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Il était une fois l’école « Laïque » : On s’en souvient

jeudi 21 mars 2013, , article écrit par Nagib Bouguessa (ex-élève) et publié par La rédaction


Repassant de temps à autre du coté de mon ancienne école, lorgnant ses murs lézardés, je me remémore l’enfance. Alors, par devoir de mémoire et pour perpétuer le souvenir, encouragé par l’article de notre ami El yazid sur Madrasset El-Feth, je me suis mis à chercher, fouiller, fouiner, interroger, quêter, s’informer, à remonter dans le temps, loin dans le temps, l’enfance se confondant naturellement avec les études scolaires.

Grace aux témoignages de certains enseignants et camarades d’école, j’ai bu et pu égrener quelques souvenirs. Bien entendu, quelques zones d’ombre persistent ; les anciens, tous les anciens sont invités à compléter, corriger, rectifier ces « souvenirs », voire à apporter les leurs.

La période qui nous intéresse est celle qui va grosso modo de 1950 et se prolonge jusqu’à 1970, celle de toute une génération.
Mon souhait, mon désir, mon espoir étant de retrouver quelques racines, revivre, relire cette période à la fois joyeuse (notre enfance), dramatique, très douloureuse (colonisation), ô combien glorieuse (guerre de libération) et immensément heureuse (Istiqlal).

Faisons ensemble un petit tour sur les écoles de cette époque.
A tout seigneur, tout honneur, commençons par le fameux et fabuleux lycée Mohamed Kérouani (Eugène Albertini) érigé en 1873 qui, contrairement à certaines idées reçues, abritait en son sein une aile réservée au primaire et semble être la seconde école coloniale (P.V. N°1 du 01 janvier 1873), puis école mixte.
L’école appelée « La Doctrine », plus tard « Saint Vincent De Paul », a été instituée la même année 1873 ( ?), il s’agit d’une école chrétienne tenue par des sœurs qui n’accueillait que des filles (actuelle école Bouchareb Roumila ?!)
L’école maternelle face à l’ex sous-préfecture, actuelle Zerrouki, fut la première étape dans mon cursus et parcours scolaire ; ah ce beau patio qui nous protégeait l’hiver contre la pluie, le froid, la bise et cette belle cour qui, le printemps venu, s’ouvre à nous comme par magie, s’ouvre à la brise !
L’autre école maternelle de la Gare (actuelle Cheikh Adel des mal entendants).
L’école de la « route de sillegue », appelée « l’Observatoire » (actuellement Benyahia Bachir)
L’école Pégain ouverte en 1940, appelée communément « Escola H’Djar » (School of stones !), actuelle Khebaba Abdelouaheb.
L’école Med Khemisti de la cité Levy inaugurée en 1954 (cité Tlidjène).
L’école du « Marché » ou rue d’Aumale, Appelée communément « Escola du marché » ou « Ecole des indigènes » : Cette inscription au fronton de l’entrée principale existe à ce jour.
Cette école qui est très familière pour les sétifiens avait pour directeurs MM. Malek, Bret, Guidou…et pour enseignants, Goutel, Azoulay, Messai, Bornais, Djaballah, Gary,…pour écoliers, des centaines voire des milliers.
