le Concerto « L'Egyptien » de Saint-Saëns à Ozaka). Encore quelques semaines avant sa mort, Aldo Ciccolini travaillait inlassablement son piano : « Tous les jours, je travaille, et parfois même la nuit. J'ai la chance énorme, horrible, d'être insomniaque, pour moi le sommeil est une vue de l'esprit. J'attends le sommeil éternel et, profitant de l'instant, je préfère travailler. » (novembre 2014, entretien avec Philippe Cassard). Il avait mis un point d'honneur à transmettre son art à son neveu et élève le pianiste italien Antonio Di Palma, professeur et directeur adjoint du conservatoire Domenico Cimarosa d'Avellino (Italie). Ses obsèques ont eu lieu le 6 février 2015 en l'église de La Madeleine, à Paris 8e, là même où Saint-Saëns, qu'il vénérait tant, avait autrefois touché le grand-orgue.

Denis Havard de la Montagne

Désiré Dondeyne en 1985 (Collection Vandoren, Paris, avec leur aimable autorisation)
Désiré Dondeyne en 1985
( photo collection Vandoren-Paris,
avec leur aimable autorisation ) DR
Le 12 février 2015 à l'hôpital Percy de Clamart (Hauts-de-Seine) est décédé le chef d'orchestre, compositeur et clarinettiste Désiré DONDEYNE dans sa quatre-vingt-quatorzième année. « Véritable monument dans le monde des orchestres à vents », comme l’écrivait Francis Pieters en 2002, notamment de par ses nombreux enregistrements avec la Musique des Gardiens de la Paix, édités et réédites dans plusieurs pays, il est considéré comme un pionnier de la musique pour orchestre d'harmonie en France, dont il rénove le répertoire. Il avait d'ailleurs écrit spécialement à l'intention de ces formations un Nouveau Traité d’orchestration à l'usage des harmonies, fanfares et musiques militaires, pour faire suite au Traité d'instrumentation et d'orchestration de Gabriel Parès (en collaboration avec Frédéric Robert, 1969, Lemoine, réédité en 1992 et en 1999 par les Éditions Robert Martin), qui est rapidement devenu une référence pour les compositeurs et chefs d'orchestre d'harmonie. Très préoccupé par l’élargissement de la culture musicale auprès des jeunes et des moins jeunes, il avait écrit ou réécrit un grand nombre de transcriptions de qualité dans le but de leur faire découvrir les œuvres faisant partie du patrimoine musical (Bach, Delalande, Haendel, Mozart, Schubert, Brahms, Berlioz, Wagner, Rimsky-Korsakov, Chabrier, Tailleferre, Boisvallée, Tomasi, Calvi...), évitant ainsi aux orchestres d'harmonie de se cantonner dans un répertoire uniquement écrit pour leur formation. Contrairement à certaines transcriptions dont la qualité laisse parfois à désirer, il se faisait un devoir de ne pas « défigurer la musique de nos grands Maîtres », comme lui-même l'avait déclaré un jour à Guy Dangin (in Journal de la CMF, n° 5245, août 2006). Président de l'Union des Fanfares de France, Conseiller technique et culturel à la Confédération Musicale de France (CMF), il laisse un vaste catalogue d’œuvres principalement destinées aux orchestres d'harmonie, avec des incursions plus classiques dans la musique de chambre.

C'est à Laon (Aisne) que Désiré Dondeyne voit le jour le 21 juillet 1921. Son père, Charles Dondeyne, est alors aiguilleur au dépôt de Lens (Pas-de-Calais) et la famille habite dans la Cité des cheminots des Chemins de fer du Nord à Avion. Dès l'âge de 7 ans, il est initié à la musique par M. Dantin à la petite école des chemins de fer qui lui apprend le solfège et la clarinette. Visiblement doué et dépassant rapidement son maître, il est envoyé au Conservatoire de Lille, où il obtient en 1936 un 1er prix de clarinette dans la classe de Ferdinand Capelle (1883-1942), un ancien élève d'Henri Lefèbvre (1867-1923, soliste à l'Opéra de Paris) et excellent professeur qui enseignait également dans les conservatoires de Roubaix et de Genève (Suisse), tout en dirigeant l'Harmonie et la Chorale municipales de Lille. A cette époque, il fait la connaissance d'une certaine Micheline Clarisse qui tient l'harmonium de la petite église Saint-Eloi construite dans la Cité des cheminots ; il l'épousera plus tard, en 1943 à Avion. Entre temps, en octobre 1938 il entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et en 1939 il est admis comme clarinette solo à la Musique de l'Air créée quelques années auparavant. Mais, cette même année voit la déclaration de guerre et, durant les hostilités, il est obligé de se replier à Toulouse avec cet orchestre. Il restera dans cette formation militaire jusqu'en 1954. A la Libération, la Musique de l'Air ayant réintégré la capitale, il peut reprendre ses études musicales au Conservatoire et, entre 1945 et 1951, il décoche 7 premiers prix : solfège, clarinette (classe d'Auguste Perrier) et musique de chambre (classe de Fernand Oubradous) en 1945, harmonie (classe de Tony Aubin) en 1947, contrepoint (classe de Jean Gallon) en 1948, fugue (classe de Noël Gallon) en 1950 et composition (classe de Darius Milhaud) en 1951. De ces années date sa longue amitié avec le compositeur et lauréat du Prix de Rome Serge Lancen (1922-2005), son condisciple dans la classe de Tony Aubin : il lui fera découvrir la musique d’harmonie pour laquelle il se consacrera pleinement au début des années soixante et écrira par la suite bon nombre d'oeuvres destinées à ce genre musical. A la mort de son condisciple, Désiré Dondeyne lui rendra un ultime hommage en composant en 2006 un Hommage à Serge Lancen écrit pour orchestre d'harmonie. En 1985 Serge Lancen avait été élu membre du bureau directeur de la World Association for Symphonic Bands and Ensembles (WASBE) alors que Désiré Dondeyne en était de son côté membre d'honneur et président de la section française.

Après le Conservatoire, Désiré Dondeyne fréquente quelque temps la classe de Jean Fournet à l'Ecole Nationale de Musique (ENM) afin de se perfectionner dans la direction d'orchestre et, en 1954, il succède à Félix Coulibeuf à la tête de la Musique des Gardiens de la Paix, prestigieuse formation qu'il dirigera durant un quart de siècle (1979) avant de laisser la baguette à Claude Pichaureau. Grâce à lui, cette formation conquiert rapidement une renommée internationale et elle enregistre plusieurs disques au fil des années pour les labels Fontana, Erato, Philips, Chappel, Decca, Colisée et Arion, parmi lesquels on découvre, entre autres, une intégrale des œuvres pour harmonie de chambre (1979, ARN 336019), des grandes marches militaires (1971, Colisée 6450008), Paris en 1900 (1966, Decca SKL 30182 et 30183) et la Grande symphonie funèbre et triomphale de Berlioz (1958, Erato LDE 3078). Elle ne se cantonne plus aux cérémonies et réceptions officielles parisiennes, se produisant aussi un peu partout en concert, même à l'Olympia. Plus tard, le 17 février 2002, la Musique des Gardiens de la Paix, sous la direction de son nouveau chef Philippe Ferro, pour fêter le jubilé de leur ancien chef lui rendront hommage en exécutant en première mondiale sa 4e Symphonie et son Concerto pour trompette (avec Pierre Dutot), ainsi que son Concerto lyrique pour saxophone alto (avec Daniel Gremelle), sa pièce musicale pour clairon, trompette de cavalerie et batterie-fanfare Iolades et son orchestration d'Un Américain à Paris de Gershwin. En 1980, Désiré Dondeyne est nommé directeur du Conservatoire d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) qu'il va diriger jusqu'en 1986 et auquel il fera don en 2011 de son fonds musical (10 mètres linéaires d'archives). Pour le remercier d'avoir largement contribué au développement de son Conservatoire, la Ville baptisera de son nom la bibliothèque construite lors de l'extension de cette institution (2012) où notamment la pratique de l'orchestre d'harmonie est maintenant enseignée.

