Faut-il dire numérique ou digital ?

Le débat est récurrent, et il n’est pas un article employant le mot digital sans la réponse tant attendue « digital c’est avec les doigts, en France on dit numérique ». C’est d’ailleurs l’avis de l’Académie française pour qui « l’adjectif digital en français signifie « qui appartient aux doigts, se rapporte aux doigts ». Il vient du latin digitalis, « qui a l’épaisseur d’un doigt », lui-même dérivé de digitus, « doigt ». C’est parce que l’on comptait sur ses doigts que de ce nom latin a aussi été tiré, en anglais, digit, « chiffre », et digital, « qui utilise des nombres ». En Français il faudrait donc utiliser numérique. C’est un avis largement partagé, et défendu par certains. Johann Duriez-Mise, journaliste High-Tech à Europe 1 estime par exemple que « le mot « Digital » est un terme anglophone qui signifie « avec les doigts ». Or, il est désormais utilisé, à tort donc, pour désigner tout ce qui à trait au Numérique. Ce n’est finalement qu’une mauvaise traduction des agences de communications françaises qui, à force de jongler avec des mots anglais et français, ont trouvé plus facile d’utiliser le même mot dans les deux langues. »

Mais si les avis semblent bien tranchés sur l’utilisation d’un des mots, ils sont rarement étayés et argumentés. Nous nous sommes donc rapprochés de spécialistes de linguistique et de sémantique / sémiologie afin d’avoir leur avis sur la question. Et leurs réponses sont assez surprenantes puisqu’elles vont à l’encontre de ce que préconise l’Académie française. Voici les avis de Typhon Baal Hamon qui souhaite garder l’anonymat mais étudie la linguistique depuis plusieurs années (vous pouvez retrouver ses écrits sur son blog) ainsi que Anthony Mathé, docteur en sciences du langage et en sciences de la communication, chargé de cours au Celsa-Sorbonne et à Paris 5, et chercheur associé au Celsa-Sorbonne (laboratoire Gripic). Il s’intéresse tout particulièrement aux univers de la communication, des médias et du branding, et fait notamment du conseil auprès des marques. Vous pouvez le retrouver sur Twitter ou consulter ses écrits sur son blog, sémiolab.

Pourquoi peut-on utiliser numérique et digital  ?

Typhon Baal Hammon : En ce qui concerne les mots « numérique » et « digital », les deux semblent effectivement se trouver plus ou moins en concurrence. Il se trouve que les deux mots ont fini par recouvrir à peu près les même choses, c’est à dire grosso modo l’ensemble des équipements électroniques utilisant des représentations binaires. Il est à noter qu’aucun des deux n’avait ce sens à la base, et c’est par une évolution récente qu’ils ont acquis ce sens, comme, on le présume, pour la plupart du vocabulaire de ce domaine (mis à part les néologismes, bien sûr). J’en profite pour insister sur un point : l’étymologie d’un mot ne nous donne en aucun cas son « vrai sens ». Le sens des mots fluctue et évolue de façon parfaitement naturelle et parfois hautement imprévisible : le puriste qui insiste pour utiliser un mot dans un sens désormais totalement désuet est exactement semblable à quelqu’un qui inventerait un mot de toute pièce et s’étonnerait qu’on ne le comprît point.

Anthony Mathé : Si vous parlez d’un site web ou d’une application mobile, je suppose qu’il convient plutôt de parler d’expérience digitale, de dispositif digital, ou encore d’innovation digitale, plutôt que de dispositif ou d’expérience numérique. On parlera en revanche avec plus de justesse d’une montre à affichage numérique ou de l’industrie numérique, d’entreprises numériques. Le contexte fait que l’on privilégiera l’un ou l’autre. Le cœur du problème en français, c’est que numérique est polysémique, d’où certaines ambivalences ou zones de flou aujourd’hui qui expliquent en partie pourquoi l’on se tourne vers digital sur le modèle anglo-saxon notamment dans la langue des agences digitales ou des responsables du digital chez les marques.

En français, numérique s’oppose à analogique, c’est son sens mathématique. C’est la différence entre l’arithmétique et l’algèbre. Par extension, on parle de cinéma numérique, de son numérique, en opposition au cinéma classique ou au son analogique. C’est le traitement informatique, le calcul, la dématérialisation qui motivent cette qualification. S’il y a bien des nuances notables et significatives sur le plan sémantique ou même étymologique, ce sont surtout les usages en langue (c’est ainsi qu’on parle en linguistique) qui me semblent plus intéressants car ils permettent d’aller plus loin dans la compréhension de la complexité de la langue. On parle d’industrie numérique et de pratiques digitales, même s’il n’y a rien de complètement systématique. La clef est pourtant ici à mes yeux : valeurs de base d’un côté, valeurs d’usage de l’autre. Le chiffre versus la main, pour renvoyer à l’étymologie. Numérique tend à renvoyer de fait au technologique, à la dimension discrète de la technologie, celle que manipulent les ingénieurs et qui restent intangible.

