la boîte à archives Daniel Balavoine, au bord de la Moselle

Il a fait référence à la Moselle dans la première partie de la chanson "Les Oiseaux". Daniel Balavoine, disparu il y a 30 ans, le 14 janvier 1986, est souvent venu en Lorraine. A Metz, Creutzwald, Hayange, Hagondange, Gandrange, Sarreguemines, Forbach... autant d'étapes où la personnalité du chanteur avait marqué les esprits, et sans doute les cœurs aussi.
Service Documentation - 14 janv. 2016 à 05:05 | mis à jour le 09 juin 2016 à 13:10 - Temps de lecture :

Le Républicain Lorrain vous propose désormais d'entrer dans les archives de votre journal. Revivez un événement marquant, grave ou léger tel qu'il était paru dans nos colonnes.

Culture, sport, faits-divers, politique, vie quotidienne… Avec "La boîte à archives du RL", retrouvez un article original d’époque, retranscrit pour vous faciliter la lecture et vous permettre de plonger dans les actualités régionales et Grande Région qui ont marqué les pages de votre quotidien.

 

Daniel Balavoine, "Les oiseaux" partie 1

 

Si tu as quelque chose à dire, il y aura toujours du monde pour t’écouter

Il n’a pas le même public que Goldman, enfin pas tout à fait… Il n’a pas le même que Bashung, pas le même que Capdevielle, pas exactement le même que Renaud. Daniel Balavoine déplace son propre auditoire métissé. Avec une foi à bouger 3 000 personnes au Palais des Sports de Metz.

[Républicain Lorrain du 16 octobre 1984] Dans les 3 000 personnes du Palais des Sports, il y avait ceux qui dansaient, dans le fond et sur les côtés. Il y avait ceux qui reprenaient les paroles des chansons. Ceux qui hochaient la tête dans leur nirvana de décibels. Et ceux qui simplement étaient là parce que… la copine voulait absolument voir Balavoine.

Une chose est sûre : pour faire 3 000 spectateurs à 85 balles la place, il faut être un peu moins creux que certains radis du hit-parade, ce qu’a fort bien expérimenté Daniel Balavoine, alias Don qui se shoote à coup de refus de l’uniformité, de la convention en faisant de la chanson un véhicule de combat tout terrain pour la liberté, l’amour. C’est qu’il est devenu adulte ce public jeune qui retrouve chez son Pierrot lunaire l’écho de questions auxquelles personne n’a jamais le temps de répondre.

Article signé Richard Bance [Républicain Lorrain du 16 octobre 1984]

 

Entretien avec Daniel Balavoine

Daniel Balavoine, l’anarchiste romantique, le terroriste du langage, le dynamiteur d’illusions. Daniel Balavoine, le petit diable du direct à la télévision, le chanteur de vérités, le militant sans engagement. Daniel Balavoine, le révolté au cœur d’enfant, l’adulte en devenir, l’homme d’une génération.

[Républicain Lorrain du 16 mars 1983] Si l’on parle de plus en plus du phénomène Couture, de la métamorphose Lalane, ou du complexe Higelin il serait maladroit d’ignorer l’impact grandissant de la personnalité de Daniel Balavoine. si l’identification existe réellement, toute une génération semble aujourd’hui se retrouver dans l’acidité du propos, l’agressivité des mises au point de celui qui est devenu à son corps défenant le "leader" d’un mouvement très pacifique : « Les enfants devenus adultes et qui en ont marre d’être pris pour les seuls enfants de ces adultes ».

Balavoine a décidé de parler. Il ne veut plus paraître sur scène et hurler dans la coulisse : « J’ai fait ma mue. J’avoue me sentir de mieux en mieux dans ma peau. J’avais investi dans des idées à 29 ans. Durant deux ans, j’ai été déçu par des hommes qui défendaient la philosophie des droits de l’homme mais qui ne l’ont pas mise en application. À 31 ans je prends donc mes distances. Je ne dois rien à personne. Je ne soutiens pas les hommes de gauche… J’ai chanté les idées de gauche ».

Le Républicain Lorrain : Vous étiez pourtant parmi les chanteurs qui ont apporté leur soutien au candidat Mitterrand.
Daniel Balavoine : Je te répète qu’il s’agissait pour moi de m’affirmer au travers des règles élémentaires de la liberté d’expression et non pas pour apporter mon soutien personnel à Mitterrand.