Elle était en fait une école technique qui formait des artisans et des ouvriers. Un témoin affirme que le cousin de son père l’a fréquentée de 1925 à 1930, il est devenu grâce à elle un excellent plombier-zingueur. Il a ouvert un atelier et ensuite un magasin de sanitaires. Il est vrai qu’au sein de cette école il y avait une forte proportion d’élèves dits « indigènes », cette tendance s’étant accentuée au fil des années.
Ecole de l’Office ( ?)
Les écoles Medjaouri et Larbi Tebbessi de Bel-Air qui ouvert leurs portes les années 1935 et 1936.
Ecole d e la cité Lévy a été construit en 1949, devenu college Med Khemisti
Madrasset El-Feth 1950 http://www.setif.info/article7531.html.
Le collège primaire supérieur devient le lycée de jeunes filles en 1955, actuelle Malika Gaid.
Enfin, notre école, école Ammardjia Abbes, dite école « laïque » pour la différencier des autres écoles à caractère religieux ou " école Vétillard Roger" était la première école.
La construction de cette école primaire communale mixte a été décidée le 2 juin 1851. Elle a été baptisée « école Vétillard » en 1948 par délibération du conseil municipal, c-à-d la Mairie de l’époque.
C’est probablement la seconde. Cette école communale existait avec une aile pour les garçons et une autre aile pour les filles, séparés par un simple mur au niveau de la cour après la première guerre mondiale ( !).
Les filles et les garçons entraient par la même porte, par contre les garçons viraient à droite de la porte et les filles à sa gauche sous l’œil vigilant de la concierge (une résidente de Harat Blondeau).
Puis, il y a eu séparation définitive. Elle était fréquentée par des enfants d’européens et des enfants dits "indigènes". Pour ce qui est des garçons, il y avait douze classes, deux pour chaque niveau : préparatoire (CP1 et CP2), élémentaire (CE1 et CE2), moyen (CM1 CM2) et certificat fin d’études.
Depuis 1962 jusqu’à 1986 l’école Ammardjia a été exclusivement réservée aux garçons qui rentraient par la petite porte et celle réservée aux filles a été rebaptisée « Frères Berchi », actuellement, on l’espère, en restauration.
A l’indépendance le directeur était Monsieur Koribaa (62/63), un maltais (l’homme au béret sur la photo), il a été remplacé par Monsieur Cheriet en 1964(Allah Yarahmou) ; avant l’indépendance, MM. Doumeng, Petit Jean, Charbonneau, Mr Garnier, en étaient les premiers responsables.
daïra
Qui est Ammarddjia Abbes ? C’était un élève brillant, né le 04 février en 1939 à Ain Abessa (Chaïba), qui suivit des cours au lycée Albertini, puis des études supérieures à Sidi Bel Abbes. Agrégé en latin il était enseignant à Sétif quand il quitta ses fonctions pour rejoindre le maquis en 1959 ; il mourut en Chahid la même année dans l’ « Akfadou », Daïra de Chemini (Tizi Ouzou), point de jonction entre la haute et la basse Kabylie, au début de l’opération « Jumelles ».
Qui est Roger vetillard ? Il avait 26 ans quand il a décéda en janvier 1944 lors de la campagne militaire française d’Italie. Il a été rappelé pour servir dans l’armée au début de l’année 1943 alors qu’il était instituteur à Sétif à l’école primaire communale dite de la route de Sillègue (Observatoire)