Désiré Dondeyne tient une place importante dans l'histoire de la musique pour orchestre d'harmonie-fanfare d'après guerre pour laquelle il a écrit un nombre d'oeuvres impressionnant. Son catalogue, fort riche avec près de 300 opus (dont la moitié sont des arrangements) composées durant plus d'un demi-siècle, comporte également des pages pour des formations plus classiques, notamment de la musique de chambre : Cantabile et Capricio pour trombone et piano (Leduc), Uranus pour trombone et piano (R. Martin), Suite pour 4 trombones (Reift), 5 Pièces courtes pour jeunes tubistes pour tuba et piano (Billaudot), Terre pour tuba et piano (R. Martin), Pour se divertir et Pour se distraire pour 4 bassons (Billaudot), Chanson espagnole pour hautbois et piano (Editions Musicales Transatlantiques), Io pour la même formation (R. Martin), Jupiter pour trompette et piano (R. Martin), Lune (id.), Mars (id.), Mercure pour saxophone et piano (R. Martin), Pluton (id.), Saturne (id.), Pallas pour cor et piano (R. Martin), Sonatine pour saxhorn et piano (EMT), Symphonie concertante pour saxhorn et orchestre (Chappell), Concertino pour clarinette et piano (Leduc), Ritournelle pour clarinette et piano (Billaudot), Suite tocellane (id.), Neptune pour clarinette et piano (R. Martin), Vénus (id.), Vesta (id.), Sonatina pour clarinette et piano (Combre), Petite suite pastorale pour 5 clarinettes (Billaudot), Pièces brèves pour 2 clarinettes (EMT), 9 Grands duos concertants pour deux clarinettes (EMT), Quintette pour clarinette et quatuor à cordes (Billaudot), Symphonie n° 2 pour 6 clarinettes (Billaudot), Triptyque pour clarinette et orchestre à cordes (EMT), Légendes pour 2 flûtes (EMT), Concerto pour harpe et quatuor à cordes (inédit), Prélude pour violoncelle et piano (R. Martin), 10 Voyages imaginaires pour saxophone alto, 2 violons, harpe, violoncelle et orchestre à cordes (Combre). Quant aux pièces pour orchestres d'harmonie et fanfares, elles touchent divers genres : musique orchestrale (dont de nombreux arrangements), musique concertante, ensembles instrumentaux ainsi que des choeurs. Pour la liste complète et détaillée de ces œuvres nous renvoyons nos lecteurs au livre que Francis Pieters consacre à Désiré Dondeyne (2008, Editions Musikverlag Kliment, Vienne, disponible aux Editions Robert Martin à Charnay-les-Mâcon, www.edrmartin.com). Cet ouvrage de 252 pages présente aussi sa discographie, là-encore très abondante depuis les années cinquante. Mentionnons ici la parution en 2008 d'un double CD considéré comme un événement pour la musique d'harmonie en France : Masterpieces by Désiré Dondeyne, par la Musique des gardiens de la Paix placée sous la direction de Philippe Ferro (CD Molenaar MCB 31.109572, www.molenaar.com). Cet album comprend : Deux Danses : Sarabande, Pantomime (1959), Ouverture pour un festival (1962), Ballade pour une fête populaire (1967), Symphonie n° 4 (1968-2000), In memoriam : Stravinsky (1971), Ouverture Ballet (1979), Trois pièces caractéristiques (1984), Hommage à Serge Lancen (2006) et une interview du compositeur. Ajoutons enfin qu'on lui doit également, en plus de son Traité d’orchestration, d'autres ouvrages pédagogiques avec des livres de Déchiffrages pour tous instruments (9 niveau préparatoire, 13 niveau moyen et 12 niveau supérieur) parus chez Billaudot, et chez le même éditeur une série de 11 volumes de Pédagogie des ensembles de clarinettes. Pour l'ensemble de son œuvre désiré Dondeyne recevra plusieurs récompenses, parmi lesquelles le Prix Gabriel Parès de la Sacem, le Prix de la Musique symphonique légère de la Sacem et le Prix de composition au Festival de Toulon.

Président de l'Union des Fanfares de France, membre du comité d'honneur de l'Ordre National des Musiciens, chevalier de la Légion d'honneur, officier des Arts et des Lettres ainsi que des Palmes Académiques, Médaille militaire, Désiré Dondeyne laisse six enfants, dont Marc Dondeyne, chef d'orchestre, qui enseigne sa discipline au Conservatoire Gabriel Fauré des Lilas (Seine-Saint-Denis). Ses obsèques ont été célébrées le 19 février en l'église Saint-Etienne d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), ville où il résidait depuis l'après guerre, avec la participation de la Musique des Gardiens de la Paix qui ont interprété une de ses œuvres ainsi qu'un extrait du Requiem de Mozart qu'il avait arrangé lui-même pour choeur et orchestre d'harmonie (R. Martin).

Autres enregistrements disponibles.

Denis Havard de la Montagne

Gérard CALVI (1922-2015)
Article et illustrations sur cette page de la section des Prix de Rome.

Le saxophoniste Paul PAREILLE s'est éteint le 28 avril 2015 à Nice, dans sa 89ème année. Ancien président de l'Association Internationale pour l'Essor du Saxophone (A.P.E.S.), professeur de saxophone, directeur de conservatoire, il avait fondé le « Quatuor d'anches français », une formation unique et originale composée de son instrument et des trois instruments à anches de l'orchestre (hautbois, clarinette et basson). Celle-ci, qui avait rapidement recueilli l'enthousiasme du public et de la critique, a été à l'origine de bon nombre de créations d’œuvres spécialement écrites à son intention. Son ensemble instrumental (12 cordes), créé plus tard, obtiendra aussi un réel succès avec plus de 200 concerts et animations. Mais, si Paul Pareille s'était spécialisé dans le répertoire classique, ses connaissances musicales et son goût pour les découvertes le poussèrent également à faire des incursions dans la musique de jazz, qu'il enseignera, et dans la variété. C'est ainsi qu'il eut l'occasion de jouer notamment avec l'orchestre de musique latine américain Benny Bennet, l'orchestre tropical de Henri Rossotti et celui d'Eddy Warner, ou encore de se produire au sein d'orchestres au Lido, à l'Olympia, au Moulin Rouge, au Gaumont Palace, au Casino de Paris pour accompagner, entre autres vedettes, Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, Pierre Perret, Enrico Macias et Johnny Hallyday. En juin 1964, il avait effectué une tournée en Suède avec Marlène Dietrich.

