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Libération
Interview

Atika El Bourimi. Etudiante en doctorat de droit privé international, 25 ans. «J'ai le sentiment d'être une cible vivante»

par Pierre DAUM
publié le 1er juin 2005 à 2h25

On peut comprendre la rage de nombreuses personnes ici : deux meurtres d'affilée, en sept jours, plus huit blessés à l'hôpital : au bout de combien de morts va-t-on commencer à protéger les Maghrébins comme les autres ? La semaine dernière, à Béziers, un hadj, sur le chemin de la mosquée, s'est pris un coup de couteau gratuit. Et après, on s'étonne que certains pètent les plombs. Lors des émeutes dimanche soir, 47 jeunes se sont retrouvés en garde à vue et risquent des peines de prison ferme. Les sanctions qui tombent à Perpignan sont les plus lourdes de toute la France.

Mille CRS dans les rues de Perpignan, ça rassure, mais ça ne protège pas des tirs isolés venus des balcons. C'est ça le plus horrible : quand je marche dans les rues de Perpignan, je n'arrête pas de regarder partout, j'ai le sentiment d'être une cible vivante. D'autant plus que la solution des CRS n'est pas éternelle. Quand ils vont partir et que les gitans vont revenir, que va-t-il se passer ?

Chez les Maghrébins, l'éducation joue un rôle très important. Les gitans, eux, n'attachent aucune importance à l'instruction. Depuis la petite école jusqu'à l'université, je n'ai connu qu'une seule élève gitane. Et encore, elle était issue d'un couple mixte. Or, que trouve-t-on dans l'ignorance ? Le néant.

La majorité de la communauté maghrébine cherche la paix. Et cette paix, malgré l'assassinat de Mohammed Bey Bachir, on pensait l'avoir retrouvée dimanche. J'habite près du quartier Saint-Jacques. Sur le marché de la place Cassanyes, j'ai vu des gitanes qui se remettaient à discuter avec leurs voisines maghrébines : «Boun Deu que es bien, hay el calm premier jour !» (Bon Dieu que c'est bon, c'est le premier jour de calme) ! Le second meurtre, le soir même, a tout fait basculer.

Mais le problème de fond, ça reste l'état des logements de Saint-Jacques. Moi, même si on me donnait gratuitement un appartement là-bas, je refuserais. Comment la République française peut-elle laisser vivre des êtres humains dans des logements aussi insalubres ?

Photos : christian bellavia

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