LABELLE (Jean-Marie). — La réciprocité éducative. — Paris : PUF, 1996. — 312 p. (Pédagogie aujourd'hui).
La thèse d'état dont ce livre est la publication ajoutait au titre de « la réciprocité éducative » : contribution à une andragogie de la personne. Ce sous-titre a disparu. Cette disparition est compréhensible dans une collection qui s'intitule « Pédagogie aujourd'hui ». Mais elle estompe cependant la visée d'ensemble de l'ouvrage qui n'est pas seulement de construire le concept de réciprocité
tive, mais aussi de la penser comme l'un des fondements théoriques de l'éducation des adultes. Fondement théorique majeur pour étayer un art et une science spécifiques de cette éducation : l'andragogie. Monsieur Labelle ose se poser, avec ces 2 concepts, comme un des premiers architectes hexagonaux de cette spécification théorique de l'éducation des adultes « est-il possible de fonder l'andragogie sur le principe de la réciprocité éducative ? » (p. 2). Le livre présente donc une recherche fondamentale ambitieuse de première importance.
L'auteur est conscient de l'adoption, à reculons en France, du terme d'andragogie né en Allemagne au milieu du XIXe siècle et qui s'est développé en Europe centrale et en Amérique du Nord dans la lre moitié du XXe. Il est aussi averti que si la réciprocité est un thème aussi ancien que l'éducation, le terme lui-même ne figure pas comme mot-clef dans le récent Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation (1994).
Le sous-développement théorique de ces deux termes dans les sciences de l'éducation françaises conforterait en creux la thèse de M. Labelle. Il est conduit à travailler ce creux par sa pratique d'enseignant aux frontières : nationale d'abord, il enseigne à l'université de Strasbourg et il est professeur associé à l'Université de Montréal ; socio- institutionnelle ensuite, il est un pionnier de l'éducation des adultes à l'université et a publié dans les années 70 un des premiers livres sur leurs essais d'articulation : Université et éducation des adultes, Paris, Les éd. d'organisation, 1977. En andragogue précurseur, son ambition « est de ne pas séparer l'andragogie comme techné de l'andragogie comme logos » (p. 8). Il la réalise dans son parcours et elle structure la dynamique de son livre en 3 parties : dévoilement, paradigme, engagement.
La première partie, phénoménologique et historique, repère les traces de la réciprocité éducative dans les pratiques anciennes et actuelles de l'éducation, principalement des adultes. Traces lointaines mais ténues. « Les indices de l'existence à la fin du XVIIIe siècle d'une pratique pédagogique se référant explicitement à la réciprocité sont quasiment inexistants » (p. 73). Le substantif de réciprocité n'est apparu d'ailleurs en langue française qu'en 1729. Mais Labelle note que l'idéal associatif et la relation communautaire présidèrent à la création des universités et du compagnonnage. Au XIXe siècle, le mutualisme a profondément inspiré les émergences d'expériences éducatives avant leur trop grande institutionnalisation. Serait-ce pour contrer ce phénomène qu'au XXe siècle, le thème de la réciprocité animerait fortement l'Éducation nouvelle avec les notions de co- ou d'interéducation ?
Actuellement le Mouvement des réseaux d'échanges réciproques des savoirs, né à Evry dans les années 1980, est sans doute le premier à mettre en exergue ce qualifica-