Paul Pareille
Paul Pareille
( Fragment photo Studio Théo Phil, 1974 ) DR

Né le 4 mai 1926 à Tannay, dans le département de la Nièvre, Paul Pareille, attiré dans son adolescence par le saxophone, l'étudie sérieusement à partir de 1947 auprès de Marcel Josse, enseignant alors au Conservatoire de Versailles et membre depuis 1945 (alto) du « Quatuor de saxophones Marcel Mule ». Entré au début des années cinquante dans la classe de ce dernier au Conservatoire de Paris, il en ressort en 1952 avec un 1er prix (avec Guy Lacour), ainsi qu'une 1ère médaille de musique de chambre obtenue dans la classe de Fernand Oubradous. C'est dès cette époque que commence sa longue carrière d'enseignant, menée parallèlement à ses activités d'interprète, avec sa nomination sur concours de professeur de saxophone au Conservatoire d'Amiens, alors dirigé par Charles Jay. En 1963, sur sa demande sera créée dans cet établissement une classe de jazz, et en 1969 il quitte Amiens pour fonder et prendre la direction du Conservatoire municipal de musique, de danse et d'art dramatique de Chatou, en banlieue parisienne, où il dirige également la Société de musique. Afin d'approfondir ses connaissances pédagogiques, il obtient en 1971 le certificat d'aptitude de musique de chambre pour les Conservatoires nationaux de région. En 1985 il est nommé directeur des études au CNR de Nice, adjoint du directeur André Peyrègne.

Comme interprète, sa carrière débute en 1953 lorsqu'il est reçu premier sur concours à la Musique de l'Air de Paris, unité de prestige créée en 1936 réclamant un haut niveau de technicité, alors dirigée par Robert Clérisse. Il restera longtemps dans cet orchestre au sein duquel, succédant à Lucien Corbière (baryton), il joue durant quelque temps avec le « Sax Quartet de Paris », en compagnie de Robert Letellier (soprano), son fondateur et directeur, Rémy Violeau (alto) et Gaston Lavoye (ténor), tous 1er prix du Conservatoire de Paris, qui se produisent aussi en concerts à la radio, ainsi qu'en tournées en France, Hollande, Belgique, Suisse et Allemagne. Avec cette formation il enregistre au début des années soixante un disque d'airs célèbres de la musique de genre (45 tours, Teppaz 45.589 S.), sous le titre de « 4 Saxophones s'amusent... » comportant 4 œuvres : Danse du sabre (Katchaturian), Danse des violons (Maurice et Faustin Jeanjean), Polka valaisane (Robert Clérisse) et Menuet (Boccherini). A partir de 1964, il est aussi parfois réclamé pour effectuer des tournées tant en France qu'à l'étranger avec le Quatuor de saxophones Marcel Mule, mais c'est quatre ans plus tard, avec la création de son « Quatuor d'anches français » qu'il va pouvoir donner pleinement toute sa mesure (à ne pas confondre avec le « Quatuor d'anches de Paris », formé et dirigé à la même époque par André Beun, saxophone alto, avec Alain Prottin, hautbois, Gilbert Monier, clarinette et Michel Aucante, basson). Composé de Jacques Vandeville (hautbois), Jean-Claude Brion (clarinette), Daniel Neuranter (basson) et lui-même au saxophone, cette formation a « pour but de pouvoir incorporer son instrument dans un ensemble de musique de chambre autre que le quatuor de saxophones classique. » Près de 200 concerts, dont certains diffusés à la radio, vont être donnés par cet ensemble, devenu rapidement soliste à l'O.R.T.F., qui reçoit en 1969 le Grand Prix d'Honneur au Concours international de musique de chambre de Colmar. Une vingtaine d’œuvres originales sont écrites à son intention et créées par ses soins, parmi lesquelles on peut citer : Trois mouvements pour quatuor d'anches de Denise Roger (Ed. EFM-Technisonor, 1974), Dialogue d’anches de Jacques Bernard (Ed. EFM-Technisonor, distribution Billaudot, 1974), Silences de Monic Cecconi-Bottela (1972), créé en mars 1973 à La Garenne-Colombes, [du même compositeur : création de Hommage à..., pour 2 quatuors à cordes et un quatuor d'anches (Ed. EFM-Technisonor) le 13 mai 1974 avec l'ensemble « L'Itinéraire », sous la direction de Boris de Vinogradov], Les Trois Mousquetaires de Pierre Max Dubois (Leduc, 1966) [pour la circonstance le « Quatuor d'anches français » est alors composé de Paul Pareille, Yves Pruède, hautbois, Jacques Niopel clarinette et André Blandinière, basson], Hevel II de Marcel Goldmann (Ed. EFM-Technisonor, distribution Billaudot, 1974), Nocturne, op. 10 (1970) d'Aubert Lemeland, brève composition en un mouvement : Lento molto espressivo, (première audition en juin 1971 au Festival d’Epernay, pour Radio France), Cinq Portraits et une Image (1974) d'Alain Louvier, création au IVe Congrès mondial de saxophone à Bordeaux le 6 juillet 1974 (Leduc). Lors de ce congrès le « Quatuor d'anches français » interprète également à nouveau Silences de Monic Cecconi et Kuklos (trois parties : Yin, Yang, Fécondation) de Daniel Meier (Ed. EFM-Technisonor). La même année, il enregistre pour les Editions Françaises de Musique (EFM 011) un disque 33 tours avec les œuvres pré-citées de Cecconi, Goldmann, Lemelan et Meier, dont la critique soulignera plus particulièrement « ces pages juxtaposant les chaudes sonorités du saxophone à la famille traditionnelle des instruments à anches [… avec] une belle qualité interprétative » (Michel Louvet, in Le Courrier musical, n° 48 de 1974). On lui doit encore l'enregistrement de la cantate Liberté de Roger Calmel.

En 1971, Paul Pareille participe activement à la création du Festival en Champagne (à Epernay) ayant pour thème « Musique pour instruments à vent » et placé sous le haut-patronage du Ministère des Affaires culturelles. Il a ainsi l'occasion de s'exprimer sur les radios France-Musique et France-Culture, aux côtés du musicologue Guy Erismann, de Georges Léon, l'historien de Ravel et de François Serrette, compositeur et producteur à Radio-France. Plus tard, en 1976, il fonde l'« Ensemble instrumental Paul Pareille » composé de 12 cordes et subventionné par la Direction de la musique, de l'art lyrique et de la danse du Ministère de la culture. Avec Berthilde Dufour pour violon solo (actuel premier violon solo de l'Orchestre régional de Cannes, Provence, Alpes, Côte d'Azur), cet ensemble va se produire en concerts à 212 reprises.

