Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Farouk Saad en parle ... et en écrit La calligraphie arabe, toute une épopée.. (photos)

La calligraphie arabe compte des amateurs passionnés. Farouk Saad, juriste de métier, en est un. Il s’est penché sur la chronologie, les caractéristiques et les digressions de cet art multiforme. Il publie aujourd’hui un ouvrage illustré, de 252 pages, «Rissala fil khatt wa bari al kalam». Il se base essentiellement sur un manuscrit d’Ibn al-Sayegh, un des grands maîtres de la calligraphie de l’Egypte du 12e siècle.
\
Une légende prétend qu’Adam le premier homme avait tracé toutes les écritures sur des tablettes d’argile. Plus tard lors du Déluge, les eaux ont éparpillé les tablettes où se trouvaient consignées toutes les formes d’écriture. Plus tard, lorsque les eaux se sont retirées, chaque peuple a pris une tablette... L’imagerie populaire élude ainsi, poétiquement, le problème épineux que posent la naissance et la diversification des différentes écritures humaines.
Farouk Saad a voulu pour sa part comprendre et retracer les origines de la calligraphie arabe. Quelle meilleure source que les anciens maîtres chargés par les potentats de se consacrer à l’enseignement de leur art. Ces incitateurs livraient à leurs disciples des clés, certains principes, certaines règles, pour le dessin de chaque lettre.
De ces pionniers on peut citer Cheikh Zein el-Din Abdel Rahman Ibn Youssef ou Ibn Ali al-Nassiri connu aussi sous le nom de Ibn al-Sayegh en référence au métier de son père.
Ce scribe fameux, né en 769 de l’hégire (1367) au Caire, s’était mis à l’école d’Ibn Bawwab et d’Ibn Mokla.
«Il a mis noir sur blanc les codifications de l’écriture arabe, ses caractéristiques et ses différentes écoles. Il fut le premier instituteur à décerner un certificat d’étude à ses élèves», souligne Farouk Saad qui a puisé sa documentation dans les bibliothèques, les musées et les archives du Caire.
«Les Arabes, ajoute-t-il, ont fait de l’écriture un art complexe, avec des chicanes et des subtilités formelles qui confinent au dandysme». «L’histoire de la calligraphie arabe est pleine de ferveur, d’inventions, de fignolages et... d’hérésies. Elle aboutit à un répertoire d’écriture d’une incroyable richesse dont les deux pôles sont la stylisation et une extrême complication», dit-il.
L’ouvrage souligne que la calligraphie a été ressentie comme un fait esthétique à tel point que beaucoup n’ont pas hésité à utiliser certaines lettres comme figures de rhétorique ou termes de comparaison. Ainsi la lettre «l» a fourni l’image poétique de deux bras qui s’enlacent. La lettre «m», qui est la première du nom du Prophète, a été utilisée par les soufis dans des équivalences mystiques. La lettre «s», qui s’écrit en arabe à l’aide de trois petits crochets, a été comparée aux dents que cachent les lèvres de la bien-aimée. Et ainsi de suite...

Ouverture

«La calligraphie arabe n’a jamais pu vivre en vase clos, fermée sur elle-même, souligne Saad. Aux premiers temps de son existence, elle devait puiser aux courants souterrains mais encore vivaces du syriaque, natif de la même terre, nourri de la même sève et ayant fertilisé le même limon de ses épanchements sémantiques. Aux époques de l’expansion musulmane, la calligraphie arabe subit la fascination de la calligraphie chinoise, si proche et pourtant si différente. A l’autre extrémité de sa propagation, elle connut la richesse des signes et des symboles des civilisations noires... A chaque rencontre, la calligraphie arabe accepta le dialogue, s’irrigua de bienfaits de l’échange et donna, en retour, aux autres arts, une part d’elle-même, rendant ainsi ses propres valeurs plus largement conviviales».
D’après les illustrations figurant dans l’ouvrage, on constate que les calligraphes arabes n’ont pu résister longtemps à la tentation du figuratif. D’abord ils se sont attaqués aux objets inanimés. Leur graphisme agile s’est fait lustre, vase, poire, candélabre, nef, mosquée même. Ensuite, ils en sont venus à figurer des êtres vivants: oiseaux parcourus d’étranges nervures, lions à robes tachetées, chevaux ailés, tout un bestiaire calligraphique. Enfin, suprême degré de l’escalade, trois ou quatre mots leur suffisent pour reproduire la figure humaine. La calligraphie, art du signe et de l’essence, parachevait ainsi son paradoxe en devenant une concrétisation, par l’image, de l’apparence...