Digital semblerait concerner plutôt l’usager dans son expérience de cette technologie numérique. Avec digital, on passe de l’autre côté de l’écran. L’influence anglosaxonne aidant aussi, je comprends pourquoi les agences se présentent comme agences digitales, et non comme agences numériques. Regardez ce qui est en jeu avec les termes numérisation et digitalisation et vous verrez que numérique et digital ne sont pas synonymes. La numérisation renvoie au changement de support de données (films, images, enregistrements), à sa dématérialisation, et la digitalisation à la communication via des supports immatériels, à l’accès au digital. Personne n’ira parler de numérisation d’une marque (sauf de ses archives) alors que la digitalisation de la marque est une mutation en cours dans son dispositif global de communication. Certes, c’est là un sociolecte propre au marketing et aux agences, mais il n’en est pas moins significatif. Il convient d’envisager la différence numérique / digital comme une tension, non comme un binarisme. Les geeks comme les hackers passent de l’usage à l’encodage et vice versa. La culture numérique et la culture digitale sont évidemment liées. Mais ces quelques nuances d’imaginaire ne sont pas pour autant inutiles. L’imaginaire linguistique de digital est lié à la dimension expériencielle et à l’usage alors que l’imaginaire linguistique du numérique est lié à l’industrie et à l’encodage. Si l’on continue à explorer les usages linguistiques, on voit que l’on pourrait très bien qualifier une application comme étant numérique et digitale, sans être dans la pure redondance.

On mettrait l’accent sur la technologie, puis sur l’utilisabilité pour en expliquer la valeur. En revanche, il n’est pas pensable en retour de parler d’une application numérique non-digitale ou d’une application digitale non-numérique. Les deux semblent liés, comme le recto et le verso d’une page blanche, pour reprendre l’une des célèbres métaphores de Saussure.

Pour finir, n’oublions pas le terme manquant : web. Le web n’est qu’une dimension spécifique du digital et du numérique, mais il reste le plus commun. Une autre enquête sémiolinguistique à mener.

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D’un point de vue purement sémantique / linguistique, doit-on privilégier l’un ou l’autre ?

TYB : Il n’y a absolument aucune raison linguistique de préférer l’un des deux mots à l’autre. D’une manière générale, la linguistique ne consiste pas à dicter les façons de parler des gens, mais à les étudier telles qu’elles sont, et la vérité est que la correction dans ce domaine est tout simplement une question de goût. Ce qu’untel trouvera une faute horrible ne sera peut-être même pas relevé par son voisin. Ça ne veut pas dire que la langue ne suit pas de règles, mais les règles qui la régissent véritablement sont des règles que les locuteurs suivent inconsciemment. La seule réponse valable que peut faire un linguiste quand on lui demande si une forme est correcte, est : « si elle est employée, elle est correcte. Si elle n’est pas employée, elle est peut-être correcte ». La linguistique, l’étude scientifique du langage, a de nombreuses questions à se poser sur ces deux mots : comment ont-il pris leur sens actuel, qui les emploie et dans quels contextes, etc… Mais il n’est pas question de les hiérarchiser, ça, ça relève purement de la subjectivité de chacun. La linguistique peut parfois informer cette subjectivité, par exemple, en prévoyant qu’un mot fréquent sera plus intelligible qu’un mot rare ou un néologisme, mais même alors, c’est une question de goût :

On peut vouloir choisir un mot rare pour telle ou telle raison, quand bien même on sera moins facilement compris. En résumé, le choix d’utiliser « digital », « numérique » ou les deux est totalement personnel, et il est, à mon avis, ridicule de vouloir en imposer un. (Sur cette question, je peux vous renvoyer à un de mes textes : http://baalhammon.fr/linguistique.html#q5  )

AM : D’un de point de vue linguistique, c’est l’usage attesté qui doit motiver à choisir l’un des termes plutôt que l’autre, en fonction du message, du contexte ou tout simplement de son interlocuteur (ma grand-mère connait le terme numérique mais probablement pas digital). Et d’un point de vue sémantique, deux mots permettent d’introduire des nuances et ni la poésie, ni la pensée n’iront reprocher cela à la sémantique ! La linguistique comme toutes les autres sciences du langage n’est nullement prescriptive, elle est avant tout descriptive. Elle observe, elle enquête, elle étudie des phénomènes pour dégager des faits ; elle tente de comprendre pour expliquer (ou l’inverse, selon les courants linguistiques). Comme j’ai pu rire lorsque l’Académie Française a prescrit l’emploi de numérique et expliqué que digital n’est pas approprié. Ils ont beau souligner que digital en français et digital en anglais ont des sens qui ne se recouvrent pas, force est de constater que leurs usages si !

De toute façon, l’Académie Française est prescriptive, normative et a un dent contre les anglicismes et toute forme de néologisme. Je crois qu’ils ne vivent pas dans notre monde et que leur idéologie est par définition non-linguistique. En plus, mieux vaut ne pas être anglophile avec eux. Il faut se rappeler qu’il y a quelques années ils préconisaient d’utiliser le néologisme « vacancelles » pour remplacer le terme anglais « week-end ». D’un ridicule sans nom.

Le sens des 2 mots est-il aujourd’hui identique ?

TYB : Le sens de ces deux mots n’est pas identique pour la bonne raison qu’ils sont tout deux polysémiques (en particulier « numérique »).

Néanmoins, dans le sens pour lequel ils se retrouvent en concurrence, la différence n’est pas évidente à voir, et seule une étude fine de leurs contextes d’apparition pourrait permettre de trancher vraiment cette question. Mon avis personnel et subjectif était que « digital » connotait un peu les années 1980. Google Ngrams indique plutôt un pic vers 1970, et on peut voir qu’après une baisse, il regagne désormais du terrain, même si la courbe s’arrête en 2008 (« numérique » est plus employé, mais il est aussi plus polysémique, donc ce n’est peut-être pas pertinent).

num-digit

L’usage de digital plutôt que numérique tend à se généraliser. Le mot numérique a-t-il encore une chance de résister, ou deviendra-t-il inévitablement désuet suite à l’adoption du mot digital ?

TYB : Pour ce qui est de savoir si numérique va continuer à perdre du terrain, c’est possible, mais ça ne paraît pas inéluctable : il me semble qu’il est plus souvent employé que digital.