Longtemps soliste de Radio-France avec le nouveau Quatuor de saxophones de Paris et le Quatuor d'anches français, membre du jury au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, et des Concours centralisés pour la nomination des professeurs dans les Conservatoires nationaux et de région, Chevalier de l'Ordre national du mérite, Paul Pareille a succombé à une leucémie foudroyante à Nice, où il s'était retiré avec sa famille. Ses obsèques ont été célébrées le lundi 4 mai 2015 à Tannay, sa ville natale.

Denis Havard de la Montagne*

* nos vifs remerciements pour leur contribution à MM. Jean-Claude Brion, clarinettiste et Jean-Marie-Paul de l'entreprise parisienne de facture instrumentale Vandoren (www.vandoren-fr.com) chez laquelle il est possible de trouver les partitions pré-citées.


Lucienne Delvaux (1916-2015)

Franck Ferrari
( Photo X... ) DR
Le 18 juin 2015 à Nice (Alpes-Maritimes) est décédé dans sa cinquante-troisième année le baryton Franck FERRARI. Emporté prématurément par la maladie, il a néanmoins marqué le monde de l'opéra au sein duquel sa présence sur scène et sa voix puissante étaient hautement appréciées. Venu tardivement à la musique, cet ancien sportif, « premier buteur de la Côte d'Azur » (1974) dans la catégorie minimes à l'Olympique Gymnaste Club de Nice, ceinture marron de karaté, passionné par la géologie et les mathématiques, et autrefois pompier volontaire, avait découvert sa « fabuleuse voix de baryton » à l'âge de 21 ans. Cela ne l’empêchera pas d'effectuer une brillante carrière internationale qui va le conduire de l'Opéra de Paris au Met de New York en passant par la Scala de Milan. Scarpia dans la Tosca (Puccini) et Escamillo dans Carmen (Bizet) seront ses rôles préférés qu'il va chanter dans le monde entier.

Né le 12 janvier 1963 à Nice dans une famille d'origine italienne, d'un père boxeur et d'une mère capitaine de l'équipe de basket de Nice, Franck Ferrari débute très jeune la pratique du sport, souhaitant faire une carrière de footballeur professionnel. Entre temps, à 18 ans il s'engage dans les parachutistes, ce qui le mène jusqu'au Liban. Revenu dans sa ville natale, afin de payer ses études il se fait engager comme figurant à l'Opéra municipal ; c'est là qu'il découvre le monde musical qui le fascine rapidement. Sa belle voix de baryton est très tôt repérée par le ténor français d'origine australienne Albert Lance (1925-2013) qui le prend dans sa classe de chant au Conservatoire de Nice. Dans cet établissement, où il entre à l'âge de 21 ans, il côtoie dans les classes, entre autres dans celle de solfège, des élèves bien plus jeunes que lui, mais cela ne l'empêche pas, au bout de 6 années d'études, de décrocher un premier prix de chant et d'art lyrique. Deuxième Prix d'opéra au Concours international de chant de Marmande (en 1991 et en 1992), premier prix à celui de Marseille (en 1993), il décide alors de faire carrière non plus dans le sport mais dans la musique, sous les auspices de son professeur ainsi que ceux de Jean Giraudeau. Il se perfectionnera auprès du pianiste américain spécialisé dans l'accompagnement vocal Dalton Baldwin, de la professeur de chant américaine Lorraine Nubar dans son Académie internationale d'été de Nice, et de la soprano roumaine Ileana Cotrubas. Dès ses débuts sur scène, il est remarqué et salué par la critique avec ses premiers rôles mozartiens dans Les noces de Figaro (Figaro) et Don Giovanni (rôle-titre). Ce sera ensuite l'opéra italien : Malatesta dans Don Pasquale (Donizetti), Belcore dans L'Elixir d'amour (Donizetti), Marcello dans La Bohème (Puccini, Opéra de Paris, 2006), Scarpia dans La Tosca (Puccini, Opéra Paris-Bastille, 2007 et 2011, Nice, 2008, Toulouse, 2011, Strasbourg, 2013, Berlin, 2014), Amonasro dans Aïda (Verdi, Grand Théâtre de Bordeaux, mars 2006), Nabucco (Verdi, Opéra de Nice), Paolo dans Simon Boccanegra (Verdi, Opéra de Paris, 2006), Miller dans Luisa Miller (Verdi, Opéra Paris-Bastille, mars 2011). Le répertoire d'opéras français est également abordé avec Massenet (Albert dans Werther), Gounod (Ourrias dans Mireille, Opéra de Paris, septembre 2009, Chorégies d'Orange, 2010) et sa voix de baryton au timbre sombre avec une large tessiture lui permet de faire des incursions dans un répertoire plus léger avec notamment les quatre personnages diaboliques et inquiétants des Contes d'Hoffmann d'Offenbach (Opéra Paris-Bastille, mai 2010 et septembre 2012, Zurich, 2011) et La Mélodie du Bonheur de Richard Rodgers (rôle du Capitaine von Trapp, Opéra de Metz, décembre 1998).

A l'Opéra Garnier (Paris), auquel il reste attaché durant 20 ans, il chante pour la dernière fois le 12 septembre 2013 dans Alceste de Gluck (rôle d'Hercule), sous la direction de Marc Minkowski. Il y avait fait ses débuts en 1994 dans le rôle de Morales dans Carmen (Bizet) qu'il reprendra notamment à l'Opéra de Paris-Bastille en janvier 1999. Il aurait dû y interpréter celui d'Hercule dans Alceste (Gluck) en juin 2015 et à la rentrée de la saison 2015-2016 ceux de Jupiter dans Platée (Rameau) et du Comte Gormas dans Le Cid (Massenet). Son rôle vedette d'Escamillo, qu'il avait chanté en France sous la conduite de Jean-Claude Casadesus et Michel Plasson, l’emmènera au Hollywood Boll de Los Angeles et au Teatro Regio de Turin. Aussi à son répertoire le rôle de Capulet dans Roméo et Juliette de Gounod (Scala de Milan, 2011), le rôle-titre d'Oedipe de Georges Enesco au Théâtre du Capitole (Toulouse, octobre 2008), sous la direction de Nicolas Joel, le rôle de Gollaud dans Pelléas et Mélisande de Debussy (Opéra de Paris, 2005), ainsi que ceux de Lescaut (Manon, Puccini, Opéra Paris-Bastille, avril 2004 et janvier 2012), Thoas (Iphigénie en Tauride, Gluck, Opéra de Paris, mai 2008), Karnac (Le Roi d'Ys, Lalo), Verrina (Fiesque, Lalo), Valentin (Faust, Gounod), Enrico (Lucia di Lammermoor, Donizetti), Germont (La Traviata, Verdi), Sharpless (Madame Butterfly, Puccini, Opéra Paris-Bastille, janvier 2009), Alfio (Cavalleria Rusticana, Mascagni), Chorébe (Les Troyens, Berlioz, Opéra Paris-Bastille, 2006), Ramiro (L'Heure espagnole, Ravel), Marc-Antoine (Cléopâtre, Massenet), Napoléon (Madame Sans-Gêne, Giordano), Hamilcar (Salammbô, Philippe Fénelon), Talbot (Marie Stuart, Donizetti), Athanaël (Thais, Massenet, Opéra de Toulon, octobre 2010), Gaspard (Der Freischütz, von Weber, Opéra Nice-Côte d'Azur, novembre 2013). Il avait également contribué à faire renaître des opéras tombés dans l'oubli comme l'Etienne Marcel de Saint-Saëns ou l'Arlésienne de Cilea (Festival de Radio France). Si la plupart des scènes françaises accueillirent Franck Ferrari, bien d'autres mondiales le reçurent au cours de sa trop courte carrière de chanteur : le Liceu de Barcelone, le Teatro Real de Madrid, le Wiener Staatsoper, le Deutsche Oper de Berlin, le Grand Théâtre de Genève, l'Opéra de Lausanne, le Teatro Carlo Felice de Gênes, l'Opéra de Washington, le Metropolitan Opera de New York, l'Opéra de Toronto... En mars 2014, déjà atteint par la maladie, il n'avait pu chanter le rôle-titre du Roi Arthus de Chausson programmé à l'Opéra National du Rhin.