RL : Agressif, déçu… mais content ?
D.B. : Agressif si tu veux, à partir du moment où je deviens plus critique. Déçu évident. On ne tombe pas d’un escabeau sans se faire mal au derrière. Déçu par les hommes politiques… mais fidèle à mon engagement personnel. Content ? Tout à fait. Je redeviens moi-même. Il faut savoir qu’en fêtant ses 31 ans Balavoine a franchi un cap. On ne l’y reprendra plus. Je ne vais plus faire de figuration sur les plateaux de télévision ou dans les radios. Je vais me déplacer pour dire ce que je pense à claire et intelligible voix.

RL : Daniel Balavoine s’installe en leader ?
D.B. : Surtout pas. Je suis heureux de savoir que nombreux jeunes pensent comme moi. J’ai la chance d’être connu, si je ne profite pas de ma notoriété grandissante pour faire passer quelques messages percutants, je serai en contradiction avec ma conception de la vie et de la liberté.

RL : La liberté un mot qui t’embarrasse ?
D.B. : J’ai l’impression surtout qu’il gêne les gouvernants, de droite ou de gauche. Je ne supporte pas que l’on fasse des promesses et que l’on ne tienne pas ses engagements. D’accord on a eu l’abolition de la peine de mort… mais les radios libres ? Pourquoi interdire la publicité. On oublie qu’en favorisant le développement des radios on pourrait aussi créer des emplois. Tout le monde peut y gagner mais j’ai l’impression que l’on joue perdant. Dommage !

RL : Les coups de gueule de Balavoine vont-ils résonner sur ton répertoire ?
D.B. : Sûr. Je travaille actuellement sur l’album qui sortira cet automne. Je vais « muscler » certains textes. Enfin attention, je ne passe pas pour être un chanteur tellement tendre. Écoutez le "Mur de Berlin" ou "Vivre ou survivre". C’est déjà pas mal. Enfin attends la suite. Cet album se prépare. Une partie sera enregistrée en Écosse, l’autre en Suisse. Il sortira en octobre.

RL : D’autres projets discographiques ?
D.B. : Un 45 tours pour Catherine Ferry, style rock de consommation à la Kim Wilde. Tu vois ce que je veux dire. Quant à moi, outre la préparation de l’album, je viens d’enregistrer un titre avec Frida "la rousse" du groupe Abba. Eh oui, messieurs-dames… Il s’agit d’un duo intégré dans un conte de fée musical réalisé et mis en édition par Alain Boubill qui a déjà signé la "Révolution française" et "Les Misérables".

« Pour les idées d’accord… »

RL : Revenons aux choses plus sérieuses… Balavoine le militant va-t-il se lancer dans la politique ?
D.B. : Surtout pas. La gauche pour les idées d’accord. Pour les hommes pas d’accord. Je ne veux surtout pas faire partie des antimilitaristes, écolos, syndicalisants, obsédés par le nucléaire. Je suis de tous les combats, mais j’évite de mettre tout cela en équation. J’ai peur des cartes de partis. On y laisse les trois quarts de son libre arbitre. Très peu pour moi.

RL : Balavoine le marginal, l’asocial… le révolutionnaire ?
D.B. : Et vlan. Ma révolution c’est celle de 1789. Ils sont morts pour les droits de l’homme. Il faudrait peut-être aujourd’hui s’intéresser à l’application de ces droits acquis à la Bastille. Et puis une confidence pour terminer. Les jeunes en ont ras le bol de se sentir materné par des adultes qui n’ont d’autres refrains à proposer que : "Jeunesse heureuse qui n’a pas connu la guerre". Absurde.

RL : Tu te sens agressé ?
D.B. : Le monde est agressé. On nous parle de Barbie. Bien sûr qu’il faut le juger. Mais des "Barbie" l’humanité ne cesse d’en enfanter. J’ai 31 ans, je le répète, et j’estime vivre en temps de guerre. Partout on meurt sous la mitraille. Le Liban, l’Afghanistan, le Salvador, le Nicaragua, Haïti, l’Amérique centrale en général. Choisissez votre guerre. Choisissez votre dictateur. Et après cela, le monde nage dans le bonheur et notre président va serrer les mains de ces présidents, russe ou américain, qui "arment" le Salvador. C’est grave. Il est grand temps que l’on ouvre les yeux. Si j’ai parlé dans l’émission de Drucker, comme je l’avais fait il y a deux ans face à Mitterrand, c’est que je me sens concerné. Je ne veux pas être complice. Mon silence serait acte de lâcheté. Ce n’est pas fini. J’ai décidé d’en décoiffer plus d’un. Il faut maintenant savoir qu’en accueillant Balavoine on doit permettre au chanteur de faire son métier… et à l’homme de clamer des vérités.