On peut imaginer toutes sortes de scénarios pour la suite. Peut-être que l’un des deux l’emportera et que l’autre deviendra désuet.

Peut-être que l’un prendra un sens plus spécialisé que l’autre. Peut-être que l’un sera plutôt employé dans un certain contexte socio-culturel ou géographique (cf la fameuse étude sur la répartition de l’emploi entre chocolatine et pain au chocolat).

Peut-être que « digital » l’emportera dans les emplois adjectivaux en même temps que triomphera « numérique » dans les emplois substantivés, i.e quand on dit « le numérique ».

(Notez que jusqu’à présent, je n’ai jamais lu ou entendu dire « le digital » dans ce sens, même si ça existe peut-être aussi).

Bref, nul ne sait de quoi demain sera fait et surtout pas moi.

Vous maîtrisez la langue anglaise, outre-manche se pose-t-on aussi ce genre de questions, ou ce genre de querelles linguistiques sont-elles purement françaises ?

AM : A dire vrai, je n’ai pas assisté à de tels débats idéologiques en Angleterre. Dans le monde des agences et des marques, la langue anglaise utilisée est avant tout pragmatique, fonctionnelle et assez peu nuancée. J’ai identifié deux règles :

1. Le plus simple est souvent jugé comme le plus efficace.

2. Si c’est fun en plus d’être efficace, c’est plus pertinent. En revanche, dans le monde réel, d’une ville à l’autre, d’un pub à l’autre, entre amis ou chez les gens, la variation linguistique est bien plus marquée et étonnante que dans le monde du travail anglais et sans comparaison avec la France : la langue parlée révèle alors des nuances, des accents, des origines excessivement riches. Vous parlez l’anglais de votre ville et de votre milieu, avec un lexique sensiblement différent. La langue est ancrage.

Et dernier point si ressourçant, c’est ce que l’on appelle l’ordinariness, la langue quotidienne faite d’humour, d’ironie, de cynisme, de référence, de nuances, de subtilité. Le culte du quotidien et du banal (sans aucune péjoration) est une culture fascinante, tellement plus subtile que les gros sabots de l’Académie Française.

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39 commentaires
Commentaires (39)
  • Salima

    marketing digital ou marketing numérique ?
    stratégie digitale ou stratégie numérique ?
    Présence digitale ou présence numérique ?
    etc.

    Alors digital ou numérique ?

  • Chedeville

    Numérique

  • coreight

    Si vous pensez que je vais utiliser « digital », vous vous mettez le doigt dans l’oeil.
    Mais bravo pour l’article 😉

  • Matthieu KIENY

    Je suis d’accord avec le fait que « digital » désigne les doigts. Il faut tout de même reconnaître que les smartphones et tablettes, qui se contrôlent avec les doigts, se sont généralisés.
    Conclusion : l’utilisation du terme « digital » était mauvaise il y a 10 ans mais prend tout son sens aujourd’hui.

  • Franck Leroy

    Laissons le digital aux anglo-saxons et digitale a l’herbacée.

    En français c’est numérique le reste n’est que ‘marketing’… 🙂

  • Hisa

    Article intéressant et distrayant.
    Cela fait quelques jours que j’ai pris conscience de cette petite querelle, et je ne savais pas trop quoi en penser. Mais grâce à ces explications j’ai enfin trouvé ma réponse ! Je ne choisi pas, le mot qui conviendra à mon discours se fera connaitre de lui même. Cela dit, maintenant j’ai quelques arguments de cotés pour une future confrontation.
    Merci.

  • 79D

    Tout à fait d’accord avec @MatthieuKieny !
    Il faut aussi reconnaître que le terme « numérique » à une connotation has-been.

    Donc DIGITAL of course !

  • Jeanne

    Bonjour,

    Entièrement d’accord avec Anthony Mathé.

    Sa définition est claire et me parait très juste. « numérique » pour la partie codage et encodage, « digital » pour la partie utilisateur. L’un étant lié à l’autre mais ne désignant pas la même chose.
    Numériser un document signifie bien l’encoder. Un document numérique est un document encodé. Le monde du numérique est le monde des objets encodés.
    Digitaliser une marque, c’est lui donner des outils numériques, donc encodés. Un appareil digital envoie des données numériques. L’utilisateur se moque des outils et données numériques, seule l’utilisation compte. Le monde u digital regroupe tous les appareils et marques connectés.

    Jeanne

  • Michelle Blanc

    Lorsque je vais en France (je suis Québécoise), je suis toujours estomaquée d’observer à quel point l,amour de la langue de Shakespeare prend le dessus sur celle de Molière. Vous parlez ici de digitale que nous nommons numérique, mais on pourrait aussi parler de fitness center (centre de conditionnement physique), de collect call (appel à frais viré), high-tech (haute technologie), blog (blogue) et de tant d’autres expressions anglo-saxonne que vous adoptez sans avoir d’autres justificatifs que celui de faire cool (à la mode)…

    Chez nous, comme nous sommes 8 millions de francophones dans une mer de 300 millions d’anglos, nous sommes plus sensibles à cette capitulation linguistique. Ça me frappe d’ailleurs à chaque fois que je vais à LeWeb à Paris et que j’entends des Parisiens avec un anglais approximatif, poser des questions ou donner des conférences dans la capitale francophone de la planète. Pratiquement aucun français n’y est parlé sur scène. on dira « mais il faut bien que les américains nous comprennent »! Ici nous avons une technologie toute simple pour ça. Ça s’appelle des écouteurs qui diffuse la traduction simultanée des conférences. Mais c’est vrai que ça fait « cool » de se faire croire qu’on parle au monde entier en reniant son propre héritage culturel.