Travailleur acharné, se considérant comme un « artisan de la musique », sa carrière écourtée ne lui a pas laissé le temps d'aborder les plus grands rôles verdiens comme Macbeth, Rigoletto ou encore Posa (Don Carlos), bien qu'il s'était déjà frotté avec succès à de tels rôles avec Renato du Bal masqué (Opéra Paris-Bastille, avril 2009) ; assurément, il aurait brillé. En juin 2006, lors de la remise des insignes de chevalier de l'Ordre des arts et des lettres par le Ministre de la culture et de la communication Renaud Donnedieu de Vabres, celui-ci avait très justement souligné la « qualité de [sa] voix, une diction et une musicalité impeccables » et au moment de sa disparition Ivan A. Alexandre, de Diapason, soulignait quant à lui ce « solide gaillard toujours guilleret, d'une gentillesse à la mesure de sa gouaille fièrement provençale. »

Ce « rocker lyrique au cœur tendre » (Alain Duault dixit en 2012) affectionnait aussi particulièrement la mélodie française (Duparc, Ibert, Ravel) ; c'est ainsi qu'il a enregistré en 1997-1998 pour le label Maguelone digital records (MAG 111.120), et en première mondiale, les mélodies de Jacques Ibert accompagné par Dalton Baldwin. Mais, en dehors de cet enregistrement, très pris par ses multiple activités, il n'avait guère encore eu le temps de se consacrer pleinement au disque : on n'a de lui que deux autres enregistrements (public) réalisés respectivement en 2008 et en 2011 à l'Opéra Berlioz-Le Corum de Montpellier : Le Duc d'Albe de Donzetti, dans lequel il chante le rôle-titre aux cotés d'Inva Mula (Hélène), Arturo Chacon-Cruz (Henri), le Choeur de la Radio-Lettone et l'Orchestre de Montpellier Languedoc-Roussillon, sous la direction d'Enrique Mazzola (coffret 2 CD Accord, 480 845), et Fiesque, l'opéra de Lalo (rôle de Verrina), avec Roberto Alagna (Fiesque), Béatrice Uria-Monzon (Julie) accompagnés par les mêmes formations vocale et instrumentale dirigées par Alain Altinoglu (coffret 2 CD Deutsche Grammophon 476 454-7). Rappelons enfin qu'en 2011 à Nice il avait créé avec son épouse Véronique Ferrari la très active Société Vocalia, spécialisée dans les arts du spectacle lyrique, mais que celle-ci avait dû fermer ses portes en mars 2015, la maladie l'ayant obligé à se défaire de toutes activités. Humble et généreux, parrain de l'édition 2015 de « Mille choeurs pour un regard » au profit de l'association « Rétina France », au cours de ses dernières années (2013) Franck Ferrari avait donné des masterclass consacrées aux opéras de Mozart avec l'Association « Opéra Théâtre pour tous » à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille (amphithéâtre de Vernejoul), destinées aux malades et à « tout public » dans le cadre d'un programme d'Opéra-Thérapie.

Denis Havard de la Montagne

Françoise PETIT (1925-2015)

Le 11 août 2015 s'en est allé à Gerzat (Puy-de-Dôme) l'altiste Serge COLLOT dans sa quatre-vingt-douzième année. Maître français de l'alto ayant débuté par l'étude du violon, membre de plusieurs formations de chambre dès le début des années quarante et intéressé par la musique moderne, il est le créateur de plusieurs œuvres musicales de son temps. Alto solo à l'Orchestre de l'Opéra de Paris durant une trentaine d'années, professeur au Conservatoire de Paris, il est à l'origine de la formation d'une grande partie des altistes actuels. Il est considéré comme un brillant continuateur de son professeur Maurice Vieux (1884-1951) qui a tant fait pour élargir le répertoire et pour hisser au premier plan son instrument, longtemps considéré avant lui comme un parent pauvre du quatuor. François Broos, Marie-Thérèse Chailley, Etienne Ginot, Léon Pascal, Pierre Pasquier et Colette Lequien (avec laquelle il assurait la coprésidence de l'association internationale des Amis de l'Alto, fondée en 1979) sont également sortis de la classe de Maurice Vieux.

Serge Collot
CD Camerata 30CM-462

C'est à Paris qu'est né Serge-Guy Collot, le 27 décembre 1923, d'un père sculpteur sur bois et violoniste amateur qui lui enseigne les rudiments du violon. Après avoir pris des leçons en cours privés auprès de professeurs parisiens, en 1937 à l'âge de 13 ans il entre au Conservatoire national de musique où il suit notamment la classe préparatoire de violon d'Emile Loiseau (1874-1966). Celui-ci, ancien second violon du « Quatuor Parent » jusqu'en 1913, puis du « Quatuor Capet » dissous en 1928, lui donne le goût de la musique de chambre et du quatuor à cordes, domaines dans lesquels il va exceller tout au long de sa carrière. Au début des années 1940, tout en poursuivant ses études au Conservatoire, il joue dans l'orchestre de chambre que le violoniste et chef d'orchestre Maurice Hewitt vient de fonder en 1939 – on sait que cette formation a joué un rôle important dans la renaissance de la musique baroque – et, en remplacement d'un instrumentiste empêché, il est amené à jouer la partie d'alto dans le 6ème Concerto brandebourgeois monté par Hewitt, instrument dont il découvre toute la richesse. Ne pouvant entrer dans la classe de violon supérieur d'André Tourret, il se tourne vers l'alto et entre alors dans celle de Maurice Vieux, alto solo à l'Orchestre de l'Opéra de Paris depuis 1908. Il fréquente également la classe de musique de chambre de Joseph Calvet (1897-1984), fondateur en 1919 du « Quatuor Calvet » et obtient un premier prix dans ces deux disciplines, respectivement en 1944 et 1948. Au Conservatoire, il travaille aussi la composition auprès d'Arthur Honegger.