Article signé Christian Morel [Républicain Lorrain du 16 mars 1983]

 

Balavoine à Hayange pour "Casino Parade" de RTL

8 heures du matin. Des centaines de personnes de tous âges se pressent déjà devant les portes du Molitor. Trois heurs plus tard, ce sont 1 500 personnes qui ont ptis place dans les travées. Personne ne veut manquer l'émission en direct, avec pour invité, Daniel Balavoine.

[Républicain Lorrain du 17 mars 1983] Les premières mesures de "Mon fils, ma bataille" résonnent dans la salle et Daniel Balavoine donne aussitôt la preuve qu’il est vraiment un chanteur. A 11h du matin, il a une voix étonnante et fait montre d’une pêche extraordinaire. Le public est déjà dans le coup.

Daniel Balavoine, invité de "Casino Parade" de RTL en 1983

 

Après "Vivre ou survivre", où l’on se rend compte que la salle est entièrement sous le charme de Daniel Balavoine, le chanteur fait un malheur dans le jeu du "Black-jack" durant lequel il reconnaît 9 chanteurs sur les 11 proposés. Hélas, Mireille et Jean-Paul Rectenwald, le couple d’Angevillers candidat de la semaine, ne profitent pas de cette performance.

En guise de cadeau pour ce public hayangeois qu’il nous avouera considérer comme un des meilleurs qu’il a rencontrés, Daniel Balavoine offre la primeur de "Soulève-moi", extrait de son nouvel album.

Balavoine enchaîne avec "Dieu que c’est beau" et fait participer le public dans le jeu « Chantera, chantera pas » en faisant reprendre une chanson de Charden. […] Dans une ambiance folle, Balavoine termine sur "Je ne suis pas un héros", repris en chœur par la foule et reçoit de nombreux bouquets de fleurs avant de s’engouffrer dans sa voiture et de regagner Paris. La fête est finie, mais que ces deux heures étaient tonitruantes. Salut Daniel et merci !

[Républicain Lorrain du 17 mars 1983]

 

Des rallyes, un nouveau disque... et des vacances

Daniel Balavoine a 31 ans mais comme le souligne son attachée de presse « Il a un âge mental de 17-18 ans ». C’est plutôt un bien joli compliment qu’elle lui adresse mais un compliment parfaitement justifié.

[Républicain Lorrain du 17 mars 1983] Ce grand gosse semble en effet se mouvoir avec une incroyable décontraction dans ce monde du show-business et de la chanson. Normand d’origine (il est né à Alençon dans la Drôme), cette nouvelle étoile de la chanson française n’a pas le tempérament que l’on dit "méfiant" des hommes de Normandie. Il faut dire que toute son enfance a eu pour cadre le Sud-Ouest où il a sans doute acquis cette spontanéité et cette générosité qui se retrouvent dans la chaleur de l’accueil qu’il réserve à quiconque ne le connaît pas.

La "grosse tête" : Balavoine ne connaît pas ça. Il est nature et c’est ce qui le rend attachant. En quelques minutes, il vous parle de tout ce qui le passionne : les courses automobiles, le tennis, la chanson. La voiture lui permet de découvrir d’autres horizons, d’autres paysages et surtout de rencontrer des gens différents que ceux qu’il côtoie dans son métier. C’est la raison pour laquelle il poursuivra son expérience des rallyes et qu’il sera au départ de l’Atlas, en qualité de copilote de Bernard Darniche. Le rallye des Pharaons – en Égypte évidemment ! – suivra et Daniel a bien l’intention de s’aligner au départ du prochain Paris-Dakar, mais en qualité de pilote. Un coup d’essai que l’on suivra avec beaucoup d’attention.