  • Bernieshoot

    il est question d’anglais d’outre manche, quid de l’anglais outre atlantique pas certain du tout que la sensibilité soit la même comme sur pas mal de termes ou expressions.
    Opposer digital à numérique n’a pas vraiment de sens c’est un peu comme dire à u américain je vais faire un jogging et lui de se demander de quoi vous parler

  • Gluk

    Demander l’avis à des personnes qui conseil les entreprises/agences de com’ est une erreur car elles utilisent ces termes dans leurs documents et discours et ne sont pas objectif, il y a clairement conflit d’intérêt.

    Pourtant, c’est simple, si l’Académie française dit que c’est Numérique, bah , c’est Numérique !

    http://www.academie-francaise.fr/digital

  • Grunt

    La règle est assez simple :
    Si vous aimez la technique, si pour vous « numérique » est le complément de « analogique », si vous savez de quoi vous parlez, si vous baignez dans la culture geek, si les technologies de l’information vous intéressent, alors dites « numérique ».

    Si vous avez fait des études de marketing fourrées à l’anglicisme, que le digital n’est pour vous qu’une pompe à fric ou un moyen de vous faire une réputation, que vous ne savez pas de quoi vous parlez, alors employez « digital ».

    Ça permet de repérer du premier coup d’oeil si on a affaire à un·e geek ou à un·e vendeur·euse de rêve qui baratine.

  • Nicolas

    Je pense que numérique et digital sont deux choses différentes. Le débat est stérile, l’essentiel est de se faire comprendre par le plus grand nombre. Si j’emploie numérique à la place de digital, et que personne ne me comprend, je suis un imbécile. Et les contrats ne risquent pas d’être signé si je suis une agence de marketing numérique alors que toute le monde recherche une agence de marketing digital.
    En tout cas, moi je veux que mon utilisateur utilise ses doigts pour commander ou s’inscrire alors je fais du marketing digital.

    De plus qui prendrait en compte l’avis d’une institution qui préfère écrire CD- ROM qui est un acronyme de cette façon : cédérom !

  • Antwan

    Bon sang ce qu’on peut pas lire…

    Il n’y a pas questionnement possible, ces anglicismes ne sont que le témoin de discours bullshit de tous les communiquant en orbite autour de ces métiers. Perso je lis « digital » je ne vais pas plus loin, je sais que le contenu sera pauvre et vendeur de vent.
    Utiliser le bon vocabulaire c’est la base pour communiquer et être crédible. Si des gens se déclarent « expert digital » je ne peux pas leur accorder une once de crédit et faire autre chose qu’au mieux en rire.

    « Les usages font que ». Mon cul, l’usage c’est qu’un tas de guignols se sont investis du domaine sans y comprendre un iota eux-mêmes, et vendent du bullshit aux gugus plus ignorants encore qu’eux.

    Donc à la limite, continuez à utiliser « digital ». Au moins on vois tout de suite et sans effort que la suite ne sera que déblatération de conneries.

  • Jean-Luc STRAUSS

    Je crois qu’ils vous manquent une dimension très importante: le snobisme !

    En effet, ce sont les Banques et Assurances qui utilisent depuis plusieurs années le mot DIGITAL dans leurs communications avec, par exemple, la nouvelle mode des Direction de la Transformation Digitale.

    Or, les administrations publiques ne sont autorisées qu’à parler de Transformation Numérique. Les pauvres !

    Une autre façon de nous faire percevoir la différence de classe entre les B&A et le populo ??

    Si je rajoute que ces mêmes Directions de la Transformation Digitale s’appelaient Directions de l’Innovation il y a encore peu de temps, douteriez-vous que cela n’est en fait que du Marketing ??

    En effet, parler d’innovation pour les B&A implique de parler d’innovations DE SERVICE alors que parler de DIGITAL permet de se montrer sous de beaux atours auprès des générations Y, Milleniums, … etc, cœur de cible commerciale fondamentale pour les B&A, sans avoir besoin de VERITABLEMENT innover … ce qu’on attend toujours

    Bref, le Marketing a encore de beaux jours devant lui surtout quand on voit la fascination exercée par les MOTS comme DIGITAL, WEB 2.0, BIG DATA, CLOUD qui n’ont même pas besoin de définitions, car ils font rêver sans peine à un futur bien meilleur grâce à la technologie …

  • ccalvo

    C’est encore l’un de ces combats d’arrière-garde dont on a en France le secret. Ce qui est important n’est pas le mot mais son usage d’une part, ce à quoi il rapporte d’autre part. Il n’y a pas lieu de choisir. Pour ce qui me concerne, j’utilise l’un ou l’autre selon les circonstances, mes interlocuteurs et leur connaissance plus ou moins importante de la culture digitale/numérique . De la même manière qu’il m’arrive d’écrire clé ou clef.