Quelles sont les personnalités qui ont fréquenté cette école ? Il y en a plusieurs, on citera entre autres MM. Abdelaziz Manamani qui sera plus tard ambassadeur d’Algérie au FAO, puis à Ankara et, enfin secrétaire d’Etat à l’Agriculture, notre illustre poète Kamel Bencheikh et Rachid Makhloufi le footballeur des verts (ASSE et FLN).

Les enseignants (pour mémoire) sont M.M. Marchandise, Gascon, Hamon, Becker, Raffenaud, Korriba , Jacky Mazzuca, Fiot, Djilani, Harkati, Chaulet, Noise Gabriel, Carpentier, Mlle Colombo Augusta (père boulanger), Mlle Vigliano, Mme Hourcade, Berger, Perié, Ferrer ;

Il y avait également Mme Martin, Zerbib, Mme Zermati, Hanoun, Clauzier, Mlle Fouillard, Allem, Bragerra, Bekker, Mernache, Macias, Amroun, Dekhili , Laalem, Melizi, Zellagui, Halati, Djilani, Rachid dit « fait les gestes » ( Maitre de sports),Rabah Haga , celui-ci mena une équipe de Basket représentant l’école à la finale de wilaya qui se joua sur l’asphalte de l’Avenue de Constantine dans les années soixante dans une grande, belle, indescriptible et joyeuse « ferveur scolaire ».
Les élèves, naturellement, c’est des centaines et des centaines qui ont fréquenté cet établissement, nos amis internautes sont invités à citer leurs camarades, à publier des photos et des souvenirs et autres anecdotes, pour ma part, je cite les Benslama - Bouras - Coquelet - Guettaf - Minaudo - Bouchenak – Nakib, Nakache - Cavalière - Sacri - Abbes - Smati - Boukraa – Dahan, Zemmour - Marcellino - Benazera - Levy - Gaillet - Atlani – Triay, Maniscalco - Briet – Delarue, Benyoucef, Tamrabet, khalfa, Hamdi Cherif Salah “brillant parmi les brillants », Bouaoud, Lebdani, Nouari Makhloufi. Belbedar, Nacir Haichour, Harfouche, Beddar, Rachid Lamouri, Souakir, Bendjelmane, Bouguessa, Mouhabdine, Raffaoui, Mohamed ould (Baby Chaussures), Bakhouche, Mecheri, Abdelhamid Kharchi, un peu plus Trad, Mouadna, Safsaf, Guessab, Dib, Ladjissi, Keraghel, Rouai, Madani, Bella, Lagagna, Belkheir, Hadjadj, les Smati, Mechmeche, Mezaache, Belhocine, Bourboune, Bazine, Benidir, Allel Mustapha( Mélodie Man),Kolli (Allah Yachfih) et enfin Trabelsi qui a un grande mémoire et qu’on sollicite pour nous rappeler quelques anecdotes.
Pour ce qui me concerne, je me souviens très bien de tous ces lundis qu’on attendait avec impatience pour aller voir un nouveau film (série de Zorro ou des westerns spaghetti) à « Escuela du Marché ». Notre bonheur était chaque premier jour de semaine renouvelée, on était heureux, enthousiastes mais la frousse au ventre de peur d’être battus pas nos voisins, à la réputation surfaite, toutefois bien protégés par notre accompagnateur.
Je me souviens aussi de M. Hamon qui était très sévère avec nous (n’est-ce pas Omar ?), M. Marchandise qui m’a donné une fois une bonne raclée, me poussant à demander l’aide de M. Dekhili (grâce à qui j’ai eu la vie sauve, ce que je croyais à l’époque, Ha ha !) et enfin M. Mazzuca, mon préféré.
Dans le sétifois, l’école la plus ancienne est celle de Guedjel, connue comme Zaouia Benhamadouche, cette Medersa a été inaugurée en 1483 par acte de M. Bouyahia Zakaria pour le compte de la dynastie Hafside donnant la gérance au Cheikh Bouadbdallah Med Ben Idriss, elle a activée jusqu’au 1976, date ou toutes es écoles privées ont été nationalisées. Elle est devenue alors un collège public Hamadouche Abdelhamid.
Pour clore cet article, passons en revue, les infrastructures :

  •  Rue de Constantine (Ave Clemenceau) 1843
  •  Recette des postes -1845 ;
  •  Mosquée reconstruite (El Attik) en 1845 ;
  •  Premiers remparts
  •  Etablissement bancaire -1855 ;
  •  Hôtel de ville et salle des fêtes -1856 ex bureau arabe ;
  •  Sous-préfecture 13 octobre -1858
  •  Tribunal de 1ère instance en -1860 ;
  •  Le courrier de Sétif, journal local -1865
  •  Eglise Sainte Monique (Mosquée Ben- Badis) -1867 ;
  •  Collège colonial (Lycée Kerouani) -1873 ;
  •  Sous -préfecture - 1874 ;
  •  Théâtre municipal - 1896 ;
  •  Fontaine monumentale (Ain Fouara) - 1898.
  •  Stade municipal -1932
  •  Mosquée El-Ghafari - 1933
  •  Hôtel des finances -1954
  •  Département de Sétif- 1956