Dès la fondation en 1944 du « Quatuor Parrenin » – l'année d'obtention de son premier prix d'alto – Serge Collot en est membre aux côtés de Jacques Parrenin (1er violon), Marcel Charpentier (2e violon) et Pierre Penassou (violoncelle), tous issus de la classe de musique de chambre de Joseph Calvet. Avec celui-ci, auquel il reste attaché jusqu'en 1957 (Michel Walès lui succède), il se produit chaque semaine à Radio-Luxembourg (1944-1949) et en concerts publics dans un vaste répertoire allant du classique au contemporain, avec plusieurs quatuors de l'Ecole de Vienne et Bartok. On doit à cette formation la création du 2ème Quatuor à cordes de Hans Werner Henze (1952) et du Premier Quatuor à cordes de Roberto Gerhard (1955). Après un passage (1957-1959) au sein du « Quatuor de l'O.R.T.F. » où jouent également à cette époque Jacques Dumont (1er violon), Louis Perlemuter (2e violon) et Robert Salles (violoncelle), il fonde en 1959 le « Trio à cordes français » en compagnie du violoniste Gérard Jarry et du violoncelliste Michel Tournus. On doit à cette formation, active jusqu'en 1994, plusieurs créations parmi lesquelles le Quatuor II de Betsy Jolas (1964), les 4 Poèmes de Sappho de Charles Chaynes (1968, avec Mady Mesplé), le Trio pour violon, alto et violoncelle de Jean-Pierre Guézec (1968), Ikhoor de Ianis Xenakis (1978). Peu avant la dissolution de son Trio en 1991, il fait aussi partie du « Quatuor Bernède » aux côtés de Jean-Claude Bernède (1er violon), Marcel Charpentier (2e violon) et Pierre Penassou (violoncelle). Mais, s'il est un chambriste dans l'âme, il ne dédaigne pas pour autant la musique orchestrale en occupant le pupitre d'alto solo de l'Orchestre de l'Opéra de Paris entre 1952 et 1984, où il joue sous les directions de chefs renommés tels Pierre Dervaux, George Prêtre, Serge Baudo, ou encore Jean-Claude Casadesus. Lorsque Pierre Boulez fonde en 1954 le « Domaine musical de Paris », avec Jean-Louis Barrault et le chef d'orchestre Hermann Scherchen, destiné à jouer la musique ancienne mais aussi et surtout les nouveaux courants de la musique d'alors et plus particulièrement la musique d'avant-garde, Serge Collot fait partie de l'aventure jusqu'en 1970. Le répertoire de cette société de concerts couvre la musique du XXe siècle (Debussy, Stravinski, Messiaen), puis principalement les musiciens de l'Ecole de Vienne (Schoenberg, Alban Berg, Anton Webern) et ses héritiers (Pousseur, Kagel, Berio, Boucourechliev...) ainsi que Boulez dont Collot assure, dès la seconde audition, la partie d'alto de son Marteau sans maître (1955) dirigée par l'auteur. En 1967 ce dernier cédera sa place de chef à Gilbert Amy. Les créations auxquelles Serge Collot a participé sont nombreuses que ce soit avec le « Domaine musical » ou les autres formations de chambre dont il fut membre. Parmi celles-ci figurent, entre autres, Etudes III (1962) et Polychronies (1964) de Jean-Claude Eloy, Sept Haïkaï pour piano solo et petit orchestre d'Olivier Messiaen, Jelek (1963) de György Kurtag (1965), Text II pour soprano et 5 instruments de Carlos Roqué Alsina (1967), Cinq églogues d'Andre Jolivet (1967), La Cantata Hurbinek de Girolamo Arrigo (1970), The Rara requiem de Sylvano Bussotti (1970)... Il est le dédicataire de plusieurs œuvres, entre autres Point d'aube pour alto et 13 instruments à vent de Betsy Jolas (1968), la Sequenza VI pour alto de Luciano Berio (1967) et A Single R. pour alto solo, orchestre de chambre (principalement composé de vents et d'une riche et double percussion) de Jacques Guyonnet (1970). Il joue cette dernière œuvre notamment le 25 avril 1983, Salle Ernest Ansermet à la Maison de la Radio de Genève (Suisse) et un critique musical écrit alors à cette occasion que « Serge Collot appartient à cette famille d'interprètes rares qui, tant par leurs qualités humaines qu’artistiques, inspirent les compositeurs et suscitent ainsi l'écriture d’œuvres qui lui sont dédiées »

Parallèlement à ses nombreuses activités d'interprète Serge Collot a aussi abordé le domaine pédagogique au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il professe son instrument à partir de 1969, jusqu'à sa retraite prise en 1988. C'est ainsi que de nombreux élèves ont pu bénéficier de son enseignement au cours duquel il s'est toujours efforcé de transmettre ses connaissances dans la lignée de ses professeurs Joseph Calvet et Maurice Vieux, père de l'école moderne d'alto de France. Parmi ceux-ci notons Miguel Da Silva (Quatuor Ysaÿe), Jacques Borsarello (Quatuor Loewenguth), Gilles Deliège (Ensemble Sillages), Hervé Desmons (Conservatoire de Montpellier), Jean Sulem (Quatuor Rosamonde et professeur au CNSMP), Bertrand Robin (Orchestre Symphonique de Montréal), Christophe Desjardins (Ensemble Intercontemporain), Pierre-Henri Xuereb (Quintette Patrick Gallois et Ensemble Alternance, professeur au CNSMP et à l'ENM), Christophe Gaugué (Orchestre Philharmonique de Radio-France et professeur assistant au CNSMP), Nicolas Bône (Orchestre National de France et professeur au CNSMP), Florent Bremond (Orchestre Opéra de Marseille et professeur assistant au CNSMP), Laurent Verney (Orchestre de l'Opéra de Paris et professeur au CRR de Paris), Jean-Paul Minalli-Bella (Quatuor Elysée et Galliano Sextet), Sabine Toutain (Trio Turner et professeur au CNSMP), Geneviève Strosser (Quatuor Vellinger), Sabine Toutain-Desveaux (Orchestre National de France et professeur au CNSMP)... Bien d'autres jeunes altistes ont pu également profiter de son enseignement lors de masterclasses dispensées à travers le monde.

Serge Collot laisse une discographie composée d'une quarantaine de disques (dont Pierrot lunaire de Schoenberg en 1963, Le Marteau sans maître de Boulez en 1964, les Streichquintette 1 et 2 de Brahms en 1968, Le Retour de l'enfant prodigue de Milhaud en 1991), mais la plupart est épuisée. Néanmoins des pages admirables de Schumann (Romanzen, op. 94, Märchenbielder, op. 113, Fantasiestücke, op. 73 et Märchenerzählungen, op.132) enregistrées en 2004 avec Béatrice Berne (clarinette) et Julie Guigue (piano) par Polymnie (un CD Pol 390 231, toujours disponible à ce jour) sous le titre de « Contes de Fées », nous permettent de garder la mémoire du jeu exceptionnel de ce Maître de l'alto. Signalons aussi le label Camerata (30CM-462) qui propose un enregistrement de 1997 intitulé « Serge Collot. The art of the viola » avec les Sonates pour flûte, alto et harpe de Debussy, pour alto et piano n° 2, op. 244 de Milhaud, et pour alto et piano en ré majeur de Glinka, ainsi que les Märchenbilder, op. 133, de Schumann (avec Keiko Toyama, piano, Aurèle Nicolet, flûte et Ayako Shinozaki, harpe).