    Et je souscris absolument à ce que dit Anthony Mathé : « L’Académie Française est prescriptive, normative et a un dent contre les anglicismes et toute forme de néologisme. Je crois qu’ils ne vivent pas dans notre monde et que leur idéologie est par définition non-linguistique. En plus, mieux vaut ne pas être anglophile avec eux. Il faut se rappeler qu’il y a quelques années ils préconisaient d’utiliser le néologisme « vacancelles » pour remplacer le terme anglais « week-end ». D’un ridicule sans nom. »

  • Stéphane

    Je suis désolé pour l’académie française mais je dirai toujours community manager au lieu d’animateur de communauté. Je dirai toujours DJ au lieu de platiniste. Je dirait toujours cookies au lieu de témoins de connexion. Je dirai toujours business plan au lieu de plan d’affaire. On peut encore aller loin comme ça. C’est dommage, certes, pour la langue française mais il y a des mots qui sont nés anglophone en France et qui resteront anglais. Si vous prenez les mots marketing ou management, je vous donne le défi de trouver l’équivalent en francais. Impossible, car c’est déjà français. Numérique ou digital ? Pas d’importance j’ai envie de dire. Googler et twitter ont bien été acceptés. Snaper serait de trop…

  • Younes

    ne pas dire Digital juste parce que ça vient de l’anglais, c’est faut. Le monde s’agrandit et on doit s’ouvrir sur les autres ou bien décider de se mettre dans sa propre bulle et être seul. Le choix est le notre.

  • Joseph Saint Pierre

    Bonjour.

    Digital vient peut être de l’anglais mais le terme est utilisé en allemand, en danois, en italien, espagnol, portugais, catalan et donc dans des langues latines proches du français.

    Le mot numérique a un sens ancien et toujours utile en sciences qui se traduit en anglais par « numerical », cela se retrouve en français dans les expressions comme « calcul numérique », « analyse numérique », « méthode numérique », « simulation numérique » ou même de manière ordinaire dans l’expression « supériorité numérique » qui veut dire « être plus nombreux » plutôt que d’avoir plus de moyens informatiques. Numérique vient directement du mot nombre et a un rapport avec les chiffres. Il y a 40ans que je fais des mathématiques et je travaille depuis 1988 dans un lieu qui se nommait en 1957 et 1972 Institut de Calcul Numérique, les activités qui sont les miennes en tant que mathématicien ont un rapport très fort les nombres et donc quelque de chose de très numérique mais n’a pas grand chose à voir avec ce que le grand public nomme le numérique qui a plus de rapport avec l’usage des ordinateurs comme moyens de communication et non comme machine à calculer, l’usage initial des ordinateurs. En 2009 j’ai écrit un petit texte intitulé « Les ordinateurs servent-ils encore à faire du calcul »
    , il s’agissait d’une réaction face des défenseurs du numérique qui ne voyaient à travers ce mot que les usages liés au web, facebook, tweeter etc en oubliant que les ordinateurs sont très utiles pour faire du calcul numérique.

    Très cordialement.
    Joseph Saint Pierre

  • Pascal KOTTE

    Bof, j’utilise les deux. Je choisi en fonction de la « consonance », et essentiellement en demandant à mes interlocuteurs, lequel ils préfèrent. Car utiliser un mot, c’est avant tout pour être compris par un tiers. Alors, ce n’est pas à vous de choisir, mais à l’autre !

  • Augustin

    Je ne suis pas vraiment convaincu par les arguments de ces linguistes. Il faudrait peut-être rappeler que « digital » a exactement le même sens en anglais que « numérique » en français (« digit » = « chiffre »). Les anglais se sont-ils posé la question d’utiliser notre traduction française ? Non bien sûr car l’anglais est la langue mondiale du commerce.

    Je suis favorable à une tolérance vis-à-vis des anglicismes et je me présente moi-même volontiers comme un profil « digital », alors que l’intitulé de ma formation comporte le terme « numérique ». Mais il faut assumer le fait que ce soit un anglicisme importé par les agences web (qui ont par exemple charcuté le terme « branded content » en « brand content »), plutôt que de présenter cela comme une évolution naturelle de la langue française (« digital » reste associé au doigt et l’Académie française a raison de le rappeler à mon sens).

  • Sam

    Bonjour,

    Etant ingénieur ayant l’habitude de travaillé sur des DSP (Digital signal processor), je recuse le terme numérique. Le terme digital s’oppose en anglais au terme analog qui veut dire analogique, hors en français on parlerais plutôt de discretisation ou de signaux discret. Dans le sens ou l’on a affaire à une suite de signaux discrets et non plus analogique. Par contre, en électronique, un digit est un nombre mais un « digital signal » est un signal discret et non un signal numérique. Ce qui n’a pas de sens.

    Bref, utiliser numérique serait galvaudé, autant en rester à l’anglicisme pour en rester au sens technique le plus proche de la réalité.

  • Thierry

    Accepter le terme digital sous prétexte que les smartphone et tablettes s’utilisent avec les doigts pose plusieurs problèmes, par exemple :

    – La technologie permet déjà de commander des appareils (numériques ou non) par la voix ou le regard. Pourquoi choisir digital au lieu de vocal ou visuel, d’autant que des procédés expérimentaux sont à l’étude pour commander à partir de capteurs sur des zones cérébrales -> technologies cérébrales ??

    – Un exemple concret de cette incohérence : le piano se joue depuis toujours avec les doigts même si Mozart utilisait parait-il aussi son nez (technologie nasale ?) :-)) Si c’est l’usage qui prime alors tout piano est digital qu’il soit numérique ou non. Il faut donc supprimer le terme de piano numérique puisqu’on parle de l’usage et non de la technologie. Allez donc acheter un piano en demandant un piano digital qui ne soit pas numérique, vous aurez surement du succès !!

    Mieux vaut en rire.

