C'est un trou de verdure où chante une rivière, que l'on voit de la Transbigoudène, en direction de Quimper. Un ensemble de hauteurs blanches, comme la poudre qu'il fabrique, complété, au fur et à mesure qu'il se fait visible par la route des Châteaux, par de vieilles pierres. C'est la minoterie du Moulin de l'écluse. Aux manettes, la SARL Émile-Le Rhun, PME familiale comptant cinq salariés dont quatre membres de la même famille. D'eux, les meuniers n'aiment pas parler. « Comme on dit, vivons heureux, vivons cachés ! », sourit Isabelle Le Rhun. Son mari, Arnaud Le Rhun, 49 ans, représente, avec Pierrick, son frère aîné de 56 ans, la troisième génération du Moulin de l'écluse. L'histoire commence en 1933. La famille Larnicol achète le moulin, dont l'existence remonte à loin. « On a trouvé une pierre datée de 1776, pose Pierrick Le Rhun, le gérant. Mais on sait qu'un moulin existait déjà à cet endroit à la fin du XVIIe siècle, il appartenait à l'abbaye de Kernot, à Quimper ».
Une « Bigoudenne » de 45 ans
En 1958, Monique, la fille du meunier Larnicol, orpheline, reprend l'exploitation avec Émile Le Rhun, son mari. Ensemble, ils se retroussent les manches, modernisent la minoterie. Ils s'équipent de plansichters*, se lancent, avant de mettre sur pied une aire de stockage sur le côté, dans la création d'une marque, la « Bigoudenne ». La Bigoudenne ? Le produit phare de la SARL. De la farine de blé noir puis de froment que l'on retrouve depuis 45 ans, dans la plupart des pâtes à crêpes et pains de Cornouaille. « Sans compter les grandes surfaces », note Pierrick Le Rhun, au moulin depuis 1982-83, bien que « dans la farine depuis tout petit ». Ce n'est cependant pas le plus gros de leur activité, l'artisanat constituant leur poste de vente principal. Et cela leur tient à coeur. « On travaille toujours à l'ancienne, avec la meule et le moulin à eau », relate Pierrick Le Rhun, laissant entrevoir des doigts blanchis.
Améliorer l'existant
« Bien sûr, on n'est pas resté à l'âge de pierre. Mes parents ont développé l'affaire, ont su quand investir. On ne fait que passer ! Alors on essaie d'améliorer au fur et à mesure, tout en gardant la fibre artisanale ». Pour l'artisanal, s'en veulent pour preuves les plansichters datant des années 50, toujours en fonction, à l'étage, de l'autre côté du bâtiment de 300 m² et de trois étages. Et le bruit est assourdissant. « Elles sont fiables, sourit le patron. C'est de la mécanique, pas de l'électronique. Dans les grands moulins, il est possible de traiter la farine. Ici, nous sommes des artisans. Le traitement s'effectue de manière mécanique ».
Le champ des possibles
Les frères aussi apportent de l'eau au moulin. Voilà quelques années qu'ils produisent, outre la farine issue de l'agriculture raisonnée, de la farine bio, pour laquelle la demande est grandissante. Et les commandes, prises par Isabelle, à l'accueil de ce qui était, jusqu'à l'ouragan de 1987, la « Maison du meunier », vont bon train. À côté, Monique Le Rhun. Comme son mari, elle vient tous les jours ou presque, pour discuter, pour aider. « C'est l'histoire de ma vie, ça a été mon gagne-pain. J'ai repris à 19 ans l'activité ! », lance-t-elle. Son fils aîné, réagit, en aparté : « Ils ne le disent pas, mais ils sont fiers que l'activité perdure. Nous, on espère qu'Aurélien, mon neveu, reprendra le flambeau, pour une 4e génération ». * « Machine généralement utilisée dans les moulins et minoteries permettant la séparation des différents finots, semoules et farines par blutage ». Source Wikipédia