Chevalier de la Légion d'honneur (1989), Serge Collot s'était retiré en Auvergne où il est décédé. Ses obsèques ont été célébrées le 14 août en l'église Saint-Aubin-le-Guichard, en Normandie, où il aimait se rendre en villégiature depuis longtemps et où repose déjà son fils aîné Jean-François Collot, décédé le 7 juillet 1988. A la disparition de son professeur, son ancien élève Christophe Desjardins a déclaré : « Son enseignement m'accompagne chaque jour. Je garde aussi le souvenir de son humilité, alliée à sa haute conscience du rôle de l'interprète. Grâce à lui j'ai compris que toute musique est contemporaine, pourvu qu'on y porte un regard nourri tant par le désir de la servir, que par l'histoire. » L'artiste peintre Delphine Collot, connue sous le nom de « Collot D2L », est l'une de ses petites-filles.

Denis Havard de la Montagne

Pierre Cortellezzi
Pierre Cortellezzi
( coll. Bernadette Cortellezzi )
Le 20 novembre 2015 à Nancy est mort à l'âge de 89 ans l'organiste et compositeur Pierre CORTELLEZZI, figure incontournable du monde musical en Lorraine. Titulaire du grand-orgue de la cathédrale de Nancy durant plus d'un demi-siècle, à près de l'âge canonique de 90 ans il gravissait encore les 65 marches de la tribune qui le menait à son instrument. Egalement professeur d’orgue et de clavecin au Conservatoire de Nancy, on lui doit à ce titre la formation d'un grand nombre d'organistes actuellement titulaires de tribunes lorraines. Comme interprète, tout d'abord avec le Duo « Trompette et orgue », créé avec Dino Tomba, puis avec le « Trio Récital » (trompette, flûte et orgue) aux côtés du même Dino Tomba et de Jacques Mule, il se produisait souvent en concerts tant en Lorraine qu'en Allemagne, Autriche et Italie. Comme compositeur, on lui doit plusieurs pièces pour piano et pour orgue, sans compter des arrangements de Noëls populaires allemands et de nombreuses transcriptions destinées à être jouées avec ses formations de chambre ou lors de ses concerts d'orgue. Tout dévoué à ses fonctions d'organiste liturgique, un auteur l'a un jour comparé au célèbre tableau de Jeanne Rongier représentant César Franck aux claviers de son orgue de Sainte-Clotilde : « même concentration, même vie intérieure dans l'expression du visage, le corps étant aux trois quarts inclinés vers les claviers, mêmes doigts fins et démesurés... » (S. Tarantino, in Antée ou le Léviathan, Virton, l'auteur, 2000, p. 161).

Né à Pont-Saint-Vincent, en Lorraine, le 17 mars 1926, Pierre Cortellezzi est initié très jeune à l'orgue par son grand-père maternel. Celui-ci, Pierre Mamer (1873-1950), ancien élève d'orgue de Louis Graebert (organiste de Notre-Dame à Metz) et installé au tout début du vingtième siècle à Pont-Saint-Vincent, depuis cette époque tenait l'orgue de l'église Saint-Julien-de-Brioude, construit par Charles Didier-Van Caster, tout en dirigeant une Harmonie et un Orchestre symphonique composés des personnels des usines de Neuves-Maisons. Son frère, Christophe Mamer (1886-1960), 1er prix d'orgue dans la classe de Louis Thirion au Conservatoire de Nancy, effectuera quant à lui une carrière de maître de chapelle et organiste à Paris et dans sa banlieue, notamment à Saint-Justin de Levallois-Perret. Toux deux étaient fils de Jean Mamer (1844-1937), premier chantre à la cathédrale de Metz... C'est ainsi qu'en 1933, à l'âge de 7 ans, Pierre Cortellezzi touche pour la première fois les claviers de l'orgue de son village natal que son grand-père lui laisse pour la circonstance : le baptême de son petit frère, et en 1940, à son décès, il lui succède tout naturellement. Simultanément, au cours de ces années quarante, il se perfectionne au Conservatoire de Nancy où il fréquente, entre autres, la classe d'orgue de Louis Thirion. Sorti de cet établissement avec des prix de piano, d'orgue, d'harmonie et d'improvisation, et continuant d'assurer son service d'organiste à Pont-Saint-Vincent, il est appelé en décembre 1950 par le chanoine Mansuy à succéder à Robert Barth au grand-orgue de la cathédrale Notre-Dame de l'Annonciation de Nancy. Cet instrument prestigieux de 65 jeux répartis sur 4 claviers et pédalier, construit entre 1756 et 1763 par Nicolas et Joseph Dupont, agrandi par Vautrin en 1814 puis reconstruit par Cavaillé-Coll en 1861, fera l'objet en 1963 d'une restauration importante par Haerpfer-Erman, achevée en 1965 et supervisée par Gaston Litaize avec la collaboration de son titulaire, Pierre Cortellezzi. Pendant 65 ans, celui-ci assure son service dans cette église, jouant sa dernière messe le 27 avril 2014. Lors de son élévation au grade de commandeur dans l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, le 1er novembre 2011, Mgr Jean-Louis Papin, évêque de Nancy et de Toul déclarait notamment : « En tant qu’évêque, je soulignerai votre remarquable fidélité et votre disponibilité non moins remarquable dans le service liturgique tant pour les célébrations diocésaines que pour le service ordinaire de la paroisse. Vous savez adapter et soutenir la prière de l'assemblée... » Parallèlement, en 1966 il fonde avec Dino Tomba, trompette solo de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy et professeur au Conservatoire de cette même ville, le duo « Trompette et Orgue » et en 1971, avec le même et le flûtiste Jacques Mule, également professeur au Conservatoire de Nancy, le « Trio Récital » qui associe trompette, flûte orgue et clavecin dans un répertoire des 17e et 18e siècles. Plus tard, il forme un nouveau duo avec le trompettiste François Herbeuval. Avec ces formations, au cours d'une trentaine d'années, il donne plus de mille concerts en France et en Europe.