  • Florent Bourc'his

    Article très riche, intéressant sur le plan de la réflexion personnelle mais totalement « en décalage » d’un point de vue fonctionnel pour les pros du web.
    Le digital (ou numérique hein…), est sans frontières. Partout où je suis allé pour bosser, DIGITAL était toujours utilisé, NUMÉRIQUE jamais… sauf pour les français qui ne travaillent effectivement pas dans le domaine.
    États Unis, Brésil, Angleterre, Emirates, Japon, et même en France… tout le monde parle de digital en utilisant ce même terme.
    Alors oui, la langue française est riche et apporte pour chaque terme une part de signification différente… il n’en reste pas moins à mon humble avis, que le digital est sans barrières linguistiques, tandis que numérique n’est absolument pas connu en dehors de nos frontières.
    Bien évidemment, chaqun fais son choix, mais je pense effectivement que DIGITAL est plus juste, global et précis sur ce dont on parle.

  • Thierry

    @Florent: Votre constat est tout à fait exact. Connaissez vous la différence entre une langue véhiculaire et une langue vernaculaire ? Si oui pardon de vous le rappeler. La langue vernaculaire est parlée par les autochtones. Une langue véhiculaire permet à des personnes de langues différentes de se comprendre. Le latin et le grec en sont des exemples dans l’antiquité. L’anglais, l’espagnol et le français jouent ou ont joué ce rôle. Pour moi le terme DIGITAL appartient au langage véhiculaire le plus répandu du 21ème siècle : l’anglais. C’est pourquoi vous le rencontrez et l’utilisez partout à travers le monde. NUMERIQUE appartient selon moi au français dans son usage vernaculaire. C’est pourquoi je préfère utiliser NUMERIQUE quand je m’adresse à des français.

    Comme vous parlez de précision, j’en profite pour dire aussi un petit mot à Sam en toute sympathie (entre ingénieurs on doit pouvoir se comprendre :-)) ) :

    Mes leçons de théorie du signal sont un peu loin mais il me semble qu’un signal discret est un signal « discontinu ». Discret est le contraire de « continu » et non le contraire d' »analogique ». La discrétisation consiste à prendre des valeurs à une fréquence donnée d’un signal continu ou continu par morceau (au sens de l’analyse mathématique) en utilisant des techniques d’échantillonnage. Ces valeurs sont alors traduites en nombres (valeurs numériques) dans l’unité qui caractérise la nature physique du signal. C’est cette dernière opération qui donne son caractère « numérique » au résultat et non l’opération d’échantillonnage.

    Enfin, un petit mot sur le titre de cette discussion : FAUT-IL dire… Comme le dit Florent, chacun fait comme il veut. Il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit. Personnellement, je constate tous les jours des glissements de sens dus à l’utilisation d’un terme pour un autre. La plupart du temps c’est uniquement par erreur involontaire, parfois le doute existe, parfois c’est clairement volontaire. A notre époque d’hyper communication, de marketing, de publicité et de rhétorique électoraliste, je considère que conserver à chaque mot un signification non ambiguë est un acte nécessaire qui relève de ce que l’universitaire québécois Normand Baillargeon appelle de l’autodéfense intellectuelle.

    Bien à vous (Sincerely yours ?) ;-))

  • Émerveille

    Je ne comprends pas l’acharnement de l’Académie française à vouloir défendre bec et ongles le terme « numérique » avec leur notion abstraite de « nombre », tandis que nous savons à peu près tous que derrière ces suites de 0 et de 1, ce sont essentiellement des électrons qui animent nos ordinateurs.

    Nous écrivons des courriers électroniques et non des courriers numériques !
    Internet est électronique : e-commerce, e-marketing, e-réputation, etc.

    D’ailleurs, j’ai fondé une agence électronique afin de proposer à mes clients des e-stratégies ainsi que des créations électroniques… bon, ça fait très technique mais je crois en l’ère électronique 😉

  • Steve girard

    Michelle Blanc@ je suis en accord avec vous. Je ne comprend pas ce besoin de changer notre langue pour l’adapter à une autre. Autant arrêter de parler le français et utiliser que l’anglais si c’est pour massacrer notre langue natale.

  • Greg

    Tout ce blabla pour des mots qui ne s’opposent pas, ils ne sont même pas dans la même langue !

    En fait le problème ce sont plutôt les agences qui confondent le terme anglais et le terme français :

    – digital : anglais
    – digitale : français.

    Le « digital » anglais est bien synonyme de numérique mais la majorité des ignorants qui l’utilisent pensent et écrivent bien souvent « digitale » car ils ne comprennent pas la différence entre homophone de 2 langues et synonyme.

    http://gdurelle.com/post/65326601364/les-mots-qui-m%C3%A9nervent-digitale

    Il n’y a aucun problème à utiliser « digital » le mot anglais, mais si vous écrivez « digitale » alors vous n’êtes pas seulement en train de parler de choses auxquelles vous ne comprenez rien, vous êtes également nul en anglais.

    De plus l’argument de l’usage est fallacieux, Tout le monde n’utilise pas des interfaces tactiles dans l’informatique.
    Un écran qui n’est pas tactile, c’est pas « digitale », une souris, non plus, un lecteur d’écran non plus, un lecteur optique non plus, etc…

  • moi

    Excellent article 🙂
    Mais, en tant que développeur et donc du coté technique, je n’utiliserais jamais « digital » même si les arguments développés ici me font au moins comprendre pourquoi d’autres l’utilisent.
    A ceux qui pensent que les tablettes et smartphones réhabilitent le mot « digital », je leur répondrai : « tactile ».
    Eh oui, il faut évoluer, c’est comme la différence entre portable et portatif. Les écrans ne sont pas digitaux, mais tactiles.

    L’informatique (traitement automatique de l’information) est la science que nous avons inventée dans laquelle on transpose des concepts en nombres pour pouvoir les manipuler avec de simples calculs. Cette science du traitement de l’information par l’intermédiaire de nombres ne peut être qualifié que de numérique. L’usage de « digital » vient clairement de l’anglais, langue dans laquelle le terme digit représente le mot … nombre.

