Auguste Vaillant

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Auguste Vaillant
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Auguste Vaillant est un anarchiste et criminel français, né le à Mézières (Ardennes) et guillotiné le à Paris.

Très vite gagné aux idées socialistes et libertaires, il émigre en Argentine. De retour en France, le , il jette une bombe dans la Chambre des députés, blessant plusieurs personnes. Après cet attentat, la Chambre a adopté une série de lois anti-anarchistes connues sous l'appellation de « lois scélérates ».

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Né dans les Ardennes à Mézières (qui n'est pas encore fusionné avec Charleville) le [1], fils d'un gendarme qui l'a abandonné[2], Vaillant connaît une enfance misérable. À 12 ans, il vit seul à Paris. Il est plusieurs fois arrêté et condamné, pour grivèlerie, pour mendicité, etc.[2].

Il exerce divers emplois manuels en tant qu'apprenti et se passionne pour l'astronomie et la philosophie. En 1883, il a épousé Virginie Viol qui accouche d'une fille, Sidonie[3], qui sera recueillie plus tard par Sébastien Faure. Le couple habite alors à Clichy au 83 rue Martre, où Auguste est "éventailliste", mais la famille vit dans le dénuement.

Préoccupé par sa propre misère et celle qui règne à Paris, sa présence est signalée en 1884, par un rapport de police dans une réunion organisée par le Comité révolutionnaire central (mouvement politique de tendance socialiste blanquiste). Il est particulièrement actif lors de la campagne des élections législatives françaises de 1885, dans le 18e arrondissement de Paris où il habite, rue Ordener, pour les idées socialistes et révolutionnaires. Il milite aux Égaux de Montmartre, qui tente de mobiliser les habitants contre Jules Ferry, baptisé Ferry-Famine ou encore Ferry-Tonkin. Il quitte Paris, et s’installe à Villeneuve-Saint-Georges. Il s'intéresse à l’anarchisme et, en 1889, est délégué à la correspondance du groupe « Les Révoltés » de Villeneuve-Saint-Georges[2],[4].

Il décide alors de tenter sa chance en Argentine dans la région du Chaco, mais c'est un échec. Après trois ans d'exil, il revient en France en 1893. Il trouve un emploi dans la maroquinerie, mais vit très modestement, avec sa fille Sidonie et une cousine germaine de son épouse[2]. Vivant désormais à Choisy-le-Roi, Vaillant crée un « Cercle philosophique » dans le but de populariser l'étude des sciences auprès des ouvriers.

Il renoue alors avec le milieu des « compagnons » anarchistes, qui préconisent « la propagande par le fait »[5]. Les vagues d'actes anarchistes se multiplient alors en France dans les années 1892-1894, à l'initiative de plusieurs activistes, parmi lesquels Ravachol, Sante Geronimo Caserio ou encore Émile Henry[6].

Attentat du 9 décembre 1893[modifier | modifier le code]

Reconstitution de l'attentat.
Illustration parue dans Le Petit Parisien.

Ce contexte motive Auguste Vaillant, qui veut également venger la mort de Ravachol. Vaillant entend aussi dénoncer la répression du gouvernement de Jean Casimir-Perier contre les activistes anarchistes.

Il passe à l'acte le . Après être passé chez le photographe Charles Gallot pour récupérer son portrait qu'il avait fait faire le [7] Il va vers 16 heures lancer une bombe dans l'hémicycle de la chambre des députés au Palais Bourbon[2], présidée par Charles Dupuy. C'est une bombe chargée de clous, de morceaux de zinc et de plomb qui s'abat sur les députés et sur les spectateurs assistant aux délibérations. Elle devait exploser en l'air, mais, sa trajectoire ayant été déviée par le geste imprévu d'une femme, une cinquantaine de personnes sont légèrement blessées, dont Auguste Vaillant lui-même, par les clous de 3 cm.

Le journaliste Bernard Thomas conjecture que cet acte résulterait d'une provocation policière destinée à justifier la répression prévue contre les milieux anarchistes. Vaillant était surveillé par la police[8] mais il s'agit vraisemblablement d'une incurie des forces de l'ordre plutôt qu'une manipulation de leur part[2].

