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Biologie cellulaire

Jean-François Bach : "Nous assistons à une évolution défavorable en ce qui concerne les publications scientifiques"

L'immunologiste Jean-François Bach a présidé la commission d'enquête chargée d'évaluer certains travaux d'Anne Peyroche. Il a répondu aux questions de Sciences et Avenir.

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Jean François Bach

Jean-François Bach de l'académie des sciences.

© BENOIT TESSIER / POOL / AFP

L'Express a révélé un rapport accablant contre l'ancienne présidente par intérim du CNRS, Anne Peyroche, rapport selon lequel des résultats ont été falsifiés dans 5 des articles scientifiques qu'elle a co-signés, publiés entre 2001 et 2011. Ce document a été produit par un groupe d'experts présidé par l'immunologiste Jean-François Bach, membre de l'Académie des sciences, qui a répondu aux questions de Sciences et Avenir.

Sciences et Avenir : Pourquoi l’Académie des sciences a-t-elle été mandatée pour évaluer les travaux d’Anne Peyroche?

Jean-François Bach : Il faut bien préciser que ce n’est pas l’Académie des sciences qui a été sollicitée en tant que telle. Simplement, il se trouve que parmi les quatre membres désignés pour faire partie du comité d’experts chargé de vérifier cinq articles co-signés par Anne Peyroche, trois d’entre eux, dont moi, appartiennent à l’Académie. Si j’ai été choisi pour présider ce groupe c’est notamment parce que je suis membre du comité consultatif national d’éthique et que je me suis beaucoup impliqué depuis quatre ans sur le thème des publications scientifiques.

Comment s’est déroulée cette évaluation ?

Nous nous sommes réunis un certain nombre de fois durant trois mois. Nous avons écouté les protagonistes en prenant d’énormes précautions pour que cela soit fait de manière orthodoxe : nous les avons convoqués un par un, les avons écoutés longuement, tout en enregistrant leurs propos pour qu’on ne puisse être accusés d’écrire des choses qui n’avaient pas été dites, et puis nous avons rédigé ce rapport très détaillé que nous avons tenté de pondérer sur les conclusions en insistant beaucoup sur le fait que c’était un rapport d’étape.

Que manque-t-il à ce rapport ?

Un élément essentiel : l’audition de la principale intéressée. Cela n’a pas été possible pour l’instant étant donné qu'Anne Peyroche est en arrêt maladie depuis janvier. La dernière étape consistera donc à l’écouter. Malheureusement, nous ne savons pas du tout quand cela sera possible. Du reste, notre avis est uniquement consultatif. Et nous tenons à différencier ce qui relève de l’expertise scientifique et ce qui relève de la déontologie, des ressources humaines, du droit du travail, etc. En aucun cas, nous ne nous sommes permis de faire des jugements de valeur. Nous avons mis le doigt sur des inconduites scientifiques mais ce n’est pas à nous de dire ce qu’il faut faire pour sanctionner. Quelles seront les répercussions de ce travail ? Je ne sais pas et c’est une discussion qui ne relève pas de notre compétence de scientifiques. Je pense que ce genre de considérations doit relever d’un comité ad hoc, qu’il s’agisse d’un comité de déontologie ou de l’office de l’intégrité scientifique mis en place récemment (OFIS, créé en mars 2017. NDLR). 

Outre Anne Peyroche, plusieurs soupçons de malversation du même type frappent également Catherine Jessus (directrice de l’Institut des Sciences Biologiques) et Olivier Voinnet (CNRS, Ecole polytechnique fédérale de Zurich). Y aurait-il quelque chose de pourri au royaume de la biologie française ?

Il est important de dire qu’il ne faut pas généraliser. L’écrasante majorité des papiers publiés en science sont corrects. Mais, il est vrai que depuis quelques années, nous assistons à une évolution défavorable que nous avons d’ailleurs stigmatisée à l'Académie des sciences dans un communiqué publié avant même la sortie de cette affaire. Je suis dans le milieu scientifique depuis très longtemps puisqu’il vient de se passer 50 ans entre mon premier et mon dernier papier dans Nature... Or, au début de ma carrière, les chercheurs n’étaient pas obsédés par les grandes revues, ni par l’évaluation par les pairs. La pression n’était pas la même. Aujourd’hui un chercheur de 35 ans n’a qu’une idée en tête : publier dans une grande revue. Surtout en biologie. Et ce, avant même de se poser la question : est-ce que j’ai fait une grande découverte ou pas ?

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