    Si le terme prend de l’ampleur auprès du grand public, c’est probablement parce que ces gens « copient » le langage des grandes compagnies … qui utilisent l’anglais pour communiquer.

  • Jib

    Merci pour cet article qui me conforte dans l’idée d’utiliser les expressions présence digitale ou stratégie digitale

    Quand une majorité parle de présence digitale ou stratégie digitale, je trouve alors que présence numérique ou stratégie numérique apparaissent désuets, même si le terme numérique aurait été plus approprié.
    Aujourd’hui, pour parler d’un courrier électronique, qui ose utiliser le mot courriel ?

  • Rhalph

    La différence entre e-mail/digital VS courriel/numérique, c’est que e-mail n’est pas ambigu en français.
    Pour ma part je suis parfaitement d’accord avec le commentaire de Grunt du 15 février 2015 à 11h19.

  • MrHaineux

    Comme beaucoup ce mot digital m’énerve simplement parce qu’il est le fruit de ces petits génies du marketing qui sont à mon goût beaucoup trop présents dans nos vies pour (en parlant simplement) vendre de la merde à prix d’or.

    Je n’ai pas lu l’article en entier. Voir qu’on pouvait être « docteur en sciences du langage et en sciences de la communication » spécialisé dans le « branding » m’a définitivement tué… Quel gachis.

  • Vienne

    Je préfère en tant que matheux numérique que digital. Numérique fait penser à nombre et digital à doigt. L’informatique utilise la base 2 un nombre! 2 n’est pas digital !

  • Marie AWM

    Vous vous prenez la tête pour deux mots qui veulent, approximativement, dire la même choses alors qu’une réforme de l’orthographe et du vocabulaire de la langue française vient de passer au gouvernement, ça s’est une catastrophe pour l’image de notre si riche langue de molière.

    Au fond qu’on utilise numérique ou digital, chacun sa propre opinion, mais il vaudrait mieux d’abord se battre pour faire en sorte de garder notre langue française en état, avant de débattre pour des broutilles comme celle-ci !

    Sur ce, bonne journée, je conserverai mon propre avis pour moi concernant la question du choix entre numérique et digital pour ne pas éveiller l’esprit de contradiction de certains.

  • Lionel

    L’utilisation de digital à la place de numérique est clairement du bullshit marketing. Ce n’est pas choquant d’utiliser un mot anglais du moment où on n’a clairement pas l’équivalent dans notre langue (on peut garer sa voiture dans le parking pour le week-end), et aussi à condition que le mot n’existe pas déjà avec une signification différente. Or digital existe déjà et signifie ce qui se rapporte au doigt.

    L’usage de digital résulte simplement une fainéantise qui consiste à ne pas traduire un mot car si un grand nombre le fait, on arrive à se faire comprendre.

    Je m’inquiète de ce genre de dérive, car l’usage ne doit pas dévoyer la bonne pratique. Bientôt on réformera pour que « c’est trop bien » devienne la norme.

  • Hervé

    L’étymologie ne dit pas tout, mais en l’occurrence, quand on rappelle qu’en anglais « digital » vient de « digit », le chiffre, il ne s’agit pas d’étymologie mais simplement du sens des mots. Parler d’étymologie dans ce sens, c’est aussi bête que de croire qu’on fait de l’étymologie en rappelant que « numérique » fait référence à « nombre ».

    En l’occurrence, les personnes invitées à discuter du sujet n’apportent aucun autre argument que le fait établi : l’usage est répandu, DONC on dit les deux. Certes, mais ça ne retire rien au fait qu’employer « digital » en français est à la fois un contre-sens énorme et un barbarisme absolu. Le mot « numérique » est un mot français, le mot « digital » est un mot français. Ce constat suffit à nous faire privilégier le mot français quand on parle français.

    L’emploi de « digital » (et encore plus dans ses versions accordées) relève à la fois de la paresse et de l’ignorance. Beaucoup de gens se croient bilingues (et s’autorisent à l’inscrire sur leur CV) parce qu’ils baragouinent trois mots en anglais. Ils ne se rendent pas compte des fautes qu’ils commettent aussi bien en anglais qu’en français et se retrouvent à parler, en entreprise, une langue mixte horrible qui n’a de sens dans aucune des deux langues. L’important est bien sûr que, à l’intérieur d’une même entreprise, on parle un jargon commun afin de se comprendre, mais il y a des limites. « Numérique » est très répandu et a l’avantage d’être correct. L’utiliser ne pose aucun problème de compréhension et utiliser « digital » n’apporte strictement rien.

    En français, utilisé dans ce contexte, « digital » n’a pas le moindre sens. Quand l’un des deux intervenants nous affirme avec aplomb que « digital » s’utilise pour un site web (en réalité site Internet, au passage) ou une application mobile alors que »numérique » s’utilise pour parler d’une entreprise, d’où sort-il cela ? C’est de l’invention pure, une estimation au doigt levé, du grand n’importe quoi. À la limite, on pourrait se dire que les gens qui travaillent dans le marketing aiment davantage se la raconter en utilisant des mots anglais qu’ils ne maîtrisent pas et préfèrent donc « digital ». Je ne vois pas d’autre explication, et celle-ci n’est pas franchement glorieuse.

    De même, quand notre intervenant affirme qu’on ne peut employer « numérique » parce que « numérique est polysémique », c’est un non-sens total : les mots de la langue française sont, dans leur immense majorité, polysémiques, ça ne peut absolument pas être un argument pour préférer un mot à un autre ! Prenons l’exemple de « digital ». Le mot signifie 1- qui a la forme d’un doigt (en anatomie), et 2- relatif au doigt, qui fait partie du doigt. C’est un mot polysémique… mais « numérique » ne fait pas partie des sens possibles de ce mot !