Un article du Figaro du décrit la scène :

« La bombe a été lancée de la seconde tribune publique située à la droite du président de la Chambre, au deuxième étage, et a éclaté à la hauteur de la galerie du dessous, emportant dans un immense tourbillon tout ce qu'elle rencontrait devant elle. Plusieurs députés ont été renversés ; l'abbé Lemire est projeté sur le sol, il est atteint par un projectile derrière la tête et reçoit une blessure profonde. D'autres députés sont blessés : MM. de Lanjuinais, Leffet, le baron Gérard, Sazenove de Pradine, de Montalembert, Charpentier, de Tréveneue. On les entoure, on les emporte dans les bureaux pour leur donner les premiers soins. M. Ch. Dupuy, au fauteuil, a eu le cuir chevelu déchiré par un clou. »

Après l’attentat[modifier | modifier le code]

Procès et exécution[modifier | modifier le code]

Croquis d'audience du procès d'Auguste Vaillant (L'Illustration, ).
Vaillant lors de son exécution.

Arrêté avec vingt autres personnes, Vaillant avoue dans la nuit qu'il est l'auteur de l'attentat. Lors de son procès, il fait remarquer que son geste était destiné à blesser et non à tuer, raison pour laquelle il a rempli sa bombe avec des clous et non avec des balles.

Avant le verdict, Vaillant s'exprime devant les jurés :

« Messieurs, dans quelques minutes vous allez me frapper, mais en recevant votre verdict, j'aurai la satisfaction d'avoir blessé la société actuelle, cette société maudite où l'on peut voir un homme dépenser inutilement de quoi nourrir des milliers de familles, société infâme qui permet à quelques individus d'accaparer la richesse sociale (…) Las de mener cette vie de souffrance et de lâcheté, j'ai porté cette bombe chez ceux qui sont les premiers responsables des souffrances sociales »

— Transcription publiée dans Le Petit Journal

Auguste Vaillant est condamné à mort. Malgré une demande de grâce signée par une soixantaine de députés dont l'abbé Lemire, le plus grièvement blessé durant l'attentat (il est resté trois jours à l'hôpital), auprès du président Sadi Carnot, Vaillant est guillotiné le [2]. Il a 32 ans. C'est la première fois, depuis la Restauration, qu'on applique la peine de mort à quelqu'un qui n'a pas tué.

Sa mort entraîne la colère des anarchistes qui adoptent pour hymne la chanson La complainte de Vaillant de F. Xan-Neuf et de Charles Spencer. En représailles, Sante Geronimo Caserio, un anarchiste italien, assassinera à Lyon le Sadi Carnot, qui avait refusé la grâce de Vaillant.

L'éducation de sa fille Sidonie est prise en charge financièrement par la duchesse d’Uzès, célèbre militante du camp légitimiste puis boulangiste[9].

Conséquences politiques[modifier | modifier le code]

La conséquence directe des actes anarchistes est l'adoption des « lois scélérates » en 1893 et 1894. La première, votée le , concerne la sécurité générale. Elle prévoit la création de nouveaux délits, dont l'apologie de faits ou apologie de crime. Cette loi permet aux autorités d'ordonner des arrestations et des saisies préventives. La seconde, le , concerne les associations de malfaiteurs. Elle a pour objectif d'autoriser toute poursuite contre des groupes accusés de préparer des attentats. La troisième, adoptée le , s'en prend à ceux qui « font par un moyen quelconque acte de propagande anarchique », et touche aussi la liberté de la presse. Elle interdit toute propagande aux anarchistes et se traduit par l'interdiction de leurs journaux[5],[6].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Vivien Bouhey (préf. Philippe Levillain), Les anarchistes contre la République : contribution à l'histoire des réseaux (1880-1914), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 491 p. (ISBN 978-2-7535-0727-2, lire en ligne), p. 275
  2. a b c d e f et g Jean Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, (lire en ligne), « Vaillant Auguste [anarchiste] »
  3. Archives des Hauts-de-Seine, acte de naissance en ligne page 146
  4. Michel Ragon, Dictionnaire de l'anarchie, Albin Michel, (lire en ligne), « Vaillant Auguste (1861-1894) »
  5. a et b Guy Herzlich, « Les lois scélérates à l'époque de la " propagande par le fait " », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  6. a et b Caroline Monnot, « "Plutôt la mort que l'injustice. Au temps des procès anarchistes", de Thierry Lévy : ils croyaient dynamiter l'injustice », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  7. Gallica Le Temps des 14 et 18 décembre 1893
  8. Bernard Thomas, Les provocations policières, Paris, Fayard, , 508 p. (lire en ligne), p. 54-58, 115, 139
  9. Portrait de la duchesse d'Uzès

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Cet attentat est évoqué par Louis Aragon dans son roman Les Cloches de Bâle.

Évocations radiophoniques[modifier | modifier le code]

Vidéographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]