Organiste, claveciniste, concertiste, Pierre Cortellezzi a aussi mené une carrière de professeur au Conservatoire de Nancy, où, dès 1954 il a enseigné l'orgue et le clavecin, succédant ainsi, quelques années plus tard, à son Maître Louis Thirion. En 1988, il en fut également directeur adjoint, jusqu'au 1er septembre 1994, date de sa retraite. Parmi ses nombreux élèves, citons les organistes, pour la plupart lorrains, Catherine Carpentier, Marie-Paule Triebel, Hubert Renard, Nathalie Dassi, Dominique Dantand, Jean-Philippe Fetzer, Jean-Luc Etienne, Aude Schumacher, Emmanuelle Souffan, Denis Tchorek, Vincent Depaquit, l'abbé Guy Ruyer... Bach (dont il disait jouer à peu près toute l'oeuvre), Franck, Vierne, Widor et Guilmant étaient ses compositeurs préférés et il les jouait couramment en concerts, ainsi d'ailleurs que Gigout, Litaize et Langlais qu'il ne dédaignait pas pour autant. En 2001, il en enregistrait certains sur l'orgue Poirel de l'abbaye de Notre-Dame-de-Droiteval à Claudon (Vosges) en même temps que deux œuvres de son crû : Fantaisie choral sur le thème de l'hymne des deuxièmes vêpres de la Toussaint et Petite pièce en sol mineur (Le Parnasse français, CD 002). Plusieurs années auparavant, il avait déjà gravé un 33 tours (Pathé Marconi) aux claviers de son orgue de la cathédrale de Nancy avec des pages également de Franck, Vierne, Litaize et Langlais, mais aussi de Widor et de lui-même, mais son tout premier enregistrement (45 tours) sur cet instrument avait été effectué en 1965 avec les Chorals In dir ist Freude (BWV 615) et Das alte Jahr vergangen ist (BWV 614), ainsi que des œuvres de Couperin : Trio. Les dessus sur la Tierce et la basse sur la Trompette, et de Clérambault : Basse de la Trompette et dessus de Cornet en dialogue, et Caprice sur les Grands jeux (Diapason/Jacques Hodent). A cette même tribune, on lui doit encore un autre CD (Alodia) intitulé « Thèmes célèbres aux grandes orgues de la cathédrale de Nancy » comportant des arrangements effectués par ses soins : extraits des Quatre saisons et du Concerto pour deux trompettes de Vivaldi, Largo de Haendel, Aria de la IIIe Suite en ré de Bach, Printemps de Grieg, Vocalise de Rachmaninov, Mission de Morricone (musique du film), et des pages originales, dont Gavotte et Musette de Cortellezzi et Pump & Circonstance d'Elgar. Et, n'oublions pas encore un enregistrement réalisé en octobre 2000, à l'occasion de ses 50 ans à la cathédrale, intitulé "Pierre Cortellezzi, Les Grandes Orgues de la cathédrale de Nancy" et qui permet d'entendre son titulaire interpréter des pages de Franck (Choral n° 3 en la mineur, Cantabile), 4 Mélodies populaires sur des Noëls allemands (transcription pour orgue de P. Cortellezzi), le célèbre Noël d'Adam : Minuit Chrétien (id.), le Carillon de Longpont de Vierne, et la Suite gothique de Boëllmann (Alodia ALO61000DH).

En dehors des disques pour orgue solo, Pierre Cortellezzi a aussi réalisé d'autres enregistrements, la plupart du temps privés, en formation de chambre. Parmi ceux-ci, notons plus particulièrement, à l'orgue de l'église de la Madeleine à Mont-de-Marsan et avec Dino Tomba à la trompette : deux 45 tours (Disques Pégasse) avec d'une part les Danceries de la Renaissance de Gervaise, et d'autre part la Sonata prima et la Sonata Seconda de Vivaldi ; au clavecin et avec Jacques Mule : 5e Sonate d'Haendel, Andante de Jean-Marie Leclair, Sonate « La Lumagne » de Michel Blavet, Sicilienne de J.S. Bach (prise de son : Lucien Mirouf, disque 33 tours xPart 70.086, intitulé « Souvenir d'un concert ») ; au clavecin ou à l'orgue avec le même : Sonate de Leonardo de Vinci, Adagio d'Albinoni, Green sleeves (anonyme, vers 1600) et 4 œuvres de J.S. Bach : Fantaisie et fugue en ut mineur BWV 537, 6e Sonate en mi majeur BWV 1035, Choral « Viens Sauveur des païens » BWV 659 et Polonaise de la Suite en si mineur (disque 33 tours MC 003), ainsi qu'un autre LP (MC 004) contenant des pages de Bach, Purcell, Charpentier, Loeillet et J.C. Naudot ; avec le « Trio Récital » : Christmas suite de Cortellezzi, Marche de triomphe de Charpentier, Badinerie et Aria de Purcell, Aria de Wesley, Symphonia de Bach, Concerto en ré majeur pour 2 trompettes de Loeillet, Concerto en la majeur de Haendel, Grave et allegro de Walond et Concerto per la chiesa de Telemann (disque 33 tours T.C. 009). En compagnie de François Herbeuval, on lui doit encore un CD enregistré au début des années 2000 (Alodia) : « Trompette et orgue à la cathédrale de Nancy » avec quelques pages originales et un grand nombre de transcriptions en grande partie réalisées par eux-mêmes, parmi lesquelles des pièces de Purcell, Telemann, Stanley, Huggens, Vivaldi, Marcello, Michel Corrette, Héron, ainsi que le Sanctus de la Messe de Sainte-Cécile de Gounod.

Chevalier des Arts et des Lettres (1998), médaille du Mérite diocésain, médaille de la Reconnaissance diocésaine, chevalier (1998), puis commandeur de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand (2011), Pierre Cortellezzi, érudit aux connaissances musicales très étendues et artiste virtuose, laisse le souvenir d'un homme passionné par la mission qu'il s'était confiée : le pouvoir bénéfique de la musique sur l'âme et l'esprit. Ses obsèques ont été célébrées le 25 novembre à la cathédrale de Nancy. A cette occasion « son » grand orgue qu'il avait touché durant 65 années, drapé de noir, est resté muet, laissant la place au Choeur grégorien de Nancy.

Par la suite, dans le cadre de la 11ème "Nuit des cathédrales" qui eut lieu le 13 mai 2017 à la cathédrale de Nancy, une plaque en hommage à Pierre Cortellezzi fut apposée sur le buffet du grand orgue, portant cette inscription : " En mémoire de Pierre Cortellezzi / Titulaire des Grandes Orgues de la Cathédrale de 1950 à 2015 / élevé au grade de Commandeur dans l'Ordre Equestre de / St Grégoire le Grand par le pape Benoît XVI, le 20/11/2015 ", suivie d'un concert. Furent notamment interprétés une transcription pour hautbois et orgue du morceau Gabriel's Oboe extrait de la bande sonore d'Ennio Morricone du film The Mission de Roland Joffé (1986) par Pierre Colombain (hautbois solo à l'Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy) et Pierre Emmanuel Cortellezzi (pianiste, organiste, professeur d'éducation musicale, son fils), le Grand chœur de Guilmant par son élève Dominique Dantand, titulaire de l'orgue historique de Vézelise (Meurthe-et-Moselle), ainsi que des pages vocales par la mezzo-soprano Béatrice Klötgen et la Maîtrise de la cathédrale, sous la direction de Marie-Laure Deldemme.

Denis Havard de la Montagne

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