    Ce genre de considération montre bien que les intervenants de cet article n’ont absolument rien d’experts et ne maîtrisent pas le sujet. Je suis d’accord avec eux sur le fait que l’avis de l’académie française, qui est normatif, n’est pas particulièrement intéressant en soi, mais il convient quand même de rappeler qu’une faute, même largement répandue, reste une faute. C’est particulièrement aberrant quand il existe déjà un mot en français qui correspond parfaitement à l’usage voulu.

    Dans les commentaires, l’avis de l’ingénieur des DSP est absurde. Oui, « numérique » peut s’utiliser par opposition à « analogique ». Et ? Là encore, c’est une croyance selon laquelle un mot ne peut avoir qu’un usage, alors que le propre d’un mot est d’être polysémique. « Numérique » peut s’utiliser par opposition à « analogique » ET être pertinent pour traduire le mot anglais « digital ». Il n’y a là aucune contradiction.

    Enfin, le commentaire de Michelle Blanc, québecoise, m’a beaucoup fait rire. Il faut vraiment être québecois pour faire semblant de ne pas comprendre que les anglicismes sont infiniment plus répandus dans le langage courant au Québec qu’en France ! Au Québec, il arrive fréquemment qu’une personne demande à une autre si elle a « watché la game hier soir »… c’est strictement et totalement impossible d’entendre ça en France. Le français du Québec s’imprègne (et c’est logiquement) de l’anglais infiniment davantage que le français de France. Il est donc davantage nécessaire, au Québec, de lutter contre les anglicismes. Dire que les anglicismes sont plus présents en France qu’au Québec est tout simplement risible.

  • paccioni

    Bonjour
    Les linguistes aiment à instiller des nuances là où il n’y en a jamais eu pour justifier l’emploi d’un terme anglo-saxon qui fait redondance. Si numérique avait un champ sémantique différent, décalé ou plus large que digital, peut-on me dire comment les anglophones marquent cette nuance ? En réalité ils ne la font pas et ne s’en portent pas plus mal.
    J’ajoute que je suis étonné de lire que digital est ancien (1970?) ; pour ma part, j’ai toujours entendu « numérique » et « digital » en français est d’apparition récente. Mais comme le dit un commentateur « numérique » fait has been comme tout mot français, selon la doxa des agences de Com qui ont bien plus de pouvoir que la Cadémie (comme la nommaient tant Condé que San Antonio).
    A propos de choix des termes, savez-vous qu’il est désormais de bon ton de dire « wording » au lieu de « terminologie » ou de « formulation » ?
    Francis

  • JF

    Pas banal de la part de ces experts que de conspuer des usages prétendument rétrogrades de « numérique » au motif que l’usage prime, puis de préconiser une opposition en français entre « numérique » et « digital » d’après leur propre sentiment qui n’est ni techniquement justifié, ni évident en termes d’usages. Le tout, pour encourager un sens nouveau pour le terme « digital »… alors que la polysémie de « numérique » leur apparaît comme génératrice de flou !

    Il n’y a pas besoin de convoquer des concepts extraordinaires pour comprendre le fond du problème: « digital= numérique » est juste un faux-ami. Les définitions de « digital » en anglais et de « numérique » en français se confondent, pas celles de « digital » dans chacune de ces deux langues. Là où d’autres termes n’ont également pas été traduits ou sans succès (web, e-mail…), le problème que pose « digital » est qu’il existe déjà en français, avec un autre sens. C’est d’ailleurs aussi pour ça qu’il est directement transposé en français sans réfléchir, justement parce que c’est naturel… parce que ça sonne français. C’est pour la même raison qu’on entend de plus en plus aujourd’hui l’expression « adresser un problème » (horresco referens), alors qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de dire « on va coper avec ces difficultés », quand bien même « to cope with a problem » est sémantiquement équivalent à « to address a problem ».

    L’argument-repoussoir de l’anglophobie de l’Académie (ou des gens qui sont d’accord avec elles, on l’aura compris) est fallacieux: je suppose qu’aucun de nos deux experts ne se pique de dire « computer » plutôt qu’ « ordinateur » au prétexte que franciser des termes est une pratique d’arrière-garde, et qu’on se retrouverait soudain à la ramasse de la #RévNum parce qu’on aurait la bêtise de ne plus se faire comprendre du reste du monde en employant (…dans notre langue) des termes non-directement transposés depuis la nouvelle lingua franca ? Les Allemands disent bien « Computer » sans complexe, eux ! (mince, on me glisse dans l’oreillette que ces provinciaux du langage universel ont inventé « Handy » pour dire « portable », pardon, je voulais dire cellphone).

    Bref, la question sémantique n’épuise pas ici la question linguistique, qui est aussi, voire avant tout, sociologique. Anthony Mathé en particulier défend le « sociolecte » (pour ne pas dire le jargon, en français courant) de ses patrons parce qu’il lui est devenu naturel, et qu’il connaît un certain succès hors de son cercle initial. Cela ne veut pas dire que ce soit la meilleure option pour l’intelligibilité du français, et cela ne veut (heureusement) pas dire que cette bataille est déjà perdue hors du milieu du marketing.

    PS : merci au BdM d’avoir permis ce débat, auquel je participe malheureusement de façon asynchrone…

  • Swann

    Eh bah voilà, dès qu’on demande l’avis à des linguistes, on a tout de suite des avis pertinents :D. Merci pour cet article

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