Environnement La flore s’appauvrit en Alsace

Une nouvelle liste rouge des espèces végétales menacées en France vient de paraître. En Alsace, le Conservatoire botanique s’inquiète de constater qu’une quinzaine d’espèces, déjà sur la liste rouge publiée en 2013, ont régressé fortement ou disparu.
L'Alsace - 29 janv. 2019 à 05:00 - Temps de lecture :
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Au lendemain de la 4e  marche pour le climat, un nouveau signal d’alerte est donné. Pour la première fois, le risque de disparition de l’ensemble de la flore vasculaire – groupe qui rassemble l’ensemble des plantes à fleurs, des fougères et des conifères recensés en France métropolitaine – a été évalué (*). Les 4 982 espèces de plantes indigènes ont fait l’objet d’un examen approfondi, conduisant à la parution d’un nouveau chapitre de la liste rouge des espèces menacées en France. Les résultats montrent que 15 % des espèces encourent un risque de disparition, soit 742 espèces de plantes classées « menacées » ou « quasi menacées ».

L’Alsace n’est pas épargnée comme le constate Corinna Buisson, directrice du Conservatoire botanique d’Alsace. « Deux espèces n’existent plus en France que dans deux stations en Alsace centrale, relève-t-elle. Il s’agit du sélin douteux, ou Kadenia dubia , à Herbsheim, et de l’ail odorant, ou Allium suaveolens , à Ohnenheim. » Ces deux plantes sont des espèces de prairie qui apprécient les sols pauvres non fertilisés. «  Or l’agriculture intensive mais aussi l’urbanisation croissante ont réduit les espaces propices à leur développement », indique la directrice.

Un effet domino

Si ces plantes survivent encore, c’est grâce à l’action du Conservatoire botanique d’Alsace. « Mais on pensait qu’il restait davantage de stations, soupire Corinna Buisson. En ce qui concerne l’ail odorant, à la fin des années 1990, il restait encore trois sites… Aujourd’hui, il n’en reste qu’un ! » Et si sur ce dernier site, on a dénombré plusieurs milliers de pieds, il n’en va pas de même pour le sélin douteux, qui ne survit plus que dans une petite poche.

Une autre plante est en régression forte en France : la véronique à longue feuille ( Veronica longifolia ) dont les dernières stations sont essentiellement en Alsace. « Il en existe encore huit car cette plante est une espèce liée au milieu rhénan. L’Alsace a la responsabilité de la préserver ! On ne baisse pas les bras, on peut encore restaurer sa viabilité. »

Pourtant, l’urgence se fait sentir : le conservatoire a étudié il y a quelques années une quinzaine de sites en zones humides pour y recenser des espèces locales menacées. « Cette étude a donné lieu à la publication d’une liste rouge de la flore d’Alsace en 2013. Nous sommes retournés sur ces sites de 2016 à 2018 et nous avons constaté une très forte régression, de 70 à 100 % ! », note Corinna Buisson . Sur ces sites historiques, les espèces ont donc disparu ou survivent à peine.

Agriculture intensive et urbanisation

À partir de la liste rouge établie au niveau national, le Conservatoire botanique d’Alsace va évaluer combien d’espèces en danger se retrouvent en Alsace. Car ce ne sont pas seulement des espèces de plantes qui disparaissent individuellement, mais des fractions d’écosystèmes dans lesquels prospèrent d’autres espèces, dont des insectes.

Or la disparition de ces plantes risque de mettre en danger aussi les autres acteurs de ces écosystèmes, pouvant entraîner un effet domino potentiellement dévastateur. « On connaît des insectes qui interagissent seulement avec un type de plantes hôtes , reprend Corinna Buisson. Nous devons poursuivre des recherches pluridisciplinaires avec des entomologistes pour avoir une connaissance plus fine de ces interactions. » Problème : le manque d’entomologistes et la faiblesse des moyens pour mener ces recherches.

Cette régression de la biodiversité, qui ne concerne pas seulement la flore vasculaire, mais aussi les insectes, la petite faune, les oiseaux et la microfaune et microflore des sols, peut être freinée. Pour la directrice du Conservatoire botanique d’Alsace, il faut d’abord changer collectivement, car « l’agriculture intensive, notre mode de vie et l’urbanisation effrénée détruisent la nature ». Au niveau individuel, chacun peut aussi agir, « en achetant des produits issus d’une agriculture raisonnée et sans pesticides ». Geneviève DAUNE

(*) Ce travail a associé le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN France), la Fédération et le réseau des conservatoires botaniques nationaux, l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). L’ensemble de la liste rouge sur le site : www.conservatoire-botanique-alsace.fr