Origines multiples

Quelles sont les origines de l’écriture arabe?
«Les théories épigraphiques sont multiples et le plus souvent contradictoires. L’une des principales fait tout remonter à l’écriture araméenne dont serait dérivée l’écriture nabatéenne et l’écriture arabe ancienne qui devait assez rapidement la supplanter».
«L’examen attentif des restes archéologiques ou épigraphiques, dit encore Saad, montre qu’il dut y avoir une assez longue période de gestation avant que l’écriture arabe ne puisse dégager, puis codifier ses caractéristiques propres. Un vieux fonds de différentes influences (himyarite, sabéenne, syriaque, nestorienne, hébraïque, et même axumite) a pendant longtemps perturbé la coagulation sélective des éléments araméens et nabatéens qui devaient donner, en définitive, l’écriture arabe ancienne avec ses genres variés: Koufi mecquois, de Hérat, etc.»
«Les Arabes, rappelle l’auteur, ont institué des règles strictes pour une raison toute simple: ils voulaient préserver leur écriture de toute influence étrangère».
Explication: aux premiers temps de la Révélation coranique, l’écriture, encore rudimentaire, s’était imposée comme un moyen de conservation et de mémorisation.
Au cours de cette aube, les caractères employés furent d’abord le Koufi à l’allure archaïque, ensuite, plus timidement, le Neskhi.
Une seconde étape du développement de l’écriture allait, bien vite, apparaître sous le poids des nécessités. Avec l’expansion de l’islam, les distances grandissaient. Pour mener à bien la marche conquérante de l’islam, pour coordonner le mouvement des troupes, donner des instructions aux représentants du pouvoir central, il fallait recourir aux missives écrites et paraphées à la hâte, selon les nécessités du moment. Ce facteur allait imposer d’une façon définitive l’écriture comme moyen de communication et de diffusion.
L’expansion de l’islam faisait affluer au sein de la nouvelle religion des ethnies différentes avec leurs coutumes, leurs langues et leurs traditions spécifiques. Le danger était grand de voir se réaliser une aculturation préjudiciable à la sacralité de la langue du Coran, cette prestigieuse «lougha». Il fallait à tout prix éviter le gouffre du «tahrif» de l’atteinte à la pureté originelle de la langue.
«C’est pour cette raison que dès les Omeyyades et plus encore sous les Abbassides, on inventa des systèmes de codifications destinés à maintenir l’écriture et, par voie de conséquence, la langue dans son intégrité. Il fallait élever de solides barrières pour éviter toute contamination..»
Aujourd’hui, indique encore l’expert, la peinture arabe se réapproprie volontiers la lettre et intègre dans ses compositions l’essence de l’art calligraphique des ancêtres. La calligraphie arabe trouve dans de tels travaux une seconde jeunesse et participe ainsi à la grande geste contemporaine des travaux et des jours...
M.G.
La calligraphie arabe compte des amateurs passionnés. Farouk Saad, juriste de métier, en est un. Il s’est penché sur la chronologie, les caractéristiques et les digressions de cet art multiforme. Il publie aujourd’hui un ouvrage illustré, de 252 pages, «Rissala fil khatt wa bari al kalam». Il se base essentiellement sur un manuscrit d’Ibn al-Sayegh, un des grands maîtres de la...