Irrévérencieux, imprévisibles, vissés à l’écran de leur smartphone… les clichés ont la dent dure. Les 15-35 ans représentent cependant 30 % de la population aujourd’hui et seront aux manettes du monde de demain. Au-delà des préjugés, décryptage de cette génération qui donne du fil à retordre aux recruteurs et aux managers, avec Joëlle Brunet-Labbez, auteure de l’ouvrage « Innover avec la Génération Y ».

Millennials, Génération Y, Digital natives… Parle-t-on des mêmes personnes ?

Oui, tous ces termes réfèrent à des populations nées au détour du millénaire. On parlait plutôt de « Génération Y » au départ, en référence à la forme du fil de leurs écouteurs. Cette appellation a été supplantée par le terme anglo-saxon de Millennials. La France a commencé à s’intéresser au phénomène très tardivement, quand elle a découvert que les recettes classiques du recrutement et du management ne garantissaient pas une intégration pérenne en entreprise. En Amérique du Nord, c’est un non-sujet depuis plus de 10 ans. Les digital natives sont planétaires : on retrouve les mêmes en Inde, en France ou en République Tchèque. Leur point commun : ils ont développé leurs capacités cognitives au contact des technologies.

En quoi sont-ils si différents de leurs ainés, notamment dans leur rapport au travail ?

Ils n’ont pas grandi dans le même monde. Leurs représentations divergent de celles de leurs parents – les « X » – et a fortiori de celles de leurs grands-parents, les babyboomers, qui ont toujours vécu pour et par leur travail. L’entreprise était la mère nourricière. Aujourd’hui, elle n’est plus du tout au centre de la vie et de l’insertion personnelle d’un Millennial. Ce qui compte, c’est la tribu, le réseau, les amis. C’est eux qui apportent la stabilité. La vision de la réussite n’est plus la même. Auparavant, l’idéal des jeunes diplômés était d’intégrer une grande entreprise pour évoluer vers des postes à responsabilité. Aujourd’hui, ils rêvent plutôt de monter une start-up et de s’entourer de leurs pairs.

Quelles sont leurs valeurs, leurs leviers de motivation ?

Le système managérial français pénalise l’échec. Or, pour un Y, l’échec est une expérience comme une autre. Ce sont les technologies qui ont produit cela : l’immédiateté, l’agilité, l’itération. Ils créent leur propre manière de travailler et ne comprennent pas qu’on les renvoie sans cesse à la règle. Leur rapport au temps est différent. Ils veulent progresser vite, découvrir de nouveaux environnements. Ils ne supportent pas la routine à moins qu’elle soit tournée vers un objectif excitant. Le jeu est le moteur de leur rapport au travail, y compris en matière relationnelle.

Les Millennials sont-ils aussi difficiles à manager qu’on le dit ?

L’autorité est possible, à condition qu’elle se justifie par de la compétence, du charisme et une vraie capacité d’entrainement. Si les managers partagent, délèguent, offrent des perspectives claires, les digital natives sont littéralement fans. Ils fonctionnent à l’affectif. Dès lors que l’on bride leur créativité, qu’on leur objecte des arguments bureaucratiques pour refuser une idée, une promotion ou un changement de poste, c’est vécu comme du désamour. Le système managérial traditionnel a tendance à regarder au-dessus de leur épaule et à les rappeler à l’ordre. Contrairement à la génération précédente qui a passé son temps à revoir ses ambitions, les Millennials n’hésitent pas à claquer la porte de l’entreprise sans crier gare et sans regret, dès qu’ils commencent à s’ennuyer ou qu’ils sont déçus. Les RH ont cru un moment que les jeunes allaient tôt ou tard « se faire » au monde de l’entreprise traditionnelle et verticale, qui est basée sur le contrôle de la présence et de l’efficacité. A force de recevoir des démissions en rafales, ils prennent conscience que c’est à eux de faire évoluer le modèle managérial, qui est en train de craquer.

Pour en savoir plus sur les méthodes de recrutement pérennes des Millennials, consultez notre article « 5 conseils pour bien recruter les Millennials ».

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