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Le mémorial de mots de Nathalie Léger pour Pippa Bacca

Avec « La Robe blanche », Nathalie Léger se saisit du destin de l’artiste italienne tuée sur la route de Milan à Jérusalem en 2008. Mémorial pour les femmes violentées.

Par  (Collaboratrice du « Monde des livres »)

Publié le 23 août 2018 à 07h00, modifié le 23 août 2018 à 09h31

Temps de Lecture 3 min.

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La Robe blanche, de Nathalie Léger, P.O.L, 140 p., 16 €.

Un portrait de Pippa Bacca tenu par une personne présente à ses funérailles, le 19 avril 2008 à Milan.

Il y a toujours une image à l’origine d’un texte de Nathalie Léger. Celle, glacée, sans cesse démultipliée, de la comtesse de Castiglione dans L’Exposition (P.O.L, 2008) ; celle d’une silhouette se détachant de l’obscurité au cours du film Wanda, de Barbara Loden, dans Supplément à la vie de Barbara Loden (P.O.L, 2012). C’est à nouveau le cas avec La Robe blanche, qui annonce dès l’ouverture du récit : « Tout tient peut-être à cette grande tapisserie accrochée dans la salle à manger et surplombant nos repas, L’Assassinat de la dame (…). » Réalisée d’après l’un des panneaux peints par Botticelli pour la commande d’un cadeau nuptial, elle représente une femme poursuivie le long d’un rivage par « un cavalier en armes accompagné de chiens hurlants ». Au fond, la fuite ; devant, le meurtre.

Des noces, une femme sacrifiée, deux éléments que l’auteure aura justement retrouvés dans le fait divers qui est au centre de son quatrième livre : le 8 mars 2008, une artiste italienne de 33 ans surnommée Pippa Bacca partait de Milan vêtue d’une robe de mariée pour rejoindre Jérusalem en auto-stop, en passant par les Balkans, la Bulgarie, la Turquie, la Syrie, la Jordanie et le Liban – espérant que la traîne de sa robe efface les horreurs de la guerre. A son retour, la robe, salie par le voyage, devait faire l’objet d’une exposition. Mais le 31 mars, Pippa est violée et tuée à quelques kilomètres d’Istanbul.

Endosser le chagrin et la douleur d’autrui

Ce qui a intéressé Nathalie Léger est moins l’intention de l’artiste, « la grandeur de son projet ou sa candeur, sa grâce ou sa bêtise », que le fait qu’elle ait cherché, par son voyage, à réparer quelque chose de démesuré et qu’elle n’y soit pas parvenue. Car tel est le cœur du texte : la possibilité ou pas d’endosser, comme on passe une robe, le chagrin et la douleur d’autrui pour tenter d’y remédier. Peut-il seulement exister une réparation ? Pour ces populations meurtries par la guerre, à travers l’entreprise de Pippa ? Pour Pippa elle-même, à travers celle de Nathalie Léger ?

C’est là l’un des enjeux du récit, le rapprochement des travaux de l’artiste et de la romancière, que sous-tend une question essentielle : l’art est-il capable de rendre justice ? « A peine ajuster, voilà, ça oui, ça l’écriture peut le faire », répond l’auteure. Rendre à sa juste dimension ou place, donc, à défaut de rendre justice. Car « même quand les artistes sont maladroits (…), les performances disent obstinément quelque chose de vrai ». De maladresse, il est faussement question dans La Robe blanche. Dès le départ, Nathalie Léger feint d’être empêchée dans son projet d’écriture par sa propre mère, cette autre figure meurtrie, au sens figuré cette fois. Une mère à qui tout a toujours été refusé, à commencer par le droit de se défendre lors d’un procès qui l’opposait à son époux, et qui demande sans cesse à sa fille, prise « dans la traîne de cette tristesse », de la venger.

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