Si le tennis représente pour Balavoine un agréable moyen de détente, c’est également un sport dans lequel il s’avère être un joueur plus qu’honnête. À ce titre, il sera prochainement l’invité des Carpentier pour le N° 1 consacré à Yannick Noah, qui sera diffusé au courant du mois d’avril. Puisque l’on parle de télévision, précisions encore que Daniel sera l’invité de Michel Drucker en juin et qu’il participera également à un spécial "Édith Piaf".

Mais la chanson reste tout de même le terrain privilégié de Daniel Balavoine. Il prépare activement sa prochaine tournée qui l’emmènera au Canada tout en mettant la dernière main aux chansons de son prochain album dont le public hayangeois a pu entendre un des titres en avant-première, "Soulève-moi". Ce disque sera enregistré cet été en Écosse. À cet effet, Daniel sera la vedette de l’émission « Les enfants du rock » qui sera diffusée au moment de la sortie de ce nouvel album. Parallèlement, Balavoine s’est occupé de la production du prochain disque de Catherine Ferry ("Bonjour, bonjour" avait déjà été produit par Daniel). C’est en quelque sorte l’aboutissement logique de l’amitié qui unit ces deux chanteurs. Après la réalisation d’un disque consacré aux contes de Perrault, en duo avec Frida, Daniel Balavoine pourra enfin penser aux vacances. Un repos bien mérité pour cette vedette toute simple qui conduit sa vie comme une voiture de course : à 100 à l’heure mais toujours avec le sourire.

Article signé HB [Républicain Lorrain du 17 mars 1983]

 

Daniel Balavoine : maîtriser les harmonies entre les mots et la musique

Avril 1979 : Starmania ; janvier 1980 : Olympia ; mars 1981 : Olympia ; juin 1982 : Palais des sports. Il est toujours très délicat de vouloir jalonner la carrière d’un artiste de dates figées, véritables points de repère symboliques d’une évolution logique. On a trop souvent, ces dernières années, reproché aux jeunes chanteurs français de bouder les grandes scènes pour ne pas se féliciter aujourd’hui de cette option choisie par Daniel Balavoine. Le disque en a fait une vedette, la scène en fera une star.

[Républicain Lorrain du 23 juin 1982] Mais finalement, si on devait ajouter une cinquième date à ce profil temporel de Balavoine, sans hésiter l’on pourrait choisir celle de la sortie de son nouvel album il y a quelques jours. Balavoine "Vendeur de larmes", tel est le titre de ce 33 tours de la maturité. Un tournant déterminant, car plus que jamais, l’auteur-compositeur maîtrise les harmonies entre mots et musique. Daniel Balavoine, plus ou moins inconsciemment, a voulu se détacher de son passé. Il a puisé en lui les étonnantes ressources d’un romantisme intrinsèque.

« J’ai passé la crise… »

On a trop souvent présenté "Bala" comme Daniel-la-grogne. Jamais méchant, mais toujours tranchant. Le révolutionnaire fasciné par Mao, oubliant l’homme qu’il était. Balavoine refuse les systèmes. Il ne veut surtout pas se compromettre dans des structures où il étouffe. Il semble pourtant avoir trouvé un équilibre rassurant. Balavoine n’aimait pas parler de l’avenir, du futur, de l’humanité. Nihiliste, il s’accrochait à quelques slogans anarchistes pour trouver une porte de sortie.

Aujourd’hui, Balavoine semble prêt à assumer ses responsabilités d’adulte. Beaucoup moins pessimiste sur le devenir de ses espérances : « J’ai passé la crise que connaissent ceux qui s’interdisent de procéder sous prétexte que l’avenir est sombre. Je trouve bien prétentieux que le monde va disparaître après nous. Quelles que soient les guerres, il y aura toujours plus de survivants… que de morts ». Étonnant Balavoine qui a su renverser les aspirations même de son fatalisme d’antan.[...]

On pourrait, sans risque d’erreur psychologique, attribuer à Daniel Balavoine ces quelques mots de Michel Berger qui figurent en bonne place sur le programme du Palais des Sports : « La chanson, c’est un acte de violence et de tendresse. Pas la violence arbitraire et imbécile. La violence généreuse qui communique l’énergie. Pas la tendresse sirupeuse, mais la tendresse qui touche les cœurs ».

Article signé Christian Morel [Républicain Lorrain du 23 juin 1982]

 

Daniel Balavoine, "Les oiseaux" partie 2

 

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