Remerciements à MM. R. Vetillard et J. Mazzuca qui m’ont transmis des informations d’une valeur inestimable, merci.
Roger Vétillard est né à Sétif quelques mois après la mort de Roger Vétillard, l’oncle et le frère cadet de son père dont l’école porte le nom. Il en a pris son prénom. Il a vécu 17 ans à Sétif et fréquenté cette école de 1950 à 1955 avant d’aller au Lycée Albertini. Médecin spécialiste en pneumologie résident à Toulouse, engagé dans la vie de la commune dont il est depuis des années adjoint au maire, il vient de publier aux Éditions de Paris un livre intitulé « Sétif, mai 1945 : massacres en Algérie », une étude détaillée, critique et précise sur les événements de Mai 1945. Il y livre les résultats d’une enquête longue de 7 ans et donne plusieurs versions des faits ; il insiste et donne une tonalité particulière, par ailleurs, sur le contexte politique, les rôles des différentes factions politiques. L’implication des milices civiles y est analysée en détail.
Jacky Mazzuca , ex- enseignant, fils de Saint Arnaud (El-Eulma), les parents d’Ouricia, est tellement épris de Sétif qu’il a créée une équipe de Foot dans la ville ou il est adjoint au maire, à Saran précisément, département du Loiret , dénommée… USMS (Union Sportive Municipale de Saran) ww.usmsaran.com.
Ps1 : Le directeur actuel de l’école, M. Belhamel, une personne fort accueillante, affable, sympathique et aimable qui m’a par ailleurs, très bien reçu à plusieurs reprises, ne m’a pas été d’un grand secours, faute de documents. Sinon, pour prendre des photos, il m’a exigé, très gêné il est vrai, une autorisation expresse de l’Académie (!?), ce qui m’a été confirmé par la suite ; si cette instruction est compréhensible, elle est aussi regrettable vu le caractère de cet article. Ainsi, pour consulter quelques registres, il a fallu poireauter une vingtaine de jours pour, en somme, rentrer bredouille, hélas !
Certains de mes connaissances m’ont aidé dans mes recherches, d’autres malheureusement ont rechigné à le faire, ils se reconnaitront …Dommage !
En conclusion, pour rappel, en 1962 (indépendance) il y avait 72 écoles, 05 collèges et 02 lycées (Albertini et Malika Gaid) dans toute la « Sous- préfecture » qui comptait à l’époque les wilayas actuelles de Bougie, BBA et M’sila (Et oui et oui !). Au jour d’aujourd’hui, cinquante années plus tard, la wilaya de Sétif (sans Bgayet, les Hammadites et Bordj) compte : 846 écoles (douze fois plus), 218 CEM (quarante quatre fois plus), et 84 lycées (quarante deux fois plus)…c’est dire tout le chemin parcouru, quel chemin ! Si maintenant, de l’avis de tous, même des plus sceptiques, la bataille du chiffre, on l’a quelque peu gagnée, reste à emporter celle de la qualité !
Un autre débat, une autre grille de lecture.
Le prochain article pour celles et ceux qui peuvent me renseigner concernera les « Harates », Blondo, Rocca, Giroud, Baroti,…
Toutes les interventions, précisons et autres rectificatifs sont les bienvenus.
L’auteur de ce papier doit préciser qu’il y a une différence entre la colonisation et les infrastructures éducatives existantes ici et là, qui n‘ont certes, pas profité à tous mais aux européens en premier. Dois-je affirmer que je n’éprouve aucune nostalgie pour cette longue nuit sans lune et sans étoiles ; qui ressent ne serait-ce qu’un brin de mélancolie pour cette sombre période ?
Pour notre école, si !
Pour notre enfance, si et si !
J’ai vécu comme tous les enfants algériens dits « Indigènes », le Martyre, la misère, l’injustice, le second collège ; nos concitoyens les enfumades, les brimades, les expropriations, bref toutes les affres et les angoisses de la colonisation.
J’habitais Harat Blondeau avec les Cheniti, Koussim, Souakir, Sabri, Touhami, Bellout, Dib, Boudoukha, Ayadi,… La plupart des familles de Chahids, de Moudjahidines ; On faisait face au Tribunal où on jugeait les « Fellagas », nos parents, encerclés par la garde mobile ou on leur posait la « Question » et la prison où croupissaient nos ainés pour avoir revendiqué leur dignité en attendant d’être renvoyés vers les camps de concentration pour un aller sans retour.

N’appartenant à aucune chapelle, ne faisant partie d’aucun clergé, ni d’une quelconque cour, n’étant la voix, ni le porte-voix d’aucun clan, je suis par contre le ténor, la parole de ma conscience, d’elle et d’elle seule. Je revis tout simplement mon enfance, notre enfance, notre chère et inoubliable enfance, celle de tous mes camarades. On était chanceux et heureux, je pense et je le crois, nous tous, d’avoir fréquenté l’école à cette époque, de l’avoir aimée, affectionnée et chérie , de nous avoir accueilli, très bien accueilli .J’en suis fier, nous sommes fiers d’y avoir été.
Je dis, nous disons à tous les instituteurs d’ici ou d’ailleurs, algériens, français et de toute nationalité, à vous qui êtes venus de loin, vous qui nous aviez appris la lecture, l’écriture, le calcul, la poésie, la politesse, la courtoisie, la galanterie, l’élégance, le respect, la tolérance, la fraternité, la bonté, le pardon, mais aussi le courage, la bravoure, la vaillance , l’humilité, et initié aux rudiments des sciences, aux sports, à la culture, aux loisirs, aux humanités, à la...vie.
Nos chers instituteurs,

C’est l’occasion, cinquante années plus tard, la première, peut-être la dernière, nous vos disciples, nous les chérubins de l’époque, ces doux visages presque angéliques, ces regards ô combien innocents, plus que de vous manifester notre déférence, vous nos « maitres », vous qui aviez forgé notre personnalité, nous rendons hommage à la profession, nous vous transmettons ce message de considération et de respect.
Alors du fonds de notre cœur, nous vous témoignons notre profonde reconnaissance, notre sincère gratitude, nous vous disons enfin, pour la vie, pour toujours,
Nous vous aimons…
Merci !


Nagib Bouguessa (ex-élève)

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